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Comme nous allons le montrer, les femmes diourbeloises et sénégalaises de manière générale, sont sous-représentées dans les instances de décisions qui sont censées être démocratiques et équitables envers toute la population. Cette sous-représentation constitue non seulement une injustice mais aussi une atteinte à leur droit fondamental. Que ce soit au niveau local, à l’échelle nationale ou internationale, ce constat est partout le même. En effet l’analyse des statistiques confirme cette marginalisation politique des femmes.

233 (ROTHE, Thomas, 2010). Dakar, chemins de traverse. Op., cit.

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154 Si l’on part de la plus petite échelle de prise de décision, dans nos enquêtes, nous n’avons jamais rencontré ou entendu parler d’une femme chef de village ou de quartier. De même pour le statut de chef de famille, comme on le comprend au Sénégal (chef de ménage ou borom kër), même les femmes veuves ou divorcées avec des enfants à leur charge, ne se considèrent pas comme des « borom kër », même si certains chercheurs les classent dans cette catégorie de personnes. Au Sénégal, le décès d’un époux transfère le statut de chef de famille au fils aîné de la maison ou à l’oncle aussi, en attendant que la femme trouve un autre homme dans sa vie. Même le code de la famille ne reconnaît pas l’épouse comme chef de famille. Seul l’époux peut se réclamer chef de famille. Dans beaucoup de villages, la fonction de chefferie qui reste héréditaire se transmet de père en fils, exception dans quelques villages de la CR de Touba mosquée où c’est le marabout fondateur du village qui choisit le chef de village parmi ses descendants ou ses disciples masculins.

Au niveau du Conseil rural de la CR de Thiakhar, à l’image de celui de Ngoye chef-lieu d’arrondissement, on note une faible représentation des femmes. Dans cette collectivité locale, chargée de gérer les affaires et le développement local de la communauté rurale, les conseillères ne sont actuellement que 2 sur 46 membres élus à la dernière législature (2007), soit 4,35%. Ces deux femmes qui habitent dans les villages de Sikane et de Ngayokhème, sont analphabètes comme la plupart des conseillers d’ailleurs. Mais comme l’avait remarqué le secrétaire communautaire, « les femmes et les jeunes ne sont pas

bien impliqués dans les décisions. Ce sont en général les hommes qui se chargent presque de tout ». Ceci veut simplement dire que ces femmes ne sont que de simples figurantes. Mais, ce

n’est pas toujours le cas. En effet, comme l’avait remarqué aussi le secrétaire communautaire, la vice- présidente du CR de Gawane, est une femme qui prenait beaucoup de décisions puisque le marabout lui déléguait presque tous les pouvoirs (signature des dossiers par exemple). Mais ce cas contraste carrément avec ce qui se passe dans la CR de Touba Mosquée.

En effet nous avons le cas particulier du conseil rural de Touba Mosquée où les conseillers sont entièrement choisis par le khalife général des mourides parmi les différentes familles maraboutiques ou des grands dignitaires mourides ou les talibés (disciples). Le CR de Touba Mosquée ne compte aucune conseillère parmi ses 80 membres. Ceci est un choix du Grand marabout. A Touba, les conseillers ne sont pas élus mais choisis. Un conseiller que nous avons rencontré nous l’avait bien confirmé par ses propos « un jour le Khalife Général

des mourides (feu Serigne Saliou Mbacké) m’a fait venir de Kaolack où j’étais ingénieur pour me nommer conseiller. J’étais très honoré par ce geste ». La mise à l’écart des femmes qui

155 développement local. Nous allons revenir sur cette notion dans la relation entre les femmes et les collectivités locales.

En 2003, le pourcentage total des élues locales de la région de Diourbel était de 7,8% pour l’ensemble des élections régionales, municipales et rurales. Au niveau national, il était de 12%.235

Par ailleurs, nous devons signaler que l’actuel préfet du département de Bambey et les maires des communes de Bambey et de Diourbel sont des femmes. La première femme maire de Bambey, élue en 2009, a même été nommée ministre. C’est une avancée notoire que l’on doit saluer mais qui ne doit pas aussi cacher les disparités. Notons aussi que le département de Bambey qui est l’un des les plus pauvres, fait partie des zones les plus « politisées » au Sénégal, mais où les femmes ne sont utilisées que comme animatrices dans les meetings politiques. Les politiciens essayent d’acheter l’adhésion de la population surtout féminine, et des jeunes avec la distribution de quelques kilogramme de riz, de tissus, de tee-shirts ou des maillots ou ballons de foot pour les jeunes, etc. Mais, à notre avis ce n’est pas cela qui va résoudre la pauvreté à Bambey. Cette ville et le département sont divisés entre des mouvances politiques concurrentes dont les dirigeants ne semblent être là que pour leurs intérêts personnels et non pour ceux de la masse féminine qui constitue une part importante des électeurs.

