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Tourisme et identités

III. Tourisme et identités : regard « postcolonial »

1. La négociation des identités à travers le tourisme

Trois corpus abordent la mise en tourisme des identités comme un processus négocié. Ils analysent comment les acteurs touristiques se positionnent par rapport aux imaginaires touristiques (dans le premier corpus), comment ils négocient les identités collectives qu’ils mettent en avant avec les autres acteurs en présence, notamment avec l’Etat (dans le deuxième corpus) et avec les sociétés locales (dans le troisième corpus).

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L’instrumentalisation des imaginaires touristiques

Mobiliser des imaginaires touristiques pour affirmer une identité collective Quelques travaux d’anthropologues (Salazar 2009 et 2010) et de géographes (Debarbieux 2012) se sont penchés sur la façon dont les sociétés locales utilisent les imaginaires touristiques pour refaçonner leur propre identité. Noël B. Salazar montre comment les Massaï, en Tanzanie, reprennent à leur compte les représentations que véhiculent les médias et les agences touristiques de leur ethnie, pour objectiver et affirmer leur identité ethnique. Bernard Debarbieux se penche sur trois cas dans lesquels des acteurs locaux jouent sur les imaginaires touristiques, façonnés par les savants et les artistes, pour obtenir une reconnaissance en tant que collectif, affirmer des identités montagnardes (Chamonix), ethniques (les « italo-américains » de Little Italy, à New York) et sexuelles (« gay », à Manchester).

Il distingue les « identités collectives » des « identités sociales », en s’appuyant sur les définitions qu’il en donnait dans un article de 2006, inspirées des travaux de Richard Jenkins (2000). Par « identité collective », il désigne « le sentiment et la volonté partagés par plusieurs individus d’appartenir à un même groupe et de se présenter comme tels dans l’espace public » (2012). L’« identité sociale » réfère pour lui « aux catégories et aux groupements que nos sociétés et les individus qui les composent désignent comme des entités du monde social » (2012). Elle qualifie

« le type d’identité attribuée ou imputée par d’autres à un individu ou à un groupe pour le situer dans une représentation de la société » (2006, p. 341), soit dans une catégorie classificatoire permettant de l’identifier à travers son statut professionnel, familial, sexuel, morphologique ou l’environnement « naturel » dans lequel il s’inscrit. L’auteur montre que les acteurs locaux affirment leur identité collective en instrumentalisant des imaginaires touristiques qui constituent une composante des identités sociales, c'est-à-dire en adoptant, parfois en réinterprétant, des traits identitaires qui leur sont attribués de l’extérieur. Le distinguo entre identités collectives et sociales permet de clarifier la nature des identités en jeu dans le tourisme19. L’auteur ne parle pas explicitement des

19 D’autres auteurs (Avanza et Laferté 2005, Brubacker 2001) ont proposé de remplacer le terme d’« identité », qu’ils jugent trop ambigu. Les premiers proposent de le remplacer par trois termes. Celui d’« identification » qualifie l’attribution identitaire qui se fait dans le cadre d’une institution (telle que l’Etat). Celui d’« image sociale » renvoie aux discours et aux représentations organisant la perception des groupes, produits par des élites. Celui d’« appartenance » désigne la façon dont les individus s’approprient les identifications et les images, façonnées de l’extérieur.

L’idée d’abandonner la notion d’identité me semble excessive. Comme le dit Kaufmann (2004),

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identités mises en tourisme comme d’identités « négociées », mais il s’appuie sur des théories de l’identité qui invitent à les comprendre ainsi.

L’identification comme positionnement par rapport à des catégories sociales Debarbieux parle des identités sociales comme des « catégories ». Il renvoie ainsi aux études réalisées récemment sur l'« intersectionnalité ». Cette notion a été forgée aux Etats-Unis, dans les années 1970, par le courant du « black feminism ».

Il dénonce l’incapacité des politiques destinées à lutter contre les violences faites aux femmes noires à penser le caractère multidimensionnel de la subordination à laquelle elles sont soumises. Dans le contexte francophone, la notion a été utilisée dans des études sur le genre à partir du milieu des années 2000 (Bilge 2009, Dorlin 2005, Palomares 2010, Palomares et Testenoire 2010). Elle n’a fait l’objet d’une utilisation en géographie que récemment, dans le champ de la recherche anglophone (Valentine 2007).

