Base de l’ANAP Base de la MAPPP
Encadré 11 : Les règles de comptabilisation des PPP dans la comptabilité générale des collectivités locales
2.1.3. Malgré le durcissement des règles fixées par Eurostat en matière de comptabilité nationale, la comptabilisation effectuée par l’INSEE ne garantit pas
l’enregistrement de l’intégralité des PPP
L’enjeu du retraitement statistique en comptabilité nationale ou européenne, au regard des finances publiques, est de déterminer si le contrat est « consolidant », c’est‐
à‐dire si l’équipement doit être comptabilisé dans les actifs publics, ce qui détermine l’imputation immédiate d’une dette publique correspondante.
2.1.3.1. Les règles fixées par Eurostat ont conduit à un élargissement du champ des PPP devant être enregistrés en comptabilité nationale
L’office statistique des communautés européennes, Eurostat, avait défini en février 2004 des règles de comptabilisation des PPP entendus au sens large, pour lesquels les paiements sont effectués majoritairement par le partenaire public et non par l’usager final, comme dans le cadre des concessions. Eurostat recommande ainsi de classer les actifs engagés dans un PPP comme actifs privés et de ne pas les comptabiliser dans le bilan des administrations publiques lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
le partenaire privé supporte le risque de construction ;
le partenaire privé supporte au moins l’un des deux risques suivants : celui de disponibilité ou celui lié à la demande.
Si le risque de construction est supporté par l’État, ou si le partenaire privé ne supporte que le risque de construction et aucun autre risque, les actifs sont classés comme actifs publics.
Encadré 12 : L’interprétation de la notion de risque dans la décision d’Eurostat de 2004 Dans sa décision de 2004, Eurostat a donné des éléments d’interprétation des différents risques :
en ce qui concerne le risque de construction (retard de livraison, respect des spécifications, dérapage des coûts, etc.), l’obligation de l’État d’effectuer des paiements réguliers à un partenaire sans tenir compte de l’état des actifs en construction est la preuve que l’État supporte la majorité des risques et agit de facto comme le propriétaire final des actifs dès leur conception ;
en ce qui concerne le risque de disponibilité (performances des prestations de services, pénalités associées, etc.), l’analyse des pénalités constitue un indice clé. L’État ne supporte pas un tel risque s’il est en mesure de réduire significativement ses paiements périodiques, lorsque les critères de performance ne sont pas atteints, comme tout « client normal ». L’application des pénalités en cas de défaillance du partenaire privé doit être automatique et doit avoir un effet significatif sur ses revenus. À l’inverse, l’existence d’un plafond de pénalités applicables témoigne de ce que le risque n’a pas été significativement transféré au partenaire privé ;
en ce qui concerne le risque de demande (demande plus faible que prévu), l’État est présumé assumer ce risque lorsqu’il doit assurer un niveau donné de rémunération au partenaire privé, indépendamment du niveau effectif de la demande, rendant inopérant l’impact des fluctuations de la demande sur la rentabilité du partenaire privé.
Dans le cas où cette analyse des risques ne permet pas de donner de conclusions claires, Eurostat avait également prévu dans sa décision de 2004 des critères supplémentaires, notamment la prédominance des financements publics dans le coût de construction, l’existence de garanties publiques ou des provisions relatives à l’attribution finale des actifs à leur valeur courante de marché.
Dans une note au ministre de l’économie datée du 21 mai 2010 relative à l’enregistrement en comptabilité nationale de PPP suite à la notification du déficit et de la dette publics pour 2009, l’INSEE présente l’évolution de la jurisprudence d’Eurostat en la matière. La note précise ainsi que, lors d’une « visite de dialogue » menée à l’INSEE en juin 2008, Eurostat a fait savoir que les modalités de comptabilisation des opérations de PPP par les comptables nationaux français n’étaient pas pleinement convaincantes. Dans une note envoyée à l’INSEE en mars 2010, Eurostat a conclu au caractère consolidant des PPP français types – les PPP relatifs aux établissements pénitentiaires – dans le déficit et dans la dette publics.
D’après la note de l’INSEE, « Eurostat considère désormais que, quand bien même un contrat ferait porter les risques de construction et de disponibilité sur le partenaire privé, il sera classé en dette publique dès lors que le financement public est prédominant dans le montage du PPP ».
La part de financement public s’apprécie en cumulant les financements directs et indirects – c’est‐à‐dire les loyers ainsi que les garanties publiques apportées à des financements privés – dès lors que ces financements émanent d’administrations publiques résidentes30.
Ce durcissement de la position d’Eurostat met en évidence que la notion de risque s’entend au sens de la responsabilité de la charge financière, beaucoup plus que de l’aléa. Or, la plupart des PPP sont désormais assortis d’une clause de cession Dailly, dont le montant dépasse la moitié du coût de l’actif livré. Dans ce cadre, la plupart des CP signés par les collectivités publiques doivent être consolidés en comptabilité nationale, en enregistrant la totalité de la valeur de l’actif dans les comptes des administrations publiques.
