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La machine à négocier : une conciliation impossible

révélatrice d’une culture diplomatique commune

Encadré 1 : Chronologie de la conférence de Washington

B. La machine à négocier : une conciliation impossible

Qui prenait les décisions, sur quels critères, et avec quelle liberté d’action ? Dans ce développement, nous proposons une analyse comparée du processus décisionnel chez les deux adversaires. Nous montrons que l’immobilisme était déterminé par la trajectoire professionnelle des négociateurs et par le processus décisionnel qui donnait en réalité le dernier mot aux cercles des capitales moins animés par l’esprit de conciliation.

Les « docteurs », des experts piégés dans un raisonnement historico-juridique

Un des éléments explicatifs du fiasco de Washington est à rechercher dans la composition du personnel diplomatique gravitant autour des négociations. À Washington, les chefs de délégation sont Francisco Tudela pour les Péruviens et Homero Viteri Lafronte pour les Équatoriens. Le péruvien Tudela (1876-1962) avait été à la tête de la délégation péruvienne à la SDN, et avait été en charge de plusieurs postes de prestige en Europe. Étant une des

principales figures diplomatiques du pays, il n’était pas spécialiste de la question limitrophe. Il avait toutefois participé aux discussions internes à la chancellerie, préalables à la signature de l’Acte de 1936. Il était d’ailleurs secondé par Arturo García Salazar (1880-1958), que nous avons croisé comme ministre du Pérou en Équateur et qui avait dirigé l’Archivo de Límites, le bureau de la chancellerie en charge de la conservation des documents historiques attestant les possessions territoriales du pays. L’autre principal conseiller était Víctor Andrés Belaúnde (1883-1966), considéré comme un des intellectuels les plus marquants du XXe siècle péruvien, et qui avait aussi été directeur de l’Archivo de Límites, ainsi que représentant de son pays à la conférence péruano-colombienne de règlement du conflit de Leticia.45 Le prestige était donc assisté de spécialistes chez les Péruviens.

Du côté équatorien, la délégation était présidée par Homero Viteri Lafronte, qui avait justement été à l’origine de l’accord de 1936. Cette fonction avait été proposée à Carlos Arroyo del Río, éminent juriste, spécialiste de ces questions et leader des libéraux, mais il avait refusé cet honneur en raison d’une « divergence d’opinion ».46 Viteri était assisté par Alejandro Ponce Borja (1889-1945), avocat, docteur et professeur de droit, membre de la Junte consultative depuis 1928 et à la tête de cette commission en 1935. Il avait aussi été chancelier en 1934. Le troisième délégué était José Vicente Trujillo (1889-1970), avocat et éminent politique du parti libéral. Ils étaient assistés par José Ricardo Chiriboga, secrétaire de la délégation, qui avait eu la charge de compiler avant la conférence les « incursions péruviennes » sur le territoire équatorien pendant les trois décennies précédentes à partir des archives de la chancellerie.47

Il est donc évident que des deux côtés, l’on avait envoyé, en plus de diplomates reconnus, des spécialistes du différend frontalier qui en connaissaient les ramifications historiques et juridiques. Parmi ces personnes compétentes, il faut souligner la surreprésentation de juristes, docteurs en droit, et de connaisseurs des archives historico-juridiques, en comparaison avec d’autres éventuels profils de négociateurs, que seraient des militaires ou de purs politiques par exemple. Cela ne devait rien au hasard, puisque le chancelier équatorien précisait que les membres de la délégation avaient été choisis en fonction de leur « patriotisme » mais aussi de

45 Idéologue socio-démocrate, homme de presse, professeur universitaire, cet intellectuel et homme politique aux multiples facettes, fut par la suite ministre des affaires étrangères du Pérou (1958) ainsi que président de l’Assemblée générale des Nations Unies (1959). Son neveu Fernando Belaúnde Terry fut président de la République (1963-1968).

46 Il est possible qu’Arroyo del Río n’ait pas souhaité intégrer une délégation qui l’eut éloigné des affaires nationales, ou encore en raison de la présence dans la délégation de José Vicente Trujillo, son rival au sein du parti libéral. « Carta del Doctor Carlos Arroyo del Río al Señor Federico Páez acerca de la proposición hecha por el Gobierno para que concurra como Delegado a la Conferencia de Paz », 9 août 1936. AHMRE, T.5.3.1.2.

