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Les dynamiques chaotiques ont des caractéristiques propres. Elles sont connues pour dessiner dans l’espace des phases des attracteurs extraordinairement intriqués du fait de leur nature fractale et qui présente en plus une hyper sensibilité à toute modification des conditions initiales. En conséquence, les méthodes de caractérisation du chaos sont basées sur la mesure de propriétés globales de l’attracteur, comme sa dimension fractale ou encore le taux de divergence de ses trajectoires.

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Hypothèse selon laquelle les caractéristiques statistiques, déduites des valeurs moyennes calculées à partir des valeurs à un même instant d'un grand nombre de réalisations différentes du processus considéré, coïncident avec celles qui sont déduites des valeurs successives dans le temps d'une quelconque de ces réalisations. (Def. Larousse). En d’autres termes, le processus est susceptible d'explorer l'ensemble des états accessibles pour un jeu de paramètres donnés.

134 Figure 4.3 : Schéma de la procédure de test du chaos.

Face à une variable temporelle donnée, le calcul de trois types de grandeurs permet généralement de se prononcer sur la présence ou non d’un processus chaotique : la statistique BDS, la dimension de corrélation et l’exposant de Lyapunov. Alors que les deux dernières grandeurs permettent de mesurer les propriétés de l’éventuel attracteur présent dans la dynamique de la variable, la première résulte d’un test de linéarité (non-linéarité). Les systèmes chaotiques sont en effet des systèmes non-linéaires avant tout et il convient de

Oui

Non

Spécification linéaire Test présence de racine

Test BDS sur les résidus du processus linéaire Série en différence première

dl𝑷𝒑

Série étudiée

Dimension de

corrélation Exposant de Lyapunov

Infinie Test ARCH-LM

Finie Positif Négatif H0 acceptée : série i.i.d

Rejet H0 : Recherche Spécification non-linéaire

Test de Chaos

H0 : pas d’effet ARCH

Chaos déterministe Processus stochastique ou

chaos bruité Ha : présence effet

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s’assurer au préalable qu’un tel processus gouverne l’évolution de la variable. Mais le test BDS ne permettra à priori pas de dire quelle forme de non-linéarité (stochastique ou déterministe) gouverne l’évolution de la série. Il faut alors élaborer une véritable stratégie d’investigation consistant à éliminer progressivement les pistes de la linéarité et celle de la non-linéarité stochastique, pour ne laisser que celle du déterminisme. La stratégie de test que nous proposons va être déclinée à mesure que nous présentons les modes de calcul des trois grandeurs citées. Elle est également résumée dans la figure 4.3.

3.1. Le test BDS de non-linéarité

Du nom de ses auteurs Brock, Dechert & Scheinkman (1987), la statistique BDS permet de

tester l’hypothèse nulle de série indépendamment et identiquement distribuée (iid) contre une

alternative non spécifiée et peut-être utilisée – sous certaines conditions – en tant que test de non linéarité. Ce n’est pas le test de non-linéarité le plus simple à mettre en œuvre, mais sa construction repose sur le calcul d’une grandeur utilisée en théorie du chaos et que nous retrouverons dans d’autres test : l’intégrale de corrélation.

Soit une série temporelle {𝑋𝑡}t=1,...,T. Le principe du test consiste en effet à former dans un

premier temps 𝑚- historiques103

dont les composantes sont les valeurs consécutives de la série

étudiée. On calcul ensuite l’intégrale de corrélation notée 𝐶𝑚(𝜀) qui mesure la probabilité

que deux 𝑚- historiques (𝑋𝑖,𝑋𝑖+1, … … ,𝑋𝑖+𝑚−1) et (𝑋𝑗,𝑋𝑗+1, … … ,𝑋𝑗+𝑚−1) de la série soient

proches, selon une distance inférieure à une quantité 𝜺donnée.

La statistique du test BDS est alors donnée par :

𝑊𝑚(𝜀) = √𝑇 |𝐶𝑚(𝜀)−(𝐶1(𝜀))𝑚|

𝛿𝑚(𝜀)

Sous l’hypothèse nulle de série iid, Brock & al (1987) ont montré que lorsque 𝑇 → ∞

alors, 𝐶𝑚(𝜀)→(𝐶1(𝜀))𝑚 et l’expression √𝑇 |𝐶𝑚(𝜀)−(𝐶1(𝜀))𝑚|→ 𝑁(0,𝛿𝑚2). La statistique

BDS notée 𝑊𝑚(𝜀) et définie ci-dessous suit alors une loi normale centrée réduite. Pour un

𝑊𝑚(𝜀)inférieur au fractile d’ordre 0,99 ou 0,95 de la loi normale standard, on admettra donc

que les {𝑋𝑡}t=1,...,T, sont identiquement et indépendamment distribués (iid).

