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Fabrication et évolution des imaginaires touristiques des Atlas marocains

I. Tourisme colonial et imaginaires touristiques

2. La construction d’imaginaires de la montagne berbère

Les imaginaires de la montagne marocaine véhiculés par l’iconographie et les guides touristiques de l’époque faisaient partie de la propagande coloniale. Ils étaient, de différentes manières, au service du projet colonial, et véhiculaient une

« idéologie coloniale »87, comme je vais m’efforcer de le montrer.

Des images louant l'œuvre coloniale

Les supports publicitaires touristiques relayaient l'idéologie coloniale en véhiculant l'idée selon laquelle le tourisme constitue un vecteur de modernisation des montagnes. Ils glorifiaient l'action civilisatrice de la France en mettant en avant les prouesses techniques accomplies par celle-ci. Les réalisations des compagnies de transport et des autorités en matière d'équipements de transport étaient notamment au cœur des discours, comme le montre le corpus étudié.

Les revues présentes dans les fonds Berliet s'attachent à mettre en valeur les efforts de la France pour construire des routes, dans un contexte pourtant hostile.

Ainsi, l'article « la route, l’automobile et le tourisme au Maroc », paru dans L’Illustration en 1932, propose des photographies représentant des routes à lacets et des tunnels réalisés dans le Haut et le Moyen Atlas. Ces réalisations sont

87 Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Laurent Gervereau (1993) définissent le terme d'« idéologie coloniale » comme un ensemble d’idées et de représentations créées par le « lobby colonial », qui regroupe les acteurs politiques, en France et dans les colonies, et les milieux d’affaires ayant des intérêts dans les colonies, dans le but de légitimer la présence française dans les colonies, et de faire en sorte que le peuple français soutienne ce que l’on appelle, dans les années 1930, l’Empire colonial. La propagande faite par les organismes touristiques, par les associations et par les acteurs privés tels que les compagnies de transport, poursuivait ce but.

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présentées comme un effort de civilisation. L'auteur de l’article de la revue Automobilia, paru en 1919, écrit ainsi : « notre besogne, ici, est véritablement un travail de civilisateurs ».

De même, les affiches des compagnies de transport présentent la mise en place d'infrastructures et de services de transport comme une œuvre de civilisation.

L'affiche de la CTM, datée de 1929 (figure 19), inclut une carte des lignes régulières assurées par la compagnie. Ainsi, elle montre qu'elle quadrille une part importante du territoire marocain sous Protectorat français. Les choix formels effectués par le dessinateur mettent en valeur le progrès que constitue la mise en place de services de transports routiers : l'image est composée de façon à ce que le regard se fixe sur l'automobile, rutilante, et à suggérer que les touristes reviennent des montagnes, qu'ils ont visitées grâce à la compagnie. L'automobile, qui longe une palmeraie et des remparts, est présentée comme un point d'observation distancié et confortable de la ville « indigène » (ici, probablement Marrakech). Ainsi, l'auteur valorise les réalisations coloniales et rassure les futurs touristes : au Maroc, ils seront dépaysés et pourront explorer des lieux variés, de la ville aux montagnes, tout en voyageant avec un certain confort. Le sentiment d'altérité sera atténué par la présence française et les équipements mis en place par les compagnies de transport françaises.

Les affiches des compagnies aériennes vont plus loin encore dans la célébration de la puissance colonisatrice. Dans l'affiche de Latécoère (figure 20), l’avion, symbole de progrès, survole des montagnes maghrébines présentées comme des barrières infranchissables (ce qui permet de souligner l’exploit que constitue le vol) et un

« indigène », en habit traditionnel, impressionné, voire apeuré, par l’engin volant.

Dans celle d'Air France (figure 21), l’avion de ligne survole des reliefs moins menaçants et des « indigènes », qui semblent s’être regroupés pour aller au souk ou à la mosquée. Ceux-ci sont toujours représentés en habits traditionnels.

Rappeler l’archaïsme des « indigènes » permet, par contraste, de valoriser le progrès que leur apporte la France.

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Figure 19. Chemins de fer de Paris à Orléans – CTM. Camille-Paul Josso, 1929.

Imprimerie Lucien serre, Paris (Fonds Slaoui).

