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La nouveau millénaire : l’ère de l’informatique

Dans le document L'imaginaire des arts martiaux dans le cinéma (Page 111-114)

Partie I – Cadre théorique

Chapitre 3 : Les arts martiaux au cinéma

3.6 Historique des classiques du cinéma d’arts martiaux en Occident

3.6.9 La nouveau millénaire : l’ère de l’informatique

Les années 1990 marquent le retour des blockbusters américains, un virage vers les effets spéciaux fantastiques et très couteux (Donovan, 2008). Dans ce contexte, les films d’arts martiaux ont connu des échecs à plusieurs reprises. Les producteurs de films américains n’arrivaient plus à soulever l’intérêt pour des histoires qui mettent au premier plan deux combattants qui s’affrontent à mains nues. Les arts martiaux semblaient désormais trop terre-à-terre pour les ambitions digitales et commerciales d’Hollywood. Cette période est l’occasion de faire peau neuve pour les films d’action qui mettent en avant plan l’utilisation des arts martiaux.

Les arts martiaux débordent maintenant largement le cadre restreint des films du genre. La nouvelle manière de montrer les arts martiaux est inspirée du théâtre chinois et des films asiatiques. Les personnages peuvent être en suspension dans les airs, faire des mouvements et des déplacements à une vitesse surhumaine et posséder une puissance démesurée. Le film The One (2001) avec Jet Li exprime bien l’ajout des effets spectaculaires informatisés pour rehausser les capacités techniques et motrices de l’acteur. De plus, grâce aux technologies informatiques, il n’est plus indispensable que les acteurs soient des praticiens d’arts martiaux pour exécuter des chorégraphies complexes de combat qui soient impressionnantes.

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Comme nous l’avons vu, l’arrivée de John Woo, de Jackie Chan et de Jet Li est d’une importance cruciale puisqu’ils ont changé le tempo et l’image du plus populaire genre hollywoodien : le film d’action. Par exemple, le film The Matrix (1999) est influencé par le style de John Woo. Le personnage de Néo (interprété par Keanu Reeves) devient un maître d’arts martiaux pouvant rivaliser avec les acteurs classiques du genre. Il combine littéralement tous les styles d’arts martiaux numériquement insérés dans son cerveau. De plus, la deuxième moitié de la décennie 1990 voit poindre une brève série de films basés sur des jeux vidéo. Par exemple, le film Street Fighter (1995), avec Van Damme, s’appuie sur le jeu du même nom. Notons également Double Dragon (1994) et Mortal

Kombat (1995) qui mettent à l’écran des personnages qui pratiquent les arts martiaux et

qui sont habituellement contrôlés par des amateurs de jeux vidéo. Cependant, la plus grande influence des années 90 et 2000 sur le cinéma d’arts martiaux demeure celle des producteurs asiatiques qui passent de Hong Kong à Hollywood.

L’un des succès de cette période est le film Crouching Tiger, Hidden Dragon (2000). Il reçoit des critiques adulatoires habituellement réservées à des films dramatiques. Qui plus est, il s’agit d’un film d’arts martiaux épique embrassant en tous points les racines fantastiques du genre. Au printemps 2001, il reçoit l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.25 Réalisé à la base pour un marché d’amateurs de films d’arts martiaux, il est

accueilli et acclamé par l’audience américaine comme peu de films étrangers l’ont été auparavant. Avec ce genre de film, les producteurs, chorégraphes et cascadeurs asiatiques ont montré que les arts martiaux et les technologies informatiques pouvaient bien se combiner.

Le succès notoire de Crouching Tiger, Hidden Dragon (2000) a permis de prendre le pouls du public envers le modèle de conte fantastique chinois. Par exemple, le film ne fait aucun effort pour expliquer ou justifier la violation des lois de la physique : marcher sur l’air, courir verticalement sur les murs, se poser en parfait équilibre sur des feuilles et des branches. Les Américains ont accepté que les personnages flottent, planent et volent. Ils étaient maintenant largement ouverts au paradigme étranger des contes et légendes chinois. Dans les contes de fées chinois, les praticiens d’arts martiaux volants sont aussi acceptables que les dragons, les ogres et les sorcières le sont dans les contes de fées européens. Ils existent tout simplement. Auparavant, il avait toujours une explication pour l’aspect fantastique des choses. Il fallait expliquer leur capacité de voler, de devenir invisible, de faire preuve d’une force surhumaine et la capacité de lancer des rayons lasers de leurs yeux.

