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LES OBJECTIFS DE LA DÉFINITION

B. La protection de l’intégrité territoriale de l’État

Le te rritoi re fait p art ie , en droit int ernatio nal gé né ral , de l ’une des compos ant es e ss enti ell es de l’Ét at753. Si on touche au territoire d’un État, on touche à sa substance.

« Il semblerait que la violation de la souveraineté territoriale d’un État… soit qualifiable

d’atteinte grave à un intérêt essentiel ; il ne fait aucun doute que l’intégrité territoriale est pour un État un intérêt ‘essentiel’ »754.

De nombreux conflits interétatiques ont pour origine la violation du territoire de l’un des États ; ceci a d’ailleurs conduit la CIJ à rappeler qu’ « [e]ntre États indépendants, le respect de la

souveraineté territoriale est l’une des bases essentielles des rapports internationaux »755.

L’inviol abi lit é des fronti ères et du te rritoire a ét é cons ac rée par l a Chart e des Natio ns Uni es . L’a rticl e 2§4 de l a Chart e i mpos e aux État s me mbres de l’O rga ni sa tion de s’abst en ir dans l es rel atio ns int ern atio nale s de rec ou ri r à l a mena ce ou à l’empl oi de la force contre l’int é grit é t errit ori ale de tout Ét at. La

751 RIUZ FABRI (H.), « Genèse et disparition de l’État à l’époque contemporaine », AFDI, 1992, pp. 153 et s. L. Le Fur disait en 1921 que « [l]’État est la grande société naturelle et nécessaire ». LE FUR (L.), « Philosophie du droit international », art. précité, p. 580

752 La CIJ a précisé dans l’AC sur La licéité de la menace et de l’emploi de l’armé nucléaire du 8 juillet 1996, que le droit de légitime défense découle lui-même du droit fondamental qu’a tout État à la survie. V. § 96 de cet AC.

753 Un État est composé d’une population, d’un territoire et d’un gouvernement. Le territoire d’un État est composé d’une partie terrestre, d’une partie aérienne et d’une partie maritime (cette dernière partie peut faire défaut et là on parle de pays ou d’États enclavés).

754 MARTIN (J-C.), Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 313

plénitud e et l’ex cl us ivité de l a compét ence t e rritoria le consti tuent des principes card inaux du dro it inte rnation al dé coulant directe me nt du princi pe de l’é galit é souve rai n e consac ré à l ’arti cl e 1§2 de l a Cha rt e d es N ations Uni es756.

« Le sor t du t errit oi re dépend e xc lusi v eme nt d es fact eurs c onst itut ionnel s

respons abl es e t d es Par lem ents , en v er tu des disposi tions des di verses Constit utions natio nales »757.

C’e st dire que s eul l’Ét at d éti ent des droit s pour a pporte r des modi ficati ons su r son territ oire (vent e, cession, fusion, et c. ). Il est, depuis la sent enc e Max H ub ert de 1928, ha bi tuel de cara ct éris er l a s ouve ra in et é territ ori al e par l a pl énit ude et l’ex cl usivité d es co mpét en ce s de l’État s ur son territ oire s au f si, par t rai té ou aut re ac cord, l’État en a déci dé aut re ment. L’a rticl e 10 du Pa cte d e la SdN ga ranti ssa it déj à de fa ço n fort e l ’i nté gri té territ ori al e vis-à-vis de t out e att aqu e ex téri eure758, c e qui a amené ce rt ains aut eurs à affi rmer : « qui dit Soci ét é des Nat i ons, dit garanti e de l ’int égrit é

terri tori ale »759.

L’a gre ssi on port e at teint e aux droit s fon da ment aux de l ’Ét at , à savoir sa souve rai n eté t e rri to rial e et s on in té gri té territ ori al e760, droi ts qui sont prot é gés par de no mb reux tex tes intern ati onaux . On pe ut ci te r, à titre d’exe mple , la ré soluti on 2625 de l’AG d es NU qui disp ose que :

« [ t] out État a l e de voir de s ’ab ste ni r de r ec ouri r à l a me na ce ou à

l’e mpl oi d e la f orce pour viol er l es f rontiè re s int ern atio nal es exi st ante s d’un autre Ét at ou com m e mo ye n de rè gl em ent des diff ér ends inte rnati ona ux, y c ompri s l es di ffé ren ds t err itori aux et l es qu esti ons relativ es aux fron tières d es États ».

