Encadré 9 : Les effets des crises financières sur le financement des PPP
3.2.2. Le cadre de financement doit être refondu et élargi
Dans l’hypothèse où de nouveaux projets devraient être initiés par l’État sous forme de PPP, l’ensemble de ces éléments plaide pour une refonte de leur cadre de financement. Au‐
delà d’un assouplissement des conditions d’élaboration des offres de financement, qui permettrait une mutualisation des offres de financement entre les différents candidats au stade final de la négociation des contrats (cf. annexe V), trois pistes principales peuvent être envisagées :
l’évolution du financement bancaire actuel, afin d’atténuer la contrainte d’accès aux financements longs ; l’introduction de financements bancaires successi
isagée ; fs de courte
durée (« miniperms ») pourrait être env
le développement d’un refinancement via les mar de capitaux, adossé aux partenaires privés en charge du projet ;
chés
la mise en œuvre d’un refinancement public des PPP.
Ces différents scénarios font l’objet d’analyses techniques approfondies dans l’annexe V. Sans reprendre in extenso ces développements, la mission souligne cinq éléments importants à ses yeux.
En premier lieu, le maintien d’un financement bancaire lors de la phase de construction apparaît indispensable. La présence des banques est en effet un facteur clef de bon déroulement de la construction, car elle discipline les autres partenaires privés les contraint à respecter les coûts et les délais de réalisation du projet et permet de
évéler et de chiffrer les risques.
r
Proposition n° 11 : Envisager de manière pragmatique et systématique tous les modes de financement alternatifs au financement bancaire traditionnel afin de réduire le coût des projets
En deuxième lieu, la mission considère qu’il convient de faire preuve de souplesse au moment du choix des modalités de financement du projet. En effet, aucun modèle de financement n’apparaît intrinsèquement supérieur aux autres ; chacun a ses avantages et ses inconvénients (cf. tableau suivant). Dans un contexte financier instable, les avantages d’un mode de financement peuvent en outre n’être que temporaires.
Tableau 6 : Avantages et inconvénients des alternatives au financement bancaire traditionnel
Refinancement public Refinancement bancaire de court
terme Recours aux marchés financiers
Crédits budgétaires Refinancement ad hoc
Description
Réalisation par la SPV d’une émission obligataire pour refinancer la tranche Dailly
Plusieurs options possibles (date de l’émission obligataire, nature du véhicule utilisé)
Introduction d’une obligation de rachat de dette par l'État pendant l’exécution du contrat
Refinancement par émission d’OAT
Introduction d’une obligation de rachat de dette par l'État pendant l’exécution du contrat
Refinancement par émission de titres publics spécifiques
La cession Dailly fait d’ores et déjà l’objet d’une titrisation
L’appétence des investisseurs demeure incertaine
Seuls les projets importants peuvent être concernés, sauf à mutualiser les risques entre projets (dans ce cas, les normes prudentielles limiteraient la participation des assureurs)
Réduction estimée de 5 à 10 % des loyers Évolution du
Risque de demande de garanties supplémentaires
Risque de refinancement en cas d’appel infructueux aux investisseurs
Mise en place d’un fonds commun de titrisation
Lourdeur de la structuration des émissions
Facilité de mise en
Par conséquent, la mission recommande d’envisager systématiquement toutes les modalités de financement ; le cas échéant, certaines d’entre elles pourraient être expérimentées sur des projets de taille modeste, afin de disposer d’un retour d’expérience suffisant.
En troisième lieu, il doit être rappelé que les montants d’investissement des PPP, bien que portés par un partenaire privé, correspondent en réalité à un endettement public, et devront faire l’objet de remboursement par la puissance publique. Cette remarque emporte deux conséquences importantes :
toute innovation en matière de financement des projets ne doit pas occulter l’existence de cette dette publique. Le PPP ne doit pas être conçu comme une politique de facilité, permettant à la puissance publique d’investir au delà de ce que sa situation financière et ses recettes budgétaires lui autorisent d’envisager ;
tout coût d’opportunité disproportionné entre un financement privé et un financement budgétaire traditionnel n’est ni satisfaisant, ni soutenable. Dans une telle configuration, le recours à un financement privé ne pourrait en effet se traduire, à brève échéance, que par un accroissement des tensions budgétaires.
