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E - La démarche méthodologique, la justification et le recadrage du terrain d’étude

Nous pensons qu'avec la méthode anthropologique de l'immersion en nous appuyant sur des études de cas, nous arriverons à répondre à ces interrogations. D'abord en quoi consiste-elle ? D’abord en tant que géographe, nous étudions des situations spatialisées. Ensuite, les femmes que nous étudions ici, exploitent un espace géographique.

Comme l’a souligné Cresswell R. « Toute science possède son terrain, le trait

distinctif de l'anthropologue étant que l'ethnologue s'immerge dans le sien, cherchant à faire partie du groupe qu'il étudie ». Il s'agit de l'observation participante. Mais jusqu'à quel point

peut-on participer et comment ? A ces questions, il répond qu'il n'y a pas en réalité de

réponse globale, valable en toute situation, car il s'agit bien d'un comportement que d'une technique de travail. »61 Il est question ici de vivre avec les populations et particulièrement les femmes, d'instaurer le dialogue et de gagner leur confiance pour avoir les informations nécessaires. Pour rassembler les informations dont nous avons besoin, les techniques mises en œuvre sont, en plus de l'observation, les entretiens et les interviews. Ces techniques ne sont pas exclusives les unes des autres. Elles sont combinées au besoin car elles peuvent se compléter et compenser les lacunes. Des guides qui seront testés d’abord pour vérifier leur pertinence, seront ensuite adaptés avant de les utiliser lors des entretiens et des interviews. Il est vrai que les guides ne peuvent pas nous permettre de recueillir toutes les informations nécessaires. C’est pourquoi il est aussi important de vivre le plus longtemps possible avec les

60 (MONIMART Marie, 1989). Femmes du Sahel. La désertification au quotidien, p. 9. Op. cit.

61 (CRESSWELL R., 1976, p. 54). Le terrain anthropologique. Dans: Cresswell R. et GODELIER M. (éd.),

35 populations pour mieux s'imprégner des réalités sociales locales. Il s’agit de se mettre en position d’écouter par exemple dans certains lieux de rencontre des femmes comme les marchés, les puits, les bornes fontaines, les réunions, les cérémonies familiales, etc.

A cette méthode, le géographe prend en compte l’espace qu’il étudie, le système qu’il constitue et les dynamismes qui l'animent. Ici se pose la question des territoires féminins que nous tenterons d'analyser. Ainsi, les femmes produisent-elles des territoires? Lorsque les femmes font leurs activités, elles traversent des territoires. Elles travaillent souvent dehors et recréent de ce fait leurs territoires. Dans ce cas, les territoires "féminins" ne se réduisent pas à la cuisine, au puits, à la fontaine ou au petit jardin de case, etc. Le territoire est à la fois matériel et immatériel. Le territoire matériel est l’espace concret, physique. Le territoire immatériel relève de l'abstrait et des représentations des gens. Les associations ou groupements de femmes ne font-ils pas partie des dynamiques du territoire? Le territoire est un espace support d’une identité collective

Le bassin arachidier est un espace essentiellement agricole dont il est difficile de définir les limites exactes. Il correspond en gros à la région occidentale du Sénégal. Sur le plan administratif, il couvre les régions de Louga, Thiès, Diourbel, Fatick, Kaffrine et Kaolack. Sur le terrain, il s’étend sur un espace beaucoup plus vaste puisqu’il couvre le Centre ouest du Sénégal jusqu'aux régions de Kolda et de Tambacounda. (Voir carte : Limites du bassin arachidier).

La région de Diourbel est très étendue. Ceci nous impose de choisir les villages et les groupements sur lesquels vont porter nos recherches.

La région de Diourbel est divisée en trois (3) départements qui regroupent huit (8) arrondissements subdivisés en trente-quatre (34) communautés rurales qui rassemblent plusieurs villages. Elle compte une (1) commune dans chacun de ses trois départements (Bambey, Diourbel, la capitale régionale et Mbacké).

Après une étape de recueil d’information auprès des services administratifs locaux et des résidents de la région et le croisement des données collectées, nous avons choisi comme zone d’étude deux communautés rurales : Thiakhar et Touba Mosquée qui s’opposent sur certains plans. (Voir carte de localisation des zones d’étude).

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Figure 1: Localisation des zones d'étude

Dans la région de Diourbel, la communauté rurale de Touba Mosquée est la plus dynamique sur le plan socio-économique et démographique c'est-à-dire celle où on observe de grands changements. La communauté rurale de Thiakhar d’après nos informations et les résultats de la dernière Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (ESAM-П)62 faisait partie des moins lotis sur le plan socio-économique même si des améliorations63 sont apportées par

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(REPUBLIQUE DU SENEGAL. Ministère de l'économie et des finances et du plan, 2004). Rapport de

synthèse de la deuxième Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (ESAM-II). Dakar: DPS, 222 p. (la dernière

enquête disponible).

