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Si en délégant une fonction d'administration, le conseil d'administration se dé- dé-charge de l'exécution proprement dite de cette fonction, il ne peut se désintéresser

2. Les attributions non-délégables

Avant l'entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme, deux concep-tions sur les limites posées à la délégation des attributions du conseil d'adminis-tration s'opposaient. Se fondant sur une interprétation littérale de la loi, un premier courant de doctrine, plus ancien, distinguait la gestion, délégable en vertu de l'art. 717 aCO, et l'administration au sens strict, laquelle englobait toutes les autres fonctions d'administration énumérées par la loi (y compris la compétence résiduelle du conseil d'administration), qui ne pouvait être déléguéé001601Pour les autres auteurs, la distinction entre fonctions délégables et fonctions non-délégables devait se faire en fonction d'un critère qualitatif. Le conseil d'adminis-tration devait impérativement conserver ses tâches essentielles, celles qui

598 Voir notamment BôCKLI, Aktienrecht, no 1567, ainsi que GLAUS, notamment pp. 242 ss.

599 Voir ci-dessous, p. 208.

600 MEYER, pp. 28 à 33; F'ELBER, pp. 7 à 9; EIGENMANN, pp. 29/30; BÜRGI, ad art. 712, nos 18 à 20,

SCHULTHESS, p. 75.

601 Il est vrai cependant que certains de ces auteurs remettaient en question le caractère non délégable des attributions d'administration au sens strict aussitôt qu'ils l'avaient formulé en indiquant qu'il n'y avait pas de motifs raisonnables pour refuser la délégation de certaines attributions ou que des restrictions aussi importantes à la délégation ne tenaient pas compte des exigences et des réalités de la pratique (voir notamment EIGENMANN, pp. 30/31; BÜRGI, ad art. 712, nos 21 à 25).

justifiaient son existence en tant qu'organe obligatoire de la société anonyme602 Certains auteurs ajoutaient (à juste titre) que la détermination des tâches essen-tielles du conseil ne pouvait se faire abstraitement, mais seulement à la lumière des intérêts concrets en jeu et des circonstances du cas d'espècé03

Depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme, c'est le cata-logue des attributions inaliénables du conseil d'administration de l'art. 716a, al. 1er, dans lequel le législateur a voulu résumer les

«heute ais ausgesprochen zentral angesehene Verantwortungsbereiche des Spitzenorgans einer Aktiengesell-schafo>604,

qui est au centre de toute réflexion sur les limites à la délégation des fonctions d'administration. Cette disposition interdit au conseil d'administration de déléguer les trois

curae: cura in instruendo

(voir les art. 716a, al. 1er, ch. 1, ch. 2 et ch. 3),

cura in eligendo

(voir l'art. 716a, al. 1er, ch. 4),

cura in custodiendo

(voir l'art. 716a, al. 1er, ch. 5)605Elle leur interdit également de déléguer les attributions en relation avec l'assemblée générale (art. 716a, al. 1er, ch. 6) et la décision relative au dépôt de bilan (art. 716a, al. 1er, ch. 7)606

La détermination précise des fonctions non-délégables du conseil est rendue diffi-cile par le fait que la plupart des concepts utilisés dans le catalogue des attributions

602 Font notamment partie de ce courant de doctrine: SPIRO, Delegation, p. 4, pour lequel <es müssen somit alle diejenigen Delegationen ais von Gesetzes wegen unzuliissig angesehen werden, durch die der Verwaltungsrat sichjenes Minimums der Befugnisse begibt, dessentwegen der Gesetzge-ber ihn vorsieht und- zum Teil zwingend- normiert, oder die, anders ausgedrückt, nach der dem Gesetzezugrunde liegenden Konzeption der Aktiengesellschaftzu den spezifischenAufgaben des Verwaltungsorgans gehOren [. . .]•; HOLZACH, pp. 17/18, qui considère non délégables vdie Aufgaben, die das Wesen des VR ausmachen, ohne die er keine Existenzberechtigung hiitte•

ainsi que <die Aufgaben, die den VR selbst betreffen•. HORBER, Kompetenzdelegation, pp. 60 et 64 à 73, affirme que le critère du caractère essentiel des attributions d'administration est trop vague et suggère qu'une tâche ne peut être déléguée que si le conseil d'administration conserve des attributions suffisamment importantes pour faire face à ses obligations et être soumis au droit de la responsabilité anonyme; à notre sens, il utilise cependant le même critère que les autres auteurs en l'éclairant sous l'angle de la responsabilité qui doit rester au conseil.

