• Aucun résultat trouvé

L’INFORMATION‐CONSEIL EN VALIDATION DES  ACQUIS DE L’EXPÉRIENCE

2.3  L’activité des professionnels de l’information‐conseil en VAE

2.3.2  Articuler l’information et le conseil dans un climat de confiance

L’analyse de pratiques  coordonnée  par Mayen et  Perrier  (2006)  montre que  les  situations d’information‐conseil pour la VAE intègrent la complexité inhérente aux relations  de service effectuées sous forme d’interactions verbales. Ces relations, comme toutes les  activités de médiation et d’aide, portent autant sur le « comment faire » que sur le « quoi  faire » et le « pourquoi le faire ». Elles constituent des interventions sur une trajectoire  individuelle, au sein d’un processus de travail, et sont en même temps des démarches  structurées par un ensemble de variables dynamiques dans lesquelles les différentes  activités ne constituent pas des séquences étanches mais se déploient tout au long de la  situation d’entretien. Notamment, les activités affichées dans la dénomination du service,  l’information et le conseil, articulées tout au long de la situation, ne peuvent pas se réaliser  sans la constitution d’un climat de confiance et l’analyse des besoins des demandeurs. 

Toutes ces formes d’intervention sont complexes et intimement liées, parce que, même si  selon les différents moments de l’entretien, l’une d’entre elles est prioritairement activée,  les autres peuvent revenir au premier plan selon ce qui advient dans la situation (Mayen & 

Perrier, 2006).  

Au début, un cadre accueillant et une relation rassurante se révèlent indispensables pour  aider le demandeur à comprendre le dispositif et situer sa démarche. Cet accueil, en tant  que dimension propre de l’accompagnement (Mayen & Daoulas, 2006) se caractérise par le  respect, la constitution d’un cadre protégé, la capacité de prendre du temps malgré la durée  réduite de l’entretien, l’écoute du demandeur, le don d’un espace de parole, ainsi que par  une reformulation ponctuelle de ses propos afin d’en saisir la signification. Cela permet  d’établir une relation confiante et encourage les demandeurs à raconter les caractéristiques  de leur activité, leurs incertitudes ou exigences particulières (Mayen & Perrier, 2006). Il faut  tenir compte du fait que les individus qui s’approchent à la VAE ont en même temps une  demande de proximité, d’immédiateté et de sûreté, désirant réduire les incertitudes et les  risques de la procédure.  

Permettre aux demandeurs de se situer face à un parcours possible de VAE, signifie pour  les conseillers non seulement leur donner des renseignements sur les caractéristiques de  cette  démarche,  mais  aussi  faire  en  sorte  qu’ils  puissent,  par  ces  informations, 

« connaître pour agir » (Mayen & Perrier, 2006, p. 124). En ce sens, les conseillers travaillent  avec et sur l’information pour proposer au public des renseignements fiables, exhaustifs et 

actualisés. Ils doivent d’une part repérer à partir de différentes sources, les indications sur  les titres et sur l’évolution des réglementations qui les concernent, en vérifiant leur fiabilité  et leur actualisation. Cela est particulièrement compliqué en France, en raison de la  complexité du système de formation professionnelle, qui se reflète dans les pratiques de  VAE et donne lieu à une masse d’informations considérable, délivrées selon des formes  multiples, parfois contradictoires (Chauvet, 2003 ; Dubouchet & Berlioz, 2005 ; Mayen & 

Perrier,  2006).  Ce  travail  d’interprétation,  qui  est  réalisé  hors  de  la  présence  des  demandeurs, permet de sélectionner et d’organiser l’ensemble de l’information répertoriée. 

Par ailleurs, un autre travail, que Mayen appelle "de médiation", se réalise en situation  d’entretien, afin que l’information soit entendue, comprise et appropriée. Cela est rendu  possible par des opérations de transformation pour la rendre accessible, et d’étayage de  son appropriation de la part des demandeurs, afin que ce dernier puisse les intégrer et s’en  servir (Mayen & Perrier, 2006). Il s’agit donc d’un travail de traduction et de facilitation, à  l’interface entre les référentiels de qualification et les trajectoires individuelles (Boursier & 

Chauvet, 2005).  

Le travail sur et avec l’information ne peut pas être réalisé sans la prise en compte de la  manière dont les demandeurs interprètent et comprennent la VAE, d’autant plus que la  plupart ignorent ce qu’ils peuvent recevoir du conseiller dans ce domaine et ce qu’ils  peuvent obtenir par la validation (Mayen & Perrier, 2006). La VAE s’inscrit dans une 

« incertitude ambiante » (Chauvet, 2005, p. 21) qui fait que pour les demandeurs beaucoup  de  confusion  ou  d’incertitude  est  associée  à  l’approche  de  la  procédure :  la  VAE  s’apparente‐t‐elle ou s’éloigne‐t‐elle d’un parcours de formation ? Comment valider des  parcours peu linéaires ou chaotiques ? Comment prouver sa compétence ? La procédure  peut‐elle répondre à des situations d’urgence ? Offre‐t‐elle  les  garanties quant à la  stabilisation ou l’évolution des carrières ? (Chauvet, 2005 ; Mayen, 2007 ; Mayen & Perrier,  2006). Ce vécu d’incertitude semble traverser l’ensemble de la procédure, si on prend en  compte ce que signale Eriksson (2007), qui observe que les demandeurs se plaignent, tout  au long du parcours, de ne pas savoir ce qui les attend, malgré les informations reçues.  

