Encadré 15 : Deux exemples de clauses financières opaques
3.4. Les incertitudes persistantes sur l’efficience du recours aux PPP doivent être rapidement levées
3.4. Les incertitudes persistantes sur l’efficience du recours aux PPP doivent être rapidement levées
Au‐delà des difficultés juridiques, la principale menace qui pèse sur les PPP est l’absence complète de certitude sur leur efficience réelle, en termes de :
maîtrise des coûts de constr ction et d’exploitation, par rapport à la loi MOP ; u
supériorité des gains théoriques du PPP (gains de productivité diminuant les délais et les coûts d’investissement et d’exploitation ; efficience liée à la coordination de la conception, de la réalisation et de la maintenance de l’ouvrage ; minimisation des risques d’interface) par rapport à ses coûts (rigidité du programme fonctionnel sur une durée longue ; moindre intensité concurrentielle ; surcoût associé au financement bancaire) ;
qualité du service fourni par le prestataire, et adéquation avec la qualité prévue dans le contrat.
Ces incertitudes sont d’autant plus dommageables qu’elles sont connues depuis longtemps87 et que les premiers contrats de PPP sont entrés en exploitation.
3.4.1. Les évaluations disponibles sur l’efficience des PPP sont peu nombreuses, et ne permettent pas de conclure sur le rapport qualitéprix du dispositif
L’absence d’évaluations ex post systématiques des projets de PPP a conduit la mission à procéder à une revue des travaux et données existants. Ceuxci ne fournissent que des données partielles et provisoires sur la performance des PPP, notamment de leur efficience par rapport à d’autres montages possibles :
des travaux concordants mettent en évidence une capacité de maîtrise des délais de réalisation : ainsi, selon une étude conduite par le cabinet PriceWaterHouseCoopers en 2011, 71 % des projets réalisés en PPP respecteraient les délais contractuels d e réali tion ;sa
la même étude dresse un bilan plus nuancé du respect des coûts d’investissement. Seuls 53 % des projets étudiés ont respecté le budget d’investissement initialement prévu dans le contrat ; ces surcoûts sont liés à des demandes de modification de la personne publique dans 55 % des cas ;
la prévisibilité des coûts et des délais de construction constitue un motif de satisfaction pour les personnes publiques, selon une étude réalisée par la chaire d’écono im e des PPP (EPPP) de l’université Paris‐I Panthéon‐Sorbonne en 2012 ;
en phase d’exploitation, la satisfaction des acheteurs publics est en revanche plus mitigée : seules 50 % des personnes publiques interrogées jugent les contrats globalement performants ou très performants.
La mission a rassemblé les données et travaux produits par certains ministères fortement impliqués dans la réalisation de PPP. Au ministère de la justice notamment, l’évaluation de la performance des PPP est facilitée par l’existence de données collectées par l’APIJ et par l’existence de différents types de montages réalisés dans le secteur pénitentiaire.
Ces évaluations ne permettent pas de conclure catégoriquement sur le rapport qualité
prix des ouvrages construits en PPP (cf. annexe IV) :
87 Cf. par exemple Cour des comptes, Les partenariats publicprivé pénitentiaires, octobre 2011.
le délai global de réalisation en PPP est inférieur d’en moyenne quatorze mois au délai constaté dans le cadre de marchés de conceptionréalisation. Les délais de conception et de travaux, inférieurs d’en moyenne 21 mois, viennent compenser des délais d’élaboration du contrat supérieurs d’environ 7 mois ;
en revanche, ces données font apparaître des coûts de production beaucoup plus élevés en PPP qu’en conceptionréalisation, d’en moyenne +25 %. Cet écart de coût pourrait provenir, d’une part, du surinvestissement réalisé par la personne privée
pour améliorer les condit la
tarification du transfert des
ions de maintenance de l’ouvrage et, d’autre part, de risques de construction par le partenaire ;
en période d’exploitation, les données recueillies par l’APIJ mettent en évidence des coûts unitaires moindres des prestations externalisées dans le cadre d’un PPP par rapport aux services en gestion déléguée ou assurés en régie. C’est notamment le cas des prestations de services bâtimentaires, dont le coût annuel moyen au mètre‐
carré est inférieur de 10 % en PPP par rapport au contrat en gestion déléguée. De même, le coût moyen des services à la personne est inférieur de 8 % par rapport aux contrats de gestion déléguée.
