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La VAE à la confluence d’attentes et préoccupations hétérogènes

L’INFORMATION‐CONSEIL EN VALIDATION DES  ACQUIS DE L’EXPÉRIENCE

2.1  Les multiples implications des pratiques de VAE

2.1.1  La VAE à la confluence d’attentes et préoccupations hétérogènes

Même si  la  validation  des  acquis  de  l’expérience  est  dépositaire  de  plus  d’une  soixantaine d’années de pratiques visant la reconnaissance sociale des apprentissages  réalisés hors des cadres scolaires, elle est encore une modalité de qualification en devenir et  porteuse de conceptions divergentes et parfois contradictoires (Aballéa, Guérin, Hedia,  Legoff & Lauriol, 2004 ; Cedefop, 2009 ; Duvekot, Schuur & Paulusse, 2005 ; Puippe & 

Strebel, 2011). Comme le suggèrent Aballéa et al. (2004), la VAE peut être assimilée à un 

« objet frontière » représentatif d’un phénomène d’innovation sociale et culturelle qui se  répand tout en répondant à des intérêts et à des attentes qui ne sont pas nécessairement  consensuelles. Informer ou conseiller sur la VAE nécessite alors de prendre en compte ces  dissensus, en considérant : (a) la diversité des modalités de diffusion de ces pratiques et la  pluralité de dénominations qui en dérivent ; (b) la procéduralisation de la VAE en plusieurs  phases et la multiplicité d’intervenants qui en découle ; (c) les différents types des publics  intéressés et leurs attentes spécifiques.  

Modalités de diffusion et dénominations multiples 

Les modes de concrétisation des procédures de VAE dans les différents pays sont  déterminés par les groupes d’intérêts qui les soutiennent et par les caractéristiques des  systèmes locaux de formation et de formation professionnelle (Aubret & Gilbert, 1991 ;  Bjørnåvold 2000 ; Colardyn & Bjørnåvold, 2005 ; Di Francesco, 2004 ; Duvekot et al., 2005 ; 

Feutrie 1997 ; Liétard, 1999). Nous distinguons en particulier, deux modalités privilégiées de  diffusion.  

La première, qui vise l’émancipation et l’empowerment des personnes, fait référence à la  notion d’expérience, et est supportée surtout par les mouvements féministes, d’éducation  des adultes et les organisations non gouvernementales, pour valoriser les apprentissages  réalisés  dans  le  travail  domestique,  le  bénévolat,  les  professions  à  bas  niveau  de  qualification et plus généralement en faveur des publics à risque de marginalisation sociale. 

Cette modalité prône la prise de conscience du savoir tacite et la récolte de traces  d’activités (d’où la diffusion des démarches de bilan de compétences et la multiplication des  instruments de type portfolio) (Madoui, 2002 ; Ollagnier 2005 ; RNAEF, 1989).  

La deuxième modalité de diffusion, qui se manifeste surtout dans les contextes de  gestion des ressources humaines, est soutenue par les organisations du monde du travail et  les syndicats. Elle vise la reconnaissance des acquis professionnels, afin de favoriser le  développement et la mobilité de carrière des personnes concernées. Dans ce cadre, on fait  surtout référence à la notion de compétence, dont on souhaite la reconnaissance et/ou la  certification par validation des acquis de l’expérience professionnelle. On peut citer comme  systèmes particulièrement répandus, celui du National Vocational Qualification (NVQ)  anglais des années 80, ainsi que la Validation des acquis professionnels (VAP) instituée en  France en 1992. Les deux systèmes, tout en faisant référence à des approches différentes,  marquent un écart par rapport aux approches scolaires classiques, car ils permettent  d’obtenir des légitimations formelles de la pratique professionnelle en faisant référence à  des compétences à atteindre, plutôt qu’aux caractéristiques des parcours d’études (Garnett,  Portwood & Costley, 2004 ; Layte & Ravet, 1998 ; Merle, 1997).  