Cette évolution a été récemment confortée dans le manuel relatif au déficit et à la dette publics, publié par Eurostat le 19 mars 201231. Dans le chapitre consacré aux PPP, l’office statistique confirme les règles établies en 2004 en matière d’analyse des risques, tout en renforçant le poids des critères complémentaires de garanties et de financements publics dans le coût de construction32. Il précise notamment que, si les garanties publiques couvrent une part majoritaire du coût de construction, l’actif est enregistré en totalité dans les comptes publics33. De facteur complémentaire dans la décision de 2004, la proportion de garanties et financements publics devient désormais un critère à part entière de l’analyse des risques dans le manuel de 201234.
Contrairement à ce qu’affirme le guide méthodologique de la MAPPP35, le critère de contrôle – retenu par l’IASB au travers de l’IFRIC 12 – ne devrait pas se substituer au critère de risque dans la doctrine d’Eurostat. Les entretiens menés par la mission avec la direction D d’Eurostat « Government finance statistics » ont mis en évidence une volonté de stabilisation des règles relatives à la comptabilisation des PPP autour de la notion de risque. Le critère de contrôle est en effet perçu comme une notion trop subjective face à l’exigence de comparabilité des données entre les pays de l’Union européenne. Il convient toutefois de souligner que l’évolution de la doctrine d’Eurostat sur l’enregistrement des PPP tend à montrer que la notion de risque est tout aussi difficile à objectiver.
30 Les financements des administrations publiques non résidentes – émanant pour l’essentiel d’organismes internationaux publics tels que la banque européenne d’investissement (BEI) – sont exclus du calcul des financements publics.
31 Manual on Government Deficit and Debt, Eurostat, mars 2012.
32 Eurostat utilise l’expression « capital cost » qui correspond au coût de construction ou de rénovation de l’actif, incluant le coût du financement durant la phase de construction du PPP.
33 « If at inception or during construction, government guarantees cover a majority of the capital cost of the PPP project, the asset is recorded in the government’s balance sheet », Manual on Government Deficit and Debt, VI.5.3.6, p.
276.
34 « Because guarantees have an impact on the distribution of risks between the parties, guarantees should be used in the analysis of risks in PPPs », Manual on Government Deficit and Debt, VI.5.3.6, p. 276.
35 D’après le guide méthodologique mis en ligne sur le site de la MAPPP, la réunion du « financial accounts working group » d’Eurostat en juin 2009 aurait confirmé une évolution, d’ici 2014, dans le sens d’une présomption de consolidation des PPP, liée au fait que le critère de contrôle – critère retenu par l’IASB pour l’enregistrement en comptabilité générale, au travers de l’IFRIC 12 – se substituerait au critère du risque, retenu jusqu’alors.
2.1.3.2. L’enregistrement des PPP par l’INSEE repose désormais sur l’existence d’une cession Dailly
Face à l’évolution de la jurisprudence d’Eurostat, l’INSEE a décidé désormais de procéder à la consolidation des PPP dès lors qu’une cession Dailly est acceptée par la personne publique sur une part majoritaire de la valeur de l’équipement.
Lorsqu’elle porte sur la majorité de la valeur de l’équipement qui a fait l’objet du PPP, l’acceptation par le pouvoir public adjudicateur d’une cession de créance Dailly a pour résultat de rendre le contrat « consolidant » :
une dette, d’un montant égal à la valeur de l’équipement, est inscrite à son passif : il s’agit d’une dette sous forme de crédit, inscrite à sa valeur nominale36 ;
en contrepartie, l’équipement entre, sous forme de formation brute de capital fixe (FBCF) à l’actif du patrimoine du partenaire public, ce qui affecte immédiatement son besoin de financement.
La dette inscrite au passif de la personne publique représente alors la totalité de la valeur de l’équipement en jeu, même si la cession Dailly n’en couvre qu’une partie. Les versements du partenaire public, qui correspondent aux loyers d’investissement et de financement, sont intégralement traités comme le remboursement de sa dette.
Si la cession Dailly acceptée porte sur une partie minoritaire de la valeur de l’équipement – et s’il n’existe par d’autres mécanismes, tels que des garanties, qui rendraient majoritaires la part du financement public – le contrat n’est pas consolidant. Dans cette configuration, l’équipement reste la propriété du partenaire privé, qui le loue au partenaire public :
une dette est enregistrée au passif du partenaire public à hauteur du seul montant de la cession acceptée ;
en contrepartie, le partenaire public acquiert non pas un actif mais une créance sur le partenaire privé au titre des loyers payés d’avance par le biais de la cession acceptée.
Dans les faits, les CP signés par l’État ou les établissements publics nationaux font aujourd’hui quasi systématiquement l’objet d’une cession Dailly portant sur la majorité de l’investissement, et ont donc vocation à être « consolidants ». L’INSEE déclare donc avoir donné pour consigne à la DGFiP de lui transmettre l’intégralité des CP enregistrés dans la comptabilité générale de l’État. D’après l’INSEE, la comptabilisation des CP en comptabilité générale et en comptabilité nationale fait donc l’objet d’une harmonisation de fait, le seul hiatus pouvant résider éventuellement dans les règles de valorisation des actifs et de la dette.
