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LES CONSÉQUENCES D’UN TRAITEMENT POLITIQUE DE LA QUESTION DE L’AGRESSION

A. L’identification de l’agresseur sans définir l’agression

La détermination de l’agresseur, va pendant un certain temps, être au centre des préoccupations, ce qui permet aussi de sortir d’un débat récurrent sur la définition de l’agression et sur les critiques faites à l’égard de la constatation de l’agression par des organes ou institutions politiques ou juridictionnels dominés par les vainqueurs. Cette focalisation sur la détermination de l’agresseur n’aurait certainement pas été si forte ou importante, s’il avait existé des critères ou des éléments acceptés par le grand nombre, et permettant de constater et d’établir de façon objective et impartiale l’agression322. Une définition de l’agression aurait réduit notamment le pouvoir des plus grands États ou Puissances en ce qui concerne la constatation de l’agression323. C’est certainement pour éviter de toucher ce pouvoir que l’accent est mis ailleurs. En effet, à travers l’identification de l’agresseur, l’objectif clair est : « … de contourner habilement la

question de la définition de l’agression »324. L’idée dominante est celle-ci : «[c]haque fois qu’un

conflit s’élève entre des États, il est indispensable de définir qui est l’agresseur »325, État ou individu326. La détermination de l’agresseur est surtout présentée comme plus facile à mettre en œuvre (« it would be relatively easy to decide on the aggressor… »327) que l’action de définir l’agression328. Une définition de l’agression est également considérée par certains comme de moindre importance par rapport à une définition de l’agresseur. Ainsi, pour ceux-là,

322V. POMPE (C. A.), Aggressive War, op. cit., p. 76. V. sur cette volonté de ne pas définir l’agression, SCHWEBEL (S. M.), « Aggression, Intervention, and Self-Defence in Modern International Law », RCADI, 1972, vol. II, pp. 422-425, BROWNLIE (I.), International Law, op. cit., pp. 355-357

323

V. ARONEANU (E.), La définition de l’agression, op. cit., p. 156

324 Ibid., p. 25

325M. RAROUBINE, A/C.1/SR.387, précité

326 Dans le Traité de Versailles, un individu Guillaume II et l’État, ici l’Allemagne, étaient accusés d’agression.

327« To this it was further added that in the case of a surprise attack it would be relatively easy to decide on the

aggressor… ». BROMS (B.), « The Definition of Aggression », art. précité, p. 306

328« On peut aborder ce problème en essayant de définir les emplois les plus dangereux et les plus malsains de la

force dans les relations internationales au moyen d’une définition de l’agresseur. » ZOUREK (J.), « La notion de

légitime défense en droit international. Aperçu historique et principaux aspects du problème », AIDI, vol. 56, 1975, p. 1, v. aussi POMPE (C. A.), Aggressive War, op. cit., pp. 74 et s.

« la définition de l’agression n’a [vait] pas d’autres justifications et l’on pourrait même,

d’après eux, y renoncer s’il était possible de déterminer l’agresseur par d’autres moyens : l’agression a-t-on affirmé, est une notion abstraite, théorique et lointaine ; par contre l’agresseur est une réalité concrète, personnelle et perceptible. Si l’on détermine l’agresseur, on rend possible la condamnation du délinquant. »329

D’autres avis encore plus négatifs sur l’utilité d’une définition de l’agression vont soutenir que la définition de l’agression « … pourrait inciter l’agresseur à tourner la définition et […]

risquerait de retarder l’intervention du Conseil de sécurité »330. Ces quelques propos retenus, montrent bien à quel point l’idée d’une définition de l’agression est rejetée par un grand nombre. En même temps, la définition de l’agresseur est présentée comme réaliste et comme la solution utile pour résoudre les conflits et assurer le maintien de la paix et la sécurité internationales. Déterminer l’agresseur devient donc une question primordiale, et ceci permet de renvoyer à plus tard l’adoption d’une définition de l’agression.

Cette définition de l’agresseur se doit d’être parfaite et précise. Comme l’a noté Dovaleski,

« …une définition pour être parfaite, devrait aller jusqu’à exclure toute possibilité

d’interprétations subjectives, et plus la détermination de l’agresseur sera automatique, mieux cela vaudra pour l’œuvre de la paix »331.