La diffusion diversifiée des pratiques de VAE donne lieu à des évolutions également  différentes des termes et des notions de référence, ce qui engendre souvent des difficultés  à mener des projets communs entre différentes régions linguistiques. Par exemple (pour les  langues que nous connaissons) en France on parle de VAE ou de RVAE : Validation ou  Reconnaissance des acquis de l’expérience, mais aussi de Reconnaissance ou Validation des  Compétences (surtout dans les entreprises), en Grand Bretagne on parle de APEL, ou APL,  ou RPL, ou VPL (pour Accreditation, Recognition, Validation of Prior Experiential Learning)  tandis qu’en Italie on utilise les termes de Riconoscimento et/ou de Validazione degli  apprendimenti esperienziali et/ou de Certificazione delle competenze, et au Canada de ERA 

(Évaluation et Reconnaissance des Acquis) ou de PLAR (Prior Learning Assessment and  Recognition) (Di Francesco, 2007 ; Duvekot, 2005 ; Feutrie 1997 ; Garnett, Portwood & 

Costley, 2004 ; RNAEF, 1989 ; Salini, 2007).  

Selon le cas, ces dénominations portent respectivement sur les activités d’individuation,  de reconnaissance, d’accréditation ou de validation (Feutrie 1997) et se focalisent sur les  acquis ou apprentissages de l’expérience ou sur la compétence, avec une référence  commune à la dimension rétrospective des activités prises en compte. Mais les termes 

« pivôts » de ces procédures  ‐ expérience ou compétence –, au‐delà des raisons qui  orientent vers l’une ou l’autre option, alimentent un débat à propos de leur nature et de  leurs relations réciproques. D’une part, plusieurs études évoquent la complexité de la  notion d’expérience, en soulignant que l’apprentissage expérientiel ne peut pas être relégué  aux seuls contextes extrascolaires (Colley, Hodkinson & Malcolm, 2002 ; Fenwick, 2001 ;  Mayen & Mayeux, 2003 ; Ollagnier, 2005 ; Pinte, 2002, 2011 ; Reggio, 2003 ; Schwartz,  2004). De l’autre, la notion de compétence, référence fondamentale pour la détermination  des référentiels de qualification que visent les pratiques de VAE, est polysémique et  porteuse de malentendus possibles quand on passe d’un contexte d’utilisation à un autre  (e.g. Boldrini & Ghisla, 2006).  

La constitution de glossaires internationaux débouche, dans l’UE, sur une référence aux  acquis ou apprentissages non formels et informels (Cedefop 2009), qui intègre les acquis à  l’issue de la formation scolaire dans la définition officielle de la validation : « La confirmation  par une autorité compétente que les résultats/acquis d’apprentissage (savoirs, aptitudes  et/ou compétences) acquis par un individu dans un contexte formel, non formel ou informel  ont été évalués suivant des critères prédéfinis et sont conformes aux exigences d’une norme  (ou référentiel) de validation. La validation aboutit habituellement à la certification »  (Cedefop, 2009, p. 16). Sur cette base, le sigle utilisé actuellement est VNIL, pour validation  of non formal and informal learning. Cependant, la tentative d’intégrer les termes officiels  de l’UE dans les sigles nationaux utilisés pour labelliser la validation ne connaît pas un grand  succès. Aujourd’hui encore, les différentes régions linguistiques, tout en faisant référence à  la terminologie officielle de l’UE, privilégient leurs propres dénominations  ‐ ce que nous  faisons d’ailleurs en reprenant le sigle VAE ‐.  

La procéduralisation des pratiques  

L’institutionnalisation progressive des pratiques de reconnaissance des acquis dans les  réglementations nationales et internationales porte avec elle une structuration de ces  activités en termes de procédures. Celles‐ci se diversifient selon les contextes nationaux,  mais se caractérisent généralement par une organisation progressive qui formalise les  différentes étapes du processus de validation (Bednarz, Coronas & Marinoni, 2005 ;  Cedefop, 2009 ; Colardyn & Bjørnåvold, 2005 ; Dubouchet & Berlioz, 2005 ; Duvekot, Schuur 

& Paulusse, 2005 ; OFFT, 2010). Ces étapes, selon les différentes prescriptions, sont soit  considérées comme des parties d’un processus continu, soit prises en compte et activées  séparément. Elles précisent cinq passages principaux dans la démarche de validation : (a)  l’information‐conseil ; (b) la préparation d’un dossier qui documente l’expérience en lien  avec le référentiel du titre pris en considération ; (c) l’évaluation qui se base sur le dossier  mais qui peut être accompagnée par d’autre formes de vérification ; (d) l’éventuelle  formation complémentaire ; et enfin (e) la certification qui permet, par le biais d’un titre ou  d’autre type d’attestation, une légitimation officielle des acquis développés au dehors des  systèmes de formation formelle.  