47 Apparemment remplacé ensuite par un certain L.Neftalí Ponce, « Secretario Interino de la Delegación ecuatoriana ». « Respuesta ecuatoriana de fecha 21 de octubre de 1937 ». ALMRE, LEI-6-6, legajo 161.

leurs « connaissances juridiques et diplomatiques ».48 L’appellation Doctor est encore aujourd’hui dans le monde latinoaméricain un signe de respect envers l’interlocuteur, qui ne dispose pas nécessairement d’un doctorat. C’est aussi le cas du Licenciado mexicain qui dispose rarement d’un titre universitaire. Le terme peut donc renvoyer à l’amateurisme éclairé de quelques aristocrates distingués entichés de diplomatie, comme il a été longtemps d’usage dans les Républiques latinoaméricaines comme européennes. Mais dans le cas de Washington, il s’agit véritablement de titres universitaires qui correspondent à une connaissance intime des ramifications juridiques de la controverse. Il s’agit donc déjà d’une fonction spécialisée.

Ce profil des négociateurs, bien que compréhensible sur un sujet technique de cette nature, a sans doute été un facteur décisif dans l’orientation rapide des discussions vers les classiques querelles historico-juridiques et le cul-de-sac rendant impossible toute concession. Cette orientation, qui arrangeait les Péruviens, avait d’ailleurs émergé à l’insu des Équatoriens, qui déploraient dans un document officiel que « les thèses opposées étant parfaitement connues, le débat historico-juridique n’est pas pertinent dans une négociation directe et transactionnelle ». Le document reconnaissait ainsi que « si la contre-réplique de l’Équateur prend une extension que la Délégation équatorienne ne souhaitait pas, cela ne se doit pas à un objectif délibéré de la part de ceux qui justement ont essayé d’éviter ce genre d’arguments, qu’ils soient courts ou étendus ».49 Les négociateurs équatoriens se seraient donc laissé emporter dans une discussion qu’ils ne souhaitaient pas, mais vers laquelle les interactions entre délégations et leurs compétences professionnelles les avaient naturellement orientés ! L’expérience préalable des négociateurs du différend péruano-équatorien était-elle d’ailleurs un véritable atout pour trouver une solution pacifique au litige ? Certains commentateurs notaient que les Péruviens qui s’étaient le plus frottés aux Équatoriens s’étaient radicalisés au contact de ce qu’ils considéraient comme des demandes exagérées de leurs voisins. C’était en particulier le cas de García Salazar qui avait été en poste à Quito et apparaissait comme l’un des plus radicaux.50

Des esprits plus politiques, plus ouverts à la concession, eurent néanmoins un rôle à jouer dans ce processus, en particulier dans les derniers feux de la conférence. Lorsque les Péruviens annoncèrent en septembre 1938 qu’ils mettaient fin à la conférence en considérant qu’elle avait

48 Ángel Isaac Chiriboga, « Instrucciones generales, estrictamente reservadas, a los Señores Delegados del Ecuador a las Negociaciones limítrofes en Washington con los Delegados Peruanos », 31 août 1936. AHMRE, T.5.3.1.2.

49 « Exposición de la Delegación del Ecuador en la Conferencia de Washington », 7 juin 1937. ALMRE, LEI-6-3, legajo 161.

50 De retour de la Conférence de Buenos Aires, dans un avion, un certain Albornoz se plaint auprès d’Ulloa de ce que « su larga residencia en el Ecuador lejos de haber hecho de él un espíritu comprensivo y equitativo para este problema, parecía haberlo colocado en una posición intransigante ». Ministère des Relations Extérieures au président de la Délégation du Pérou à Washington, 4 mars 1937. ALMRE, LEI-6-16, legajo 569.

