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Des aires de sociabilité différenciées selon les territoires et les parcours de  vie

Sociabilités et solidarités : indistinction ou différenciation

II.1.  Des aires de sociabilité différenciées selon les territoires et les parcours de  vie

II.1. Des aires de sociabilité différenciées selon les territoires et les parcours de  vie.  

 

Après la retraite et au fur et à mesure de l’avancée en âge, les relations des personnes  âgées se modifient et font parfois l’objet d’un repli privilégiant un espace de proximité. 

Différents éléments sont à l’origine de cette évolution : la cessation d’activité, l’avancée  en âge, parfois aussi le handicap lié à la dégradation de la santé. Selon ces éléments, eux‐

mêmes variables selon les milieux sociaux, la sociabilité des personnes âgées revêt  différentes  formes  qu’il  s’agisse  des  sociabilités  familiale,  de  voisinage,  amicales,   formelle et informelles. 

Souvent, la sociabilité familiale domine. Celle‐ci est plus ou moins développée en  fonction de la proximité géographique des enfants, en fonction de l’ancienne catégorie  professionnelle. Pour ceux qui ont toujours vécu à la campagne, le réseau familial a  toujours été directement accessible. On donne un coup de main à l’exploitation agricole  des frères, beaux frères au moment de la récolte. On aide les parents à récolter ce qui fait  l’objet d’une production  domestique : légumes,  fruits,  lait…Les  petits enfants  sont  accueillis par les grands parents. Dans les milieux aisés, la sociabilité est souvent plus  distante, les personnes concernées « s’inscrivant dans une relative passivité, interprétée  comme  l’affirmation  d’autonomie  par  rapport  aux  enfants,  voire  même  petits‐

enfants (B.Bawin‐Legros, A. Gauthier, JF Stassen, 1995 ), s’inscrivant aussi dans un  projet éducatif, cʹest‐à‐dire ce qui contribue au maintien du capital familial (Lenoir,  2007).  

La sociabilité familiale est également différente selon les territoires, en fonction de la  taille des familles, de la proximité ou non du réseau familial, du type d’habitat (groupé  ou épars). 

La sociabilité de voisinage peut être moins importante qu’elle n’était, en étant de plus  en plus ancrée dans la proximité et ceci pour diverses raisons telles que l’avancée en âge  des voisins, les risques de décès des uns et des autres. « Alors, bon, j’ai des copains qui  disparaissent, demain, il y a les obsèques d’un copain, il faisait partie d’un groupe de chants. 

C’était vraiment un garçon très très gentil qui a élevé une famille nombreuses avec son épouse de  façon remarquable. Alors, c’est entre les hospitalisés, les très graves…et les décès… sur un  groupe de 12, il y en a 6 qui ont disparu ou qui sont maintenant dans un état déplorable… »  (Monsieur  Courbon,  23,  1).  Pour  d’autres,  une  moindre  mobilité,  par  exemple  les  difficultés à conduire réduisent l’aire de voisinage, la sociabilité de voisinage étant le fait  de voisins très proches à condition que l’habitat le permette et ne soit pas trop dispersé  comme c’est souvent le cas en Creuse. Pour certains personnes, plus jeunes, le voisinage  sera un voisinage plus élargi, les personnes concernées pouvant faire les courses, aller à  la ville voisine ( Aubenas, La Châtre, Guéret), susceptibles de se rendre dans des lieux  organisés qui permettent des rencontres, tels que les clubs, les associations du 3ème âge. 

Dans ce cas, on se rapproche d’une sociabilité formelle, dans la mesure où il est fait  référence à une relation sociale, plus organisée, se produisant sous l’influence d’un  événement « dont le contenu n’est qu’un prétexte » (Merklé, 2006). Mais quel que soit  l’âge, la sociabilité de voisinage est plus importante selon les lieux, en particulier dans  les territoires socialement homogènes tels les territoires du rural isolé qui en sont un  parfait exemple. Certes, le rural d’aujourd’hui n’est pas le rural d’hier et ce sous  l’influence de divers éléments, auxquels nous avons fait référence dans notre première  partie :    mutations  économiques (mécanisation et industrialisation de  l’agriculture ;  diversification des économies rurales) ; mutations démographiques (diversification de la  société  rurale,  parfois  renouveau  démographique  lié  à  l’arrivée  de  nouvelles  populations). Mais l’agriculture reste en de nombreux endroits l’activité dominante, et la  société rurale très marquée par l’activité agricole.  

