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Chapitre 1. Problématique

1.4. Processus de conceptualisation

1.5.3. Conclusion-Les représentations

L’étude des représentations des élèves est une question centrale dans notre recherche. Nous avons souhaité montrer, dans la première partie de cette section, ce qui, du point de vue de la recherche en didactique disciplinaire, semble être accepté d’une part et discuté de l’autre, par rapport aux représentations des élèves. Le postulat de base n’est en aucun cas mis en question : d’une part, les élèves arrivent en cours avec un certain nombre de représentations relatives aux contenus d’enseignement et, d’autre part, ces représentations sont susceptibles de les conduire à des réponses et à des itinéraires cognitifs non validés du point de vue de la discipline en question. En revanche, la recherche en didactique est bien plus partagée sur la question des caractéristiques et des propriétés attribuées aux représentations, ainsi que sur ce qui impliquerait leur prise en compte du point de vue du processus d’enseignement- apprentissage. La pluralité terminologique constatée reflète en partie ces divergences.

En premier lieu, la littérature s’accorde sur le caractère local et contextualisé des représentations. Notre définition de travail rend compte de cet aspect : les représentations sont par définition contextualisées. En effet, comme nous l’avons vu dans la deuxième partie du texte, les représentations sont « liées aux éléments de la situation et de la tâche » (Richard, 2004) et, de ce fait se caractérisent par être finalisées par la tâche. Tout comme les connaissances, les représentations sont « locales », c’est-à-dire réduites « à une classe de situations ou à une classe de phénomènes qui peut être très petite » (Vergnaud, 1995, p. 521). En outre, plus l’individu est jeune, plus ses connaissances et ses représentations sont situées et contextualisées en ce sens qu’elles ne sont pas universelles ou transversales aux différents domaines disciplinaires (Rubinstein 1963). Dans ce contexte, lorsqu’on interroge les élèves sur une situation particulière, ses éléments de réponse, que ce soient des connaissances validées ou des représentations inadaptées, auront pour conséquence un caractère situé qui ne correspond qu’au domaine ou à la classe de situations interrogées.

En second lieu, nous avons vu qu’il existe également un consensus autour de l’idée que les représentations des élèves sont « robustes » – résistantes à l’enseignement – et perdurent tout au long de la scolarité. Ce consensus est particulièrement marqué dans les travaux de didactique française, où ladite « résistance » est associée à l’idée que les représentations sont ancrées dans l’esprit des élèves. Cette idée exige de distinguer la pensée de son contenu. La question est donc de savoir si un contenu de pensée peut « résister » et, si tel est le cas, pourquoi. Nous avons vu que, du point de vue fonctionnel, tous les cognitivistes s’accordent pour dire que les processus cognitifs sont sous-tendus par l’élaboration et le traitement des représentations mentales. En ce sens, les représentations, en tant que contenus de pensée, doivent être distinguées des processus de pensée dont elles font l’objet. Si un contenu de pensée – la représentation – perdure tout au long de la scolarité, c’est soit parce l’élève n’a pas été suffisamment confronté à des situations dans lesquelles la représentation en question n’est pas opératoire, soit parce que les processus de pensée – catégorisation, abstraction, analyse, conceptualisation – qui peuvent la mettre en question ne sont pas suffisamment développés46 – les deux aspects étant évidemment liés. C’est, dans une certaine mesure,

46 Si un élève de 4e n’explique plus le mouvement des nuages en évoquant des arguments anthropomorphiques –

comme c’est souvent les cas chez des enfants bien plus jeunes (cf. Piaget [1947] 2012) –, ce n’est pas parce que la représentation du mouvement ou la représentation des nuages a cessé de « résister » aux apprentissages de l’enfant. Mais c’est, d’une part, parce que l’élève présente un développement cognitif lui permettant de développer des processus de pensée plus pertinents et performants et, d’autre part, parce que les situations qu’il rencontre dans son expérience sont en contradiction avec l’idée que les nuages, en tant que « choses », peuvent se déplacer par eux-mêmes.

l’approche défendue par Chi (2005, 2013). Selon cette dernière, si la représentation d’un concept repérée chez un élève « résiste », c’est-à-dire se manifeste dans d’autres situations en dépit de l’enseignement, c’est parce que le concept est rattaché par l’élève à une catégorie ontologique inadéquate. En conséquence, tant que la pensée de l’élève attribuera au concept des traits ontologiques non pertinents, le chercheur ou l’enseignant constatera que l’élève emploie toujours le concept avec une représentation erronée.

Les travaux en didactique française s’accordent, en troisième lieu, sur le fait que certaines des représentations des élèves peuvent se constituer en obstacles épistémologiques, empêchant de ce fait l’apprentissage de certains concepts et de certains phénomènes. Par exemple, se représenter l’information comme étant de la matière peut, de ce point de vue, constituer un obstacle à la conceptualisation des processus de transmission et de traitement de l’information. Ou encore se représenter les gaz comme étant autre chose que de la matière peut rendre difficile la compréhension du fait que les végétaux « se nourrissent » du CO2 atmosphérique, comme le remarquent Astolfi et Peterfalvi (1993). L’obstacle épistémologique renvoie donc à l’idée que la représentation erronée d’une notion ou d’un concept rendrait la notion ou le concept en question inopérant dans l’ensemble des situations où ils s’appliquent. Une des questions sous-jacentes à cette recherche est donc de savoir quels sont les éventuels obstacles épistémologiques que l’on peut repérer dans les explications des élèves à propos du fonctionnement des systèmes numériques.

Rappelons, enfin, que lorsqu’on parle de représentation, on désigne une propriété des systèmes cognitifs, à savoir la propriété de créer et de traiter des représentants fonctionnels du réel afin de pouvoir les mobiliser dans des processus cognitifs autonomes vis-à-vis des entrées sensorielles. L’abstraction, la catégorisation, l’analyse, la conceptualisation, la généralisation, l’inférence et l’ensemble d’opérations cognitives qui sous-tendent la pensée sont possibles grâce à la propriété de représentation des systèmes cognitifs. La représentation désigne, dans cette perspective, des contenus de pensée. Du point de vue fonctionnel, nous avons défini les représentations dont il sera question dans cette recherche comme étant des « informations de substitution mobilisées par l’élève en vue de la résolution d’une tâche, problème ou situation ». Cette définition de travail nous permet de souligner finalement le fait que, d’une part, la représentation se substitue à la connaissance qui permet à l’élève de résoudre convenablement le problème auquel il est confronté et, d’autre part, que les représentations sont, par définition, des éléments de réponse contextualisés et liés aux exigences de la situation : si les caractéristiques de la situation changent, les représentations mobilisées changent aussi.