dévié de son cadre d’origine, ils avaient aussi invité à continuer les conversations à Lima, comme l’avaient proposé les Équatoriens eux-mêmes, précisaient malicieusement les Péruviens. À Quito, ce fut une immense surprise et personne ne comprenait à quoi faisait référence cette indication péruvienne. Personne ne souhaitait un retour à des négociations à Lima, ce qui revenait à un retour en arrière de deux ans. Mais les Péruviens avaient exhumé un vrai document : le général Alberto Enríquez Gallo, brièvement à la tête de l’Équateur entre octobre 1937 et août 1938, avait en effet envoyé une lettre personnelle au Président péruvien, Óscar Benavides, proposant qu’en cas d’échec des négociations à Washington, celles-ci puissent continuer à Lima. Il entendait ainsi « arriver à un accord par le moyen de conversations entre les chefs d’État ». Peu de personnes à la chancellerie équatorienne étaient au courant, sauf le porteur de la lettre, Gonzalo Zaldumbide, depuis peu ministre d’Équateur au Pérou, parfois considéré un peu déconnecté de sa chancellerie.51 À la suite de l’annonce de la rupture des négociations, il est d’ailleurs rapatrié immédiatement à Quito pour s’expliquer devant la Junte consultative et le chancelier Tobar, fou de rage devant ce qu’il considère comme un sabotage pur et simple de toute la stratégie équatorienne.52

Quel était le mobile du général Enríquez pour cette action solitaire manifestement prise en marge des canaux traditionnels de la décision diplomatique de son pays ? La proposition nous paraît mettre en évidence les raisons structurelles du blocage de Washington. Il s’agissait selon nous de la tentative d’un politique de passer au-dessus des négociateurs traditionnels, considérant qu’ils avaient échoué à ressasser les mêmes arguments de toujours, et qu’une conversation franche entre deux chefs d’État, qui plus est deux généraux, ne pouvait que surmonter les babillages d’experts, tandis que les négociations étaient au point mort. L’argument financier n’est pas non plus à écarter : le coût de la délégation de trois plénipotentiaires permanents à Washington était très élevé pour un petit pays comme l’Équateur qui n’avait pas de représentation diplomatique dans beaucoup de pays, et qui devait également financer l’impression des pamphlets distribués allègrement aux États-Unis pour soutenir la cause. Ces raisons s’avérèrent toutefois contreproductives, car les Péruviens, et le général Benavides en premier lieu, après avoir poliment décliné l’offre, avaient ressorti cette arme au moment opportun pour étouffer la négociation. C’est aussi le signe que la discussion

51 Ministère des Relations Extérieures au Président de la Délégation du Pérou à Washington, 5 mai 1937. ALMRE LEI-6-16, legajo 569.

52 « Memorándum con transcripciones de cablegramas y documentos anexos sobre la suspensión de las Conferencias Limítrofes Ecuatoriana-Peruanas en Washington por causa del Perú. Memorándum enviado a la Delegación Ecuatoriana para su información », Octobre 1938. AHMRE, T.5.3.1.4.

se déroulait effectivement dans le cadre d’appareils spécifiques qui ne laisseraient pas la question lui échapper.

Des stratégies décidées collectivement

Le caractère collégial de la décision diplomatique au sein des deux États est le deuxième grand facteur de blocage. En effet les positions diplomatiques n’étaient pas exclusivement décidées par les négociateurs de Washington, ni seulement par les chanceliers, mais par une machine bureaucratique bien établie.

