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Chapitre 2. Orientations méthodologiques

2.1. Le choix des méthodes d’enquête

Cinq études composent cette recherche. Leur méthodologie, compte tenu des caractéristiques spécifiques à chacune d’entre-elles, est décrite et détaillée dans les chapitres correspondants (voir. Chapitres 4, 5, 6, 7 et 8). L’analyse des réponses recueillies est également explicitée et détaillée dans les chapitres correspondants à chacune des études (voir. Chapitres 4, 5, 6, 7 et 8).

Deux méthodes d’enquête ont été ici retenues, à savoir des questionnaires à questions ouvertes et des entretiens de type « focus groupe ». La modalité « entretiens de groupe » a été choisie à la place des « entretiens individuels », car plus adaptée à notre problématique. Ce format d’entretien a été jugé plus pertinent dans le contexte de notre recherche car, contrairement aux entretiens individuels, les entretiens de groupe permettent les échanges entre les élèves et, en conséquence, le recueil d’un plus grand nombre de réponses, plus élaborées et davantage riches en contenu.

En effet, l’entretien de groupe ou focus groupe est une technique d’enquête qu’on peut caractériser comme « une discussion entre un groupe réduit53 de personnes réunies pour débattre et échanger autour d'un sujet précis » (Rosenthal, 2016). Le sujet de la discussion est préalablement choisi par le chercheur qui à la fois modère et structure les échanges de façon à faire émerger le plus grand nombre de connaissances des participants sur la thématique en question. Précisons toutefois que si la dynamique du groupe stimule l’émergence de différents points de vue, elle n’empêche pas pour autant la défense des idées et des perspectives des participants. Cette technique d’enquête est particulièrement adaptée pour approfondir les connaissances (les opinions, l’expertise, les représentations, etc.) des participants à propos d’un sujet donné (Pearson & Vossler, 2016). Ceci se réalise, expliquent Sutton et Arnold (2013, p. 82) « en incitant le groupe avec des thèmes prédéfinis et des questions ouvertes, ce

53 La taille « idéale » du groupe de personnes varie selon la littérature (Pearson & Vossler, 2016). Elle peut être

comprise entre 2 et 12 personnes. Nous avons fait le choix d’interroger dans cette recherche entre 3 et 4 élèves par groupe.

qui permet à la discussion d'évoluer autour de ces questions ouvertes et facilite l’interaction parmi les participants. Ce processus permet aux participants d'intervenir selon leurs propres observations et compréhensions, tout en se nourrissant des idées des autres participants. […] Les groupes de discussion sont particulièrement utiles lorsque l'accès aux données est limité et lorsque le chercheur est face à des sujets inexplorés ».

Du point de vue de cette recherche, le principal intérêt qu’offre l’entretien de type focus groupe tient au caractère émergent et évolutif des données recueillies. Contrairement aux entretiens individuels, dans les entretiens de groupe les données collectées sont issus non seulement des individus isolés du groupe mais aussi et surtout, qu’elles émergent de l’interaction entre les participants. Elles sont en ce sens co-construites et évoluent en fonction de la confrontation entre les analyses développées par les participants. Dans cette perspective, les entretiens de groupe rendent possible la mise en question, l’acceptation et la réfutation, par les élèves eux-mêmes, des représentations sous-jacentes à leurs réponses. Ce dernier élément, comme nous le verrons plus en détail dans l’étude N°2, nous a permis de constater à la fois l’émergence et la disparition de certaines représentations.

Précisons toutefois que la méthode d’enquête privilégiée dans le cadre de cette recherche a été la passation des questionnaires comportant principalement des questions ouvertes. À cet égard la méthodologie en question présente certaines particularités. Une problématique centrée à la fois sur le processus de conceptualisation et sur les représentations mentales sous-jacentes à la pensée des élèves nous a conduit vers l’élaboration d’une méthodologie qu’on peut qualifier de progressive – ou évolutive. Par méthodologie progressive nous entendons une méthodologie qui, au fur et à mesure qu’avance le recueil des données, s’est modifiée afin de compenser le fait que les représentations des élèves – relatives à une même situation – dépendent fortement du choix lexical et donc sémantique de la question qui leur a été effectivement présentée. La méthodologie implémentée dans cette recherche réagit donc progressivement au fait que les éléments de réponses fournis par les élèves – à partir desquels nous devons inférer les représentations et les conceptualisations sous-jacentes à leur pensée – varient sensiblement en fonction de la forme de la question à laquelle ils sont confrontés. En effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédemment, les représentations se caractérisent en tant que des contenus de pensée particulièrement situés, c’est-à-dire construits selon les exigences et les caractéristiques de la situation : « il suffit que la situation change, ou qu’un élément de la situation non remarqué soit pris en compte, alors qu’il ne l’était pas, pour que la représentation soit modifiée » (Richard, 2004, p 9). Ajoutons à cela que ni les

représentations ni les conceptualisations sont accessibles à l’observation : nous devons les inférer à partir des éléments de réponses fournis par les élèves aux questions formulées et figées dans les questionnaires. Or ces éléments de réponses sont eux aussi variables selon les « caractéristiques de surface » des questionnaires proposées aux élèves : introduction, consignes, précisions, longueur des questions, termes mis en avant, etc. (diSessa, 1993 ; Gaillard & Urdapilleta, 2013). Ignorer ces éléments aurait donc compromis la légitimité de notre recherche : on constatera par la suite qu’une légère modification d’une des questions proposées aux élèves induit chez ces derniers des réponses relativement différentes, voire très différentes.

Face à des résultats intrinsèquement variables, nulle généralisation n’est possible et donc point de légitimité de notre recherche. Nos résultats ne peuvent avoir un certain degré de généralité que s’ils sont fondés sur l’analyse des invariants dans les productions des élèves. Comme on a pu voir aussi dans la section consacrée à la conceptualisation, c’est le schème qui est au « centre de l’organisation de l’activité » de l’élève (Brun, 2007) et, en ce sens, c’est « la meilleure unité pour étudier la représentation » (Vergnaud, 1985). Inférer les représentations et les conceptualisations des élèves à propos du fonctionnement des systèmes numériques suppose donc de fonder nos analyses sur les invariants constatés dans leurs réponses : quels organes identifient-ils (ou négligent-ils) systématiquement ? ; quelles relations identifient-ils (ou négligent-ils) systématiquement ? ; qu’est-ce qu’ils mettent

systématiquement en avant ? ; qu’est-ce qu’ils méconnaissent systématiquement ? Or, pour

accéder aux éléments de réponses systématiques des élèves, il faut les interroger à plusieurs reprises – au moins deux fois – en modifiant la forme de la question, tout en visant la même situation. Si cela ne pose pas de difficultés majeures en contexte d’entretien – c’est une des idées renfermées dans la notion de « relance » – dans la passation des questionnaires cette démarche n’est possible que si on présente aux élèves des questionnaires avec des formulations différentes.

C’est cette démarche méthodologique qui a été mise en œuvre dans le cadre de cette recherche. Elle sera explicitée et détaillée dans les études correspondantes, à savoir les études N°2 et N°3 et les études N°4 et N°5.