756 MARTIN (J-C.), Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, op. cit., p. 273

757 Communiqué publié le 30 mai 1933 par le Conseil permanent de la Petite Entente. V. sur une analyse de ce document, ROUSSEAU (Ch.), « L’indépendance de l’État dans l’ordre international », art. précité, p. 182

758

KORMANICKI (T.), La question de l’intégrité territoriale dans le Pacte de la Société, op. cit., pp. 162 et s., WEHBERG (H.), « Le problème de la mise de la guerre hors la loi », art. précité, p. 167, MIRKOVITCH (V.), Des

rapports entre l’article 10 et l’article 21 du Pacte de la SDN, Les Éditions internationales, Paris, 1932, pp. 54 et s.

L ’ a r t i c l e 1 0 d u P ac t e d e l a S d N p a r l e d u r e s p ec t m u t u e l p a r l e s m e mb r e s d e l a S o ci é t é , d e l ’ i n t é g r i t é t e r r i t o r i a l e e t d e l ’ i n d ép e n d a n c e p o l i t i q u e d e s Ét a t s m e m b r e s et p r o s cr i t t o u t e a g r e s s i o n e xt ér i eu r e . S u r ce s u j e t , v . RUTGERS (V.), « La mise en harmonie du Pacte de la Société », art. précité, p. 30. Pour la place de l’article 10 dans le système du Pacte, RUTGERS propose de lire l’ouvrage de A. A. STRUYCKEN, La Société des Nations et l’intégrité territoriale, Biblioteca Visseriana, 1923, pp. 104 et s.

759 V. KORMANICKI (T.), La question de l’intégrité territoriale dans le Pacte, op. cit., p. 12

L’É tat doit pouvoi r êt re maît re sur so n t errito ire c ar « [ l ] e fonde m ent

terri tori al du pouvo ir polit ique s uppos e en eff et l ’exclu si vit é t errit oriale »761 ; on c omprend dès lors qu e l es p rincipes é lé ment ai re s, p rés erv ant l ’Ét at de tout e att eint e à son t errit oire par l ’usa ge d e la force par u n aut re Éta t, soi ent des princi pe s fonda ment aux du d roit i nte rna tion al762. Le prin cip e de non -a gress ion interdi t tout e a gre ssi on milit ai re pour l ’a cquisitio n, l ’uti lisati on ou l ’oc cupati on d’un t e rrit oi re763. C ’e st po ur prot é ger cet t e i nté grité t erritori a le qu e dans les ann ées 1930 dé jà, il ét ait cons id éré que « [t]out État qui, en violation des règles de droit

… portera atteinte par les armes à l’indépendance et à l’intégrité territoriale d’un de ses voisins, commettra le crime international d’agression. »764 Le crime d’agression porte atteinte à l’intégrité territoriale de l’État ; pour certains auteurs, l’agression doit même être interprétée comme l’envahissement du territoire765. En dépit des dispositions de la Charte affirmant et garantissant l’intégrité territoriale des États, on a cependant continué d’assister à diverses manifestations de violations ou d’atteintes à l’intégrité territoriale de certains États ; on peut citer, à titre d’exemple, l’attaque de la Corée du Nord contre la Corée du Sud en 1950, l’« intervention

armée » de l’URSS en Hongrie en 1956 et en Afghanistan en 1979, les « opérations militaires »

de la France, du Royaume-Uni et d’Israël contre l’Egypte en 1956, l’« intervention militaire » de la Turquie contre Chypre depuis 1974, la violation de l’intégrité territoriale du Liban commise par Israël en 1982, les « agressions » de l’Afrique du Sud contre l’Angola depuis 1976, contre le Lesotho en 1982 et 1985, contre le Botswana en 1985766, l’« agression armée » d’Israël contre la Tunisie en 1985767, l’invasion de la péninsule de Bakassi par le Nigeria en 1994768, etc. Ces

761 DEMICHEL (F.), « Le rôle de la souveraineté dans les relations internationales », art. précité, p. 1054

762 MARTIN (J-C.), Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, op. cit., p. 273

On peut rappeler comme le notait H. Kelsen que le droit international a pour mission de « protéger certains intérêts

des États » ; parmi ces intérêts protégés, on trouve la souveraineté et l’intégrité territoriale des États. KELSEN (H.), Théorie pure du droit, op. cit., p. 312