Plusieurs propositions de définition de l’agresseur vont être faites, ceci généralement lors des commissions ou à l’occasion des Conférences sur la paix, sur le règlement des différends332ou sur le désarmement. Lors de la Conférence de 1933 sur le désarmement par exemple, plusieurs propositions se dégagèrent et l’essentiel des travaux de la Conférence porta surtout sur le choix d’une définition stricte ou rigide333 ou une définition large ou concrète de l’agresseur334. Le

329

ARONEANU (E.), La définition de l’agression, op. cit., p. 126, v. aussi Ann CDI, 1951, vol. I, p. 90 (« General

Assembly resolution 378 B (V): Duties of States in the event of the outbreak of hostilities (item 3 of the agenda) (A/CN.4/44, chapter II: The possibility and desirability of defining aggression; A/CN.4/L.6; A/CN.4/L.7; A/CN.4/L.8)…General Debate »)

330 KHERAD (R.), « La question de la définition du crime d’agression dans le statut de Rome. Entre pouvoir politique du Conseil de sécurité et compétence judiciaire de la Cour pénale internationale », RGDIP, 2005, t. 2, p. 339. R. Kherad souligne dans cet article « la légèreté et l’inconsistance des arguments des opposants ».

331 DOVALESKI, SdN, Actes de la Conférence pour la réduction des armements, série D, vol. 5, Procès verbal de la Commission politique, p. 49

332Exemple du protocole du 2 octobre 1924 (article 10)

333

Proposition soutenue par M. Politis, V. Rapport Politis, et sur les commentaires de la proposition soviétique, v. NASINOVSKY (E.), « The Impact of 50 Years of Soviet Theory and Practice on International Law », AJIL, 189, (1968). V. aussi GIRAUD (E.), « La théorie de la légitime défense », art. précité, pp. 766 et s., BROMS (B.), « The Definition of Aggression », art. précité, pp. 309 et s., STONE (J.), Aggression and World Order, op. cit., pp. 34-35, ZOUREK (J.), « La notion de légitime défense en droit international », art. précité, p. 41

Rapport Politis335 de 1933, abondamment utilisé lors des travaux, proposait que soit considéré comme agresseur : « … l’État employant des voies de fait qui transgressent l’ordre pacifique

consacré par le Pacte de Paris, sans pouvoir invoquer en faveur de cette transgression la légitime défense ». L’Acte de la Conférence de Londres du 3 juillet 1933336 retint finalement cette formulation :

« [s]era reconnu comme agresseur dans un conflit international, sous réserve des accords

en vigueur entre les parties du conflit, l'État qui, le premier, aura commis l'une des actions suivantes:

1) Déclaration de guerre à un autre État;

2) Invasion par des forces armées, même sans déclaration de guerre, du territoire d'un autre État;

3) Attaque par ses forces terrestres, navales ou aériennes, même sans déclaration de guerre, du territoire, des navires, ou des aéronefs d'un autre État;

4) Blocus naval des côtes ou des ports d'un autre État;

5) Appui donné à des bandes armées qui, formées sur son territoire, auront envahi le territoire d'un autre État, ou refus, malgré la demande de l'État envahi, de prendre, sur son propre territoire, toutes les mesures en son pouvoir pour priver lesdites bandes de toute aide ou protection.»337

Ces deux propositions de définition de l’agresseur sont critiquables et appellent divers questionnements338. La première proposition subordonne la reconnaissance de l’agresseur à celui qui emploie des voies de fait, sans déterminer ou donner une liste exhaustive de celles-ci339. La seconde définition fait, quant à elle, recours à celui qui attaque le premier pour définir l’agresseur. Il s’agit de la thèse de la définition de l’agresseur fondée sur le critère de

334

« L’avantage de cette définition [large ou ouverte] serait d’être suffisamment générale pour ne pas comporter de

lacunes et de se prêter difficilement aux manœuvres par lesquelles un État retors essaierait de tourner une règle très précise et, de ce fait, étroite ». GIRAUD (E.), « La théorie de la légitime défense », art. précité, pp. 776 et 777. V.

aussi sur ce sujet, LE FUR (L.), « Les Conventions de Londres (1933) et la définition de l’agresseur », Revue de

droit international, 1933, pp. 179 et s.

335

« Il faut entendre par ‘définition Politis’ (l’Acte relatif à la définition de l’agresseur) le fruit de l’arbre soviétique,

une version mûrie du projet de l’URSS…c’est en fait la place tenue par la définition soviétique que l’on mesure. »

ARONEANU (E.), La définition de l’agression, op. cit., p. 285. Pour les raisons de cette implication importante de l’URSS dans la définition de l’agresison, v. thèse de doctorat de Scott BARTMAN (C.), Lawfare: Use of the

Definition of Aggressive War by the Soviet and the Russian Government,

http://etd.ohiolink.edu/send-pdf.cgi/Bartman%20Christi%20Scott.pdf?bgsu1241726718, consulté le 10 juin 2010, pp. 1 et s.