Proposition n° 12 : Privilégier, dans les conditions de marché actuelles et une fois le risque construction purgé, un refinancement public des projets dès lors qu’il en réduit le coût
En quatrième lieu, le double contexte de surcoût du financement privé et de baisse des rendements obligataires de l’État conduisent à privilégier, à court terme, la mise en œuvre d’un refinancement public des projets de l’État en PPP, sur la partie
« investissement ». Un tel refinancement aurait deux vertus principales :
d’une part, il permettrait de réduire significativement le coût de financement des projets ; selon certaines estimations externes collectées par la mission, l’économie
x conditions de marché prévalant au premier semestre 2012, de 5
aurait été, au à 10 %
du montant des loyers d’investissement ;
d’autre part, elle aurait un caractère disciplinant pour les acheteurs publics, en les conduisant à faire face plus rapidement aux conséquences financières de leurs décisions d’investissement.
Le refinancement public envisagé par la mission interviendrait à l’issue de la phase de construction, par exemple sous forme de surloyers versés sur une ou deux années. Il se traduirait donc à court terme par l’émission d’un volume d’obligations supplémentaires pour l’État. Dans le cas où ces émissions porteraient sur des volumes financiers importants, elles pourraient perturber la stratégie d’émission de l’Agence France Trésor (AFT). Néanmoins, la mission considère que ce risque est actuellement limité, compte tenu des montants financiers en jeu (au maximum, un à deux milliards d’euros par an dans les prochaines années).
D’autres modalités de financement sont envisageables ; en particulier, une émission de titres spécifiques dédiés aux infrastructures (« France Investissement ») qui répondrait aux appétences de certains investisseurs. Cependant, une telle modalité de refinancement
udgétisation présente un risque élevé de déb 67.
67 Le recours à un véhicule spécifique d’émission obligataire public refinançant les projets pourrait être envisagé, hors budget de l’État, sur le modèle de Réseau ferré de France (RFF) ou de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Ce véhicule pourrait assurer l’émission d’obligations d’infrastructure spécifiques. Néanmoins, ce montage présente le risque de débudgétiser massivement les projets d’investissement de l’État, hors de tout
En cinquième et dernier lieu, certaines modalités de financement public doivent être abandonnées :
les montages dits « innovants »68, qui sont en réalité plus proches d’une réalisation en maîtrise d’ouvrage publique que d’un véritable PPP, sont juridiquement très fragiles et n’apporte va e
api tio
nt aucune l ur ajoutée évidente par rapport à la loi MOP ; il serait opportun qu’ils donnent r dement lieu à une évalua n approfondie ;
les fonds d’épargne, collectés via les livrets réglementés et centralisés auprès de la Caisse des dépôts (CDC), ne devraient pas être utilisés pour financer ou refinancer des projets (cf. encadré suivant).
Encadré 10 : Les difficultés soulevées par l’utilisation des fonds d’épargne
L’utilisation des fonds d’épa gne pour financer des projets de PPP soulève d’importantes difficultés : r
la vocation première des fonds d’épargne est de financer le logement social ; les importantes ambitions de l’État en la matière nécessiteront, dans quelques années, d’importants moyens financiers ; il serait dans ce cadre peu prudent de mobiliser les fonds d’épargne, pendant des durées longues (30 ans), sur d’autres projets ;
les fonds d’épargne sont une ressource coûteuse ; outre la rémunération des détenteurs de livrets, leur utilisation se traduit par des commissions versées aux établissements de crédit qui les distribuent et des coûts de gestion ;
leur utilisation soulève des risques spécifiques, et aujourd’hui mal appréhendés : d’une part, en cas d’utilisation en phase de construction, elle nécessite une garantie de l’État, votée en loi de finances ; l’utilisation des fonds d’épargne se traduit donc par une répartition des risques défavorable à la puissance publique ; d’autre part, la cession Dailly n’est pas réalisée dans des conditions juridiques satisfaisantes aujourd’hui ;
enfin, elle contribue à renforcer les difficultés de liquidités des banques et donc, in fine, accroît les difficultés de financement des PPP. En première analyse, leur utilisation apparaît comme une facilité de financement, utilement mobilisable pour un projet individuel ; néanmoins, à un niveau agrégé, l’utilisation des fonds d’épargne ne fait que renforcer les pénuries de liquidités actuelles en ponctionnant le bilan des établissements de crédit69.