Proposition n° 18 : Réaliser systématiquement des évaluations ex post des PPP
Seule une évaluation rigoureuse des contrats de partenariat, prévue dès le lancement du projet et réalisée après la livraison de l’ouvrage et à divers stades d’exécution du contrat, permettrait d’établir un diagnostic clair et objectivé sur l’efficience des PPP.
Actuellement, aucun dispositif n’a été envisagé à cet effet, à l’exception néanmoins des infrastructures de transport88. La mission recommande donc qu’un protocole d’évaluation soit élaboré pour l’ensemble des contrats en cours et à venir. Il devrait prévoir une évaluation séquencée au long de la réalisation du projet, comprenant :
l’évaluation du projet dès la fin de la phase de construction, portant sur la qualité des ouvrages construits, sur leur conformité au programme fonctionnel, sur les coûts et délais définitifs de construction et sur le plan de financement ; cette évaluation permettrait de renforcer l’expertise des acheteurs publics et la fia ilité des futures b évaluations préalables ;
l’évaluation du projet en cours et en fin de contrat, portant sur les coûts en exploitation, sur la qualité de l’exécution des prestations de service, ainsi que l’évaluation de l’état de l’ouvrage et de sa valeur patrimoniale.
3.4.2. L’efficience des PPP repose largement sur la pression concurrentielle s’exerçant lors de la procédure d’attribution du contrat
Une des conditions de l’efficience des PPP, audelà de l’organisation de l’acheteur public, est l’existence d’une intensité concurrentielle suffisante. Or, celle‐ci est fréquemment citée comme un sujet de préoccupation.
88 Les infrastructures de transport sont soumises à une obligation d’évaluation a posteriori, dans un délai cependant non concordant avec la durée du CP. La loi n°82‐1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI) a en effet prévu la réalisation d’un « bilan des résultats économiques et sociaux » pour les grands projets d’infrastructure « établi au plus tard cinq ans après leur mise en service ». En raison du caractère récent du dispositif, aucun CP n’a été évalué à la date de la mission.
D’une part, plusieurs éléments suggèrent que le niveau de concurrence sur le marché des PPP, sans être manifestement insuffisant, demeure limité. Le marché français est en effet caractérisé par un nombre restreint d’acteurs de grande taille actifs sur le segment des PPP, où s’illustrent principalement les trois majors du BTP (Vinci, Eiffage et Bouygues). De même, le nombre de participants aux procédures de passation des PPP demeure limité : dans le cadre d’une procédure de dialogue compétitif, le nombre de candidats s’élève à cinq en moyenne et le nombre de participants au dialogue à trois. Dans certains cas, un seul candidat a participé au dialogue, ce qui ne peut que nuire à l’efficience de la procédure.
D’autre part, plusieurs facteurs intrinsèques aux PPP sont susceptibles de limiter la concurrence. La complexité des projets, et leur taille importante (en moyenne, 72 M€ d’investissement), ne les rend ainsi accessibles qu’aux moyennes et grandes entreprises faute d’allotissement. En outre, les délais des procédures de passation sont particulièrement longs – en moyenne de 473 jours – générant des coûts élevés pour les candidats.
Si l’intensité concurrentielle des marchés de PPP n’a été remise à ce jour en question par aucune procédure administrative, elle justifierait néanmoins que les acheteurs publics s’interrogent sur leurs pratiques :
l’extrême complexité des projets, et notamment le recours à des concours d’architecture impliquant le dépôt de plusieurs projets pour chaque candidat, ne peut qu’être source de surcoûts et favoriser les candidats de taille importante ;
le démarchage d’entreprises n’appartenant pas au cercle étroit des majors du BTP devrait être systématisé. Le recours à des entreprises étrangères, ou à des assembliers construisant une offre autour de services, et plus seulement autour de la construction, permettrait ainsi d’accroître le nombre de candidats ;
le recours à des petites et moyennes entreprises (PME) reste trop faible :
y l’effet d’éviction dont seraient victimes les PME a suscité à la fois des craintes de la part des entreprises, représentées au sein du syndicat national du second œuvre (SNSO) – grand pourvoyeur de recours contentieux contre les CP89 –, mais également de la part de certains élus locaux, en particulier de l’association des régions de France (ARF)90 ;
y dans les faits, l’obligation de soustraitance imposée aux titulaires des CP par l’ordonnance de 2004 est appliquée de manière hétérogène. Le taux de sous‐traitance mis en évidence sur un échantillon de 89 contrats s’élève à 28 %
) ; en moyenne (cf. annexe IV
Afin de renforcer l’effectivité de la sous‐traitance en faveur des PME, il pourrait être envisagé d’introduire dans les contrats une pénalisation systématique des titulaires en cas de nonrespect de ces obligations.