336 L’acte de Conférence de 1933 sur la définition de l’agression donna non pas comme le disent certains, une définition de l’agression, mais plutôt une définition de l’agresseur.

337 Article 2 de la Convention de Londres de 1933

338

V. ce sujet, BROMS (B.), « The Definition of Aggression », art. précité, pp. 311 et s.

339 Dans le même sens le baron Descamps qui proposait de définir comme agresseur, « l’État qui recourt à des voies

de fait brisant l’ordre pacifique consacré par le Pacte de Paris, sans pouvoir invoquer en faveur de cette transgression la légitime défense », ne définissait pas non plus les voies de fait. Lire sur ce sujet, ARONEANU (E.), La définition de l’agression, op. cit., p. 314

l’antériorité340 (prima facie). Cette thèse est critiquable sur plusieurs points et surtout permettait difficilement de déterminer avec certitude l’agresseur. En effet, il existe des situations dans lesquelles l’État, qui aura commis en premier des « hostilités matérielles » ou recouru en premier à la force, n’est pas de façon automatique l’agresseur. De plus, il n’est pas toujours aisé de savoir qui a été le premier à commencer les hostilités341. Un État peut bien être le premier agresseur, mais parvenir à dissimuler son ou ses attaques et laisser croire que c’est l’État qui réagit qui est le premier à attaquer. On mesure ainsi la complexité d’une application rigoureuse de cette théorie et toute la difficulté de l’administration de la preuve342. Ce critère n’est pas facile à manier. Il a été admis, par exemple, lors du conflit Paraguay-Bolivie343, que celui qui ouvre le feu n’est pas nécessairement l’agresseur, car il eût fallu que les faits matériels imputables à l’État soient d’une certaine gravité344. Il peut arriver qu’un État ait recours en premier à la force, sans pour autant être l’agresseur, notamment lorsque son action est entreprise sur ordre de l’organe principal des organisations chargées du maintien de la paix (la SdN ou les Nations Unies345). Dans certains cas, il est tout simplement difficile de déterminer l’agresseur. Au cours d’une guerre atomique par exemple, « il devient extrêmement difficile, sinon impossible, de déterminer celui qui a

commencé. »346 Dès lors, considéré comme agresseur celui qui commet le premier certains actes,

340Cette thèse a été reprise lors de la Conférence sur la réduction et la limitation des armements : « est

nécessairement … celui qui ‘agit le premier’,…le premier qui aura fait usage de la force armée, ou commis certaines actions contre un autre État. C’est l’État qui aura commis, le premier, des faits d’agression qui sera reconnu comme agresseur ». Conférence sur la réduction et la limitation des armements. Docs de la Conférence, vol. II, p. 680, V.

aussi le rapport Litvinov (représentant de l’URSS) 6 février 1933. De nombreux auteurs ont soutenu cette thèse, v. Un doc. A /2211, précité, pp. 60 et 75. V. CASTANEDA (A/C.6/SR.531, précité), pour qui, « ‘l’agresseur est

l’auteur du premier acte dans un conflit international’ ‘ L’antériorité de l’acte sera normalement l’indication décisive pour identifier l’agresseur, la « preuve suffisante’ si aucun élément nouveau ne vient rectifier cette première impression ». V. aussi les propos de Despagnet de Boeck, n° 501 et CALVO, § 1867 dont les thèses ont été reprises

dans le Dictionnaire de la terminologie du droit international, op. cit., p. 32. Sur cette question de l’antériorité, v. aussi BROMS (B.), « The Definition of Aggression », art. précité, p. 344et PELLA (V.), « La codification du droit pénal international », art. précité, p. 384, SCHWEBEL (S. M.), « Aggression, Intervention, and Self-Defence in Modern International Law », art. précité, pp. 463 et s.

341 A/C.6/SR.416, 5 novembre 1954, précité, pp. 104-105, §18-28, v. aussi le point de vue de Röling in A/C.6/SR.417, précité

342 MAKTOS, A/A.C.66/S.R.4, Travaux du premier comité spécial de 1953 réuni au siège de l’Organisation du 24 août au 21 septembre 1953 ; v. docs off. de l’AG, Comité spécial pour la Question de la définition de l’agression, 1953, v. aussi la position du Panama A/C.6/SR.403, 14 octobre 1954, p. 35, § 25

343Guerre du Chaco, 1932-1935

344 GEAMANU, A/C.6/SR.520, Travaux de la Sixième Commission de l’AG du 7 octobre au 21 novembre 1957, précité. Ceci met en avant la place du critère de gravité dans la définition de l’agresseur.