Au Pérou, les services diplomatiques étaient en cours de professionnalisation. La loi 6602 de 1929 obligeait déjà les ambassadeurs à être des fonctionnaires de carrière. À partir de 1935, afin de rompre avec la diplomatie d’Augusto Leguía qui, de 1919 à 1930 avait mené une politique extérieure considérée par ses ennemis comme autoritaire et entreguista, le service diplomatique subit une profonde « réorganisation ». Les postes administratifs et de plénipotentiaires visent à être mieux pourvus par le système de l’assimilation (comme le détachement français). Un concours public est également mis en place pour entrer au « Service diplomatique ». Il s’agit de créer une véritable carrière diplomatique au cours de laquelle ses membres ne seraient pas dépendants du clientélisme politique. Le gouvernement espérait ainsi constituer un instrument diplomatique plus efficace et compétent, moins soumis aux aléas politiques, même si le projet de faire ainsi contrefeux aux programmes de politique extérieure des partis d’opposition (L’APRA et le PC en particulier) ne plaçait pas la chancellerie dans le cadre d’une stricte neutralité politique.53 Parallèlement avait été échafaudé une commission consultative composée d’une douzaine à une vingtaine de personnes, qui connut une « brève splendeur » (Bákula)54 au cours de la période 1933-1939, sous la présidence de Benavides. Ce dernier, autoritaire dans les affaires internes au pays, pouvait en effet chercher à légitimer ses décisions extérieures en s’appuyant sur le conseil de personnalités politiques ou techniques de premier plan. Le travail de la Commission sur le différend frontalier était mené par une sous-commission Équateur. Bien sûr, les avis de la sous-commission étaient uniquement consultatifs, mais le général suivait souvent leurs résolutions, en particulier dans les négociations de Washington. C’est la commission, par exemple, qui décida de mettre fin aux négociations en 1938, avant d’en informer ensuite leur délégation à Washington. Le chancelier Concha estimait dans le bilan de son action que « la collaboration assidue et féconde de la Commission fut pour

53 BÁKULA Juan Miguel, El Perú en el reino ajeno: historia interna de la acción externa, Lima, Universidad de Lima, Fondo Editorial, 2006, p. 125 sq.

la chancellerie d’une inappréciable valeur ».55 En plus de la Commission, l’action du ministère s’appuyait sur un système d’archives – et en particulier l’Archivo de Límites – qui a été perfectionné en instrument de preuve de souveraineté. En effet, alors que jusqu’au début des années 1930, les documents « affectés par l’action du temps et du climat, gisaient éparpillés dans les divers compartiments du palais de Torre Tagle », la chancellerie avait mené un important travail d’inventaire et de classement sur des critères « scientifiques », tout en reprenant la publication régulière du Bulletin du ministère interrompu depuis 1921.56

Du côté équatorien existait aussi une Junte consultative des affaires étrangères, composée également d’une douzaine de personnes. Ses membres étaient généralement des experts dans le champ juridique et frontalier. Un officier des forces militaires était également toujours présent. Ces experts étaient aussi des membres distingués de la société civile et des cercles politiques, le plus remarquable à ce titre étant Carlos Arroyo del Río, chef du parti libéral et futur Président de la République (1940-1944). La commission intégrait en sus des éléments qui n’étaient pas du même parti, notamment des libéraux et des conservateurs, alors que la lutte politique était extrêmement âpre. Comme dans le cas péruvien, le poids de cette réunion de notables était important. Dans de nombreux cas, le chancelier terminait ses directives par le rappel qu’elles avaient été approuvées par la Junte, sans doute pour leur donner plus de poids. Il y a d’ailleurs des cas de consultation beaucoup plus large que la douzaine de personnes de la Junte, pendant les événements de Leticia, comme nous avons vu, et encore en 1936 pour préparer la conférence de Washington. Dans ce dernier cas, la chancellerie avait interrogé de nombreux notables et experts sur leur vision de ce que devrait être la stratégie équatorienne à Washington et les arguments historico-juridiques à employer. Cette junte d’experts et de notables, civils et militaires, conservateurs et libéraux, permettait de combler en partie l’instabilité proverbiale des gouvernements équatoriens et de mener une politique extérieure cohérente, traversant plusieurs gouvernements, voire plusieurs régimes. Certes, l’intrusion de

caudillos politiques comme le général Enríquez pouvait parasiter son action. De même,

l’absence de chancelier ou de représentant diplomatique dans les principales capitales en raison d’un changement de gouvernement ou de restrictions budgétaires, empêchaient une application efficace des principes décidés. Il faut d’ailleurs souligner les limitations financières de la chancellerie de Quito qui ne pouvait pas toujours appliquer ses stratégies faute de personnels

55 Le Palais de Torre Tagle est l’édifice où siège la chancellerie péruvienne. CONCHA Carlos, Memoria del

Ministro de Relaciones Exteriores, 20 de noviembre de 1937 al 20 de abril de 1939, Lima, Imprenta Torres

Aguirre, 1939, p. non notée.