603 SPIRO, Delegation, pp. 5 ss; H!RSCH, Responsabilité, p. 259; VISCHER, Delegationsmiiglichkeit, p. 350.

604 BùCKLI, Aktienrecht, no 1526.

605 Dans le même sens, BùCKLI, Aktienrecht, no 1567.

606 Pour une description des attributions de l'art. 716a, al. 1er, voir surtout BùcKLJ, Kemkompeten-zen. Voir aussi BùCKLI, Aktienrecht, nos 1525 à 1577, ainsi que les contributions de STùCKLI et T. STAEHELIN.

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inaliénables sont des notions indéterminées. L'ouverture de ces concepts résulte en partie de la nécessité de prendre en considération les circonstances du cas d'espèce607Il en va ainsi notamment pour les attributions de «haute direction»

et de «haute surveillance>>. Telle décision de prise de participation dans une société apparaîtra comme une décision stratégique, relevant de la haute direction, dans telle société, alors qu'il s'agira d'une décision de gestion dans telle autre société.

La haute surveillance dans une petite société qui emploie un directeur et trois employés est tout naturellement très différente de la haute surveillance d'une société multinationale, avec une direction très structurée et des milliers d'em-ployés. L'ouverture de ces concepts doit aussi permettre de faire la distinction entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas608Le législateur a expressément marqué cette distinction en utilisant le qualificatif «haute>> pour certaines attribu-tions («haute» direction et «haute» surveillance, qui doivent être distinguées de la «simple» gestion et surveillance). Il a fait figurer dans le texte légal certaines composantes de la haute direction (voir art. 716a, al. 1er, ch. 2, ch. 3 et ch. 7) et certaines attributions concernant la préparation de l'assemblée générale («établir le rapport de gestion») qu'il considérait vitales609Il ne fait cependant guère de doute que la distinction entre l'essentiel et ce qui ne l'est pas vaut aussi pour les autres attributions intransmissibles et inaliénables. Ainsi, dans le contexte de la préparation de l'assemblée générale, par exemple, le conseil d'administration doit décider de la proposition de distribution de dividende ou de la convocation d'une assemblée générale extraordinaire, mais il n'a pas à organiser matériellement l'assemblée générale. C'est surtout la distinction entre les tâches essentielles et celles qui le sont moins qui est difficile parce que les activités susceptibles de rentrer dans les attributions inaliénables du conseil d'administration sont plus ou moins importantes. Il incombe au conseil d'administration de déterminer si les compétences sont suffisamment importantes pour faire partie de ses attribu-tions.

607 Voir le critère des intérêts en jeu, ci-dessus, p. 163, ad nbp. 603.

608 Voir le critère du caractère essentiel de l'attribution non-délégable, ci-dessus, p. 163, ad nb p. 602.

609 Pour ce qui est des attributions mentionnées à l'art. 716a, al. 1er, ch. 3, BôCKLI, Aktienrecht, no 1555, observe que: «Die Aufziihlung des Gesetzes [. .. ] entspricht dem sonst extrem knappen Stil des Gesetzes nicht ganz. ln der Arbeitsgruppe von Greyerz herrschte aber der Gedanke vor, dass es sich hier um eine derartig wichtige Materie handelt, dass Hinweise auf das, was konkret zu tun sei, ais sinn vol/, ja dring li ch erschienen. •

Une deuxième difficulté provient de ce que le catalogue de l'art. 716a, al. 1er ne comprend pas une énumération exhaustive des attributions qui ne peuvent être déléguées par le conseil d'administration610En cours de travaux préparatoires, déjà, REYMOND avait relevé que, pour celui qui cherche à connaître les attributions que le conseil d'administration n'est pas autorisé à délégue~11, le projet d'art. 716a (qui, sur ce point, ne se distingue pas fondamentalement du texte finalement adopté par le législateur) était doublement insatisfaisant612• REYMOND montrait que non seulement cette disposition n'était pas exhaustive - elle ne comprenait pas, en particulier, les compétences non exclusives, mais néanmoins intransmis-sibles et inaliénables613, figurant aux art. 634a (appel des versements) ou 697, al. 3 (autorisation de consultation des livres et de la correspondance), mais qu'au surplus- compte tenu de l'option selon laquelle cette disposition devait énumérer les compétences du conseil d'administration qui sont à la fois intransmissibles et inaliénables- cette dernière ne contenait pas les attributions du conseil d'admi-nistration (telles, par ex., l'augmentation du capital- art. 650 et 651- ou l'inscrip-tion d'un acl'inscrip-tionnaire dans le registre des acl'inscrip-tions - art. 686 en relal'inscrip-tion avec art. 685 ss614) qui peuvent être transmises à l'assemblée générale mais non délé-guées à des organes subordonnés au conseil d'adrninistration61sti16La loi ne fournit