Ces études postulent que l’inégalité sociale constitue un phénomène à facettes multiples, qu’elle est le produit de l’intersection de rapports ethniques, de classe et de genre. Elles s’efforcent de penser la constitution, l’articulation et le renforcement mutuel de différentes catégories de normes sociales, d’analyser la façon qu’ont les individus de se positionner par rapport à elles, et de mettre en évidence les effets conjoints, à leur échelle, de l’imposition de ces catégories. Elles raisonnent en termes de négociation des individus avec les normes sociales, et analysent leur façon d’intégrer dans leur identité les catégories sociales imposées en les transformant. Elles entendent montrer que les identités sont une combinaison de catégories sociales réappropriées. Debarbieux insiste, davantage que ne le font ces analyses, sur la capacité de choix et de « réflexivité » des individus, au sens que donne Giddens (1991) à ce terme. Il valorise la capacité des individus à mobiliser des catégories sociales imposées, assignées, à se les réapproprier et à les mettre au service de stratégies propres. Il souligne, comme François Dubet et Danilo Martucelli (1998), l’emprise décroissante des identités sociales sur les individus et la capacité croissante de ceux-ci à choisir les catégories sociales qu’ils font leur.

cela revient à abandonner l’idée d’analyser une réalité sociale importante. La distinction opérée par Debarbieux entre « identité sociale » et « identité collective » me semble plus pertinente : elle permet de distinguer simplement les identités légitimées et imposées au groupe de l’extérieur, de celles qui sont endogènes, appropriées, revendiquées par le groupe.

42 L’identification comme revendication collective

Pour ne pas privilégier une approche attributive et catégorielle des identités, Debarbieux valorise les identités telles qu'elles sont revendiquées par les acteurs locaux. Il s'appuie pour cela sur des travaux issus de la sociologie de l’acteur et de la sociologie des mouvements sociaux, qui accordent une attention particulière aux mouvements sociaux mobilisant des référents identitaires, et en particulier sur ceux de Manuel Castells (1999 [1997]), pour lequel les identités constituent le moteur des nouveaux mouvements sociaux. L’auteur pointe la fabrication, par leurs acteurs, d’« identités résistance », destinées à s’opposer aux « identités légitimantes », et d’« identités projet », permettant aux acteurs de redéfinir leur position dans la société et de remettre en cause les fondements identitaires dominants. L’auteur montre également comment ils mobilisent des « images », qui circulent dans un contexte de mondialisation, pour modeler des « imaginaires communautaires », soit participer à la production d’identités collectives, alternatives aux identités sociales imposées (pour reprendre les termes de Debarbieux). Castells insiste sur le fait qu’elles se constituent dans le cadre de projets collectifs.

Les théories de l’identité sur lesquelles s’appuie Debarbieux font donc apparaitre les identités collectives, revendiquées, en partie comme étant choisies et inventées par les acteurs, et en partie comme le produit de négociations effectuées par les individus avec des catégories sociales imposées qu’ils se réapproprient, quitte à les modifier.

La négociation des identités mises en tourisme avec l’Etat

D’autres recherches, récentes, conçoivent plus explicitement les identités mises en tourisme comme des identités « négociées » par les porteurs de projets avec les autres acteurs en présence, notamment avec l’Etat. Elles analysent comment les acteurs touristiques se positionnent par rapport aux « identités sociales » que l’Etat cherche à imposer via le tourisme et comment ils promeuvent des « identités collectives », parfois différentes.

Le tourisme comme moyen de contrôler les identités pour l’Etat

Le tourisme est d’abord perçu comme un moyen utilisé par l’Etat pour renforcer l’identité nationale. Emmanuelle Peyvel (2007) étudie comment, au Vietnam, le tourisme a été utilisé par l’Etat comme un moyen pour « mettre en vitrine l’identité de la nation » (p. 145), à travers la mise en scène de sites touristiques, hauts lieux de batailles menées contre les Américains. D’autres auteurs montrent comment

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des mythes promus dans le cadre de l’activité touristique peuvent nourrir le sentiment d’appartenance nationale. Mihaela Hainagiu (2008) présente ainsi le cas de circuits réalisés en Roumanie sous Ceausescu sur le thème de Dracula, qui consacrent l’image de héros national de Vlad l’Empaleur, pour célébrer les vertus patriotiques du dirigeant communiste à travers la commémoration des chefs d’État qui l’avaient précédé.