89 Le SNSO considère notamment que le recours aux CP tend à priver les PME d’accès direct à la commande publique, puisque ces marchés globaux sont difficilement accessibles faute d’allotissement.
90 À l’occasion du renouvellement de la charte des services publics locaux, le 3 octobre 2012, le président de l’ARF a critiqué le recours aux CP qui ne permet pas, à ses yeux, aux PME ou aux entreprises de taille intermédiaire de candidater.
3.4.3. L’efficience suppose également qu’après la signature du contrat les acheteurs publics se positionnent dans la durée en contrôleurs de la performance
L’achèvement de la phase de dialogue compétitif, et l’attribution du contrat à l’un des candidats, ne signifie pas que l’acheteur public doive réduire son implication dans le projet. Au contraire, son attention doit être renforcée vis‐à‐vis du partenaire privé, et son rôle doit évoluer de manière à garantir une application efficiente d’un contrat.
Or, la mission a pu constater que le contrôle de l’exécution des contrats et l’évaluation de l’efficience de leur mise en œuvre étaient actuellement très insuffisants et perçus comme nonprioritaires par certains des acheteurs publics de l’État ou des collectivités locales (cf. annexes II et VII). Ceux‐ci considèrent parfois que le risque d’image encouru par le cocontractant, en cas d’échec du projet, constitue une corde de rappel efficace et suffisante pour le discipliner. Or, l’expérience montre que ce risque réputationnel ne constitue en rien une protection. À titre d’exemple, l’échec du contrat de partenariat relatif à la billetterie du château de Versailles, qui s’est traduit par la résiliation aux torts du groupement privé le 23 mai 2008 et par un contentieux, actuellement en cours d’instruction, n’a pas empêché cette société de conclure avec l’État d’autres marchés publics (cf. annexe VII).
Proposition n° 19 : Faire de l’acheteur public un contrôleur de la performance après la signature du contrat
Pour éviter que le service fourni par le prestataire ne corresponde pas à la qualité prévue dans le contrat, et que l’acheteur public surpaie une prestation dont il ne bénéficierait pas, le contrôle de l’exécution du contrat est indispensable :
l’acheteur public doit continuer de disposer d’une capacité d’expertise et de suivi des projets. Il doit être organisé de manière à s’assurer que toutes les obligations contractuelles sont remplies, à négocier dans des conditions optimales d’éventuels avenants et à faire face à l’éventualité d’un contentieux ;
en amont de la livraison de l’ouvrage, la personne publique doit pouvoir contrôler l’avancement des travaux, et demander, le cas échéant, au partenaire privé de corriger des anomalies. La mission recommande donc que des clauses permettant à la personne publique d’accéder au chantier soient prévues dans le contrat ;
les obligations de qualité et de performance attendues du partenaire privé doivent être fixées dans le contrat, avec des indicateurs précis et objectivables. La détermination de ces aspects est fondamentale notamment s'agissant des obligations d'entretien‐maintenance, la période d'exploitation représentant dans la plupart des cas près de 70 % de la durée totale du contrat ;
pour s’assurer du respect de ces obligations, l’acheteur public doit mettre en place un système de suivi des performances. Ce contrôle, s’il se veut précis, peut être fortement consommateur en temps et en effectifs ;
enfin, les pénalités doivent être utilisées comme un levier d’action effectif sur le partenaire. Le niveau des pénalités, qu’elles soient liées à un retard dans la mise à disposition des ouvrages ou à la phase d’exploitation, doit donc faire l’objet d’une attention particulière (cf. encadré suivant).
Encadré 16 : Des pratiques en matière de pénalité hétérogènes et à l’efficacité incertaine Les contrats prévoient que les prestataires privés respectent de manière impérative, sous peine de pénalités, des critères de performance. Ces pénalités apparaissent très hétérogènes selon les contrats, et pas toujours utilisées efficacement.