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La position du Parti de la voie démocratique

CHAPITRE III : LES DIVERGENCES DE LA GAUCHE MAROCAINE

3.3 Divergences autour de la question du Sahara occidental

3.3.2 La position du Parti de la voie démocratique

La position du Parti de la voie démocratique par rapport au conflit du Sahara occidental demeure, selon ses dirigeants et ses militants dans la continuité de celle de l’organisation Ila El Amam qui a soutenu le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination dans le cadre la légalité internationale.439 Cette position n’a pas changé

depuis le début des années 70, lorsque les militants de l’organisation Ila El Amam ont soutenu le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et appuyé le droit du peuple sahraoui à s’autodéterminer. Le Parti de la voie démocratique tient à souligner que les militants du Mouvement marxiste-léniniste marocain affiliés, à l’organisation Ila El Amam, ont payé le prix fort pour cette position dans les prisons et les centres de détention secrets marocains.

437 Déclaration générale - 9eme congrès du parti du Congrès Ittihadi, octobre 2017, Texte en arabe : [En ligne]

http://cnimaroc.ma/?page_id=2482

438 Entretien avec Najib Akesbi, 16 mai 2018.

439 Omar OUCHEN, « La Voix démocratique et l’affaire du Sahara occidental », Dialogue civilisationnel, No 1816, 4 février 2007.

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La position est fondée sur une lecture de l’histoire ayant notamment trait aux trahisons et aux erreurs du régime marocain à l’égard des sahraouis et de l’Armée de libération du Sud marocain. Celle-ci appelait ouvertement à la lutte armée pour libérer l’ensemble des pays du Maghreb au moment où le Palais et les représentants de la bourgeoisie marocaine négociaient avec les forces d’occupation afin d’assurer « la permanence des intérêts impérialistes dans la région ».440 On mentionne également que l’Armée de libération du Sud marocain luttait

âprement contre l’occupation espagnole au Sahara de concert avec les tribus de la région. Ensemble, elles déclenchèrent des insurrections qui ont encerclé l’armée espagnole dès l’année 1957 avant que le sultan Mohammed Ben Youssef intervienne pour ordonner la cessation des combats. Face à ses exploits, les forces coloniales françaises et espagnoles avec l’appui des forces armées marocaines décidèrent de disperser cette armée de résistance au Sud lors d’une opération baptisée « Écouvillon » en février 1958. Au niveau structurel, note Abraham Serfaty :

La dispersion de 1958, suivie de la pénétration massive des facteurs de la désarticulation coloniale sur tout le territoire du Sahara occidental, allait ébranler les cloisonnements tribaux séculaires, n’offrant comme seule issue de survie à l’identité des populations sahraouies que leur regroupement politique et culturel sur la base de leur essence commune comme peuple sahraoui. 441

Cette dispersion menée par le régime marocain et les forces coloniales françaises et espagnoles fut derrière la formation du mouvement de libération nationale du peuple sahraoui. Aussi, les fondements du soutien du Parti de la voie démocratique se basent sur un certain nombre d’éléments qui appuient les thèses du parti sur le bien-fondé des revendications des sahraouis. En premier lieu, les militants du parti citent l’existence d’un peuple au Sahara occidental qui est sous colonisation depuis près de deux siècles. De plus, le parti reproche au régime marocain de n’accorder aucune importance au territoire du Sahara occidental au début de la proclamation de l’indépendance du Maroc alors qu’il considérait que les frontières du pays se délimitaient au Sud par le fleuve Sénégal. Faisant ainsi référence à la carte brandie par l’un des leaders du Parti de l’Istiqlal Alla El Fassi, qui défendait dans le contexte de l’époque la marocanité de la Mauritanie, le parti considère que le régime n’a pas accordé la même importance au Sahara occidental qui était sous occupation espagnole442. Il rappelle également

la position de l’Assemblée générale de l’ONU qui a évoqué dans ses recommandations la nécessité d’accorder au peuple sahraoui son droit à l’autodétermination. On mentionne aussi l’abandon des Sahraouis par les leaders du mouvement national qui n’ont pas accordé l’aide vivement réclamée. Les militants sahraouis n’ont alors trouvé comme seul soutien que les marxistes-léninistes marocains. À cet égard, le parti rappelle le soutien du Mouvement marxiste-léniniste marocain exprimé lors du 15ème congrès de l’Union nationale des étudiants

440 Abraham SERFATY, Dans les prisons du roi, écrits de Kenitra sur le Maroc, Messidor/Éditions sociales, Paris, 1992, p.178. 440 Ibid., p.179.