Ce succès a inspiré la production et la réalisation de films similaires (House of Flying

Daggers, 2004; The Warlords, 2007; Three Kingdoms : Resurrection of the Dragon,

25 Ce film a été très rapidement traduit pour permettre au Occidentaux d’y avoir accès en leur propre

87 2008). Mis à part les films fantastiques chinois, un produit japonais a eu un impact important sur la culture populaire américaine. Il s’agit de l’animation japonaise (Kelts, 2006). L’industrie du divertissement japonais s’était déjà accaparée le marché du divertissement pour enfants depuis longtemps. Les jouets et les jeux vidéo japonais faisaient déjà des affaires florissantes. Toutefois, les animations japonaises ont pour but de divertir plus que les enfants. Les bandes dessinées, les jeux vidéo et les dessins animés sont maintenant un marché accaparé par les « baby boomers » désormais adultes. Les adolescents des décennies 70, 80, 90 et 2000 ont vieilli. Tous ces gens consommaient les animations au même titre que les fans des séries cultes Star Trek et Star Wars. Ayant vu des animations durant leur enfance, ils ont créé une demande grandissante pour un cinéma d’animation, plus mature et plus complexe au tournant du nouveau millénaire. Les animations et les jouets japonais basés sur ces animations ont capté l’imaginaire des enfants comme peu de genre l’ont fait auparavant (Kelts, 2006). Pensons aux séries animées comme Yu-Gi-Oh! (1999), Pokemon (1997), Digimon (1999) et Sailor Moon (1992). La thématique des arts martiaux est explicitement abordée dans certains mangas, comme dans les séries Dragon Ball (1986) et Dragon Ball Z (1996-2003). Les séries

Naruto (2002-2007) et Naruto Shippûden (2007-en cours) en sont un autre exemple avec

l’univers mystique des ninjas. Inspirées des animations, des séries américaines ont été tournées avec des acteurs, par exemple Mighty Morphin Power Rangers (1993-1996). Ces animations sont tellement populaires que certaines ont permis la réalisation de films d’animations et de long métrage.

Au milieu des années 2000, le nouveau cinéma thaïlandais rattrape les films hongkongais et japonais comme source d’inspiration pour les films d’action et d’aventures. Cette nouvelle industrie cinématographique tente de laisser sa trace. Né sous le nom de Worawit Yeerum en 1976 à Surin en Thaïlande, l’acteur Tony Jaa est maintenant une vedette de film d’arts martiaux surveillée par les fans de films d’action asiatique. Il prend part aux productions que sont Ong-Bak (2003), Ong-Bak 2 (2008), Ong-Bak 3 (2010),

The Protector (2005) et The Protector 2 (2013). Jaa fait rayonner l’industrie du film

thaïlandais.26 Comme bien d’autres, Tony Jaa a été inspiré par ses vedettes d’enfance :

26 Soutenu par les autorités du pays, le film « Ong-Bak » est l’expression d’une tentative de réhabilitation

nationale et mondiale des arts martiaux thaïlandais (Rennesson, 2009). Face à la concurrence des combats libres (arts martiaux mixtes : kick boxing, full-contact et K-1), la boxe thaï sportive (muay thaï) perdait son argument commercial, soit l’idée d’être le sport de ring le plus efficace. Le film vient redorer le blason de la boxe thaï en mettant en avant plan de nouvelles techniques de combat dont la caractéristique principale est l’efficacité. Le tout présenté dans une saveur culturelle thaï, un art martial ancestral que l’on appelle le muay booraan. En s’associant à la référence cinématographique des arts martiaux traditionnels, il fait maintenant ombrage à la boxe thaïlandaise professionnelle, mais, en contrepartie, prend le relais dans l’imaginaire de la population. « Le muay booraan incarne désormais le rapport entre le muay thaï et l’efficacité martiale pour la première fois devant le grand public, bien au-delà des pratiquants et des amateurs d’arts martiaux, aussi bien dans le pays que dans le monde entier » (Rennesson, 2009 : 74). Ceux qui ont participé et appuyé la production du film Ong-Bak souhaitent transmettre une vision politique de l’univers des arts martiaux. Cette vision n’est pas explicite dans le scénario, mais transpire la fibre politique

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Bruce Lee, Jackie Chan et Jet Li. À l’image de Jackie Chan, Jaa réalise ses cascades lui- même. Il s’adonne à un entraînement intensif en arts martiaux et en cascades de tous genres.

Jaa a été propulsé au rang de vedette à la suite d’une démonstration de ses habiletés. Il maîtrise le Muay Thai kickboxing, le Muay Boran, l’Aïkido, la Capoeira, le Wushu, le

Krabi Krabong, le Taekwondo, la gymnastique, le maniement du sabre et de l’épée, et de

l’escrime. Ses talents ont impressionné le directeur et producteur Prachya Pinkaew au point de lui accorder le rôle principal du film Ong-Bak. En fait, tout comme Jackie Chan ou encore Jet Li, lorsque celui-ci n’est pas suspendu dans les airs par des cordes ou manipulé par des effets spéciaux informatisés, Jaa possède une vitesse de mouvement si rapide, plus spécialement lorsqu’il fait usage des techniques de combat du Muay Thai kickboxing, qu’il embrouille les caméras.

Aussi, les films tels que la saga Kill Bill (2003 et 2004) de Quentin Tarantino font constamment référence aux films des productions des Shaw Brothers à celles de Bruce Lee, passant par les animes japonais et les films chambara. Cet amalgame d’inspiration est la preuve que le cinéma de l’Orient propose une forme d’art qu’Hollywood peut imiter, reproduire et de laquelle elle peut s’inspirer pour créer de nouveaux opus. Le premier volume de la saga de Tarantino peut même être perçu comme rendant hommage, scène après scène, à tous les grands films d’arts martiaux.

3.7 Les différents types d’acteurs de films d’arts

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