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NAMIKI SÔSUKE : VIE ET ŒUVRES

2. Le jeune Sôsuke

2.1 Naissance et période comme religieux zen

Un calcul basé sur l’année de son décès et son âge à ce moment nous permet de déduire que Sôsuke naquit en 16954. Son lieu de naissance et sa maison d’enfance restent incertains, mais

parmi les différentes possibilités figurent la ville d’Ôsaka, où il vécut de l’âge de 32 ans jusqu’à

Kenkyû 国文学研究, vol. 13, 1956, p. 94. On trouve les poèmes de Sôsuke dans deux recueils de haikai : Kakurenbo かくれんぼ (Cache-cache, 1747) et Zuda-bukuro 頭陀袋 (Le Sac fourre-tout, 1751).

4. Il décéda en 1751 à l’âge de 57 ans. Nous employons ici le système d’âge traditionnel utilisé dans l’Asie

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son décès, et la province de Bingo 備後, partie orientale de l’actuel département de Hiroshima, où il vécut un temps comme religieux5. On ignore également sa classe sociale, mais la voie

qu’il suivit en tant que religieux, ainsi que les détails stylistiques de ses œuvres, laissent supposer qu’il bénéficiait d’une bonne éducation, ce qui lui permettait de lire beaucoup6. Son

enfance et son adolescence coïncidèrent avec la fin de l’ère Genroku 元禄 (1688-1704), grande époque de la culture populaire. L’attaque sans précédent de la résidence de Kira Yoshinaka 吉 良義央 (1641-1702) par les quarante-six rônin 浪人, samouraïs sans maître, d’Akô 赤穂 (l’un des quarante-sept rônin ayant renoncé à y participer), événement qui lui aurait inspiré son chef- d’œuvre Le Trésor des vassaux fidèles, eut lieu lorsque Sôsuke était âgé de huit ans. Il en avait neuf lors de la première production de Double suicide à Sonezaki (Sonezaki Shinjû 曾根崎心 中, 1703) de Chikamatsu.

Son poème d’adieu (voir la traduction en annexe, p. 609) laisse entendre qu’il devint religieux à l’âge de 19 ans. Son temple était le Jôjû-ji 成就寺, un temple zen de la secte Rinzai 臨済宗 fondé dans la ville de Mihara 三原 (actuel département de Hiroshima) au XIVe siècle7.

5. La formation d’un religieux zen se déroulait le plus souvent dans un temple lointain afin de réduire les

liens avec la famille. Certains religieux, en revanche, tels que Hakuin Ekaku 白隠慧鶴 (1685-1768), étudièrent dans un temple assez proche de leur lieu de naissance. On ne peut donc pas tirer de conclusions sur le lieu de naissance de Sôsuke en nous basant sur la localité du temple Jôjû-ji 成就寺, à Mihara, où étudia Sôsuke.

6. Selon l’inscription sur la stèle mémorielle de Sôsuke, il est probable que son père appartenait à une secte

zen. Pendant l’époque d’Edo, le zen n’était pas réservé à la classe guerrière, mais était populaire parmi les différentes classes sociales. Il était pourtant courant dans la classe guerrière que les puînés se retirent dans des temples, l’héritage étant réservé aux aînés.

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En tant que jeune homme talentueux, Sôsuke pouvait aspirer, après un certain temps, à la position de moine principal (jûshoku 住職) du temple, lui assurant un important statut social ainsi qu’une certaine sécurité matérielle.

La secte zen avait connu son apogée pendant l’époque médiévale ; au cours de l’époque d’Edo, elle perdit une grande partie de sa vigueur et, avec la montée de la pensée néo- confucéenne, son rôle à l’avant-garde de l’éducation fut progressivement pris en charge par les organisations laïques8. Les réseaux de temples bouddhiques furent très tôt instrumentalisés par

le régime Tokugawa en tant qu’organe de contrôle social sous un système (tera-uke 寺請), qui

8. Le zen, secte bouddhique que l’on dit basée sur les enseignements du maître indien Bodhidharma (jap. :

Daruma 達磨), fut introduit de la Chine au Japon au début de l’époque de Kamakura et, grâce surtout au parrainage des chefs militaires, des temples importants furent créés à Kamakura et à Kyôto. Les principaux courants zen au Japon, ceux du Rinzai 臨済宗 et du Sôtô 曹洞宗, furent établis par des Japonais ayant étudié en Chine, et de ce fait les temples zen devinrent des centres d’érudition chinoise dans les domaines de l’architecture, de la peinture, des textes et des études bouddhiques, ainsi qu’un lieu de production littéraire dans un sens plus large. Sa littérature atteignit son apogée au sein de la dizaine de temples regroupés sous l’appellation des « Cinq-Montagnes » (Gozan 五山), officiellement reconnus et soutenus par le shôgunat. Leur production est extrêmement variée, et l’on trouve surtout des textes en chinois : de la prose, souvent dans le style complexe dit « prose parallèle », ainsi que de la poésie. Elle se caractérise généralement par une ouverture d’esprit et un remarquable pouvoir de synthèse (Robert HEINEMANN, « Littérature des Cinq-

Montagnes », in, Jean-Jacques ORIGAS, Dictionnaire de la littérature japonaise, Paris, Quadrige/Presses Universitaires de France, 2000, pp. 26-29). Son essor s’étendit également aux temples rinka 林下, en dehors du système des Cinq-Montagnes, et le Jôjû-ji, sous la protection du temple rinka Myôshin-ji, aurait donc été inclus dans ce réseau culturel. Même si la grande époque littéraire des temples Cinq-Montagnes était déjà révolue à l’époque de Sôsuke, ce dernier s’est probablement familiarisé avec ses textes. Tsunoda fait remarquer que Sôsuke recourt abondamment aux sources chinoises et bouddhistes dans ses œuvres (« Namiki Sôsuke-den no kenkyû », op. cit., p. 111).