Figure 20. Latécoère, « Lignes aériennes G.

Latécoère, France Espagne Maroc », anonyme, 1921 (Fonds Air France).

Figure 21. Air France, « Afrique du Nord », par Jean Even, 1950 (Fonds Air France).

Dans le guide de Dresch et Lépiney (1938), la « pacification » de la montagne et la présence française sont présentées comme positives. Les Français sont présentés comme ayant fait cesser les « disputes intestines » entre tribus (p. 83), et le pouvoir colonial comme le garant de la sécurité des montagnards, autrefois sous le joug des caïds : « maintenant la montagne est paisible. […] Le montagnard apprécie la valeur d'une administration régulière qui lui procure la paix, la sécurité tant

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recherchée, la possibilité de courir les pistes de moussem en moussem, de souk en souk, sans avoir à dégainer le poignard qu'il porte toujours en bandoulière » (p.

85). La France colonisatrice est présentée comme un facteur de progrès sociopolitique, permettant de mettre en place des institutions jugées plus modernes et efficaces : « notre arrivée a fait cesser les luttes, cristallisé les situations acquises et parfois hâté la décadence des institutions traditionnelles devenus inutiles » (p. 83). Le vocabulaire utilisé (« traditionnel »), permet d'opposer la société montagnarde archaïque et la puissance coloniale, et de valoriser par contraste les progrès que celle-ci est susceptible d'apporter. Les bienfaits économiques de la présence française sont également évoqués à plusieurs reprises. L'ouverture de la montagne serait propice au développement de l'activité commerciale, alors que « le montagnard ne comprend rien à l'économie marocaine ou internationale » (p. 85). Le tourisme est présenté comme une nouvelle activité pour les montagnards, leur évitant d'aller rechercher du travail ailleurs. Dresch écrit : « à Aremd, le développement du tourisme est une heureuse aubaine » (p. 86).

Une idéologie coloniale masquée par des clichés orientalistes Des publicités touristiques coloniales héritières des orientalistes

Le plus souvent, dans les supports publicitaires touristiques, l’idéologie coloniale est présente mais de manière subtile, à travers des clichés « orientalistes »88, qui ne mettent pas en scène de façon aussi centrale les réalisations coloniales. Les supports publicitaires touristiques de la période coloniale sont les héritiers de la littérature et de la peinture orientalistes, à plusieurs égards.

Tout d’abord, la composition des images est inspirée des peintres orientalistes. Les scènes évoquées sont représentées comme des tableaux avec des plans successifs (figures 22, 23, 24). Au premier plan apparaissent des personnages typés. Au second plan apparaissent parfois d’autres indigènes. Au troisième plan apparait la ville, une ville au bâti homogène, dans laquelle on entre par des portes monumentales, et qui est dominée par les minarets des mosquées. La montagne constitue l’arrière-plan, décor grandiose à la scène représentée.

88 En parlant d’« orientalisme », je me réfère à un courant artistique né à la fin du XIXe siècle, au moment où des écrivains et des peintres (tels Delacroix, Masqueray, Fromentin, les frères Tharaud, Eberhardt…) voyagent autour de la Méditerranée dans le but de retrouver les racines de la civilisation occidentale, en Grèce et en Italie, et de découvrir une civilisation différente, la civilisation arabo-musulmane.

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Figure 22. PLM. L’hiver, le printemps au Maroc. Fez Bab Mabrouk. J.H. Derche, 1929. Imprimé par le Protectorat français. Fonds Slaoui.

Figure 23. PLM. Le Maroc par Marseille.

Jacques Majorelle, 1926. Imprimerie Lucien Serre, Paris. Fonds Slaoui.

Figure 24. Fédération des syndicats d’initiative et de tourisme du Maroc ESSI et PLM. Venez au Maroc. Gabriel Rousseau, Imprimerie Baconnier, Alger.

Fonds Slaoui.

Ensuite, les thèmes et les scènes évoqués dans les images et les textes à vocation touristique sont influencés par l’orientalisme. On retrouve un intérêt pour la

« nature ». Le guide de Dresch et Lépiney accorde plus d’importance au milieu naturel des montagnes qu’à ses habitants : 5% du guide sont consacrés à ces derniers, tandis que 15% du guide, sont consacrés à la description, par des

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spécialistes, de l’histoire et du milieu naturel des montagnes. Seules deux pages sont consacrées à l’histoire (non pas des montagnes et des montagnards mais de son exploration par les Européens), et le reste est consacré au relief, au climat, à la flore et à la faune. Dans l’édition de 1942, un chapitre sur le climat a été ajouté.