763 DEMICHEL (F.), « Le rôle de la souveraineté dans les relations internationales », art. précité, p. 1064. V. également ARONEANU (E.), La définition de l’agression, op. cit., p. 335

764

SIBERT, RGDIP, 1924, p. 625, cité dans le Dictionnaire de la terminologie du droit international, op. cit., p. 34, v. aussi PCNICC/1999/INF/2, précité, p. 7

765 KORMANICKI (T.), La question de l’intégrité territoriale dans le Pacte, op. cit., p. 162, CHAUMONT (C.), FISCHER (G.), « Explication juridique d’une définition de l’agression », art. précité, p. 528

766 Le Botswana s’est plaint devant le Conseil de sécurité par une lettre datée du 26 déc. 1976. Doc. S/12262.

767

DAVID (E.), « L’actualité juridique de Nuremberg », art. précité, p. 160

768 CIJ arrêt du 10 octobre 2002, affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria, § 319. V. aussi sur ce sujet, THOUVENIN (J-M.), « La Cour internationale de justice et la sécurité collective » in Les

métamorphoses de la sécurité collective, op. cit., p. 119, KAMTO (M.), L’agression en droit international, op. cit.,

dispositions de la Charte sont tout de même constamment rappelées dans des résolutions émanant des organes des Nations Unies ou d’autres organisations régionales. C’est le cas par exemple dans la résolution 2625 de l ’AG o ù il est rapp el é que rie n ne doit êt re int erp rété dan s ce tte rés oluti on co mme :

« aut oris ant ou encou ragea nt une a ction q uell e qu’ell e soit, qui

déme mbr erait ou menace rait tot ale m ent ou parti ell em e nt, l ’inté grit é terri tori ale ou l ’uni t é pol i tique de tout Ét at so uverain et in dépendan t se con duis ant co nform é ment aux princi pe s d ’égalit é des dr oits et du droit des peu pl es à di sposer d’e ux -mê m es. »

C’e st le cas éga l ement de l a résol ut ion 3 314 de l’AG d es N U qui prohibe tout e att eint e à l ’int é grit é terri to ri al e de s États . On sait que ce dernier texte a servi de base pour les travaux sur le crime d’agression769, même si cela a été critiqué770 et le texte adopté en juin à Kampala par l’AEP intègre dans l’alinéa 2 de l’article 8 bis, l’essentiel des dispositions de cette résolution 3314771. Le traité de l’Atlantique Nord a aussi été établi pour protéger les États membres contre toute menace dirigée contre leur intégrité territoriale ; l’importance du respect du territoire est soulignée dans le Traité de l’Atlantique Nord772.

Tout e acti on di ri gée cont re l’i nt é grit é t erri torial e d ’un Ét at con stitu e u ne att eint e au p rincipe d’in viol ab ilit é d es fronti ères , u ne menace contre la paix ou une rupture de la paix et, justifie la réaction de l’État attaqué, des autres États, du Conseil de sécurité773 et la poursuite des auteurs du crime d’agression devant une juridiction pénale. Jusque là, en cas d’agression (si on exclut les précédents des TMI et des Tribunaux Alliés), seule la responsabilité de l’État était recherchée et les véritables auteurs qui sont les hommes étaient peu inquiétés. C’est l’individu qui est immédiatement visé lorsqu’on se situe dans le cadre du droit international pénal et, en ciblant directement les personnes responsables du crime d’agression et en établissant des condamnations et des sanctions à leur égard, on parvient un peu plus à les

769 V. ICC-ASP/5/35, 29 janvier -1 février 2007, AEP, Reprise de la cinquième session, New York, Doc. officiels, p. 11, ICC-ASP/6/SWGCA/2, précité, p. 1

770 V. sur ce sujet, LAFONTAINE (F.) et TACHOU-SIPOWO (A. G.), « Tous les chemins ne s’arrêtent pas à Rome », art. précité, p. 82, KRESS (C.) et Von HOLTZENDORFF (L.), « The Kampala Compromise on the Crime of Aggression », art. précité, pp. 1190 et s.

771 C.N.651.2010.TREATIES-8, précité. V. aussi sur ce sujet, KRESS (C.) et Von HOLTZENDORFF (L.), « The Kampala Compromise on the Crime of Aggression », art. précité, pp. 1190 et s.

