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communications de masse

Chapitre 4. Les interventions des praticiens dans le champ académique. académique

4.1.1. La professionnalisation de la mesure de l’audience

- Perfectionnement des outils

À partir de 1967, le Service des relations avec les auditeurs et les téléspectateurs de l’ORTF met en place un système de panel postal par carnet d’écoute148. Les individus composant ce panel avaient pour mission d’indiquer sur des feuilles pré-remplies149 les programmes regardés pendant quelques semaines. On leur demandait de préciser s’ils ont regardé l’émission « en entier », « le début seulement » ou « la fin seulement », une case « autres cas » étant prévue. Puis, les participants devaient évaluer sur une échelle de 1 à 6 leur intérêt pour le programme (1 signifiait « pas du tout intéressé », 6 « extrêmement intéressé »)150. Des feuilles d’écoute plus simples étaient réalisées à l’intention des « jeunes » avec une adresse plus simple, par exemple l’évaluation de la qualité des émissions s’effectue en terme de « mauvaise », « moyenne » ou « bonne ». L’avantage de ce système est de fournir les premiers indicateurs d’audience quotidienne (qui a regardé quoi et quand), avec la possibilité de mesurer la satisfaction des téléspectateurs, tout en sachant que les informations recueillies sont soumises à l’honnêteté et l’assiduité du répondant (Médiamétrie, 1991).

147 Pour exemple de cette évolution, en 1971, la deuxième chaîne est autorisée à diffuser de la publicité ;

celle-ci est plafonnée à douze minutes par jour.

148 Pour davantage de détails sur les enquêtes et le fonctionnement du carnet d’écoute, voir Méadel,

1998 ; Durand, 1998.

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À ce moment-là il était possible de remplir à l’avance les feuilles avec le nom et l’heure de diffusion de chaque programme pour chaque chaîne : évidemment le paysage audiovisuel français était restreint, et les grilles de programmation étaient moins chargées que celles que nous connaissons aujourd’hui.

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Nous remercions J. Durand qui a bien voulu nous transmettre quelques unes de ses archives, parmi lesquelles une feuille d’écoute ORTF datée du 30 août 1971, une feuille d’écoute ORTF « panel jeunes » datée du 8 avril 1974, un carnet d’écoute de l’étude radio télévision de la SOFRES pour la période du 11 août au 28 sept. 1980 et un carnet d’écoute de l’étude radio-télévision du CESP pour l’année 1988. Ces documents nous permettent de renseigner le détail des enquêtes réalisées.

153 En 1981, la mesure de l’audience franchit une étape avec les premières utilisations françaises d’un instrument technologique – déjà mobilisé depuis plusieurs années en Europe (en Allemagne notamment) et aux États-Unis – : l’audimètre. Il s’agit d’un appareil directement relié au poste de télévision qui enregistre, toutes les deux secondes, l’utilisation qui en est faite ; 650 foyers, constituant un panel représentatif, en sont alors équipés. Par la suite, le dispositif est progressivement équipé d’un bouton poussoir permettant à chaque membre du foyer de signaler son activité face au poste de manière individuelle ; le nombre de foyers interrogé passe alors à 1000 puis à 2300. En marge du dispositif, des enquêtes par téléphone sont réalisées périodiquement à grande échelle (jusqu’à 20 000 interviews par an).

- L’autonomisation des mesures d’audience

À la fin de l’ORTF en 1974, la mesure des auditeurs se professionnalise à l’extérieur de la télévision, avec la création du Centre d’étude d’opinion (CEO) – en remplacement du service des études d’opinion151 – chargé de fournir aux pouvoirs publics une mesure du volume d’écoute et de la qualité des programmes (Durand, 1998 : 83-88). En 1985, le CEO devient l’institut Médiamétrie, une « société "dont le capital serait majoritairement détenu par l’État et les sociétés du secteur public audiovisuel" avec une participation minoritaire (20%) de partenaires privés » (ibid. : 89). À l’heure actuelle, Médiamétrie est considéré comme l’observatoire des médias : en 1991, l’institut affirme (Médiamétrie, 1991 : VI) : « Depuis sa création, Médiamétrie est la référence de la mesure d’audience télévisuelle grâce d’abord au célèbre Audimat, auquel a succédé en 1989 Médiamat, qui permet la mesure, à la seconde près, de l’audience de chaque chaîne auprès de 5600 personnes âgées de 6 ans et plus, représentatives de la population française »152.

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Le « Service des études d’opinion » a remplacé le « Service des relations avec les auditeurs et les téléspectateurs » en 1971.

152 Récemment, Ph. Tassi (2005), Directeur général adjoint en charge de la qualité et de la valeur ajoutée

des dispositifs de mesure à Médiamétrie, a publié un ouvrage où il présente les outils statistiques utilisés pour le calcul des données d’audience à Médiamétrie.

À partir de 1979, des praticiens de CEO et de Médiamétrie ont écrit sur les téléspectateurs pour le champ académique, assez régulièrement (32 textes recensés, voir la figure 12), sans doute sous l’impulsion de Jacques Durand qui a occupé des fonctions directoriales dans les deux instituts entre 1975 et 1990 (voir partie 4.3). À l’exception de ce dernier, les auteurs (8) sont intervenus à une seule reprise : il s’agit de livraisons occasionnelles, consistant souvent à présenter les outils développés par l’institut ; e.g. Olivier Appé, Jean Mauduit, 2003, « Câble et satellite : il était une fois MédiaCabSat ». Ils assument aussi un rôle de représentant officiel de l’audience, à l’instar de la Présidente de l’institut, Jacqueline Aglietta (2001, « L’audience, un concept de statisticien ? »).

Figure 12. Évolution des publications d'auteurs rattachés à Médiamétrie (1964-2004).

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 1964 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 Médiamétrie

Aujourd’hui, le grand public dispose, via le serveur internet de Médiamétrie (www.mediametrie.fr), de données précises sur l’audience de la télévision ; par exemple, pour les chaînes généralistes, le site indique les meilleurs scores d’audience des quatre semaines passées pour chaque chaîne, il propose la part d’audience des chaînes et le palmarès des émissions les plus regardées de l’année précédente, la durée d’écoute moyenne de la télévision par jour pour différentes tranches d’âge et/ou catégories socio-professionnelles, etc. L’institut est une source de données pour les chercheurs puisqu’elle fournit des résultats chiffrés sur la composition des publics. Elle est aussi un lieu de production d’enquêtes à caractère davantage qualitatif, notamment sur les pratiques d’écoute. Signalons que la publicité des scores d’audience n’a pas toujours été de soi : les enquêtes officielles produites par la RTF, l’ORTF, puis le CEO demeuraient quasi confidentielles ; elles n’étaient pas rendues publiques et « l’usage

155 purement interne » des résultats – « outils politiques, très strictement contrôlés et largement confidentiels » (Méadel, 2001 : 126) – était vivement reproché aux différents organismes de mesure ; c’est une des raisons pour lesquelles des études extérieures (distribution de questionnaires, réunions de groupe, interview en profondeur sur de petits échantillons, etc.) ont été menées en parallèle par d’autres secteurs153.