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communications de masse

Chapitre 4. Les interventions des praticiens dans le champ académique. académique

4.1.2. Activités menées dans le champ de la publicité

L’intérêt pour les téléspectateurs a dépassé les frontières du champ audiovisuel, comme l’explique Cécile Méadel : des protocoles d’enquêtes plus ou moins indépendants, commandés par d’autres acteurs intéressés par les publics de télévision, se sont développés en marge de la mesure dite officielle de l’audience : « Les syndicats, les journaux, les représentants des téléspectateurs, les loueurs de récepteurs, les publicitaires,… » indique le chercheur (1998 : 69). Notamment, avec l’évolution de la place des publicités à la télévision, il s’agit des enquêtes menées par le Centre d’étude des supports de publicité (CESP) à partir de 1964, ainsi que par l’Institut de recherche et d’études publicitaires (Irep). Les protocoles mis en place sont assez lourds (voir infra) et le traitement des résultats est soumis à la sincérité et la motivation de celui qui est interrogé. Mais, ils permettent de croiser des données variées telles l’âge, la profession, la chaîne de télévision privilégiée le dimanche soir, la radio écoutée dans la voiture le matin en conduisant les enfants à l’école, etc. Autrement dit, cela conduit à construire des profils de consommateurs des médias : en ce sens, ces enquêtes dépassent les possibilités offertes par la seule utilisation d’audimètres par exemple. Elles renforcent l’intérêt des enquêtes qualitatives sur les téléspectateurs.

- Le CESP : enquêtes sur les habitudes des usagers

Le Centre d’Étude des Supports de Publicité (CESP) est « l’association interprofessionnelle qui regroupe l’ensemble des acteurs du marché publicitaire concernés par l’étude de l’audience des médias : annonceurs, agences et conseils

153 Au sujet des enquêtes privées dirigées par l’Institut français d’opinion publique (Ifop), voir Durand,

médias » (source : www.cesp.org). Sa mission première consiste à assurer l’audit (conception et réalisation) et à labelliser les études et recherches sur les médias, et, en particulier, des études de référence sur l’audience des médias. L’organisme est aussi « pour l’interprofession, un lieu de rencontres, d’échanges, de discussion, de concertation... sur l’ensemble des problématiques liées à l’audience et à sa mesure ». Il publie certains travaux, par exemple Mesurer l'audience des Médias : du recueil des

données au média-planning aux éditions Dunod, et annuellement un guide sur les études

d'audience des médias, Le médiagraphe.

Le CESP, qui rassemble différents partenaires de l’industrie publicitaire, menait depuis 1958 des études sur les audiences de supports variés (la presse notamment) ; il s’intéresse peu à peu à la télévision (et à la radio) et il met en place une enquête expérimentale qui consistait à interviewer individuellement 10 290 personnes sur leur écoute de la veille (Durand, 1998 : 81-82), l’objectif étant de « reconstituer quart d’heure par quart d’heure la journée de l’auditeur et du téléspectateur selon le seul critère de sa présence devant le poste » (Méadel, 1998 : 65)154.

D’autres types d’enquêtes sont alors menées en parallèle sur les « habitudes » des usagers : on interroge un panel d’individus à domicile, au sujet de leur pratique de la radio, de la télévision et de la presse. À l’aide d’une grille, l’enquêteur peut indiquer la fréquence d’écoute de la radio en général et de chaque radio en particulier, pendant la semaine (du lundi au vendredi), le samedi et le dimanche. Ensuite, il renseigne pour chacun des cas (lundi à vendredi, samedi, dimanche) les moments d’écoute au quart d’heure près, entre 5h et 24h. La deuxième partie de l’enquête porte sur les habitudes d’écoute de la télévision (de la même manière en différenciant la semaine, le samedi et le dimanche) ; par exemple on demande : « D’habitude, vous, personnellement, regardez-vous, en semaine, la télévision tous les jours, presque tous les jours, 1 à 2 fois par semaine, moins souvent ou jamais ? » La même question était ensuite posée pour chaque chaîne, puis par tranche horaire (avant 9h, entre 9h et midi, entre midi et 1h30, entre 1h30 et 6h, entre 6h et 7h, entre 7h et 8h, entre 8h et 8h30, entre 8h30 et 10h, après 10h). À cela est associée la reconstitution de la consommation de médias la

154 Si les enquêtes du CESP sont finalement peu utilisées par les programmateurs (Méadel, 1998 : 65), la

Régie française de publicité (RFP) mobilisent les résultats pour définir ses tarifs en fonction du quart d’heure télévisuel dans le lequel se situe l’écran publicitaire.

