Encadré 5 : Exemples de recours fondés sur la complexité
2.4. Dans les faits, le recours aux PPP s’explique principalement par des raisons budgétaires
2.4.1. Les acheteurs publics continuent de recourir aux PPP pour s’affranchir des contraintes budgétaires
Audelà des motifs de recours prévus par la loi et la jurisprudence, la plupart des interlocuteurs rencontrés par la mission ont souligné que les « avantages » budgétaires et comptables avaient été déterminants dans leur décision de recourir aux PPP :
la déconsolidation de l’investissement ; jusqu’à une époque récente, les montants investis dans une opération réalisée en PPP n’étaient pas enregistrés au bilan des pouvoirs adjudicateurs, ce qui permettait ainsi de déconsolider une partie de l’endettement réalisé au titre des opérations d’investissement (cf. supra) ;
l’étalement dans le temps de la dépense d’investissement, pour éviter de mobiliser sur une seule opération le budget d’investissement d’une année. Un maire l’exprime publiquement dans un numéro de « La vie des PPP » consacré à l’éclairage public en soulignant que « l’une des principales raisons pour lesquelles nous avons choisi le contrat de partenariat reste la maîtrise du budget, notamment par la possibilité de lisser les mensualités »45 ;
la sécurisation des montants liés à l’investissement. Dans le cadre du PPP de Paris‐
IV Clignancourt, le projet était initialement prévu en loi MOP, avec financement via un contrat de plan État‐région (CPER). La suppression des crédits initialement fléchés a incité l’université et le ministère de l’enseignement supérieur à conduire l’opération en
c
PPP, de manière à sécuriser ces rédits ;
la sécurisation des montants liés à l’entretien et à la maintenance de l’ouvrage.
Dans certains ministères, des acheteurs publics ont indiqué à la mission que leur recours massif à des PPP résultait d’une stratégie délibérée visant à éviter un risque de régulation budgétaire sur leurs dépenses d’entretien ;
44 Une telle définition de la complexité nécessiterait probablement une modification du texte de l’ordonnance, afin de ne conserver dans la définition de la complexité que celle découlant d’une impossibilité pour la personne
pu », et en supprimant la
mblique à « définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoinsrojet ».
ention d’une complexité due à la difficulté « d'établir le montage financier ou juridique du p
45 Article paru dans « La vie des PPP » spécial éclairage public, publication du Club des PPP.
pour l’État, le contournement des normes budgétaires, en particulier du « zéro valeur » (cf. encadré suivant). Lors de ses entretiens avec les principaux ministères et la direction du budget, la mission a constaté que cet objectif de contournement est particulièrement poursuivi pour les « grands » projets d’investissement de l’État : les PPP permettent en effet à la fois de différer la date de paiement jusqu’à la livraison de l’équipement, mais également de lisser la dépense sur toute la durée du contrat, c’est‐à‐dire sur plusieurs décennies, au travers du versement des loyers annuels.
Encadré 7 : Les PPP comme ins trument de contournement des normes de dépenses de l’État La France a connu, depuis 2004, deux normes de dépenses, applicables à l’État sur les seuls crédits de paiement :
la norme « zéro volume », cr éé e en 2004, fixe un objectif de c oissance annuelle en euros courants r du budget général de l’État égal à l’inflation hors remboursements et dégrèvements d’impôts ;
la norme « zéro valeur », créée en 2011, impose une contrainte supérieure, à savoir la stabilisation en euros courants des dépenses. Elle s’applique au même périmètre que celui de la norme « zéro volume », dont sont exclues les charges d’intérêt et la contribution de l’État au compte d’affectation spéc le « Pensions ». ia Cette norme suppose donc que soient réalisées annuellement, en volume, des économies au moins égales à l’inflation.
Dans un rapport de mai 201246, l’IGF a ident fié, parmi les risques i de contournement des nor esm budgétaires, la multiplication des PPP à un double titre :
les loyers ne commencent à être versés qu’au moment de la livraison de l’équipement, ce qui signifie que la dépense est différée pendant toute la durée de construction ; aucune norme budgétaire ne pèse donc sur le PPP entre la signature du contrat et la livraison de l’équipement ;
les dépenses d’investissement et de financement sont lissées sur toute la durée du contrat, c’est‐à‐dire sur plusieurs décennies. La norme budgétaire s’applique ensuite dans des proportions très réduites sur le projet d’investissement.
Aussi, les règles d’enregistrement des PPP en comptabilité budgétaire permettent de contourner la norme de dépense annuelle.
pour certaines collectivités locales, notamment outremer, l’impossibilité d’obtenir un prêt du fait de leur situation financière, en particulier de leur niveau d’endettement (cf. infra).
Les entretiens conduits par la mission avec les acheteurs publics ont permis d’établir que le principal motif de recours aux PPP était, dans les faits, d’ordre budgétaire ou financier. Ainsi, des motifs budgétaires ont été avancés pour justifier les projets de l’État dans 75 % des cas, et dans 100 % des cas pour les collectivités locales ; dans plus
du projet Urgence Bilan
Incapacité
PPP des collectivités locales 100 % 61 % 4 % 13 % 22 % 65 %
Source : Mission.
Note : Ventilation effectuée à partir des éléments recueillis lors des entretiens de la mission avec les acheteurs publics.
46 Maîtriser les dépenses de l’État pour revenir à l’équilibre des finances publiques : enjeux et leviers d’action, Rapport IGF n°2012‐M‐008‐03, mai 2012.