Dans les guides automobiles et les brochures des compagnies de transport, le cadre naturel que constitue la montagne est présenté comme un paysage « luxuriant »,

« grandiose » et « pittoresque » (terme qui revient également souvent chez Dresch et Lépiney). Il est le plus souvent présenté à travers la beauté de ses couleurs, qui contrastent avec celles de la plaine et des villes. Ainsi, dans une brochure de la Société des voyages et hôtels Nord Africains89, on peut lire : « Marrakech, la ville rouge, repose dans sa ceinture de palmiers au milieu d’une plaine de verdure, que domine la crête neigeuse du grand Atlas ». On retrouve quasiment la même phrase dans le guide Dunlop de 1922 : « Marrakech la rouge dans les palmes avec, comme fond de décor, l’Atlas couvert de neige qui se découpe dans l’Azur ». Ces contrastes sont mis en scène dans les affiches. Dans celles du PLM et de la Fédération des syndicats d’initiative et de tourisme du Maroc (ci-dessus), les couleurs utilisées pour la ville contrastent avec celles utilisées pour la montagne, souvent représentée avec une plage de couleur continue, ce qui contribue à entretenir le flou, le mystère, sur ces espaces.

Les guides Dunlop et Michelin mettent également en avant les contrastes entre les fonds de vallée, jardins et palmeraies verdoyants et les pentes sèches, pierreuses, ocres. Ils apportent une attention particulière aux paysages « spectaculaires »,

« impressionnants » que constituent les défilés, les gorges, les sommets. Ils recherchent les panoramas d’où l’on peut admirer les contrastes des paysages. Ces manières de représenter les montagnes rappellent la vision romantique qu’avaient les orientalistes des paysages de montagne et de désert, qu’ils considéraient propices à l’expérience mystique.

Une vision condescendante des montagnards, présentés comme archaïques Enfin, la mise en scène des populations (pas seulement les habitants des montagnes) et les discours sur celles-ci sont également inspirés des peintres et écrivains orientalistes. Elles sont souvent représentées comme des personnages dans des scènes de souk, dans des scènes qui se jouent autour de la mosquée (figure 21), dans des scènes de danse ou dans des scènes de départ de caravanes

89Cette brochure, intitulée « les auto-circuits Nord Africains ou le beau voyage aux pays des pais barbaresques de Monseigneur De Valcourt », est parue en juillet 1929. Elle provient du Fonds Services réguliers », dossier sur la Société des voyages et hôtels Nord Africains (Fonds Berliet).

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(figure 23). Dans ces scènes, les populations apparaissent moins comme des personnages que comme des figurants, qui « jouent » des scènes traditionnelles, immuables. La société indigène est ainsi présentée comme archaïque, symbolisant un monde qui rappelle, pour les auteurs de ces représentations, le Moyen-âge européen. Une telle image renvoie à la recherche et à la célébration, par les artistes orientalistes, d’un « hors temps » dépaysant, susceptible de les éloigner de la tradition, notamment de la tradition religieuse, symbolisée par les minarets et les femmes voilées. Celles figurées dans un cimetière (figure 22) sont présentées comme les symboles d’un monde fermé, moyenâgeux, aux coutumes étranges. Le thème de la féodalité, de la tradition, permet d’affirmer la puissance du colonisateur et l’utilité de sa mission. L’inscription dans une culture figée au Moyen-Age permet de justifier la supériorité de la France, plus avancée, et de justifier sa présence. De plus, les personnages représentés en premier plan – une femme (figure 23), un nomade (figure 24) - semblent érigés en « types » et font écho aux systèmes d’opposition sur lesquels jouent la puissance coloniale (nomades/sédentaires, hommes/femmes, arabes/berbères). L’iconographie touristique est donc mise au service du projet colonial consistant à diviser la société indigène en catégories pour mieux la diviser et la contrôler.