Le tourisme est ensuite présenté comment un moyen pour l’Etat de contrôler la définition des identités régionales ou ethniques. Antonio Guerreiro (2001) montre ainsi comment en Indonésie, sous l’Ordre Nouveau (1966-1998), le président Suharto a entrepris de créer dans chacune des provinces des « cultures régionales » homogènes et distinctes, de façon à relayer la culture nationale, en en montrant la diversité, et à évincer les cultures ethniques infrarégionales. L’étude de Johanne Pabion-Mouriès (2010) sur le Kirghizstan montre quant à elle que l’Etat encourage des projets touristiques qui mettent en avant l’ethnie dominante, en valorisant des marqueurs identitaires exclusivement kirghizes tels que la yourte ou les paysages de pâturage.

La négociation des identités infranationales avec l’Etat

Le tourisme apparait également comme un lieu où les acteurs touristiques négocient avec l’Etat les identités infranationales ou ethniques. Geneviève Clastres (1998) présente le cas de villageois de la Province du Guizhou, en Chine, qui utilisent le tourisme comme moyen pour promouvoir leur ethnie, dans un contexte où ils sont méprisés par les Hans, l’ethnie dominante. Pascale Milan (2012) observe la même situation chez les Mosuo. Elle décrit comment cette communauté, considérée comme archaïque par les Hans, résiste aux façons de mettre en scène son identité culturelle que cherchent à leur imposer les institutions touristiques qui portent la voix du gouvernement central. Elle présente les fêtes folkloriques comme des arènes infrapolitiques où l’identité ethnique devient un acte de résistance.

Ces recherches présentent la mise en tourisme des identités comme des stratégies politiques, menées par l’Etat et par ceux qui promeuvent des identités infranationales, et comme un processus de négociation entre ces acteurs. Elles en montrent les enjeux politiques.

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La fabrication des identités nationales et infranationales

Ces recherches renvoient à des écrits théoriques qui analysent comment l’Etat contrôle la fabrication des identités nationales et infranationales. De nombreuses recherches ont été effectuées, par des historiens, des philosophes et des anthropologues, sur l’émergence de l’identité nationale, avec celle de l’Etat moderne (Anderson 1996 [1983], Arendt 1997 [1951], Gellner 1989 [1983], Hobsbawn 1992 [1990], Thiesse 1999, entre autres). Elles montrent que le processus de construction des Etats-Nations est un processus d'homogénéisation culturelle. Ainsi, pour Gellner, le nationalisme est la volonté d’établir une correspondance entre la culture et la société. La construction d'un Etat-Nation passe par la définition et la promotion, notamment à travers le système éducatif, d'une « haute culture » commune, dans laquelle les identités particularistes doivent se fondre. Selon lui, l'individu devient membre de la Nation en vertu de son adhésion à cette culture et non en vertu de son appartenance à des communautés.

Il montre que l'Etat-Nation se base sur les principes suivants : à l’extérieur, affirmer une identité nationale, à l’intérieur, faire en sorte que les membres de la Nation adhèrent à celle-ci et nier les identités infranationales, faire en sorte qu’elles s’homogénéisent. Dans les travaux qu’il a réalisés sur le Maroc (2003 [1969]), il évoque également des formes de résistance passive au processus d’homogénéisation culturelle.

Les études évoquées précédemment font écho aux écrits de Gellner : le tourisme peut être compris comme un moyen utilisé par l’Etat pour contrôler les identités infranationales et comme un moyen pour certains groupes d’affirmer leur identité particulière.