772 V. articles 4, 5 et 6 du Traité. V. aussi sur ce sujet, KOMARNICKI (W.), « La définition de l’agression dans le droit international », art. précité, p. 98

773 Même si comme on l’a vu précédemment les réactions du Conseil de sécurité se font souvent en fonction des intérêts politiques.

sensibiliser quant à l’interdiction de planifier ou de commettre ce crime. Les aut eu rs de s cri mes a gressi ons sa uro nt désormais q u’i ls n’é ch appe ront plus aux pou rsuit es e t aux cond amnat ions pénal es.

Un e défin ition du cri me d’a gress ion conc ourt à maxi mis er la prot ection de l’int égrit é t e rri toria le d es Ét ats. O n augmente par la mê me oc ca sion le s instru ments p rot ecte urs de l a p ére nnit é e t la st abilit é de s Ét a ts774, pé rennit é qui pas se p ar la prot ect i on du te rritoi re de l ’Ét at, co mpos ant e es sent iel le de l’État . Cett e dé finit ion du c ri me d ’a gre ssi on vi e nt é ga leme nt a ccroît re :

« la s acralis atio n d u principe d e l ’int é grit é territo rial e de s États qui

figur e au pr e mier rang des pri ncipes affir més par la C hart e d e S an Francis co (art.2,§ 4) et dont on p eut m esu rer l’i nt ér êt à trav er s la ré act ion de la comm unaut é in tern atio nal e à ce rtai nes d e s es vi olati ons … » 775

P rot é ge r ce droi t fo ndame nta l de l’Ét at par l e biai s d’un e dé finit ion du cri me d’a gre ssi on revient à : assu rer la paix et la sécu rit é i nte rnation ale s pour l’e ns e mbl e de la soci ét é int e rn at ional e ; réa ffirme r qu e le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale constitue une base essentielle des rapports internationaux776 et que de ce fait ces droits méritent d’être protégés par tous les moyens et en tout temps. Lors des travaux des comités (3e session) sur la définition de l’agression, de nombreux pays socialistes, afro-asiatiques ont soutenu qu’en protégeant les États contre l’agression, on leur permettait de consacrer leur énergie et leurs ressources au développement économique de leurs pays et à l’élévation du niveau de vie de leur population777 ; cette assertion reste vraie aujourd’hui.

774 SUR (S.), « Sur quelques tribulations de l’État dans la société internationale », art. précité, pp. 882, 893 et MOHAMED MAHMOUD (M. S.), « Mondialisation et souveraineté de l’État », art. précité, p. 659

« International law may have changed slightly (with a greater focus on international criminal law)… », EJIL, 16, vol. 5, 2005, p. 985. V. surtout l’avis de James Crawford, sur ces changements dans l’ouvrage : From Nuremberg to

the Hague : The Future of International Criminal Justice, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, p. 109

775 SUR (S.), « Sur quelques tribulations de l’État dans la société internationale », art. précité, p. 893. L’ o r d re j u r i d i q u e i n t e r n at i o n a l « s ’ o r g a n i s e p o u r a s s u r e r l a s t a b i l i t é d e s e s pr o t a g o n i s t e s , l a q u e l l e

c o n d i t i o n n e l a s t a b i l i t é d e s r a p p o r t s i n t e r n a t i o n a u x . » Idid.

776 CHAUMONT (Ch.), Cours général de droit international public, op. cit., p. 403

777 V. A/AC.91/4 et 5 et A/AC.91/SR 13 à 22 (propositions du Ghana, du Cameroun et de la Somalie), 1965, Travaux du Comité spécial sur la définition de l’agression

§II. Le renforcement de la paix et de la sécurité

internationales

En 1945, quand l’ONU est créée, son objectif principal est d’assurer le maintien de la paix et la sécurité internationales. Le système de sécurité collective mis en place par la Charte doit permettre d’atteindre cet objectif778. Les différents développements qu’a connu le droit international pénal au cours de ces dernières décennies se sont également faits avec l’espoir de mettre en place une société internationale plus sécurisée et garante des libertés et droits de l’homme. On peut ajouter également que la juridictionnalisation croissante de la vie internationale, à travers notamment la Cour pénale internationale, participe comme l’a noté P-Y. Chicot de la consistance de la notion de paix durable779. Le crime d’agression, on l’a vu, est le crime le plus susceptible de porter de réelles atteintes à cette paix et cette sécurité internationales. Dès lors, une définition claire de l’infraction d’agression peut concourir à une limitation des guerres d’agression sur la scène internationale (A) de même qu’elle va contribuer par son existence à une meilleure répression des auteurs du crime d’agression (B).