2.1.3.3. La comptabilisation effective des PPP repose sur une analyse a minima de l’INSEE, qui ne garantit pas l’exhaustivité des enregistrements
Pour autant, la DGFiP s’appuie sur les données qui lui sont transférées par la direction du budget (DB), recensant les contrats de PPP livrés et signés au cours de l’année écoulée, sans qu’il soit fait mention de l’existence ou non d’une cession Dailly acceptée, ni de son montant. La prise en compte de ces contrats en comptabilité nationale s’appuie donc sur une présomption de cession Dailly et sur une transmission d’informations peu fiabilisée (cf. infra).
36 La dette « maastrichtienne » étant une dette nominale, la comptabilisation doit porter sur le coût brut de l’investissement incluant les coûts de financement, non indexé et non actualisé.
L’INSEE n’a pas été en mesure de fournir à la mission une liste des PPP enregistrés dans les comptes des administrations publiques. Rien ne permet donc de garantir que les critères de contrôle et de risque concordent effectivement. Ainsi, alors que le CP signé en 2008 par le ministère de la Défense pour l’achat d’heures de vol d’hélicoptères est considéré comme contrôlé par l’opérateur privé, et n’est donc pas enregistré en comptabilité générale, ce contrat figure dans les listes de la DB. Il est donc probable que ce contrat a été intégré dans les comptes nationaux des administrations publiques.
En outre, les PPP conclus par les collectivités locales ne sont pas recensés de manière exhaustive. Alors que, à l’issue de la visite d’Eurostat à la France en novembre 2010 dans le cadre de la procédure de déficit excessif37, l’INSEE avait informé Eurostat que la liste des PPP des collectivités locales était disponible, aucune information de cette nature n’a pu être transmise à la mission. Seules les listes établies par la MAPPP et le CEF‐
O‐PPP donnent une vision approximative et lacunaire (cf. supra) des contrats établis au niveau local. En outre, la mission a pu constater, lors de ses déplacements dans certaines collectivités locales38, que les directions régionales et départementales des finances publiques ne transmettaient aucun élément relatif aux PPP au bureau CE1C de la DGFiP, qui est chargé des comptes nationaux, ou à l’INSEE. Ces services ne disposent donc que des comptes agrégés, tels qu’ils sont transmis pour les besoins de la comptabilité publique. Les nouvelles règles d’enregistrement des PPP dans la comptabilité des établissements de santé et des collectivités locales39 devraient permettre de reporter directement le coût d’investissement, enregistré en dette dans les comptes des collectivités, dans la dette publique consolidée en comptabilité nationale. Toutefois, nombre de PPP n’étant pas encore enregistrés dans les comptes des collectivités locales (cf. annexe II), les défauts de comptabilisation en comptabilité publique se répercutent mécaniquement en comptabilité nationale.
Par ailleurs, Eurostat prévoit que les offices statistiques nationaux donnent des avis sur le mode de comptabilisation des actifs avant la décision d’investissement et enregistrent les actifs en continu, avant la livraison de l’équipement, dès lors qu’ils sont considérés comme des actifs publics40. Rien de tel n’est effectué par l’INSEE. Comme l’avait déjà souligné Eurostat lors de sa visite en novembre 2010, l’INSEE n’intervient qu’a posteriori et les PPP ne sont enregistrés qu’au moment de leur livraison.
Ainsi, l’exhaustivité de l’enregistrement des PPP conclus par les administrations publiques est loin d’être garantie, compte tenu des approximations et de l’absence d’une liste recensant les contrats et les analysant.
En outre, le périmètre des administrations publiques n’est pas totalement stabilisé. La question pendante de la reclassification de la dette de Réseau ferré de France (RFF) en dette publique pourrait également avoir une incidence sur le montant des PPP enregistrés dans les comptes nationaux (cf. encadré 13).
37 EDP dialogue visit to France, 29 novembre 2010.
38 La mission a effectué des déplacements dans le Loiret, en Guyane, en Guadeloupe, dans les Alpes maritimes et en Gironde.
39 L’arrêté du 16 décembre 2010 a complété et mis à jour le dispositif comptable et budgétaire applicable aux collectivités territoriales, établissements publics locaux et établissements publics de santé à compter du 1er janvier 2011 aux nouveaux CP et au stock des contrats signés. Les nouvelles règles consistent à inscrire au bilan de la collectivité locale l’actif faisant l’objet du CP, ainsi que la dette correspondante au passif, alors que ces éléments n’apparaissaient auparavant qu’en hors bilan (cf. annexe II).
40 « When the assets are considered government assets, the capital expenditure is recorded on an accrual basis as the works proceed, and not at the end of the construction/refurbishment period », Manual on Government Deficit and Debt, VI.5.2.3, p. 270.
Encadré 13 : La question de la reclassification de la dette de Réseau ferré de France (RFF)