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La mise en forme de l’analyse et du rapport de recherche

ARDECHE  Sexe  Age  Situation

2.2.4.  La mise en forme de l’analyse et du rapport de recherche

2.2.4. La mise en forme de l’analyse et du rapport de recherche. 

 

Le projet de réitération des entretiens en trois vagues successives a rendu nécessaire au  fil du temps l’ajustement de l’intervalle temps entre les différents passages sur le terrain. 

En effet, l’absence d’évènements reconnus comme significatifs par les enquêtés entre les  deux  premiers  passages  a  amené  à  reculer  au  maximum  la  troisième  passation  d’entretiens. En conséquence, le travail de terrain s’est étalé de janvier 2005 à juillet 2007. 

Le matériau disponible, tant sur le plan quantitatif (241 questionnaires) que sur le plan  qualitatif (63) entretiens soit environ 700 pages retranscrites nous a conduites bien au‐

delà des frontières strictes de la recherche, telle que son objet avait pu être défini dans  l’avant‐projet soumis au GIS‐Institut  de  la  longévité.  Les quatre  axes  thématiques  annoncés n’ont pu être également traités : en effet alors que le sens du vieillir a pu être  densément construit grâce à la forme récit de vie des entretiens menés, et que des  analyses heuristiques ont pu être élaborées en ce qui concerne les relations entre les  générations  et  l’insertion  sociale  des  retraités,  l’approche  des  dynamiques  locales  d’offres de services a été rendue plus difficile du fait de leur grande diversité sur les  deux territoires et de leur faiblesse en certains lieux. Les hypothèses de recherche  énoncées trouvent toutes au terme de ce   travail   leur validation ou leur nuance et la  subsistance d’une culture paysanne métissée, influant sur les formes du vieillir dans ces  territoires ruraux isolés peut être affirmée. 

 

2.2.4.1. Un territoire rural, propice à une construction spécifique du  vieillissement. 

 

 Le rapport de recherche s’est  construit  à partir  d’une présentation  des territoires  investigués. La notion de ruralité a été fortement questionnée dans une première partie,  qui tend à confronter les travaux actuels de sociologie du monde rural (Perrier‐Cornet, 

(dir) 2002 ;Hervieu, 2001) et les caractéristiques des terrains d’enquête. L’organisation  administrative  des  territoires  et  l’offre  de  services  sont  également  l’objet  d’une  présentation  détaillée.  En  effet,  l’ambition  d’une  comparaison  des  deux  territoires  retenus –Creuse et Ardèche‐ dans la perspective d’une généralisation de nos conclusions   a été un principe actif de l’organisation du travail de recherche. De fortes similitudes  sont mises au jour en ce qui concerne l’émergence sur ces deux territoires de nouvelles  instances intercommunales d’organisation politique et administrative mais aussi de  conception et de gestion de l’action gérontologique. Cependant, il est possible de repérer  des différences dans l’offre de service. Ces inégalités peuvent être comprises comme  révélatrices des enjeux différents de la prise en compte des personnes âgées dans ces  territoires ruraux isolés. En effet, les éléments de l’histoire démographique, économique,  touristique et politique de ces deux départements ont contribué à façonner l’action  gérontologique locale.  (Gucher,  1998.) Enfin, la place accordée à  la  recherche des  éléments de permanence ou de mutation de la « culture paysanne » sur  ces deux  territoires renvoie à l’hypothèse centrale de notre recherche qui postulait l’influence  d’une culture paysanne rémanente sur les modes de vieillir en milieu rural. Les éléments  de cette première partie permettent de mettre en évidence d’une part la physionomie  des  territoires  investigués  mais  aussi  « l’esprit  des  lieux »  mais  également  les  interactions des populations vieillissantes avec ces lieux. Il s’agit là d’approcher les  déterminations externes de l’existence en vérifiant que si les hommes façonnent les  territoires, l’inverse est aussi vrai, et que la dernière période de l’existence autorise la  révélation de ces influences réciproques. Cette influence des lieux sur les pratiques  sociales et les usages des groupes de population sera questionnée tout au long de ce  rapport, tant lorsqu’il s’agira des pratiques de sociabilité et de solidarité des enquêtés  (infra partie 2)  que de leur engagement social et politique (infra partie 3) ou bien encore  du sens qu’ils confèrent au vieillir(infra partie 4)..  