Cette logique de domination est particulièrement observable dans les images et les écrits qui concernent la montagne. Les termes de « Moyen-Age », de « médiéval », de « féodal » et de « vieux » reviennent sans cesse dans les brochures des compagnies de transport et les guides à propos de la montagne. Les guides Shell et Michelin accordent une grande importance à l’architecture monumentale des ksours et des kasbahs. Ceux-ci sont comparés aux châteaux du Moyen-Âge. Ils sont présentés comme les symboles d’une époque passée. Ils sont de plus considérés comme les symboles de l’autorité des seigneurs et de celle de la France qui les a vaincus et les utilise comme relais de sa domination. Ainsi, on peut lire dans la brochure de la Société des voyages et hôtels Nord Africains déjà citée : « ici vivent en leurs palais les Seigneurs de l’Atlas, les derniers barons féodaux du monde.

Intacte, une antique civilisation continue au Moghreb : l’œuvre française y fut belle, féconde, vivace à la fois et respectueuse du passé. Et l’une des plus grandes merveilles du Maroc, pour le voyageur qui pense, c’est le génie de la France ». Pour

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Ramou (2009), d’une manière générale, les contrastes esquissés dans la littérature touristique à la période coloniale entre la ville et la plaine d’un côté, la montagne de l’autre, visent à mettre en exergue la différence entre Maroc « utile », civilisé,

« bled siwa », arabe, et le Maroc « inutile », « bled siba », insoumis, sauvage, sous développé, berbère. Elle vise à stigmatiser ceux qui sont désignés comme des montagnards-berbères.

L’affiche de la Fédération des syndicats d’initiative et de tourisme au Maroc sur la vallée d’Ounila (figure 25) semble représentative d’une telle stratégie de domination de la montagne et des montagnards. L'iconographie touristique officielle fait la promotion du « Grand Atlas » dès 1923, alors que les régions de montagne sont encore tenues par les « caïds ». Dans ce contexte où le tourisme fait figure d'outil au service de l'idéologie coloniale sont inventées des images touristiques archétypales de la montagne. La vallée d'Ounila, entre Marrakech et Ouarzazate, est présentée comme l'emblème de la montagne berbère rebelle, à la fois inquiétante et fascinante, à conquérir et à admirer. La kasbah, au centre de l'image, apparait dans un cadre naturel majestueux et menaçant, et la contre-plongée exagère la hauteur des murailles, soulignant la bravoure des seigneurs. Le paysage, tout en couleurs et en contrastes, fait écho au jardin d'Eden, pour répondre à la quête d'exotisme des touristes potentiels. Cette fascination n’en reste pas moins teintée de condescendance : la société est présentée comme archaïque. Enveloppés dans leurs voiles, fantomatiques, les habitants semblent écrasés par la religion et la puissance du caïd, comme s'ils vivaient dans un autre temps, moyenâgeux. L'iconographie touristique fabrique ainsi un imaginaire stéréotypé de la berbérité. Elle constitue également une invitation à la modernité qu’offrirait la présence coloniale.

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Figure 25. Fédération des syndicats d’initiative et de tourisme du Maroc. Le grand Atlas. Vallée d’Ounila. Jacques Majorelle, 1923. Imprimerie F.

Champenois, Paris. Fonds Slaoui.

De même, le guide de Dresch et Lépiney reprend les jugements de valeur et les clichés véhiculés sur les Berbères par le pouvoir colonial. Ramou (2009, p. 358) estime qu’« il présente une image relativement proche de la réalité, en se basant, entre autres, sur les écrits anthropologiques et sociologiques des scientifiques ».

Effectivement, il ne montre pas une société figée mais s'attache à montrer les évolutions, notamment depuis la période coloniale. Néanmoins, sa vision des montagnards me semble largement marquée par les représentations coloniales90. D’abord, la montagne est présentée comme un lieu de « troubles » permanents (p.

