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Chapitre 1. Problématique

1.8. Formulation des hypothèses de travail

Cette section clôture la première partie de ce mémoire et présente les hypothèses de travail de cette recherche. Dans un premier temps nous rappellerons le contexte et la problématique. Nous avons évoqué dans l’introduction de cette recherche un certain nombre d’éléments rendant compte de l’importance et de la place des systèmes numériques contemporains dans le contexte socio-économique actuel. Nous y avons insisté sur le fait que ces systèmes – en raison de leur flexibilité fonctionnelle et de leur forte présence dans l’ensemble des secteurs

d’activité – sont devenus déterminants vis-à-vis de l’organisation, la stabilité et le développement des sociétés contemporaines : usages, production et innovation dans le domaine des technologies dites numériques caractérisent effectivement la période actuelle. À ce contexte s’ajoutent un certain nombre de faits relatifs aux usages des élèves des technologies numériques :

1. Le contexte extrascolaire reste le principal contexte dans lequel les élèves construisent leur rapport au numérique.

2. Les usages du numérique en contexte scolaire sont faibles et généralement éloignés des préoccupations des élèves.

3. Le rapport des élèves aux technologies numériques se réduit essentiellement à sa dimension instrumentale – les utiliser.

4. Les usages des artefacts numériques se caractérisent par leur banalité et s’accompagnent d’un désintérêt pour leur fonctionnement.

5. Les usages des technologies numériques chez les élèves sont essentiellement au service de leur sociabilité et de leur construction identitaire.

Ce contexte nous a amené à nous interroger, depuis le champ de la didactique de la technologie, sur la manière de tenir compte et développer dans l’enseignement scientificotechnologique de l’école de base une approche compréhensive (conceptuelle, structurelle, fonctionnelle) qui soit représentative du milieu technique contemporain. Il s’agit là de la préoccupation centrale de notre recherche. Or cette préoccupation se heurte au fait que la recherche en didactique française dispose de fort peu de données sur le « déjà là » des élèves concernant leurs représentations et leurs conceptualisations des objets et technologies numériques.

Cet état de choses légitime donc notre problématique, à savoir : quelles sont les représentations et les conceptualisations sous-tendant la modélisation fonctionnelle des élèves relative au fonctionnement de systèmes numériques contemporains ?

Hypothèse de travail

La problématique étant posée, nous tâcherons de formuler notre hypothèse de travail.

Notre hypothèse de travail est la suivante : la compréhension et la modélisation du fonctionnement des systèmes numériques contemporains reposent sur une activité de conceptualisation et de représentation à laquelle les usages dont ces systèmes font l’objet chez les élèves ne leur permettent pas d’accéder.

Cette hypothèse générale peut être déclinée en trois composantes relatives aux frontières d’analyse et donc aux fonctions techniques et de service, à la matière d’œuvre, et aux flux de l’information.

En d’autres termes, pour les élèves :

- L’information en tant que matière d’œuvre particulière n’est pas prise en compte (composant N°1).

- Les processus et les composants assurant le traitement de l’information ne sont pas appréhendés (composant N°2).

- La frontière intégrant l’utilisateur valorise les fonctions de service et masque les flux et les fonctions techniques (composant N°3).

Deux approches supportent ces hypothèses. D’une part la théorie de la conceptualisation de Vergnaud selon laquelle la conceptualisation serait un processus émergeant des actions engagées par le sujet dans des situations et des problèmes concrets. La conceptualisation prend source dans l’action. Cela implique que la genèse et le développement des catégories de pensée, des représentations, des propositions et prédicats impliqués dans la conceptualisation du réel, n’ont lieu que lorsque le sujet est confronté à des activités et des situations effectives, selon les contraintes et les exigences de ces dernières.

D’autre part, pour soutenir ces hypothèses de travail nous faisons appel aussi à un principe encore plus général, à savoir le « principe d’unité de la conscience et de l’activité ». Selon ce principe, « l’activité de l’individu conditionne la formation de sa conscience, des associations, des processus et des propriétés psychiques, et ces dernières, en régulant l’activité, conditionnent son exécution adéquate »52 (Rubinstein, 2007, p. 258). Le principe formalise les

liens réciproques et l’interdépendance entre l’ensemble des capacités cognitives et l’activité ou les activités auxquelles ces capacités se rattachent. Le but étant de souligner ici que non seulement la conceptualisation, mais aussi l’ensemble des catégories et des processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance – le langage, la mémoire, le raisonnement, la résolution de problèmes mais aussi l'attention et la perception –, ont pour origine, se structurent et se développent uniquement dans le cadre de l’activité du sujet.

Si nous évoquons ici le principe de l’unité de la conscience et de l’activité c’est parce qu’il

52 Par « activité » Rubinstein (1963) entend le « processus par lequel une attitude déterminée de l’homme se fait effective face à l’environnement, à d’autres individus ou à lui-même » (p. 173). Penser, regarder, écouter, être attentif, observer, jouer d’un instrument, abstraire, analyser, courir, résoudre un problème, etc., sont dans ce cadre des activités. Par « unité » il faut comprendre interdépendance ou relation dialectique entre activité et conscience. Quant à la catégorie « conscience », Wallon (1970) nous dit qu’« elle est de sa nature connaissance » (1970, p. 9). Chez Rubinstein elle désigne l’« activité psychique de l’homme » et comprend tant les aspects émotionnels que cognitifs (Luria, 1982). On ne s’intéressera ici qu’aux aspects cognitifs.

constitue un moyen simple d’argumenter que le développement de la pensée de l’enfant dépende en premier lieu de ses rencontres cognitives avec des activités effectives et « de combien l’enfant aurait été en contact et entrainé à l’intérieur de cette sphère de relations (Rubinstein, 1977, p. 427). De ce fait, on souligne enfin qu’« on doit donc partir de l’activité du sujet pour étudier la représentation et la conceptualisation » (Brun, 2007, p. 67).

Deuxième partie : Études empiriques

Cette partie présente la méthodologie générale de la recherche et les résultats des études menées.

Il s’agit dans un premier temps d’argumenter les choix des méthodes et des techniques d’enquêtes employées. Nous justifierons ici les choix des artefacts proposés à l’analyse des élèves, à savoir les Smartphones tactiles et les Tableaux Numériques Interactifs. Nous y remarquerons leurs similitudes techniques mais aussi leurs différences liées aux usages dont ces dispositifs font l’objet chez les élèves. Parallèlement, les particularités techniques des artefacts retenus seront précisées.

Dans un deuxième temps nous présenterons les cinq études menées dans cette recherche. Chaque étude constitue un chapitre indépendant. Nous détaillerons dans ces chapitres la méthodologie spécifique à chacune de ces études. Chaque chapitre présente, discuté et conclut individuellement les résultats de l’étude correspondante.