A. Une limitation des agressions sur la scène internationale

L’agression porte de façon certaine atteinte à la paix internationale et constitue une violation de l’article 2§4 de la Charte. Il faut reconnaître que le système de sécurité collective ne peut être réellement efficace en l’absence de normes juridiques définissant l’agression780. Lors des différents travaux des Comités spéciaux sur la définition de l’agression (notamment ceux de la troisième session du Comité créé par la résolution 1181[XII] de l’AG781), de nombreux États

778 Le pari sur lequel reposait ce système de sécurité collective était que l’entente fondamentale entre les Grands qui avait permis de gagner la guerre permettrait de conserver la paix. DAILLIER (P.), PELLET (A.), DIP, op. cit., p. 992

779 CHICOT (P-Y.), « L’actualité du principe du règlement pacifique des différends », art. précité, p. 5

780 ARONEANU (E.), La définition de l’agression, op. cit., p. 124, CHAUMONT (C.), FISCHER (G.), « Explication juridique d’une définition de l’agression », art. précité, p. 522

socialistes et Afro-asiatiques ont soutenu qu’une définition de l’agression serait un moyen de freiner et décourager les agresseurs car elle permettrait de désigner plus facilement l’agresseur et serait d’une aide importante pour mobiliser l’opinion mondiale contre ce dernier782. La même idée peut être reprise et mise en avant aujourd’hui pour le crime d’agression. En effet, une définition du crime d’agression comportant un descriptif des éléments du crime permettrait, à l’avenir, de mieux qualifier le crime d’agression et de mieux réprimer les auteurs de ce crime. Cette idée est soutenue par des auteurs comme K. Petty qui pense que la définition du « crime of

aggression is supposed to one day deter unlawful armed conflict » et que « [t]he potential deterrent effect that the operational crime will have cannot be understated. »783

Les auteurs du crime d’agression ne pourront plus se cacher derrière cette absence de la définition qui a caractérisé ce crime pendant des décennies pour échapper à la justice. Il faut dire que, même dans le cadre des procès organisés au lendemain de la seconde guerre mondiale, la répression du crime contre la paix a souffert d’une absence de définition précise de ce crime ; les juges se sont contentés de fonder leur condamnation sur les dispositions du droit coutumier, dispositions peu précises et claires, ne satisfaisant pas toujours aux exigences strictes du droit international pénal, soit sur des pactes ou traités qui ont difficilement été acceptés par les prévenus et leurs défenses et qui ne comportaient d’ailleurs pas de définition de l’agression (on pense par exemple au Pacte de Paris sur la renonciation de la guerre).

L’absence d’une définition du crime d’agression n’a pas non plus permis de perfectionner les méthodes de constatation et de détermination de l’agression, contrairement à ce qui a été le cas pour les autres crimes internationaux. Ce crime, a de ce fait, continué à échapper à la juridiction ou à la compétence de nombreuses juridictions pénales tant nationales qu’internationales ou ad hoc. Cette absence de définition du crime d’agression et le fait que ce crime ait été absent de la compétence de nombreuses juridictions pénales internationales (même la récente Cour pénale internationale n’est pas encore pour l’heure compétente pour connaître de crime784) contribuent à renforcer chez les auteurs de ce crime un sentiment d’impunité et un

782 V. A/AC.91/4 et 5 et A/AC.91/SR 13 à 22, docs précités

783 PETTY (K. A.), « Sixty Years in the Making: The Definition of Aggression », art. précité, p. 33

784 Article 15 bis Exercice de la compétence à l’égard du crime d’agression «… 2. La Cour peut exercer sa

compétence uniquement à l’égard de crimes d’agression commis un an après la ratification ou l’acceptation des amendements par trente États Parties.

3. La Cour exerce sa compétence à l’égard du crime d’agression conformément à cet article, sous réserve d’une décision qui sera prise après le 1er janvier 2017 par la même majorité d’États Parties que celle requise pour l’adoption d’un amendement au Statut. » C.N.651.2010.TREATIES ou RC/Res.6., docs précités

éloignement de la sanction de la justice pénale.

L’émergence et l’application d’une définition claire et précise du crime d’agression va contribuer, à coup sûr, à une limitation des guerres d’agression sur la scène internationale et constituer un soutien considérable aux Nations Unies dans l’accomplissement de leur but principal : le maintien de la paix et la sécurité entre les États785 ; une paix stable et durable,