610 Voir à ce sujet ci-dessus, p. 15.

611 Ce qui est une indication indispensable lorsque l'on entend, comme le suggère le MESSAGE, no 215.2, se servir de l'art. 716a, al. 1er pour clarifier les responsabilités.

612 REYMOND, Réformes, p. 65.

613 REYMOND, Réformes, p. 65, parlait encore seulement d'attributions inaliénables; la notion d'attributions intransmissibles pour caractériser les attributions qui ne peuvent être transmises à l'assemblée générale n'a été introduite qu'en cours de travaux parlementaires (BOCE 1988 514/515).

614 Selon BôCI<LI, Aktienrecht, no 566, nbp. 44, qui se réfère à SPIRO, Delegation, pp. lss, cette attribution peut être déléguée. A noter toutefois que SPIRO, Delegation, pp. 7/8, n'envisage que la délégation de cette attribution à des administrateurs, non sa délégation externe.

615 REYMOND, Réformes, p. 65, désignait ces attributions «<es attributions inaliénables au second degré•.

616 Dans le même sens, mais en confondant le problème de l'énumération exhaustive dans la dispo-sition et celui de l'absence des attributions transmissibles mais non délégables, FORSTMOSER, Reformvorschliige, p. 72, nbp 36, pour lequel le catalogue du projet de révision devait être consi-déré comme non exhaustif au motif qu'il ne comprenait pas, en particulier, la compétence (qui ne pouvait pas être déléguée aux organes subordonnés au conseil) d'émettre du capital autorisé.

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en effet qu'un aperçu des fonctions qui ne peuvent être déléguées; elle ne contient ni un catalogue qui énumère toutes les fonctions qui ne peuvent être déléguées, ni même un critère qui permet de déclarer non délégables certaines attributions du conseil d'administration. On peut cependant déduire de l'art. 716a, al. 1er, dans lequel les attributions les plus importantes du conseil d'administration sont déclarées inaliénables, que le législateur s'est implicitement rapproché du critère qualitatif utilisé précédemment par la doctrine et supposer, en conséquence, que pour déterminer les attributions qui ne peuvent être déléguées, il faudra, comme par le passé, se demander si, au vu des circonstances du cas d'espèce et des intérêts en présence, la tâche considérée est si essentielle qu'elle doit être assumée par le conseil in corporé11

Il convient d'examiner si la délégation aux membres du conseil d'administration et la délégation à des tiers sont soumises aux mêmes limites. Dans cette perspec-tive, nous distinguerons le domaine des attributions intransmissibles et inaliénables de l'art. 716a, al. 1er, et les autres attributions du conseil d'administration. Le texte légal et les travaux préparatoires suggèrent que les mêmes limites sont applicables indépendamment de la qualité du délégataire. Selon l'art. 716a, al. 1er, en effet, les attributions énumérées doivent être réalisées par le conseil d'adminis-tration in corpore et toute forme de déssaisissement de ces compétences par le conseil d'administration est proscrite indépendamment de leur attributaire. De la même manière que cette disposition omet de distinguer les attributions intrans-missibles et les attributions inaliénables, elle ne fait pas de différence entre les attributions qui ne peuvent être déléguées à des tiers et les attributions non déléga-bles au sein du conseil. Dans les travaux préparatoires, il n'a jamais non plus été question d'une distinction entre les administrateurs et les tiers sur ce point.

L'art. 716a, al. 2, vient confirmer cette interprétation en n'autorisant que le recours à la répartition des attributions énumérées à l'alinéa précédent parmi les admi-nistrateurs, pris individuellement ou groupés en comités, mais non leur délégation

HORBER, p. 76, admet en revanche que le catalogue de l'art. 716a, al. 1er est exhaustif. Selon lui, la compétence d'émettre du capital autorisé ainsi que d'autres compétences non délégables peuvent être subsumées dans les compétences figurant dans le projet d'art. 716a, al. 1er.

617 Voir ci-dessus, p. 163, ad nbp. 602.

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