157 veille : les personnes doivent indiquer les différentes activités réalisées au cours de la journée (sommeil, toilette, repas…), ainsi que les stations de radio écoutées et les chaînes regardées, pour chaque quart d’heure. Après un questionnement sur les moyens de déplacement de l’individu, on lui demande de détailler ses « habitudes de lecture » : quels hebdomadaires/mensuels lus (parmi une liste donnée), et à quelle fréquence (toutes les semaines, 2 à 3 fois par mois, 1 fois par mois, 5 à 6 fois par an, moins souvent, pas lu au cours des douze derniers mois). Enfin, les dernières parties correspondent à l’équipement de la maison, en terme de télévision, de radio, d’appareils éléctroménagers, puis aux renseignements socio-démographiques relatifs au répondant et aux membres de son foyer.

- L’Irep : un forum pour les études sur les médias

En 1958, en parallèle à la création du CESP chargé de « faire des enquêtes, recueillir des données sur les audiences » (Jacques Durand, entretien, 2 fév. 2005), a été mis en place l’Institut de recherche et d’études publicitaires (Irep) dont l’ambition était d’être « un forum pour permettre aux chercheurs en publicité de venir exposer leurs recherches » (ibid.). Celle-ci témoigne d’une ouverture dans la mesure des consommateurs des médias : non seulement dénombrer, mais aussi réfléchir sur les outils et les pratiques. Ses membres pouvaient être des représentants des médias et des publicitaires155.

L’institut a organisé une série de séminaires et de journées d’étude où des chercheurs et des professionnels échangeaient au sujet des audiences et de leur mesure (voir le tableau

155 À l’heure actuelle, l’Institut exerce encore ses activités comme « lieu institutionnel privilégié

d'ouverture, de débat, d'approfondissement de la connaissance dans le domaine de la publicité, des médias, du hors média, du marketing et de la communication » (source : www.irep.asso.fr). Mais, il est davantage tourné vers la thématique de la publicité qu’à ses origines. Le fonctionnement est assuré par des membres appartenant aux domaines académique (université) et professionnel (instituts de sondage, entreprises privées, chaînes de télévision, etc.) ; par exemple, le président du conseil scientifique est F. Mariet, Professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris Dauphine, à qui on doit l’article « Le marché télévisuel et la démocratie de l’audience » publié en 1990 dans la revue Communications. Outre l’organisation régulière de séminaires et journées d’étude, l’Irep est aussi un centre de documentation ouvert aux professionnels et aux universitaires, rassemblant une collection d'ouvrages et d'articles de référence sur la publicité, les médias, la communication : « Une mémoire des travaux présentés à la tribune de l’Irep qui retracent les progrès accomplis depuis les années 60 » (ibid.).

8156). Par ailleurs, l’institut a encouragé la diffusion des travaux présentés lors des séances par la publication de plusieurs « comptes-rendus » et d’ouvrages collectifs –

e.g. L’audience et les médias (1989), La télévision, de l’audience à l’efficacité de la publicité (1991), Les médias, la publicité et la recherche (1991), Les médias en France et en Europe (1994), Les médias. Expériences et recherches (1999) – où les questions

des effets de mémorisation des publicités, de la signification des audience (e.g. la fidélité des spectateurs), de la complémentarité entre les médias, etc. sont abordées : autrement dit, des réflexions proches de celles du champ académique157.

Six interventions de praticiens rattachés au CESP ou à l’Irep ont été recensées dans notre corpus (souvent signées d’auteurs récurrents, e.g. François Mariet, président du Conseil scientifique de l’Irep et Emmanuel Fraisse, directeur général du Cesp). En terme de publications, ces instituts ne constituent pas un foyer important des recherches académiques sur les téléspectateurs ; mais, ils sont un lieu d’émergence et de réflexion de thèmes proches de ceux qui y sont ensuite exploités.