A cette étape, il est utile de rappeler que la statistique BDS teste l’hypothèse nulle de série

iid contre une alternative non spécifiée. Un rejet de l’hypothèse nulle peut donc provenir de la

présence :

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Ces 𝑚-historiques sont censés servir à reconstruire l’attracteur du système étudié ; 𝑚 étant la dimension de l’espace des phases dans lequel va s’opérer la reconstruction (dimension de plongement).

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• D’une non-stationnarité dans la série étudiée

• D’un processus stochastique linéaire (ARMA)

• D’un processus stochastique non linéaire (ARCH, TAR ou GARCH par exemple)

• D’un processus chaotique non linéaire (suite logistique, attracteur de Henon…)

Dès lors, pour utiliser le test BDS comme test de non linéarité, il est nécessaire de stationnariser la série et de lui retirer toute forme de dépendance linéaire. Une solution consiste à préfiltrer les données et à n’utiliser le test BDS que sur les résidus du processus AR(p) le plus significatif de la série. Et si après cette double opération la statistique BDS

rejette l’hypothèse nulle de série iid ont pourra conclure à la présence d’une structure de

dépendance non linéaire dans les données. Les tests de présence d’effet ARCH et de chaos permettent alors de conclure sur la nature de cette non-linéarité.

3.2. Le test ARCH-LM

Les modèles de type ARCH (Auto-Regressive Conditional Heteroskedasticity) sont

caractérisés par une non-linéarité en variance. La présence d’une telle structure dans une série peut être vérifiée grâce au test ARCH-LM qui a été introduit par Engle (1982). Il a pour objet de tester l’hypothèse nulle d’homoscédasticité contre l’hypothèse alternative d’hétéroscédasticité dans la variance conditionnelle. Après l’estimation de la série par un

processus de type ARMA (p, q), la procédure consiste à récupérer les résidus 𝜀̂𝑡puis à

effectuer la régression suivante : 𝜀̂𝑡2 = 𝛼0+∑𝑙 𝛼𝑖

𝑖=1 𝜀̂𝑡−𝑖2

La sélection du nombre de retard 𝑙 à prendre en compte dans l’estimation s’effectue au

moyen du corrélogramme des 𝜀̂𝑡2. On calcule ensuite la statistique 𝑇𝑅2𝑇 est le nombre

d’observation de la série 𝜀̂𝑡et 𝑅2 le coefficient de détermination associé à la régression. Sous

l’hypothèse nulle d’homoscédasticité, la statistique suit une loi de Khi-deux à 𝑙 degré de

liberté 𝜒2(𝑙)). La règle de décision s’énonce alors comme suit :

• Si 𝑇𝑅2< 𝜒2(𝑙), l’hypothèse nulle est acceptée : il n’existe pas d’effet ARCH

• Si 𝑇𝑅2 ≥ 𝜒2(𝑙), on rejette l’hypothèse nulle en faveur de l’alternative

d’hétéroscédasticité conditionnelle.

Dans le cadre de notre étude, la statistique 𝑇𝑅2 pourra être calculée à partir des résidus du

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3.3. La dimension de corrélation de Grassberger & Procaccia (1983)

Pour la mise en évidence de chaosdans un système dynamique, la notion de dimension est

très importante car elle permet en théorie de distinguer un processus chaotique d’un processus stochastique : celle d’un processus stochastique est élevée alors que celle d’un processus chaotique est faible. On s’intéresse ici à une forme spécifique de dimension : la dimension de corrélation développée par Grassberger & Procaccia (1983). Elle se calcule également à partir

de l'intégrale de corrélation 𝐶𝑚(𝜀) avec l’idée centrale que, contrairement à un processus

stochastique qui est caractérisé par une croissance monotone de l’intégrale de corrélation avec

la dimension 𝑚, la dimension de corrélation qui caractérise un processus chaotique fait

apparaître une intégrale de corrélation croissante mais qui se stabilise à partir d’une certaine

valeur de 𝑚. Formellement, étant donnée l’intégrale de corrélation 𝐶𝑚,(𝜀), Grassberger &

Procaccia (1983) ont montré que pour des petites valeurs de 𝜀, 𝐶𝑚,(𝜀) évolue

exponentiellement avec ce rayon à une vitesse 𝐷𝑚 de sorte que 𝐶𝑚(𝜀) =𝑎𝜀𝐷𝑚. Pour une

valeur donnée de 𝑚, l’exposant 𝐷𝑚 définit alors la dimension de corrélation que l’on peut

estimer en prenant la pente de la droite donnant log [𝐶𝑚(𝜀)] en fonction de log [𝜀] :

𝐷�𝑚 = lim𝜀→0𝑙𝑙𝐶𝑚(𝜀)

𝑙𝑙𝜀

La dimension de corrélation à proprement parler est alors définie par : 𝐷𝑐 = lim𝑚→∞𝐷𝑚 et

s’interprète de la manière suivante :

• Dans le cas où la série est générée par un processus purement stochastique (aléatoire),

sa dimension est infinie. La dimension de corrélation estimée doit donc croître de

façon monotone avec la dimension de plongement : lim𝑚→∞𝐷�𝑚 =𝐷𝑐 = ∞.