Les différents acteurs intéressés et leurs attentes  

Bien que les procédures de VAE soient adressées principalement aux individus, les  acteurs collectifs concernés par ces pratiques sont nombreux : organisations politiques  nationales et internationales, institutions du système formatif, organisations du monde du  travail, associations à but non lucratif (Cedefop, 2009). Chacun de ces acteurs est porteur  d’exigences différentes et pas toujours concordantes. Au niveau des individus ces pratiques  doivent  pouvoir répondre à trois  types d’attentes : (a)  de protection  (du risque de  licenciement ou de perte d’un rôle ou une fonction professionnel) ; (b) de reconversion  (pour se situer dans un nouveau contexte de travail) ; (c) de promotion (pour confirmer une  position professionnelle dont on ne possède pas le titre correspondant). Pour ce qui  concerne les attentes des acteurs collectifs, les organisations du monde du travail visent la  possibilité de rendre comparables les compétences individuelles par rapport à celles  requises  par  des  fonctions  professionnelles  spécifiques.  Ces  attentes  sont  liées  aux  mutations des  entreprises, ce qui  induit  la nécessité de  promouvoir  la mobilité  du  personnel, ou à la nécessité de répondre aux exigences de systèmes de qualité au regard du  niveau de qualification de leurs collaborateurs. Pour les organisations à but non lucratif il 

s’agit de faire reconnaître les compétences acquises dans le travail bénévole ou familial, et  de  souligner  l’impact  de  ces  activités  dans  les  parcours  formatifs  ou  les  carrières  professionnelles. Pour les institutions formatives il s’agit de faciliter la perméabilité entre les  différentes formes d’apprentissage ainsi que d’approcher de nouveaux publics et offrir une  deuxième chance à ceux qui se sont éloignés des parcours formatifs traditionnels (Deprez,  2005 ; Duvekot, 2005 ; Julien & Liétard, 2004 ; Labruyère, Paddeu, Savoyant, Tessier & 

Rivoire, 2002 ; Kadishi, Hager Oeuvray & Fellmann‐Lombart, 2005).  

Ces attentes dépendent aussi des différentes caractéristiques des acteurs intéressés,  notamment : le domaine ou degré de formation auquel ils souhaitent avoir accès, les  tranches d’âge impliquées, les dimensions individuelles ou collectives des procédures, et les  exigences spécifiques de certains publics en difficulté (Aballéa et al., 2004 ; Duvekot et al. 

2005 ; Labruyère, et al., 2002 ; Massip & Croze, 2006 ; Paulet, 2005 ; Voit, Weber Guisan,  Cortessis, Petrini & Stoffel, 2007). Par ailleurs, les attentes de ces acteurs oscillent entre une  conception utopique du processus de validation et des craintes quant à l’impossibilité de sa  réalisation. Cela se traduit par une vision illusoire ou confuse de ce qu’on peut atteindre par  les processus de validation, et par des préoccupations qui concernent : (a) la valeur des  titres acquis par VAE, plus précisément la crainte que la VAE soit un expédient pour se  soustraire à la formation formelle et induise une diminution de validité ou d’intérêt des  parcours de formation classiques, ou engendre une dépréciation des titres ainsi atteints ; (b)  la faisabilité de la procédure, notamment par rapport à sa durée, aux déplacements et aux  coûts qui en dérivent pour les bénéficiaires, ainsi qu’aux dimensions méthodologiques de la  validation et de leur qualité, pertinence et efficacité ; (c) la comparabilité possible entre  expérience et référentiels de qualification, en fonction aussi des parcours individuels non  linéaires des bénéficiaires ; (d) l’articulation entre les différents acteurs et organisations  chargés d’intervenir entre le monde du travail et de la formation, ainsi qu’entre les  différents  systèmes  de  formation,  ce  qui  engendre  souvent  un  chevauchement  des  informations proposées (Aballéa et al., 2004 ; Behrens, Braibant & Dauvisis, 2004 ; Eriksson,  2007 ; Evéquoz, 2006 ; Hän, 2006 ; Liaroutzos, Sulzer, Besucco & Lozier, 2001 ; Mayen,  2007 ; Pinte, 2002 ; Rope, 1999 ; Schreiber, 2006 ; Thomas, 2006).  

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