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Le cinéma comme produit de l’industrie culturelle

Partie I – Cadre théorique

Chapitre 2 : Le cinéma

2.4 Le cinéma comme produit de l’industrie culturelle

expertise y travaille. De ce fait, il n’existe pas de cinéma sans argent. La plus modeste réalisation suppose une dépense pour le processus de production. Le milieu du cinéma constitue donc un ensemble social et économique de production culturelle : un groupe de personnes qui travaillent sur un produit déterminé : le film. Ces personnes se définissent vis-à-vis de l’« ensemble de production » par la place occupée dans le processus de fabrication, ainsi que par la formation sociale et l’appartenance au groupe qui a le monopole légitime de la réalisation filmique (Sorlin, 1977).

Il devient alors essentiel de connaître les groupes sociaux producteurs de films et leur place dans la société. La manière dont ils choisissent de mettre en images, d’associer les objets, les personnages, les systèmes relationnels, autrement dit de construire un film ou une série de films, renvoie à une manière de concevoir et de rendre intelligibles les rapports sociaux (Sorlin, 1977). Le cinéma filtre et redistribue certains aspects du monde, ce qui fait des films des propositions sur la société. Ces propositions interprétatives ne sont pas faites au hasard, mais par des institutions cinématographiques, comprenant des créateurs et des artistes, qui s’affairent à les organiser selon un système de directives. Les milieux de réalisation et de production cinématographique représentent donc des instances de médiation où s’organisent une pluralité de besoins, de normes et de stratégies (Esquenazi, 2007). Toute institution cinématographique dispose d’un ensemble de modèles à partir desquels sont exécutées les directives et grâce auxquels on fabrique les films. Ce modèle mobilise un certain rapport au monde, une certaine vision du monde. Tout film devient une paraphrase de son institution de production. Un film est toujours tributaire de processus symboliques intentionnels.

Comme tous les produits commercialisables, les films naissent d’une attente de profit. Et en tant qu’objets culturels, ils sont soumis à des normes, comme pour tous les objets à finalité mercantile. En conséquence, les messages contenus dans les films offerts sur le

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marché ne dévoilent que ce qui est tolérable dans le cadre du mode de production auquel ils sont intégrés. Franchir les limites des attentes des expressions idéologiques des publics serait risqué. Néanmoins, ce risque n’empêche pas certains producteurs d’explorer de nouvelles avenues.

De nos jours, l’industrie du cinéma passe par un ensemble de médias complémentaires que sont le DVD, la télévision et les jeux vidéo. Ce type de stratégie multimédia favorise ainsi un type de cinéma tourné vers la continuité des éléments des récits. Cette stratégie accentue la visibilité et la popularité des contenus, un facteur clé du succès des films. En témoigne la multiplication des remakes de succès anciens, des suites, des adaptations de séries et de films d’acteurs vedettes. Le spectateur (re)découvre ainsi les images qui circulent autour de lui (Tsikounas, 2002). Les médias audiovisuels recyclent continuellement les images des siècles précédents. Sciemment ou non, les artistes reconvertissent des figures anciennes. Héritiers d’un énorme bagage, les auteurs recourent souvent aux éléments culturels des époques passées. Cela détermine, pour une très grande part, le style des œuvres. Nonobstant, la manière de filmer le monde permet d’innover. Les clichés présents dans la très longue durée ne sont pas tous des archétypes. Il est possible d’avoir un autre regard sur les images fabriquées.

Un budget élevé est l’une des caractéristiques marquantes du cinéma commercial (Sorlin, 1977). Cependant, la distinction entre le cinéma commercial et le cinéma d’auteur est souvent exagérée (Brulé, 1976). Tout cinéma s’inscrit dans un circuit industriel. Plus le budget d’un film est considérable, plus les liens qui attachent les artisans du cinéma au capital sont grands et plus le produit risque d’être influencé par les intérêts des bailleurs de fonds, dont le but avoué est de faire des profits.

C’est ainsi que la culture cinématographique et son processus de production s’inscrivent généralement dans l’économie du « star-système » (Rousselière, 2005). Cela a pour effet d’aboutir à une concentration de la consommation culturelle sur un type d’œuvres plus restreint. La massification de la distribution incite au développement d’actions promotionnelles et commerciales qui favorisent les producteurs disposant de moyens importants et les produits visant les marchés les plus larges, ce qui renforce la standardisation des produits, même quand ils sont ancrés dans un terreau culturel spécifique. Par rapport aux autres industries culturelles, le cinéma occupe une situation où la concentration capitaliste s’ajoute à une concentration géographique : les États-Unis investissent plus dans le cinéma que l’ensemble des autres pays. Bien que les titres américains ne représentent que 39 à 46 % de l’offre des films, ils représentent, selon les pays, entre 56 et 83 % des entrées en salle de cinéma (Rousselière, 2005).

Malgré la diversité des publics, les gens ont des goûts remarquablement constants en matière de sujets ou de thématiques de film (Cousineau, 1961). En général, le public s’intéresse aux films divertissants accusant une bonne dose de fantastique, qui permettent

39 de sortir de soi-même et de s’éloigner de la quotidienneté. Toutefois, il y a des genres qui plaisent plus que d’autres. Les spectateurs s’intéressent davantage à ce qu’ils connaissent, à ce qui leur est proche, à ce qui leur ressemble.