Une information appropriée doit également être ajustée à la situation du demandeur et  devenir pour lui une ressource pour l’action, permettant d’intégrer la VAE dans son projet à  court ou à long terme. En ce  sens l’analyse de la demande est  une étape clé de  l’intervention des conseillers, parce qu’elle donne des indications sur la manière d’adapter  l’information. Le conseiller doit construire avec le demandeur un espace de co‐analyse dans 

lequel il y a la possibilité de mieux définir le cadre de la demande et les réponses possibles. 

L’exploration des attentes fait évidemment partie de cette investigation, autant que  l’attention au langage et aux dimensions psychologiques des demandeurs et l’analyse de  leurs parcours pour trouver la bonne certification. Cela vaut surtout au regard de la  complexité du système de certification français, et de la présence de plusieurs organismes  valideurs, qui fait que le choix de la certification appropriée ne dépend pas seulement de la  correspondance entre le parcours  du demandeur et  un certain titre, mais aussi de  dimensions liées à des opportunités contingentes, ou aux exigences personnelles du  demandeur (Chauvet, 2005 ; Mayen & Perrier, 2006). En particulier, le travail d’investigation  du parcours du demandeur procède selon deux sortes d’opérations : l’expansion et le  tâtonnement logique. L’expansion est la manière de faire ressortir du CV ou des narrations  du  demandeur,  des  descriptions  plus  fines  des  activités  réalisées ;  le  tâtonnement  logique est le processus d’investigation ou de diagnostic qui procède de l’analyse de la  demande vers l’analyse du parcours du demandeur, jusqu’à la mise en relation avec les  documents de référence (Mayen & Perrier, 2006).  

Enfin, le conseil en lui‐même, c'est‐à‐dire le pôle de l’activité des professionnels agissant  en début de la procédure qui résume leur fonction (ils sont bien des conseillers), est  distribué tout au long de l’entretien et est une modalité d’action qui prend des formes  variées (Mayen & Perrier, 2006). En reformulant quelques définitions du conseil, Mayen,  dans ses commentaires aux écrits des praticiens des Points Relais Conseil de Bourgogne,  indique une caractéristique spécifique du conseil pour la VAE : c’est le fait que « les  personnes sont amenées à prendre des décisions qu’elles n’auraient peut‐être pas prises  sans le recours au conseil ou qu’elles n’auraient pas prises de manière suffisamment  informée ou raisonnée » (Mayen & Perrier, 2006, p. 158). Il ne s’agit pas alors de dire ou  suggérer ce qu’il faut faire, mais d’ouvrir ou de réduire, par une information adaptée et  étayée, le champs des possibles, en  procédant  à une restructuration des  options à  disposition qui peut réorienter les envies et les projets (Mayen, 2007).  

Cette activité, qui s’affiche de manière apparemment neutre comme la simple mise à  disposition d’informations pour que les personnes puissent agir en connaissance de cause,  est paradoxale car la dimension de l’influence sur l’autre y participe également : d’une part  parce que les demandeurs sont, pour leur situation, influençables (par leur désir de réussir  la VAE, par l’ignorance des éléments qui peuvent éclairer leur action, par l’asymétrie face à  des professionnels du domaine…) ; d’autre part, parce que cette intervention vise à 

influencer les individus, en transformant leur monde de signification et la modalité de mise  en œuvre de leur projet. La notion de neutralité se précise si on en identifie les modes  d’actualisation, principalement : se mettre en condition de neutralité par rapport aux  institutions mandataires ou de validation, et garder le cap sur les intérêts des demandeurs  sans se substituer à eux. Cela implique d’exercer un travail sur soi‐même : éviter de prendre  parti, d’anticiper des conclusions sans avoir méticuleusement exploré l’ensemble de la  demande, éviter de tomber dans des stéréotypes à partir de catégorisations préconstruites  du public de demandeurs (Mayen, 2007 ; Mayen & Perrier, 2006). Ce type de conseil  s’éloigne alors de la fonction  d’orientation vers, par exemple, les certifications plus  adéquates, et devient une forme d’accompagnement à la personne, pour favoriser ou  étayer sa réflexion sur ses choix, et l’aider à préciser sa demande en fonction des titres  envisageables (Boursier & Chauvet, 2005 ; Dubouchet & Berlioz, 2005 ; Mayen, 2007).  

Outline

Documents relatifs