345

Pour C. Chaumont, les « dispositions de la Charte permettent d’infléchir ce principe : par exemple : le cas d’une

action internationale entreprise en raison d’une décision du Conseil de sécurité ou d’une décision de l’Assemblée générale, en application des articles 103 et 107 de la Charte ou encore de l’article 106 ». CHAUMONT,

A/C.6/SR.532, précité

semble illusoire, dangereux et trompeur347. En effet, « [l]’application automatique du principe du

premier coup de feu devient le principal défaut »348.

Un autres critère, celui « de proportionnalité » fut développé lors de la période de la SdN ; ce critère devait permettre de déterminer de façon indirecte l’agresseur. L’idée était que « celui

qui pratique l’excès est en tout cas coupable. »349 Mais, une fois encore, ce critère ne permet pas d’établir une règle générale, utile pour déterminer dans toutes les circonstances, et de façon certaine, l’agresseur. Une autre idée consiste à dresser une liste de toutes les situations350dans lesquelles on pourrait identifier l’agresseur. Cependant, cette liste ne peut être exhaustive, parce qu’il est impossible d’épuiser tous les cas de figure dans un monde en perpétuelle mutation. C’est d’ailleurs l’une des faiblesses des définitions analytiques ou énumératives351

Des définitions plus générales de l’agresseur vont parallèlement être proposées. C’est le cas du protocole de Genève du 2 octobre 1924352 qui définit en son article 10 comme agresseur, « tout État qui recourt à la guerre en violation des engagements prévus au Pacte [de la S.D.N.]

ou au présent protocole »353 ; certains y adjoindront le Pacte de Paris de 1928. Il est pourtant difficile d’utiliser ces textes pour déterminer l’agresseur, quand on sait que le Pacte de la SdN, comme le Pacte de Paris qui énonce une interdiction générale de l’utilisation de la force354, ne

347

A/A.C.77/SR.8, Travaux du deuxième Comité spécial de 1956 réuni au siège de l’Organisation du 8 octobre au 9 novembre 1956, précité, v. aussi la critique de SANDERS in A/A.C.77/SR.13, Travaux du deuxième Comité spécial de 1956 réuni au siège de l’Organisation du 8 octobre au 9 novembre 1956 , précité et le JO de la SdN, 1925, pp. 1696-1718, POMPE (C. A.), Aggressive War, op. cit., pp. 71 et s., GRALINSKI (Z.) Le règlement pacifique des

différends internationaux suivant le Pacte de la Société des nations, Pedone, Paris, 1925, pp. 234 et s.

348 A/A.C.77/SR.8, précité

349V. sur ce sujet, KOLB (R.), « La légitime défense des États au XIX siècle et pendant l’époque de la Société des Nations » in Légitimes défenses, op. cit., p. 63

350

Les « facteurs qui peuvent servir comme éléments d’appréciation pour la détermination de l’agresseur.…b)

Mobilisation militaire clandestine entreprise par la formation et l’emploi de corps irréguliers ou par telle proclamation d’un état de danger de guerre qui serait le prétexte d’un commencement de mobilisation ;…f) Une politique agressive nettement établie d’une des parties contre l’autre, et le refus éventuel de cette partie de soumettre l’objet du différend à la recommandation du Conseil ou à la décision de la CPJI et d’accepter la recommandation ou la décision qui aurait été formulée. » ARONEANU (E.), La définition de l’agression, op. cit., p. 279

351RAMBAUD (P.), « La définition de l’agression par l’Organisation des Nations Unies », art. précité, p. 857.V. également sur ce sujet, KOMARNICKI (W.), « La définition de l’agression », art. précité, pp. 5-113

352Protocole encore décrit par le triptyque « Arbitrage, Sécurité, Désarmement »