56 CONCHA Carlos, Memoria del Ministro de Relaciones Exteriores, 14 de setiembre de 1934- 12 de abril de

ou de moyens. Mais la stratégie générale, au moins, était pensée par le même groupe de personnes, en tentant de dépasser les clivages politiques, avec l’appui de l’organe spécialisé qu’était la Dirección de Límites, homologue de l’Archivo de Límites péruvien. Pour un pays ravagé par les guerres politiques intestines, c’était déjà beaucoup.

Des deux côtés, il n’est donc pas exact d’affirmer que la diplomatie était complètement secrète. Certes, les chancelleries ne souhaitaient pas ébruiter leurs manœuvres dans la presse, mais il y avait une recherche de consensus dans la classe dirigeante. Cela ne garantissait pas cependant l’unanimité, et des divergences pouvaient se faire jour, au sein des commissions mais aussi entre les représentants. Zaldumbide par exemple, considérait que Viteri n’était « pas la personne la plus indiquée pour agir en ce moment à Washington », tandis que l’action même de Zaldumbide à Lima était questionnée.57 Du côté péruvien, des divergences avaient émergé entre Arturo García Salazar, Victor Andres Belaúnde, et la chancellerie à Lima sur la stratégie juridique qu’il fallait adopter.58 Dans ces cas de divergences, c’était le Président péruvien aidé par la Commission qui tranchait, tandis que du côté équatorien, il semble que ce rôle incombait plus au chancelier, le chef d’État étant plutôt faible. Les délégués recevaient alors des instructions qui avaient longuement été discutées, amendées et qui étaient connues des cercles de pouvoir. Les délégués de Washington reçurent ainsi au moment de commencer les négociations, des instructions extrêmement précises sur l’attitude à adopter non seulement dans le domaine des arguments juridiques, mais aussi envers les représentants diplomatiques des autres pays, la presse et la société civile.59 Leur attitude dans la salle à la ville et à la salle de négociations était donc décidée par d’autres.

Les enseignements de cette rapide analyse du processus décisionnel peuvent être au moins de deux. Premièrement, la faiblesse équatorienne n’était que relative. Les similarités de fonctionnement entre les deux chancelleries montrent une étonnante convergence dans la professionnalisation des acteurs et dans la collégialité des décisions. Équatoriens et Péruviens partageaient généralement une même culture juridico-diplomatique et naviguaient dans des régimes avec lesquels ils avaient appris à composer. Cette similarité explique aussi, deuxièmement, l’échec de la conférence de Washington. Les délégués de chaque pays n’avaient pas la marge de manœuvre nécessaire pour effectuer des concessions significatives,

57 Ministère des Relations Extérieures au président de la Délégation du Pérou à Washington, 5 mai 1937. ALMRE, LEI-6-16, legajo 569.

58 Ministère des Relations Extérieures à Arturo García Salazar, délégué à Washington, 3 décembre 1936. ALMRE, LEI-6-16, legajo 569.

59 Ángel Isaac Chiriboga, « Instrucciones generales, estrictamente reservadas, a los Señores Delegados del Ecuador a las Negociaciones limítrofes en Washington con los Delegados Peruanos », 31 août 1936. AHMRE, T.5.3.1.2.

ni l’inventivité qui auraient pu mener à un véritable accord. Engoncés dans des schémas argumentatifs préexistants, soumis aux directives strictes de leurs capitales respectives, et sous le feu d’accusations hypothétiques de trahison à la patrie, le Péruvien Tudela, l’Équatorien Viteri et leurs délégations n’avaient aucune chance d’avancer réellement. Dans cette perspective, il ne restait, pour faire avancer la cause, qu’à rallier à sa position d’autres forces capables de faire pencher la balance.

III- La schizophrénie andine dans le théâtre

diplomatique de l’entre-deux-guerres

Jusqu’en 1939, les négociations se maintinrent dans le cadre bilatéral. Toutefois, elles se développaient dans un environnement diplomatique aux multiples théâtres en Amérique et en Europe. Si ceux-ci ne pouvaient en réalité exercer de contrainte directe sur les protagonistes, l’insertion du Pérou et de l’Équateur dans ces réseaux configura une véritable schizophrénie entre le discours public que Lima et Quito avaient développé depuis longtemps et leurs intérêts territoriaux du moment.