Les identités, des stratégies politiques qui entrent en conflit

Plus largement, ces travaux renvoient aux approches qui considèrent l’identité comme un discours susceptible d’être instrumentalisé à des fins politiques et de déboucher sur des conflits. L’un des ouvrages les plus représentatifs de ce courant est celui de Jean-François Bayart (1996), L’illusion identitaire. Dans celui-ci, l’auteur s’efforce de déconstruire les discours qui prétendent que les identités sont naturelles, de démontrer que les identités sont le produit de circonstances historiques et d’en dévoiler les ressorts politiques. Il adopte un ton dénonciateur pour prévenir la « rétractation identitaire » (p. 11) et les conflits auxquels elle peut mener. Sa réflexion s’inscrit en effet dans le contexte des conflits de l’ex-Yougoslavie et de la région africaine des Grands Lacs, dépeints par les médias

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comme des conflits identitaires. Il cherche à montrer que ces conflits sont politiques, les identités faisant l’objet d’une instrumentalisation politique.

Ce courant de recherche, engagé, rejoint la pensée de Barth (1969), déjà évoquée.

Pour lui, les groupes ethniques se construisent dans l’interaction avec les autres, et leurs relations sont en permanence négociées, souvent dans le conflit. Celui-ci permet l’établissement, le maintien ou, au contraire, le déclin de tel groupe ethnique par rapport à tel autre. Les groupes luttent pour avoir le pouvoir d’inclure et d’exclure, de dire qui est dans le groupe et qui est en dehors du groupe. Le groupe dominant attribue aux autres des identités péjoratives pour se valoriser soi-même, tandis que les groupes stigmatisés cherchent à retourner le stigmate.

D’autres auteurs prolongent les réflexions de Barth sur le conflit comme modalité fondamentale de la négociation des identités. Ainsi, Pierre Bourdieu (1980) présente les identités comme l’enjeu de luttes sociales et politiques. Il montre que tous les groupes n’ont pas le même « pouvoir d’identification » et de classement de la réalité sociale. Ceux qui ont le pouvoir, qui détiennent l’autorité légitime, ont les moyens d’imposer leurs propres définitions d’eux-mêmes et des autres, alors que ces autres subissent les identités auxquelles les acteurs dominants les ont assignés.

L’auteur montre que les conflits identitaires reflètent les hiérachies sociales et politiques en même temps qu’ils s’expliquent par elles.

Ces recherches invitent à interpréter les négociations qui président à la mise en tourisme des identités dans le cadre d’une analyse des rapports de pouvoir.

La constitution de sous-cultures touristiques

Si les identités collectives revendiquées à travers les projets touristiques se négocient « par le haut », avec l’Etat, elles se négocient également « par le bas », avec les sociétés locales, et se définissent par rapport aux identités telles qu’elles sont vécues localement.

Les identités mises en tourisme, les identités de groupes d’acteurs touristiques Quelques travaux soutiennent la thèse selon laquelle il existe des « sous-cultures touristiques », des identités collectives mises en tourisme que seuls les acteurs touristiques s'approprieraient. A partir de l’étude du tourisme en pays touareg, au Niger, Emmanuel Grégoire et Marko Scholze (2012) identifient une « sous-culture touristique », en lien avec l’émergence d’un nouveau groupe social investi dans le tourisme, constitué des guides et de ceux qui travaillent dans les agences touristiques locales comme chauffeurs, cuisiniers ou chameliers. Ce groupe

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constitue une « nouvelle bourgeoisie », qui se distingue des nobles et de leurs vassaux, a un meilleur statut social et politique et partage une identité. Celle-ci se définit par l’appropriation sélective des imaginaires touristiques occidentaux (le mythe du désert de dunes parcouru par des Touaregs enturbannés juchés sur leurs chameaux) et par la combinaison d’attributs identitaires traditionnels, endogènes, et d’attributs exogènes. Les auteurs distinguent, au sein du groupe, des degrés différents d’appropriation et de réinterprétation des imaginaires touristiques occidentaux, en fonction de la fréquence et de l’intensité des contacts que les acteurs touristiques ont avec les touristes. Ils constatent que, plus les guides se sont éloignés de leur cadre de vie habituel, plus ils ont une vision conservatrice de leur identité. Ils observent également que la fabrication de cette sous-culture ne se fait pas sans conflits entre acteurs touristiques et entre ces acteurs et certains membres de la population (par exemple entre les guides et les forgerons, qui dépendent des guides pour vendre aux touristes les bijoux et les objets qu’ils fabriquent). Ces tensions n’ont pas uniquement des causes économiques. Elles se comprennent aussi dans le cadre des relations sociales entre les nobles et les non nobles et entre les groupes touaregs, différemment impliqués dans l’activité touristique.

