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Une optique féministe et postcoloniale

II. De la collecte à l’analyse des données

2. Analyser les discours

Des données de types variés – discours oraux et écrits, images, pratiques - ont été collectées. Elles relèvent toutes du discours (les pratiques corporelles observées y compris : les gestes constituent un langage en soi). Elles ont donc été traitées suivant la même méthode : celle de l’analyse de discours.

La méthode de l’analyse de discours

L’analyse de discours constitue une des méthodes de traitement des données qualitatives privilégiées en sciences sociales. Il s’agit d’une approche globale des discours : elle prend en compte le contexte d’énonciation, les caractéristiques de celui qui énonce le discours et s’intéresse à l’organisation narrative des discours, pour saisir les chaines de sens et comprendre la logique interne du discours, son sens global. Elle part du principe, qui a été défendu par Ferdinand De Saussure puis

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par Roland Barthes (1985 [1966]) et fonde la sémiologie, selon lequel tout élément discursif a deux faces, un signifiant et un signifié. Le signifiant, la représentation sensible, perceptible, renverrait à autre chose qu’à un référent réel : il renverrait à un signifié, un deuxième niveau de signification, à une valeur, une représentation, soit quelque chose qui fait sens pour un individu ou un groupe. L’analyse de discours se base sur l’idée selon laquelle, en décryptant les discours, on pourrait parvenir à ce qui fait sens pour les individus, pour appréhender le social dans toute sa complexité.

L’analyse de discours semble être une méthode particulièrement adaptée à un travail sur les identités, car, comme le rappelle Petite (2009, p. 10), les identités sont des construits sociaux en partie discursifs. Le discours objective et (re)construit des identités qui deviennent des réalités sociales. Etudier les discours permet d’accéder à ces réalités, de retracer les processus qui en sont à l’origine, et de saisir les représentations qui les sous-tendent. Cela permet de comprendre la logique qui préside à l’énoncé de telle identité. Cette technique donne donc des outils pour décrypter des discours identitaires sans les juger.

Cette méthode permet également d’analyser les jeux d’acteurs, les rapports de pouvoir que reflètent les discours sur les identités tout en participant à la construction de ces rapports. Elle invite le chercheur à considérer, dans la lignée de Michel Foucault, que le discours relaie des normes qui perpétuent des rapports de pouvoir, et invite à décrypter quelle place l’énonciateur accorde aux autres acteurs dans son discours, comment il en parle, quelle place il accorde aux identités énoncées par les autres et comment il les considère.

Plus prosaïquement, l’analyse de discours permet d’analyser des données factuelles, sur les projets des acteurs. Cette méthode a été utilisée quelque peu différemment pour traiter les carnets de terrain et les corpus documentaires.

L’analyse des carnets de terrain

Pour faciliter l’analyse des carnets, ceux-ci ont été codés. Dans un premier temps, les thématiques qui semblaient les plus pertinentes pour l’analyse ont été identifiées. Celles retenues sont exposées dans les chapitres suivants. Elles correspondent à celles abordées pendant les entretiens et à celles qui ont guidé les observations. Elles ont cependant évolué au fil des enquêtes, qui ont permis de sélectionner les thèmes les plus importants. Par exemple, la catégorisation des acteurs a été affinée au fur et à mesure que ma compréhension des parcours des acteurs progressait. Dans un second temps, il a fallu faire correspondre des parties

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des carnets à ces thématiques. Le logiciel Atlas TI a été utilisé pour les carnets retranscrits. Pour les autres, des techniques plus classiques (codage avec des surligneurs) ont été mobilisées. L’analyse des entretiens et des séquences d’observation a également consisté à décrypter l’argumentation et les logiques internes des discours, pour en comprendre le sens, à les replacer dans un contexte plus large d’énonciation (conditions de l’enquête, éléments du contexte qui influent sur le discours, stratégies de légitimation des discours, conséquences politiques et sociales du discours, etc.) et à comparer les informations obtenues au cours des enquêtes, pour en évaluer la crédibilité.

L’analyse des corpus documentaires L’analyse des textes

Les textes récoltés ont été eux-aussi codés, à partir des mêmes thématiques que celles identifiées pour le codage des carnets, de façon à pouvoir mettre en perspective les actions et discours oraux des acteurs. Ils ont été traités par le biais d’une analyse de contenu. Elle consiste à compter les mots ou expressions selon des indicateurs lexicaux et à identifier la surface rédactionnelle consacrée à telle thématique pour connaître l’occurrence des termes et des thèmes qui reviennent le plus fréquemment et savoir ainsi quels axes principaux structurent le discours en termes de sens. Cette technique s’est avérée intéressante pour comprendre les représentations et les logiques qui sous-tendent les discours, discrètes dans les textes officiels car ils utilisent un vocabulaire conventionnel paraissant neutre.

Cette technique a été complétée par une analyse de discours proprement dite, qui a permis, en prenant en compte des éléments internes (structure) et externes (contexte) au texte, d’étudier la manière dont le sens global du texte est construit.

L'analyse des images des documents publicitaires touristiques

Pour l’analyse des images, telles que les affiches ou les photographies illustrant les brochures touristiques, il a fallu adapter la méthode de l’analyse de discours. En effet, les images apparaissent plus difficiles à analyser qu’un discours oral ou écrit car elles peuvent être considérées comme plus polysémiques : l’image est constituée de signes visuels épars, que l’on ne perçoit pas de façon linéaire mais que l’on perçoit simultanément.

Plusieurs techniques d’analyse de l’image (Gervereau 2004, Joly 1994 et 2001 et Rose 2001) ont été combinées, pour aboutir à la grille de lecture suivante. La première étape, la description interne de l’image, consiste à en décrire et analyser la composition (couleurs, formes, volumes, surfaces, cadrage, angle de prise de vue, point de vue, lignes directrices, éclairage, mise au point) et le contenu

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(thématiques abordées, manière dont les éléments formels font sens). La seconde étape, inspirée de la sémiologie, consiste à analyser le message porté par l’image en se focalisant sur le destinateur puis le destinataire. Il s’agit alors d’explorer plus avant leurs identités, leurs motivations et les relations de communication qu’ils entretiennent. La troisième étape, inspirée de l’histoire culturelle, consiste à analyser l’image en prenant en compte les éléments externes (auteur, commanditaire, date d’édition, lieu d’édition, support, sujet, légende) et en la replaçant dans le contexte social, culturel et politique de sa production et dans le contexte de sa réception, afin de saisir comment le sens attribué à une image évolue et comment il circule d’une image à l’autre. Une telle grille permet d’analyser quels imaginaires sont produits et véhiculés par les documents publicitaires touristiques, comment ils le sont formellement, en quoi ils relèvent de l’idéologie coloniale, dans quelle mesure et comment ces représentations circulent dans les documents promotionnels actuels.