353 Pour plus de commentaires et de critiques sur le protocole de 1924, v. BASSIOUNI (F.) et FERENCZ (B. B.), « The Crime against Peace », art. précité, p. 171, CREC, Sécurité et coopération militaire en Europe, 1919-1955, Journées, d’études tenues aux Écoles militaires de Coëtquidan les 26 et 27 mars 2003, p. 9, Dictionnaire de la

terminologie du droit international, op. cit., p. 522, Ann CDI, 1951, vol. II, pp. 28 et s. (« Question of defining aggression, Document A/CN.4/L.6, Memorandum présenté par M. Gilberto Amado »)

contiennent pas des critères précis pour déterminer l'agresseur355, encore moins de définition de l’agresseur. Certains proposèrent « de considérer comme agresseur celui qui refuse de soumettre

un différend international à une procédure de règlement pacifique ou de se conformer à la décision qui intervient en conclusion de cette procédure »356. Ces définitions générales n’étaient pas assez rigoureuses pour aider concrètement à déterminer l’agresseur. Certains estimeront même que ce type de définition est « … en réalité, un procédé de mise en application de telle ou

telle règle destinée à prévenir le recours à la guerre, non une contribution à la détermination du sens des termes : agression ou agresseur. »357 Ce type de définition assez large358 ne permet pas de déterminer en toute simplicité l’agresseur. La question de la définition de l’agresseur, bien qu’ayant fait l’objet de sérieuses études et de discussions au sein de la SdN n’a pas conduit à l’adoption définitive d’une définition359.

Au cours de la Conférence de Dumbarton Oaks portant sur la création de la nouvelle organisation mondiale (ONU), la délégation Bolivienne proposa, une fois encore, de définir la notion d’agresseur. Cette définition de l’agresseur aurait, selon ce pays, permis de limiter les pouvoirs du Conseil de sécurité, du moins en ce qui concerne la constatation de l’agression360. Mais, là encore, une définition unanimement acceptable n’émergea pas. Ces différents échecs donnèrent raison à Eden qui pensait que toute définition de l’agresseur serait en tout temps « une

œuvre impossible et stérile »361. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’échec de ces tentatives de

355 A/CN.4/L.6, précité, p. 28. Une des périodes où l’accent est mis sur la détermination de l’agresseur sans rechercher une définition de l’agression est celle de la gestion par la SdN dans les années 1930 de deux conflits importants : celui opposant l’Italie à l’Ethiopie (en 1935) et celui opposant l’URSS à la Finlande (décembre 1939) analysé précédemment. V. à ce sujet Ann CDI, 1979, vol. II, partie 2, p. 132 (« Article 30. — Contre-mesures à

l'égard d'un fait internationalement illicite… Commentaire…»), BROMS (B.), « The Definition of Aggression », art.

précité, pp. 312-313 et WALTERS (F. P.), A History of the League of Nations, op. cit., pp. 622 et s.

356 Cette idée avait déjà « été émise par Gaston MOCH dans un mémoire ayant pour titre ‘Du droit de légitime

défense et des Traités d’alliance défensive’ ». ZOUREK (J.), « La notion de légitime défense en droit international »,

art. précité, p. 41, v. aussi le Projet de Traité de désarmement et de sécurité préparé et publié par le Groupe américain en 1924 qui faisait aussi cette proposition.

357UNDEN, RDILC, 1931, p. 267

358 V. les définitions de l’agresseur proposées par le Pacte Oriental (Pacte de Saad-Abad) du 8 juillet 1937 (article 2), l’Acte de Chapultepec de 1945, le Traité interaméricain sur l’assistance mutuelle signé à Rio de Janeiro le 2 septembre 1947.

359ZOUREK (J.), « La notion de légitime défense en droit international », art. précité, p. 43

360A/2628, précité, v. aussi à ce sujet, NGUYEN (Q. D.), « La légitime défense d’après la Charte », art. précité, p. 236

361

Allocution prononcée au cours de la Commission générale de la Conférence de désarmement de 1933, A/1858, p. 11. Hostile à une définition de l’agresseur, Sir Austen Chamberlain déclara à la Chambre des Communes anglaises être «…opposé à cette tentative de définition de l’agresseur, car je crois que celle-ci constitue un piège

pour l’innocent et une indication utile pour le coupable ». Sir Austen Chamberlain cité par GIRAUD (E.), « La

contourner et d’éviter de définir l’agression, en se concentrant essentiellement sur la définition de l’agresseur ont montré à quel point il était difficile de déterminer l’agresseur sans s’être au préalable donné la peine de définir la notion d’agression. Ces échecs ont mis en évidence « … la

nécessité d’une définition de l’agression et d’une procédure permettant d’identifier, en toutes circonstances l’agresseur »362.

L’accent mis sur le désarmement, au lendemain du premier conflit mondial, afin d’empêcher toute agression révèle également une tentative de rendre inutile toute définition de l’agression.

B. L’encadrement du désarmement pour prévenir l’agression et