L’étude d’Ouassa Tiekoura (2012) permet de mieux cerner les contours de la

« sous-culture touristique » touarègue et de l’émergence d’une « sous-culture touristique féminine », bien qu’elle n’utilise pas ces termes. Elle montre que les femmes, grâce au rôle qu’elles tenaient20 dans la fabrication de l’artisanat vendu aux touristes, ont pris conscience d’elles-mêmes en tant que groupe et de la position dominante des hommes dans l’activité touristique. Cette prise de conscience a donné lieu à des réactions inverses. Certaines artisanes se sont accommodées de la situation, considérant que le fait de réaliser les objets artisanaux à la maison leur permettait d’assumer leur rôle traditionnel de femme s’occupant du foyer et des enfants, qu’elles souhaitaient continuer à assurer.

D’autres ont mis en place des actions destinées à contester la position dominante des hommes dans l’activité touristique. Les identités de genre que certaines veulent mettre en avant font l’objet de négociations continues avec les femmes qui n’entendent pas remettre en question la domination des hommes sur l’activité touristique, et avec l’ensemble de la société locale, qui, majoritairement, n’entend pas remettre en question le statut des femmes. Ce type de recherche ouvre des

20 Je parle au passé car, depuis les rébellions touarègues des années 1990, puis celle de 2007-2009, le tourisme dans l’Aïr a connu un ralentissement considérable.

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pistes de réflexion sur la constitution de sous cultures-touristiques tributaires du genre et sur les enjeux sociopolitiques de leur émergence.

La notion de sous-culture

Grégoire et Scholze utilisent la notion de « sous-culture », sans pour autant préciser le sens qu’ils lui donnent. Pour les sociologues américains qui ont inventé et diffusé le terme de « subculture » (Gelder et Thornton 1997, Hebdige 1982), celui-ci désigne un ensemble culturel propre à un groupe social, qui se différencie de la culture plus large dans laquelle le groupe s’inscrit, mais qui ne trouve sa raison d’être que parce qu’il participe d’un ensemble plus vaste. Ce groupe peut se différencier par sa profession, son groupe social, son groupe ethnique ou par son genre. Il peut être inclus dans une culture qui peut être par exemple ethnique.

La notion de « sous culture » est néanmoins sujette à controverse. D’abord, elle peut sembler avoir une connotation péjorative (même si les sociologues américains ne lui attribuent pas cette connotation). Ensuite, elle ne prend sens que dans une culture plus large qui l’englobe et lui préexiste. Selon Cuche (2010, p. 55), les tenants de l’approche interactionniste récusent l’idée qu’il puisse y avoir une culture globale qui préexisterait aux sous-cultures et les conditionnerait. Pour eux, ce qui est premier, c’est la culture qui lie des individus en interaction directe. La culture globale résulte de la mise en relation des groupes et de leurs cultures propres, plus qu’elle ne les conditionne. La notion de « sous-culture » semble donc opportune uniquement si on considère les relations entre « culture » et « sous-culture » comme des relations dynamiques, parfois conflictuelles, et non hiérarchiques, reflétant les relations entre les groupes sociaux. En effet, les parties prenantes d’une « sous -culture » peuvent être en position de force par rapport aux autres acteurs sociaux. De plus, les relations entre « culture » et « sous-culture » doivent être comprises comme non hiérarchiques car les parties prenantes d’une « sous-culture » peuvent jouer de leur inclusion dans un ensemble culturel plus vaste ou l’ignorer : l’étude de Tiekoura montre que, pour les femmes artisanes qu’elle a interrogées, la dimension ethnique de leur identité compte peu.

Les trois corpus dont il a été question invitent à analyser la mise en tourisme des identités comme un processus de négociation permanente entre les acteurs

Les trois corpus dont il a été question invitent à analyser la mise en tourisme des identités comme un processus de négociation permanente entre les acteurs