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Notre objectif se limite à donner quelques exemples de ces pratiques. Comme autre rôle social de la femme, on distingue son implication dans certains rites d'initiation ou cultes

217 (THIAW Issa Laye, 2005, p. 107). La femme Seereer. Op. cit.

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146 religieux comme le "tuur" ou le "ndëp". Mais, il faut souligner dès à présent que le "ndëp" est une pratique spécifique des Lébou de la presqu'il du Cap vert.

En dehors de son rôle dans les rites qui accompagnent les principales étapes de l'enfance que nous avons énoncées plus haut, et qui sont aussi importants dans son intégration dans la communauté, l'éducation traditionnelle comporte aussi d'autres rites d'initiation dont les femmes sont en partie des gardiennes.

Pour intégrer ou être reconnu dans un groupe donné, il faudra pour la fille comme pour le garçon passer par certaines étapes, apprendre à jouer des rôles qui sont prédéterminés par la société. Chez les Serer, le passage de la jeune fille à la puberté est aussi ponctué par des rites. Mais "il faut distinguer la puberté physique de la puberté sociale. La première débute avec

l'apparition des premiers signes physiques caractéristiques. Elle va cumuler avec le rite du tatouage. […]. La seconde commence le jour du mariage. A partir de cette période, elle s'intègre dans la société des femmes et peut assister aux différentes cérémonies familiales."219

A l'âge de la puberté, une fille qui se respecte devait subir l'épreuve du tatouage des gencives et des lèvres. "Nulle ne devait se dérober de peur d'être la risée de tout le

village".220. Autrefois, cette épreuve était faite par une femme initiée, à l'aide d'épines et de poudre noire faite à base d’arachide carbonisée. La candidate pouvait être accompagnée par le griot de sa lignée. Donc il fallait être brave car fuir c'était faire honte à soi et à toute sa famille. Mais le rite du tatouage (ndom en serer ou ndiam en wolof) dans sa façon traditionnelle tend à disparaître aujourd'hui. Il est une coutume empruntée aux Peul qui, avec les Soninké, les Socé et les Bambara, pratiquent en plus l'excision.

L'excision est une pratique inconnue chez les Wolof et les Serer qui sont les deux principaux groupes linguistiques et culturels du Baol.221 Malgré l'interdiction au Sénégal de cette pratique, et l'action de quelques ONG, il existe encore des poches de résistance notamment dans les parties nord, sud et est du pays où ces groupes ont une concentration importante. Selon certaines croyances qui sont encore vivaces, l'excision est faite dans le but de préserver la fille jusqu'au mariage et de la rendre pure. Certaines personnes considèrent même qu'une fille qui n'est pas excisée n'est pas pure. Mais, à notre avis ce n'est pas par la répression ou les condamnations que l'on mettra fin à cette pratique séculaire née de la volonté de domination des hommes de la sexualité des femmes, mais plutôt par la

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(THIAW Issa Laye, 2005, p. 19). La femme seereer. Op. cit.

220 (DIAGNE Abdoulaye, 2006, p. 86). Les mutations agraires et la gestion des ressources naturelles dans le

centre-ouest sénégalais. La communauté rurale de Ngoye. Thèse de Doctorat. Géographie.Université Michel de

Montaigne-Bordeaux III . Pessac, 543 p.

221 Cependant, avec la diversité de la provenance de ses habitants et des groupes sociaux, nous ne sommes pas sûres que des femmes issues d'autres groupes ethniques présents à Touba, ne pratiquent pas l'excision.

147 sensibilisation, l'écoute et le dialogue. Il faudra donc de bonnes stratégies et une bonne patience pour changer ces mentalités.