156 La plupart des informations sur l’activité de l’Institut de recherche et d’études publicitaires ont été

recueillies sur le site de J. Durand (http://perso.wanadoo.fr/jacques.durand/Site.htm), qui a participé activement à l’animation de ces séminaires.

157 L’étude des rapports entre les activités de recherche menées au sein du milieu publicitaire et celles du

champ académique mériterait d’être approfondie : les thèmes abordés lors des séminaires CESP et Irep sont très proches des préoccupations développées dans ce dernier. Pourtant, le lien entre publicité et réception n’apparaît pas d’emblée dans le paysage de recherches sur les téléspectateurs ; il s’est manifesté dans le cadre de travaux mobilisant la psychologie expérimentale (Courbet, 2004b ; Fourquet-Courbet, 2004 ; Georget, 2004). Il serait intéressant d’identifier l’usage de ces travaux par les chercheurs universitaires ; pour cela, une enquête sur l’organisation et le fonctionnement des instituts mentionnés, ainsi que sur la composition des membres, les lieux d’exercice des séminaires, etc. serait nécessaire. On pourrait interroger les facteurs ayant entraîné un intérêt pour l’étude de la réception de programme plutôt que celle de publicités : héritage d’une crainte des effets de persuasion ou complémentarité recherchée avec les études sémiopragmatiques de contenu des programmes ?

159

Tableau 8. Journées d'étude et séminaires organisés par l’Irep (1966-1989).

Date Thème de la journée d’étude/du séminaire Intervention(s) en lien avec les

téléspectateurs

1966 (mars) Les nouvelles contributions de la recherche à

la publicité

Gerhard Scröter, « L’analyse de l’audience télévisuelle »

1968 (mai) La recherche publicitaire face à l’ouverture

des frontières

1969 (mai) Études et recherches sur la télévision Jean Oulif, « Le baromètre de l’écoute

des émissions à l’ORTF »

1973 (juillet) Contribution des panels à la mesure des

audiences de télévision 1974

(novembre)

Recherche publicitaire : aujourd’hui et demain

Jean-Michel Agostini et Giovanni Fabris, « Prévision des audiences de la

télévision. Expériences et résultats »

1975 (mai) Les panels

1976 (novembre)

Jacques Durand, « La mesure de la qualité des programmes de télévision. Définition du problème »

1978 (octobre) Les médias et les recherches

1979 (juin) Bilan et perspectives de la recherche en

communication

1979 (octobre) Les médias : études, expériences et recherches

actuelles

Bernard Coutrot et Daniel Martinet, « Analyse de l’évolution de l’audience radio et télévision »

1981 (mai) La communication et son efficacité

Jacques Durand, « La mesure automatique de l’audience de la télévision : le système Audimat » 1981 (octobre) Nouveaux médias, nouvelles technologies

1983 (octobre) Les nouveaux médias et la publicité 1983

(décembre)

Les médias. Expériences, recherches actuelles, applications

Jean-Claude Lioret, « Les "saute-chaînes", une nouvelle race de téléspectateurs »

1985 (juin) La communication publicitaire. Recherche et

réalité

Thierry Fabre, « Quels systèmes de mesure d’audience pour la télévision ? »

1985

(décembre) Les médias. Expériences et recherches

Jean-Louis Laborie, « Mesurer l’audience de la télévision : modéliser, observer ? robotiser ? … ? »

Dominique Scaglia, « Peut-on prévoir l’audience télévision individuelle à partir des mesures audimétriques sur les foyers ? »

1986

(décembre) Les médias. Expériences et recherches

Claude Barriere et Emmanuel Fraisse, « Notes d’attraction exprimées pour les émissions et audience effective de la télévision »

Alain Parodi et Pierre Lerouge, « Construction des audiences du média télévision »

1987 (juin) Télévision et publicité. Réflexion sur la

communication

Élisabeth Boeswillwald, « Les

expériences de mesure d’audience de la télévision par bouton-poussoir » Claude Charbonnier, « Audience et audiences »

Robert Haby, « Audience potentielle et audience active de la télévision » 1987

(décembre) Séminaire Médias

Jacques Durand, « Des sondages sans frontières. Vers une mesure de l’audience de la télévision au niveau

européen » 1989

(décembre) Les médias, la publicité, la recherche

Jacques Durand, « Le concept d’audience en question »