Ces éléments conduisent la mission à ne pas recommander l’utilisation des fonds d’épargne pour le financement des projets de PPP.
Proposition n° 13 : Introduire dans les contrats des dispositions permettant le partage d’un éventuel surprofit avec la personne publique
contrôle parlementaire. Une telle configuration ne serait pas satisfaisante au regard du droit budgétaire, et serait pa
pir ailleurs très risquée pour les finances publiques. Un tel dispositif impliquerait donc une refonte lourde du lotage des grands projets d’investissement de l’État afin d’éviter toute matérialisation de ce risque.
68 Ces montages ont été élaborés dans le cadre du plan campus ; leur structure réplique l’organisation d’un PPP, mais dans un cadre public. Ils se caractérisent ainsi par l’existence d’une société de projet, détenue par la personne publique, par une maîtrise d’ouvrage publique et par un financement majoritairement public, associant subvention publique, concours de la Caisse des dépôts et utilisation des fonds d’épargne.
69 Tout déplacement d’une partie de l’épargne aujourd’hui investie en comptes à terme, en PEA, en assurance‐vie ou en livrets bancaires vers les livrets réglementés (livret A et LDD) a deux effets pénalisants pour l’économie.
D’une part, elle détruit de la liquidité, et accroît ainsi les difficultés du système financier. En effet, avec un taux de centralisation moyen de 65 %, la majeure partie des montants collectés est allouée aux fonds d’épargne. Or, ceux‐
ci ne mobilisent, afin de limiter leurs risques, qu’environ 80 % de ces fonds, contre environ 120 % pour les banques. Toute augmentation des fonds d’épargne au détriment des bilans bancaires se traduit donc par une destruction de liquidité. D’autre part, il entraîne une substitution d’une épargne longue à une épargne très courte et très liquide, ce qui est pénalisant pour le financement de l’économie.
Enfin, la mission a pu constater qu’il n’était pas possible, aujourd'hui, de contrôler le niveau de profit généré par les investisseurs en capital et ainsi de lutter contre d’éventuels surprofits.
Or, au Royaume‐Uni, le National Audit Office (NAO) a mis en évidence des niveaux de rendements injustifiés pour de nombreux Private Finance Initiative (PFI), notamment à la revente des parts de SPV sur le marché secondaire70. D’après ces estimations, ces taux de profit à la sortie (exit returns)71 seraient généralement compris entre 15 % et 30 % et atteindraient jusqu’à 60 %72. Ce surprofit n’est aucunement rétrocédé aux personnes publiques.
Afin d’assurer le bon calibrage du coût du capital prévu dans le plan de financement, ainsi que leur adéquation au niveau de risque effectivement pris par les investisseurs, il conviendrait dans les contrats :
d’introduire une obligation de déclaration à la personne publique et à la MAPPP des conditions fina rts de SPV, ainsi que les conditions de refinancement des pncières de revente des pa
rêts ;
de mettre en place, comme le suggère le NAO, un mécanisme de partage d’une plus
value de refinancement en cas de surprofits manifestes. Au‐delà d’un certain seuil, le profit pourrait ainsi être partagé entre l’acheteur public et le partenaire privé.
3.3. La complexité de la procédure et des montages peut mettre les acheteurs