441 Ibid., p.80.

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du Maroc (UNEM) à l’été 1972, et sa position claire sur la situation dans la région en insistant sur le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.443

Afin de bien défendre sa position initiale fondée sur le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, le parti a établi un cadre général d’initiatives proposées par ses instances sur la question du Sahara. Il adresse alors un message à l’État marocain et au Polisario les invitant à s’asseoir ensemble en vue de négocier dans le cadre de la légalité internationale. Il mentionne qu’il est prêt, en dépit des moyens modestes à sa disposition, à jouer un rôle positif afin de contribuer à la réussite de ces négociations. Le Parti de la voie démocratique identifie aussi les parties prenantes de la négociation : l’État marocain ainsi que le Front Populaire de libération du Saguiet El Hamra et de Rio de Oro (Polisario) à titre de représentant unique du peuple sahraoui. Une telle position coupait ainsi court, selon le parti, à la thèse selon laquelle la solution passait par les négociations entre le Maroc et l’Algérie, que le régime accusait d’être derrière la création du Front Polisario. Le parti a également mis en lumière les bases de la négociation dans le cadre de la légalité internationale en se fondant sur le fait que le territoire du Sahara occidental figurait sur la liste des territoires à décoloniser et que par conséquent il a le droit à l’autodétermination. Cette position frappe en plein cœur la thèse de l’autonomie locale que refuse le Front Polisario.444

Tout en dénonçant les violations commises par le régime marocain contre les sahraouis, les militants du Parti de la voie démocratique tiennent également à sensibiliser l’opinion publique marocaine sur les répercussions catastrophiques de ce conflit sur le plan économique et social. À travers des conférences et des colloques, ils analysent de manière critique le budget de l’État dont une part considérable est réservée à l’armée, au Ministère de l’Intérieur et au Palais, au détriment des secteurs sociaux tels que l’enseignement, la santé, le travail et la culture. Il estime que le peuple marocain doit comprendre que le conflit du Sahara occidental contribue à sa pauvreté au moment où une cohorte composée de cadres militaires et civils marocains ainsi qu’une poignée « d’agents sahraouis » accumulent des fortunes colossales.445

Le Parti soutient également que le conflit du Sahara occidental est instrumentalisé par le régime pour faire avorter les différentes luttes du peuple marocain contre les politiques antipopulaires. Le régime en profite en plus pour discréditer les opposants à ses politiques en les accusant d’œuvrer pour le compte de services étrangers. Il avance à cet égard que dès que la lutte populaire s’intensifie et réclame un véritable changement, le régime s’abrite derrière ce conflit en faisant appel au consensus national et à la nécessité de consolider le

443 Omar OUCHEN, op.cit. 444 Ibid.

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front intérieur pour contrecarrer les complots étrangers.446 Le but réel de ces manœuvres ne vise qu’à étouffer

le mouvement de lutte du peuple marocain pour la justice sociale et la démocratie. En somme, pour Annahj Addimocrati, « Le Makhzen a échoué dans la gestion de ce dossier et en a profité pour réprimer toutes les oppositions politiques et sociales tandis que la mafia makhzénienne en a profité pour s’enrichir. »447

Pour conclure, il importe de mentionner que la FGD, tout comme le Parti de la voie démocratique, confirme la persistance de divergences profondes sur cette question. Elle demeure l’une des questions récurrentes qui fait que les deux groupes n’arrivent pas à s’entendre. Si la position de la FGD est claire et considère que le Sahara occidental est une partie intégrante du Maroc tout en critiquant la mauvaise gestion de ce dossier par le régime, la position du Parti de la voie démocratique continue de susciter des désaccords. Toutefois, le parti tient à souligner que sa position de soutien du droit des habitants de la région à l’autodétermination est porteuse de plusieurs solutions. L’autodétermination peut revêtir la forme d’une indépendance ou d’une intégration du Sahara au Maroc. L’objectif principal étant d’arriver à une solution politique pacifique et négociée entre les parties en conflit, ce qui est en adéquation avec le principe de l’autodétermination ainsi qu’avec les dispositions proposées par l’ONU. On rappelle aussi que le régime marocain avait officiellement adopté le principe de l’autodétermination lors du sommet de l’Organisation de l’unité africaine, actuellement l’Union africaine (UA) en juin 1981 à Nairobi alors qu’il s’opposait auparavant farouchement à toute organisation de référendum au début de 1975. Il a cependant revu sa position par la suite en faisant la promotion de ce qu’il appela le « référendum confirmatif » avant d’abandonner cette option et de promouvoir le plan d’autonomie locale pour régler ce différend. Finalement, le Parti de la voie démocratique tient également à préciser que la présence de la MINURSO au Sahara occidental tel que son nom l’indique, visait justement l’organisation d’un référendum dans ce territoire.

La question du désaccord sur le régime, est aussi un point de discorde entre la FGD et le PVD. Sur ce point, chaque groupe tente de promouvoir son appréciation de la situation en vue de faire passer ses positions.