Une fois le mariage scellé par l’imam ou une personne habilitée, la fille peut entrer dans la cours des femmes. Sous l'effet de l'urbanisation et des difficultés économiques, tout un ensemble de rites qui accompagnaient la jeune mariée comme le "lël", le "sëyi"222 est aujourd'hui simplifié, écourté ou tout simplement délaissée surtout dans les villes. Le "lël" est la période d’initiation des jeunes filles au mariage. Dans cette période qui pouvait durer jusqu'à une semaine, des femmes mûres prodiguaient des conseils et des enseignements nécessaires à son rôle d'épouse et des astuces pour bien s'occuper de son époux et bien ménager sa belle-famille. Le "sëyi" est la cérémonie d'adieu à la jeune mariée qui doit rejoindre son domicile conjugal. Pendant cette nuit, le père, la "badiane" (tante paternelle), une responsable désignée par la mère, des voisines et des tantes donnent des conseils d'adieu destinés prioritairement à la jeune mariée, à son époux et à sa belle-famille pour un ménage réussi. Autrefois, on ne laissait pas sa fille partir seule dans la chambre nuptiale sans quelques rites de précaution. Il fallait prendre des bains rituels, porter des talismans et faire des offrandes pour la protéger contre les esprits maléfiques surtout lorsqu'une coépouse était déjà sur place. Aujourd'hui avec le changement des mentalités surtout dans les villes, toutes ces coutumes ont perdu leur authenticité et toute leur signification sociale au point que beaucoup de jeunes mariées ne connaissent pas le "lël" qui ne dure plus qu'une journée.

De la même manière que les filles, les garçons aussi devaient subir, en retrait et avec les garçons de la même classe d'âge, l'épreuve initiatique et éducative de la circoncision pour leur intégration dans le monde des adultes. Il faut souligner que la circoncision, dans sa version traditionnelle, n'est pas l'affaire des femmes. Les femmes n'interviennent donc pas dans les rites qui accompagnent les circoncis. Mais aujourd'hui, dans les villes, comme dans certains villages, elle se pratique de plus en plus dans les postes de santé.

Les femmes en tant que gardiennes des rites et des cultes transmettent les savoirs liés à ces derniers. Que ce soit chez les Wolof et les Lébou, les gardiennes des "tuur" sont des femmes souvent âgées. Les "tuur" sont les génies protecteurs de la famille mais aussi le site qui les héberge. Ils correspondent aux pangols des Serer. "Les pangol sont des esprits

ancestraux attachés à un lignage, à un quartier où à un village. Leurs noms et leurs attributs sont connus par un groupe plus ou moins restreint de personnes qui leur rendent un culte en

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des lieux bien déterminés-site naturel ou autel domestique.(Zempléni, 1996:301)." 223 Dans les villages Baol, la plupart des autels des "tuur" se situent souvent sous des baobabs (Adansonia digitata) sacrés et il n'est pas donné à tout le monde d'y approcher sans une autorisation préalable. Les « ndëp » sont des séances traditionnelles d’exorcisme des lébou224 que nous n'allons pas développer ici, sont des pratiques inconnues chez les wolof et les serer. Par ailleurs, on note en dehors des rites traditionnels mortuaires,225 dans certains villages serer, des cérémonies d'initiation secrètes, des séances divinatoires dirigées par des "saltigué"226(sages) qui ont lieu chaque année à l'approche de l'hivernage. Ces pratiques ont pour but de prédire les événements qui peuvent se produire, de faire les offrandes qu'il faut pour conjurer les catastrophes mais aussi d'implorer le ciel pour avoir un bon hivernage. Que ce soit dans les cérémonies divinatoires, le culte des pangols comme dans les cérémonies de "ndëp", les femmes initiées ont une place importante dans ce groupe restreint. Elles officient en tant que gardiennes des autels familiaux ou guérisseuses, prêtresses, ou prédicatrices. Ces cultes et ces rites ont pour but de se protéger, de se soigner mais surtout de restaurer les liens négligés avec les ancêtres. En plus de ses fonctions d'éducatrice, et de gardienne des rites traditionnels, la femme joue un rôle capital dans le maintien et l'élargissement des liens