 

2.2.4.2. Sociabilités et solidarités : indistinction ou différenciation ?  

 

Les enquêtes menées permettent ici d’apporter crédit à l’hypothèse de non distinction  des formes de sociabilité et des pratiques de solidarité, particulièrement en ce qui  concerne les personnes natives. Plus encore, il paraît possible d’avancer que les supports  de sociabilité renvoient presque toujours ici à l’expression d’une solidarité locale, fut‐

elle implicite. Néanmoins, des sphères d’expression de ces pratiques de sociabilité et de  solidarité peuvent être distinguées. Il a été ainsi possible de distinguer les relations  familiales, les relations de voisinage et les relations amicales. Si des caractéristiques  générales ont pu être mises au jour, néanmoins le rapport des enquêtés au territoire 

apparaît comme un élément fort de distinction. En effet, si les relations de voisinage  paraissent s’exprimer sous des formes équivalentes pour tous, en revanche, les relations  familiales et les relations amicales sont très différenciées pour les natifs ou pour les  personnes nouvellement installées sur les territoires. Les modalités des relations entre  les générations s’en trouvent également affectées. Mais d’une manière générale, le  caractère dominant de toutes ces formes relationnelles paraît être la « co‐présence », sur  un espace de vie restreint et partagé. L’expression de la sociabilité de nos enquêtés est  difficile  à  isoler  des  formes  de  leur  inscription  territoriale.  Là  encore  les  liens  qu’entretiennent les personnes avec leur milieu de vie engagent une totalité de l’être, et  s’expriment tout autant par des relations interpersonnelles que par les liens symboliques  ou réels avec les supports collectifs d’action, qu’il s’agisse d’associations à vocation  diverse  ou  des  instances  politiques  communales.  La  sociabilité,  tout  comme  les  solidarités sont difficilement dissociables des modalités de l’intégration sociale et des  engagements sociaux et politiques.  

 

2.2.4.3.  Intégration sociale, engagements et rapports au politique. 

 

Un des objectifs de la recherche consistait à travailler la place, le rôle, le statut des  personnes  âgées  dans  les  territoires  ruraux.  L’hypothèse  selon  laquelle  les  caractéristiques spécifiques de ces territoires (voir supra partie  1) était  de  nature  à  produire d’autres formes d’intégration sociale des retraités paraît vérifiée. C’est en  référence à  différents  travaux sur l’engagement, les  modes de vie à  la retraite et   l’intégration  sociale  (Legrand,  2001 ;  Ion,  2001)  que  nous  avons  construit  nos  investigations. Il apparaît clairement ici que les définitions actuellement mobilisées de la  retraite  active  ne  conviennent  pas  pour  décrire  les  modalités  d’engagement  des  personnes  que  nous  avons  rencontrées.  Une  spécificité  rurale  des  définitions  de  l’intégration sociale et de l’engagement se dévoile qui repose sur la non différenciation  des sphères d’inscription locale. En effet, les lieux de l’engagement recouvrent les lieux  de  vie et  les sphères relationnelles des personnes. L’indifférenciation  des aires de  sociabilité et des aires de solidarité explicitée dans la partie 2 se prolonge en une  indifférenciation des sphères de sociabilité et des sphères d’engagement. La distinction  des pratiques d’engagement entre les personnes natives et les plus récemment installées  sur le territoire n’apparaît plus aussi pertinente. En revanche, le sens conféré à ces  engagements  s’exprime  sur  des  registres  divers selon  l’ancienneté  de  l’inscription  territoriale des personnes. De même, le rapport au politique et à la chose publique paraît  intimement  lié  à  cette  inscription  territoriale.  La  spécificité  rurale  s’exprime  ici  également. Alors que la participation au conseil municipal est en milieu urbain un choix 

qui implique une obédience ou une proximité politique partisane, elle n’apparaît en  milieu rural le plus souvent comme un « allant de soi » qui s’opère sans que l’on y  réfléchisse vraiment, au gré des sollicitations des proches ou encore  comme l’expression  d’une volonté de solidarité et de service pour une communauté de vie dans laquelle on  se trouve nécessairement inscrit. En revanche, le rapport aux questions de politiques  départementales ou nationales apparaît plus différencié selon les groupes d’enquêtés. Le  jugement  de  compétence  ou  d’incompétence  porté  sur  soi‐même  apparaît  comme  justifiant la prise de distance ou au contraire la manifestation de points de vue   plus  marqués en ce qui concerne les grands débats de politique nationale. Néanmoins, une  très grande discrétion reste de mise quant à l’évocation de ses préférences partisanes. 

Cette inscription sociale déterminante des formes d’engagement décrites ici, contribue  également  au  développement  de  perceptions  spécifiques  des  processus  du  vieillissement. Certes, les conceptions naturalistes de la vieillesse qui s’expriment chez  les anciens agriculteurs et paysans ne sont pas également partagées par l’ensemble de la  population résidant dans ce milieu mais elles colonisent parfois de nouveaux arrivants  issus des classes populaires. Mais il faut aussi souligner à l’inverse  les conceptions plus  réflexives du vieillissement, et de la vieillesse qui s’expriment du côté des personnes  issues de milieux urbains et/ou culturellement mieux dotées. 