63 L’enquête villages de 2009 sur l’accès aux services sociaux de base confirme les améliorations notées au niveau de toute la région de Diourbel. Le calcul des indices de classement des zones ne porte que sur l’accès aux infrastructures de cinq services bien choisies (eau, école, santé, commerce et route). Les résultats de cette enquête révèlent qu’entre 2000 et 2009, la région de Diourbel a connu un accroissement de l’indice d’accès moyen aux services sociaux de base de 59,7%. Elle indique que Diourbel fait partie des régions les mieux lotis avec Dakar et Ziguinchor « avec un indice de 500/500, la population des communautés rurales de ces régions ayant un accès aux services sociaux ciblés varie entre 88% et 100%. Il existe cependant des disparités entre les communautés rurales, les arrondissements, et les régions. (REPUBLIQUE DU SENEGAL. Ministère de l'économie et des finances. ANSD, décembre 2009, p. 12). Enquête villages de 2009 sur l'accès aux services

37 les programmes et projets gouvernementaux comme le Projet de Lutte Contre la Pauvreté et le Programme National d’Infrastructures rurales. Malgré cela, elle conserve encore son caractère « traditionnel ». Ce n’est pas par hasard qu’elle a été privilégiée par le Projet de Lutte Contre la Pauvreté dans le département de Bambey qui est l’un des départements les plus pauvres du Sénégal. Nous évoquerons l’influence des trois villes de la région sur ces deux communautés rurales.

En raison de la spécificité de chaque communauté rurale, les critères de choix des villages ne sont pas partout les mêmes. Si la communauté rurale de Thiakhar constitue une zone agropastorale assez homogène, celle de Touba Mosquée laisse apparaître une zone agropastorale et une "zone tampon" semi-urbanisée et très peuplée qui gravite autour de la cité sainte de Touba. Si le choix des villages de la CR de Thiakhar a été facile en raison de son caractère relativement homogène, celui de Touba semble plus compliqué en raison de son espace contrastée sur le plan socioéconomique et démographique.

Dans la communauté rurale de Thiakhar, nous avons choisi six (6) villages dont deux (2) villages sans groupement féminin actif. Pour la communauté rurale de Touba Mosquée, nous avons pris deux (2) villages à groupement dans la zone agropastorale et 9 villages ou quartiers dans la "zone tampon" de Touba.

Ces villages sont choisis après une tournée d’information préliminaire au niveau des structures administratives locales, des structures de développement, des lieux de rencontres des femmes, des institutions de financement, des sièges des conseils ruraux, etc. Nous avons considéré entre autres :

- les critères de l’activité ou de la non activité féminine au sens moderne du terme c'est-à-dire l’engagement dans la recherche de revenus. Pour cela nous avons considéré les villages où les femmes ont des activités différentes, les actions en cours au niveau des groupements et des ménages et les caractères déterminants de tel ou tel village.

- L’existence ou non d’un groupement féminin actif ou non,

- Les initiatives individuelles qui constituent une base de réussite et peuvent faire influencer les autres ou entraîner des réussites.

En plus de ces critères de sélection, nous avons aussi tenu compte de la représentativité de l'ensemble de la zone étudiée. Dans la communauté rurale de Thiakhar, nous nous sommes rendus dans les villages de Thiakhar, Sokano, Ngathie Fall, Dara, Séo Leff et Ndiarno. En

somme des valeurs des cinq indices est compris entre 0 et 500. La valeur 250 représente le seuil de pauvreté du point de vue de l’accès aux services sociaux de base. (p. 10). De ce point de vue la CR de Thiakhar qui est à 450 points n’est plus considérée comme une communauté rurale pauvre (Voir annexe n°10 : Proportion de la population ayant accès aux services sociaux ciblés et indice d’accès global selon la communauté rurale).

38 plus de ces villages, nous nous sommes rendus dans le village de Santhiou Lam pour voir les activités des femmes. (Voir carte de la localisation des villages visités dans la CR de Thiakhar).

Dans la CR de Thiakhar presque toutes les personnes interrogées ont été trouvées dans leur lieu de résidence. Ce n'est pas toujours le cas dans la communauté rurale de Touba Mosquée où certaines personnes (les femmes surtout), ont été trouvées dans leur lieu de travail où elles passent toute leur journée et presque tous les jours de la semaine. C'est pourquoi dans la "zone tampon" de la communauté rurale de Touba Mosquée, nous avons privilégié certains critères de sélection. Il a fallu beaucoup de patience pour pouvoir interroger ces personnes très occupées. Dans la communauté rurale de Touba Mosquée, les personnes habitent dans onze villages ou quartiers dont Touba Mosquée, Darou Khoudoss, Darou Miname, Madiyana, Dianatoul Mahwa, situés dans la ville et Ndiliki et Touba Belel dans la zone agropastorale. (Voir carte de la localisation des villages visités dans la CR de Touba Mosquée). Nous nous somme aussi rendu à Ndame, Ndamatou, Darou Tanzil et Oumoul Khoura, (Touba Ndiarème) qui ne figurent pas sur la carte.

39 Figure 2: CR de Thiakhar: localisation des villages enquêtés

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41 Pour le choix des personnes (hommes et femmes), les critères communs que nous avons retenus sont, le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, la situation matrimoniale, le niveau d’instruction, etc.