Parmi les motifs budgétaires ou financiers, les acheteurs publics ont pour l’essentiel cherché à étaler dans le temps leurs dépenses d’investissement (58 % des projets de l’État, et 78 % des collectivités locales), puis cherché à sécuriser les dépenses d’entretien afférentes aux bâtiments (près de 65 % des cas). Certains acheteurs locaux ont également indiqué avoir cherché à « déconsolider » l’endettement résultant de leur projet d’investissement ; ce risque est aujourd’hui en théorie réduit.
PPP de l’État 58 % 33 % 67 % 0 %
PPP des collectivités locales 78 % 0 % 65 % 13 %
Source : Mission.
Note : Ventilation effectuée à partir des éléments recueillis lors des entretiens de la mission avec les acheteurs publics.
Or, la volonté de recourir aux PPP pour s’affranchir des contraintes budgétaires, financières et, autrefois, comptables n’est pas une raison justifiée ou justifiable :
elle fait cou irr des risq es u importants à l’acheteur public, du fait de la nature complexe de cet instrument juridique ;
elle l’incite à investir audelà de ce que ses ressources lui permettraient de devoir faire face à plus ou moins
d’envisager, et brève échéance à un « mur
budgétaire » ;
t courir le risque de surpayer un investissement, en l’absence de toute preuve ficience des PPP (cf. infra) ;
elle fai sur l’ef
enfin, la facilité de paiement résultant du PPP peut inciter l’acheteur public à investir dans des projets manifestement surcalibrés par rapport à ses besoins.
2.4.2. Les PPP devraient être mieux pris en compte dans les normes budgétaires Si l’enregistrement des PPP en comptabilités nationale et générale est une évolution positive, il apparaît néanmoins insuffisamment vecteur de discipline, en particulier pour l’État :
le PPP conserve plusieurs avantages par rapport à la loi MOP, notamment visà
vis des normes budgétaires. Celles‐ci incitent de fait les administrations à recourir aux PPP à court terme, en menaçant le respe
itude sur l’efficience de ce choix (cf.ct de la norme à moyen terme et sans
aucune cert infra) ;
davantage que le niveau de dette publique exprimée en points de produit intérieur brut (PIB), le principal indicateur suivi par les marchés financiers est, dans les faits, le volume d’émission obligataire annuel de l’État. Si le PPP se traduit, après réception de l’ouvrage, par une augmentation du niveau de dette publique, il ne se traduit pas, à l’inverse de la loi MOP, par un surcroît d’émission obligataire à court terme car son financement est de nature bancaire.
Ces « avantages » de court terme des PPP par rapport à la loi MOP sont très préoccupants dans une perspective de moyen terme. Afin de permettre aux administrations de faire des choix rationnels et cohérents dans le temps, il convient donc de neutraliser les biais favorables aux PPP dans le cadre budgétaire actuel.
Proposition n° 9 : Modifier la norme budgétaire de manière à neutraliser ses effets sur la décision de recourir à un PPP
Plusieurs scénarios sont envisageables pour éviter que les PPP ne soient appréhendés comme des instruments de contournement de la norme budgétaire :
Une première option, a minima, ne supposerait aucune modification normative. Elle consisterait à formaliser une « charte de bonne gestion », consistant en la prise en compte des montants d’investissement des PPP dans la norme.
Une seconde option serait de favoriser le versement de crédits de paiement dès la signature du contrat, pour que la norme – qui ne porte que sur les crédits de paiement – s’applique aux engagements budgétaires pris dans le cadre de ces contrats. La solution envisagée consisterait à créer un compte spécial pour les dépenses d’investissement liées aux PPP, sur lequel seraient versés les crédits de paiement nécessaires au financement des dépenses d’investissement budgétées :
la création d’un compte de cette nature permettrait les reports de crédits d’une année sur l’autre sans la limitation du budget général, pour la période courant de la signature du contrat au versement effectif des crédits. Les crédits de paiement étant versés dès la signature du contrat, la norme budgétaire s’appliquerait. Le versement des crédits de paiement devrait néanmoins être échelonné sur quelques années, au cours de la
en
période de construction, afin d’éviter de créer un biais défaveur des PPP par rapport à la loi MOP ;
cette solution suppose toutefois une modification de la LOLF, permettant la création d’un compte ad hoc, dédié aux crédits de paiement des PPP ;
par ailleurs, elle a l’inconvénient de constituer, pendant plusieurs années, des réserves financières importantes et potentiellement mobilisables pour d’autres objets. Ce risque serait néanmoins réduit en cas de refinancement public des projets après la construction (cf. infra) ;
Enfin, une dernière option serait de construire une norme pluriannuelle spécifique pour les dépenses d’investissement, qui permettrait de clarifier les engagements budgétaires pris en matière de commande publique :
soit sous la forme d’une norme pluriannuelle indépendante, ce qui suppose d’extraire les dépenses d’investissement en crédits de paiement de la norme « zéro valeur » ; la définition d’une telle norme pose toutefois un problème de périmètre. Il serait, en effet, préférable de maintenir les investissements de faible montant sous la norme « zéro valeur » afin de préserver une certaine souplesse de gestion au sein des programmes
A seules les dépenses d’investissement
budgétaires. ussi, relatives aux « grands
équipements » devraient être soumises à une telle norme pluriannuelle ;
soit sous la forme d’une « infranorme » pluriannuelle, propre aux dépenses
d’inve e z d s e
défini
stiss ment, de la norme générale « éro valeur », ont le orientations s raient es en loi de programmation des finances publiques (LPFP) ;
y une telle solution permettrait de préserver le cadre général de la norme
« zéro valeur » et d’effectuer les arbitrages en son sein, entre les dépenses d’investissement et les autres dépenses ;
y un plafond en matière d’investissement et de commande publique serait défini de manière triennale dans le cadre de la LPFP.