En matière de représentation importante des femmes dans les instances de décisions, le Sénégal est loin derrière le Rwanda et l’Afrique du Sud. En effet dans le gouvernement du Sénégal du 23 novembre 2006, les femmes ministres ne représentaient que 15% contre 28% en 2007. Dans le gouvernement de mai 2011, les femmes ne dépassent pas toujours ce dernier seuil (28%).

Dans les gouvernements sans cesse remaniés sous la présidence d’Abdoulaye Wade que l’on nomme « l’avocat des femmes », ces dernières sont toujours minoritaires. C’est ce qui a amené Cheikh Badiane (1995) à dire : « il existe à ce niveau une sorte de contradiction

entre le rôle actif et décisif que jouent les femmes sur l’échiquier politique (au Sénégal, les femmes ont joué un rôle déterminant dans la désignation des responsables politiques) et la faiblesse de leur influence sur les décisions politiques, une fois le pouvoir en place. Cette faiblesse apparaît d’une part dans leur représentativité minoritaire ; elle se manifeste d’autre part dans l’insuffisante prise en compte de leurs rôles dans le développement (accès aux

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(Source : (National Democratic Institut (NDI), 2003, p. 41). La participation des femmes au pouvoir c’est

aussi un Sénégal meilleur. Listes des femmes élues au niveau local, au parlement et femmes ministres. Consulté

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ressources et aux moyens de productions, contraintes, etc.) »236 En effet, les femmes sont le moteur des partis politiques en termes de nombre de membres ou sympathisants les plus dynamiques. Mais en dehors de la section féminine qu’elles dirigent, elles sont marginalisées dans les autres instances de décisions (sauf à l’Assemblée nationale depuis 2012). Pourtant les femmes sénégalaises ont obtenu le droit de vote presque en même temps que les Françaises. En 2002, Mame Madior Boye fut la première femme nommée Premier Ministre du Sénégal et même de la sous-région. Mais avec les fréquents remaniements de l’« Avocat des femmes », elle n’est restée que peu de temps.

La présence des femmes au Sénat reste aussi faible (40%) par rapport à leur poids important dans le pays. Il en est de même dans les bureaux exécutifs des syndicales des travailleurs.

Mais on garde l’espoir que l’application de la nouvelle loi sur la parité intégrale dans les fonctions électives qui est votée en mai 2010 appliquée et que le nombre d’élues locales va accroître aussi dans les autres instances de décisions comme les collectivités locales et territoriales et que l’égalité entre les citoyens sénégalais devienne une réalité. Au Sénégal, l’annonce de cette loi avait suscité beaucoup de débats et beaucoup d’oppositions. Les femmes représentent 52% de la population électorale (âgée de 18 ans et plus). Leur importance numérique dans la population et dans les votes mérite d’être prise en compte. Conclusion

Cette analyse révèle la place importante de la femme dans la vie économique et sociale aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du foyer. En effet, l’essentiel des nombreux travaux domestiques est accompli par les femmes et les jeunes filles. En plus de ces tâches longues et parfois difficiles, les femmes rurales s’occupent des travaux agricoles indispensables à la survie des ménages. La femme, pivot de l’éducation des enfants, est aussi gardienne des rites et des cultes religieux et moteur de la famille et des liens sociaux. Malgré l’importance de leurs rôles dans la société, les femmes n’ont pas accès à la terre et au matériel agricole et demeurent sous représentées dans les instances de décisions.

Les populations du bassin arachidier, vivent dans des conditions socio-économiques et environnementales difficiles. L’arachide, principale culture de rente qui a eu de beaux jours dans le bassin qui porte son non, a connu un déclin. Quelles sont ses problèmes et ses répercutions sur les conditions de vie des populations féminines en particulier ?

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(BADIANE C., 1995). Réseaux et accès à la décision. L'exemple des Groupements féminins au Sénégal. Consulté le 23 mai, 2011, sur

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CHAPITRE 3 : L’ARACHIDE ET SES

PROBLEMES, AVEC OU SANS LES

FEMMES ?

Introduction

La région de Diourbel est située au cœur du bassin arachidier qui a été le théâtre d’opérations souvent malheureuses, et commencées bien avant l’indépendance du Sénégal. Le contexte socio-économique du bassin arachidier est inséparable de la politique de développement rural et de l’histoire socio-économique du Sénégal. Ce dernier, à l’image de l’Afrique, est encore majoritairement composé de ruraux. C’est ce qui explique que le développement rural soit au cœur des préoccupations des pouvoirs publics coloniaux d’abord et nationaux par la suite. Aujourd’hui plus que jamais, les problèmes du monde rural retiennent encore l’attention de l’État, des bailleurs de fonds, des ONG, mais surtout des populations qui sont les principales concernées. Ces dernières vivent dans un contexte socio- économique et environnemental difficile marqué par une paupérisation croissante, un environnement dégradé où les ressources naturelles disponibles n’arrivent plus à satisfaire leurs besoins croissants.