Nous avons recueilli la parole des femmes de différentes catégories socioprofessionnelles (cultivatrices, commerçantes, salariées, « brodeuses », « ménagères », etc.) ; des femmes scolarisées ou non, alphabétisées en langues nationales) ; analphabètes ; des femmes mariées ou non, des femmes âgées, etc.), des femmes « groupées » ou non « groupées » ; des femmes de différents groupes sociaux.

Nous avons aussi fait parler des hommes pour savoir comment ils voient le rôle de la femme ? Comme les femmes, ces hommes seront considérés en fonction de leur catégorie socioprofessionnelle, leur âge, leur situation matrimoniale, leur groupe social, etc. Ce qui fait que la perception d’un fonctionnaire ne sera pas forcément la même que celle d’un villageois. Nous avons interrogé individuellement au total soixante (64) personnes réparties équitablement dans les deux communautés rurales. Dans chaque communauté rurale, ces personnes sont reparties comme suit : douze (12) hommes, douze (12) femmes « groupées » et 6 femmes non « groupées ». Ce chiffre n’est donné qu’à titre indicatif, mais nous avons eu des entretiens informels avec d’autres personnes qui n’étaient pas prises en compte dans notre échantillon. Ce qui fait que le nombre de personnes interrogées est beaucoup plus important si l'on tient compte des individus ou des groupes rencontrés au hasard en cours de route et des personnes ressources comme les chefs de villages, les responsables de structures administratives, de projets ou d'associations, etc. Nous avons rencontré treize (13) responsables de groupement, une dizaine de chefs de village ou de quartier et plus d'une vingtaine de responsables ou de représentants de structures de développement réparties entre Bambey, Diourbel et Mbacké. Dans cette étude nous avons surtout privilégié le dialogue, l’écoute et l’observation pour mieux recueillir les informations dont nous avions besoin.

Dans cet espace où nous avons étudié le rôle de la femme, nous verrons si ce rôle est entrain d’évoluer.

Pour atteindre un des objectifs de l’étude, nous avons procédé à une analyse comparative des villages à groupement et des villages sans groupement où on peut trouver les initiatives individuelles des femmes.

Nous avons mené parallèlement deux enquêtes. D’un côté au niveau des (ménages) villages, des groupements et des fédérations, de l’autre au niveau des partenaires ou

42 organismes de développement comme les ONG, les structures étatiques (projets, Centres d’Appui au Développement Local (CADL) ou ex-CERP64, les collectivités locales (conseil rural), les structures financières, etc. Des guides d’entretien pour les ménages, les groupements et les structures d’accompagnement sont proposés en annexe n°16).

Notre échelle d’étude reste aléatoire en prenant en considération différents types de personnes et de statuts.

Après une analyse générale des données recueillies, nous avons procédé ici par des études des cas. Nous avons interviewé les populations que nous avons choisies après des enquêtes préliminaires. Les parcours ou les récits de vie qui sont en principe des sortes de bibliographies approfondies doivent nous permettre de connaître la personnalité de l’individu choisi, son histoire, sa vie, ses rapports avec les autres, etc. Le guide d’entretien prévu à cet effet, qui a servi à stimuler le discours, ne doit pas gêner le bon déroulement de ces entretiens. L’interview a pour but d’amener l’individu à dire ce qu’il a de plus profond en lui-même c'est-à-dire ce qu’il pense profondément alors que dans le cas d’un questionnaire classique, la personne nous dit que ce qu’on a envie qu’elle nous dise, ce qu’on attend.

Ces enquêtes portent entre autres, sur des informations qui nous paraissent importantes sur les relations de genre et leur influence sur l’activité et l’épanouissement des femmes, le rôle socio-économique au niveau micro local et familial. Nous avons approché des hommes et des femmes avec leur diversité et vivant aussi bien dans des villages à groupement ou sans groupement.

Pour cette étude, nous proposons ce plan pour présenter les résultats de nos recherches.

Avant d’aborder dans un premier temps, le problème de la place et du rôle de la femme dans la région, nous allons d’abord parler en Avant propos de l’identité du Baol. Nous analyserons dans la première partie les conditions féminines et les représentations avant de parler de la femme en tant qu’élément central de la vie économique et sociale et de l’arachide et ses problèmes, avec ou sans les femmes. Dans la deuxième partie, nous parlerons des associations et groupements féminins et des relations que les femmes entretiennent avec les collectivités locales, les ONG et les structures étatiques pour tenter de comprendre si les groupements féminins constituent une solution pour les femmes. Enfin dans la dernière partie, nous essayons d’analyser les réponses féminines déployées pour tenter de mieux vivre. Pour cela, nous examinerons l’engagement des femmes dans la recherche d’autonomie économique et leur investissement sur le plan environnemental et culturel.

64 Centre d’Expansion Rural Polyvalent (CERP) est l'actuel Centre d'Appui au Développement Local (CADL) qui est toujours rattaché à la sous-préfecture de l'arrondissement.

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Avant propos

:

Identité du Baol