Certes, les pratiques d’entraide ont évolué et les paysans se sont adaptés. La volonté de  s’entraider existe toujours sous des formes telles qu’échange de matériel, échanges au  sein de coopératives sur les pratiques, la commercialisation des produits. Chez les  anciens, la solidarité existe toujours, elle n’a pas pour autant disparu.   Elle est enracinée  dans une culture paysanne et se vit sous des formes différentes de ce qu’elle était dans le  passé (Lebot, 2006). A l’âge de la retraite, on continue quand le besoin s’en fait sentir à  aider les voisins en cas de coup dur ou de problèmes de santé. On est bien dans une  sociabilité de proximité dont les caractéristiques différent de la sociabilité familiale : une  sociabilité attachée à un espace, à des lieux, qui a une dimension non contraignante. A la  différence « du milieu de travail qui impose une contrainte de solidarité collective avec  obligation de faire un choix d’appariement » (Bidart, 1988), les relations de voisinage  sont caractérisées par leur légèreté, leur respect de l’intimité, leur absence d’intrusion  dans les affaires privées (Mantovani, Clement et alii, 2002). Cette sociabilité de voisinage 

peut néanmoins être importante. Elle l’est en particulier dans les territoires où existe une  forte cohésion interne, une histoire commune, voire des valeurs communes ce qui est  davantage le cas en Ardèche qu’en Creuse. Elle est aussi plus importante pour certains  milieux, en fonction notamment de leur ancienneté au sein du territoire. Certes, la  sociabilité est moins intense qu’autrefois ce que de nombreux enquêtés tiennent à  rappeler : « Oh, tous les voisins, on se rencontrait avec tout le monde, on se parlait avec tout le  monde » (Madame Henry, 07) ou « Les voisins étaient très serviables, c’était pas le même genre  de vie  que  maintenant… »  (Sœurs Tassy, 07),  mais elle peut  compléter la  sociabilité  familiale grâce notamment à la proximité des voisins, pouvant apporter des aides, un  dépannage au quotidien. 

Cela ne veut pas dire pour autant que le voisinage n’ait aucun rôle, le voisinage pouvant  remplir différentes fonctions variables selon les lieux, selon les territoires et le rapport  au lieu. Les relations sociales sont fortement spatialisées, ancrées dans un territoire qui  est lié au lieu de résidence. De plus, avec l’avancée en âge, les relations sociales ont  tendance à s’ancrer de plus en plus dans la proximité et ce pour différentes raisons : état  de santé, moindre mobilité… Ne pas déranger, garder une « bonne » distance, telle est la  stratégie dominante, mais celle‐ci fait l’objet de variantes en fonction du contexte local,  du contexte culturel, ce que l’on retrouve effectivement dans les entretiens réalisés en  Creuse et en Ardèche. La sociabilité des personnes non originaires des lieux peut  prendre des formes différentes, les personnes venant de la ville ayant un réseau de  sociabilité moins  ancré  dans  la  proximité,  souvent  aussi  plus  diversifié.  Elles  ont  également aussi une sociabilité formelle plus développée, fréquentant des associations  différentes de celles des locaux. Si les locaux fréquentent pour l’essentiel des clubs du  3ème âge, les nouveaux venus fréquentent des associations sportives telles le cyclo‐club  de Bonnat, le club de gymnastique volontaire de Montpezat, des associations culturelles  telles la Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de l’Ardèche. On retrouve là  des différences mises en évidence dans certains travaux (Guichard‐Claudie F., 2001). 

Des locaux ayant eu une implication forte dans la vie locale sont également membres  d’associations et parfois membres actifs.  

Une dernière forme de sociabilité existe, une sociabilité plus élective reposant sur les  amis. A la différence de la sociabilité familiale, celle‐ci n’est pas contrainte ni obligée. 

L’ami entretient une relation privilégiée, partage des émotions, des problèmes plus  intimes et à la différence du voisin entre davantage dans l’intimité. Là encore, selon les  territoires, et peut‐être plus encore selon les milieux, l’amitié peut être plus ou moins  importante. Elle est peu exprimée par les personnes natives des territoires, qui y ont  toujours vécu, davantage par des personnes extérieures ce que différents travaux sur  l’amitié font ressortir : davantage de relations amicales dans les classes moyennes et  supérieures qui sont aussi davantage capables de renouveler leur stock relationnel. 

L’ami remplit différentes fonctions, une fonction instrumentale ( celui sur lequel on peut  compter) ainsi qu’une fonction expressive ( celui à qui on peut se confier).   

Les entretiens réalisés ont ainsi permis de mettre en évidence des sociabilités différentes  selon les milieux, selon les territoires. Dans le Creuse, certains éléments ne contribuent  guère à faciliter les relations sociales. Il s’agit notamment de la configuration des lieux (  paysage de bocage, forte dispersion de l’habitat), de la quasi‐disparition des lieux  publics ( il ne reste plus que 2 épiceries et 4 cafés dans la communauté de commues,  dont 4 tenus par des personnes de plus de 90 ans, sans perspective de reprise. La  situation est un peu différente en Ardèche, ne serait‐ce que parce qu’il existe encore des  lieux de rencontre grâce au maintien de services en nombre plus important qu’en  Creuse.  

Les entretiens ont ainsi fait ressortir des sociabilités différenciées selon les lieux, selon  les personnes et leur rapport au territoire, selon leurs origines. De même, l’articulation  des sociabilités varie en fonction des territoires et des personnes rencontrées.  

 

II.2  Des  sociabilités  de  voisinage  différenciées  selon  les  lieux,  selon  les 

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