 

2.2.4.4. Perceptions spécifiques et enjeux du vieillissement en milieu  rural isolé 

Explorer le sens du vieillir en milieu rural isolé constituait l’une de nos ambitions de  départ. Cette approche a nécessité une relecture transversale des pratiques des enquêtés  pour en reconstruire a posteriori le sens. En effet, l’ensemble des personnes rencontrées  n’était pas  également  en situation  d’exprimer de façon élaborée  leur rapport aux  processus à l’œuvre dans le vieillissement, ni même parfois d’aborder de manière  anticipée les changements potentiels à venir à l’approche de la vieillesse. Là encore des  différences nettes se font jour entre la fraction « agricole » de la population enquêtée,  pour qui vieillissement et vieillesse s’inscrivent comme épreuves naturelles de la vie à la  mort, et qui font montre d’une conscience naïve voire magique (Paolo Freire, 1974) et la  fraction la plus « intellectualisée » de l’échantillon qui semble plus en mesure d’anticiper  et de prévoir, malgré les réticences qui s’expriment là‐aussi. En tout état de cause, les  spécificités du vieillir en milieu rural isolé se déclinent en différents domaines. Elles se  dévoilent au tout premier chef, en ce qui concerne le passage à la retraite vécu tantôt  pour  les natifs comme continuité du parcours  antérieur, tantôt comme  rupture et  expression de nouveaux de choix de vie pour les personnes récemment installées. Mais  dans  les  deux  cas  de  figure,  le  rapport  au  territoire  apparaît  comme  principe  organisateur des conceptions et des modes de vie à la retraite. La spécificité des milieux 

enquêtés, l’univers restreint et à distance qu’ils composent  semblent générer également  un certain repli sur une sphère d’interconnaissance, et plus encore des modes d’accès au  monde reposant sur des médiations matérielles ou humaines, en raison d’une mobilité  rendue difficile par l’âge mais aussi les aléas géographiques et climatiques. L’isolement  résidentiel est une donnée objective pour certains des enquêtés qui semble parfois exiger  des stratégies de maintien  des liens et de lutte contre  l’isolement. Néanmoins les  perceptions de cet isolement résidentiel et parfois social et de la solitude qui peut  éventuellement en découler ne s’apparentent en rien aux perceptions urbaines maintes  fois  décrites  (Bensadon  A.C,  Souetre‐Rollin  F.,  Richetto  M.  ,  2006).  Ces  éléments  permettent in fine d’esquisser les contours de ce que pourrait être les caractéristiques de  la vulnérabilité des personnes vieillissant en milieu rural. Les rapports à la santé et à  l’offre  de  services  d’aide  gérontologiques    en  constituent  également  les  ressorts  essentiels.  

 

2.2.4.5.  Spécificités,  différenciations  départementales  et  généralisation ? 

Les récits délivrés tout au long des entretiens nous ont permis d’esquisser les contours  des pratiques et du sens du vieillir sur les deux territoires ruraux isolés de la Creuse et  de l’Ardèche. L’influence de la culture paysanne sur ces milieux semblent pourvoir être  affirmée. Malgré tout, la diversité des parcours de vie des personnes interrogées nous a  permis  d’opérer de nettes distinctions entre les natifs de  souche  et les personnes  nouvellement installées. Au‐delà de la spécificité des formes et des modes du vieillir en  milieu rural, cette recherche nous a offert la possibilité de brosser à grands traits les   caractéristiques des trajectoires des anciens exploitants agricoles. La dernière partie de  ce rapport consistera à dépasser les frontières restreintes de ces deux territoires pour  vérifier  la  généralisation  des  données  recueillies  sur  une  population  d’anciens  exploitants répartie dans six départements des régions centre, Limousin, Rhône‐Alpes et  PACA. 

Cette dernière partie fondée essentiellement sur les analyses de l’enquête quantitative  menée auprès d’anciens exploitants de syndicats agricoles est construite autour de la  mise en exergue des particularités des anciens exploitants agricoles. Il convient en effet  de souligner que les différenciations entre les natifs –  pour une part d’entre eux anciens  agriculteurs‐ et les personnes plus récemment installées, qui ont été   mises au jour au  travers des entretiens semblent ici trouver confirmation grâce à la mobilisation de  données  plus  larges  concernant  les  anciens  exploitants.  Par  ailleurs  l’analyse  des  différences constatées entre les deux territoires enquêtés –Creuse et Ardèche‐ se trouve  prolongée par la découverte  de fortes variations entre les départements ayant fait l’objet 

de l’enquête par questionnaire. Ainsi ces éléments d’une autre nature viennent souligner  les traits communs du vieillissement des anciens exploitants agricoles, quel que soit leur  département  d’implantation  et  permettent  d’identifier  des  disparités  liées  aux  caractéristiques historiques, géographiques, climatiques, politiques et sociales de chacun  des départements. 

           

Partie I : 

 

Un territoire rural, propice à une construction 

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