56), renvoyant à l’image du « bled siba ». Ensuite, le guide véhicule certains clichés sur les montagnards. Ils sont présentés comme des paysans rudes, un peu sauvages, mais accueillants : « ainsi se passe la vie de ces paysans frustres. Ils sont méfiants, âpres au gain, durs à l'occasion. Ils sont pourtant accueillants, de grands enfants, au demeurant de fort bons compagnons » (p. 57). La société montagnarde est présentée comme solidaire et égalitaire - « extraordinaire développement de l'entraide aux formes multiples. Aucune forme d'association n'est plus symbolique

90Jean Dresh était pourtant un anticolonialiste. Dans les numéros spéciaux (41-42) de la Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée consacrés à lui, il est présenté comme un militant communiste, syndicaliste et anticolonialiste ayant soutenu, notamment par ses analyses du système colonial, les mouvements sociaux au Maghreb, comme mettant les analyses qu'il réalisait en tant que géographe au service de ses engagements politiques. Il a été en contact avec le groupe des Jeunes Marocains, critique vis-à-vis du colonialisme français, et a pris publiquement des positions anticolonialistes dans les années 1950.

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que celle des greniers communs, appelés ici irherm. […] L'irherm apparait comme le symbole d'une sorte de république égalitaire de petits propriétaires » (pp. 81-82) – mais figée : « la vie se maintient inchangée au village, malgré les ruines, malgré les crises, dure comme la montagne » (p. 86). Enfin, le guide véhicule des clichés racialistes. On peut lire ainsi page 56 : « ces montagnards du versant nord, constamment mêlés, au moins en bordure de la plaine, aux populations plus hétérogènes encore que la plaine, ne constituent pas un type d'humanité bien séduisant ».

Il ressort de cette analyse que la vision moyenâgeuse des populations des montagnes fait écho à la vision qu’en avaient les artistes orientalistes, dès la fin du XIXe siècle, et que cette vision est au service d’une logique coloniale, de domination. Les imaginaires touristiques de la montagne, à la période coloniale, ont été construits à partir de représentations orientalistes qui véhiculaient déjà une idéologie de type colonial. Ces imaginaires sont donc orientalistes au sens que donnait Edward Saïd (2005 [1978]) à ce terme : ils relaient un pouvoir de type colonial. Tayeb Boutbouqalt (2009) souligne l’ambivalence et la cohérence des images véhiculées à l’époque coloniale par le tourisme. Selon lui, cette activité était présentée à la fois comme un moyen d'apporter le progrès, la modernité, de valoriser les réalisations françaises, et comme un moyen de louer l’authenticité des montagnards et le respect par les autorités des indigènes. Dans les deux cas, cela justifie la présence française. Il s’agit de véhiculer les images stigmatisantes construites alors sur les « berbères », pour présenter ces derniers comme inférieurs, et mettre en avant la nécessité et les bienfaits de la colonisation.

Des images qui font écho aux imaginaires occidentaux de la montagne

Les images des Atlas construits à la période coloniale doivent également aux imaginaires de la montagne et des montagnards – souvent condescendants - tels qu’ils ont été construits en Europe, et pas seulement à l’orientalisme et à l’idéologie coloniale.

Cet imaginaire est empreint de naturalisme. Dresch écrit : « ces montagnards sont en général assez solides. La mortalité infantile opère une sélection sévère ; la montagne est saine, beaucoup plus que la plaine et les dégénérés ou les idiots sont rares. Paysans rudes et pauvres, maigres et parfois décharnés, ils marchent vite et bien de leurs pas souples de va-nu-pieds, légèrement dansant. Ils peuvent supporter de durs travaux et porter des fardeaux encombrants mais leur alimentation insuffisante ne leur permet pas toujours de tenir très longtemps » (p. 57). Il reflète ainsi la vision qu’avaient les géographes de la montagne à la

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période coloniale, imprégnée de naturalisme. Par exemple, Jean Célérier oppose

« les groupes qui se laissent amollir par l’influence de la plaine, par la soumission à l’ordre makhzen, donc par l’arabisation » aux « tribus insoumises, [des Berbères]

entraînés par la dure existence de la montagne [qui] sont des guerriers nés » (1938, cité par Debarbieux et Rudaz, 2010, p. 179). Les géographes qui ont contribué à la

« propagande touristique » associent les traits identifiés comme ceux des Berbères aux caractéristiques de leur environnement montagnard, comme le faisaient alors les géographes français en général pour les montagnards.

La littérature et l’iconographie touristiques, à la période coloniale, véhiculent une

La littérature et l’iconographie touristiques, à la période coloniale, véhiculent une