• Dans le cas contraire où la série générée par un processus chaotique (déterministe),

𝐷�𝑚 se stabilise à un certain niveau 𝐷𝑐 lorsque m augmente.

Il faut toutefois rester prudent car il existe des phénomènes non-linéaires complexes possédant des dimensions tellement élevées que l’on pourrait les confondre avec des processus stochastiques sur la simple base du test. Il s’agit donc plutôt d’un signal indiquant la plus grande vraisemblance de la nature chaotique ou stochastique du processus générateur de données. Néanmoins, couplée aux calculs des exposants de Lyapunov, la dimension constitue un outil utile de détection du chaos.

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3.4. L’exposant maximum de Lyapunov

Les exposants de Lyapunov constituent un moyen direct de détection du chaos à partir de l’observation d’une série temporelle. Il s’agit de quantifier la sensibilité aux conditions initiales – propriété fondamentale des systèmes chaotique – en mesurant la vitesse moyenne

avec laquelle les trajectoires de deux points (𝑋0 et 𝑋0+𝜀) initialement très proches

s’écartent exponentiellement dans le temps.

Formellement, dans le cas unidimensionnel, soit f est une application de dimension 1, f :

R→R, telle que Xt+1 = f (Xt), t = 1,…, T et X0fixé et soit { f t (X0) } t=0,…Tet { f t (X0+ε) } t=0,…T

deux trajectoires de f dont l’écart moyen entre leurs points initiaux est ε.

Si on note par δ, le taux moyen de séparation entre deux trajectoires après 𝑇 itérations : δ = 1𝑇𝑙𝑙 �𝑓𝑇(𝑋0+𝜀) −𝑓𝑇(𝑋0)

𝜀 � L’exposant de Lyapunov λ est défini comme la limite de δ lorsque l’écart initial 𝜀 tend vers zéro et 𝑇 vers l’infini :

λ = lim𝑇→∞𝑇1𝑙𝑙 �𝑑𝑓𝑇(𝑋0)

𝑑𝑋0

Ce qui, en utilisant la règle des itérés de f se ramène à :

𝜆 = lim𝑇→∞𝑇1∑ 𝑙𝑙 �𝑑𝑓𝑇(𝑋0)

𝑑𝑋0

𝑇

𝑡=0

La généralisation au cas multidimensionnel (𝑋 ∈ 𝑅𝑙) se fait alors en remplaçant la dérivée

dans l’équation précédente par une matrice jacobienne évaluée en 𝑋0 et notée JT(𝑋0) au bout

de 𝑇 itérations.

𝐽𝑇(𝑋0) =𝐽𝑇−1(𝑋0) × 𝐽𝑇−2(𝑋0) × … × 𝐽(𝑋0) Les exposants de Lyapunov sont alors définis par :

𝜆𝑖 = lim𝑇→∞ 1𝑇𝑇 𝑙𝑙

𝑡=0 [𝑗𝑖𝑇] où les 𝑗𝑖𝑇, 𝑖= 1, …𝑙 sont les valeurs propres de la JT(𝑋0)

L’ensemble de ces exposants s’appelle le spectre de Lyapunov et l’étude de ce spectre nous permet de classer les différents attracteurs. Un attracteur de type point fixe sera par exemple caractérisé par des exposants tous négatifs (reflet de la contraction que subissent deux trajectoires initialement voisines dans l’espace des phases) tandis qu’une nullité du plus grand exposant (traduisant le fait qu’il n’y ni resserrement ni dilatation des trajectoires au cours du temps) nous mettra sur la piste d’un attracteur de type cycle limite. Quant à la caractérisation

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des attracteurs de type chaotique, il suffit qu’il y ait au moins un exposant positif, indiquant la dilatation des trajectoires, donc une sensibilité aux conditions initiales. Le tableau 4.1 résume les différents cas de figures possibles. Plutôt que de calculer tout le spectre de Lyapunov (très coûteux en temps), on peut donc se contenter d’estimer le plus grand.

Tableau 4.1 : Nature de l’attracteur en fonction du signe des exposants de Lyapunov

Signe des exposants de Lyapunov Attracteur

𝜆𝑖 < 0,∀ 𝑖 = 1, … ,𝑙 𝜆1 = 0 𝑒𝑒 𝜆𝑖 < 0 ∀ 𝑖= 2, … ,𝑙 Point fixe Cycle limite 𝜆1 =⋯ =𝜆𝑟= 0 𝑒𝑒 𝜆𝑖 < 0,𝑖 =𝑟+ 1, … ,𝑙

Au moins un des 𝜆𝑖est positif

Tore 𝑇𝑟

Chaotique

3.5. Limites des outils de détection du chaos et test de validation

Les exposants de Lyapunov et la dimension de Corrélation ont initialement été développés pour les sciences physiques ou la qualité (absence de bruit) et surtout la taille des données est impressionnante. Leur application en économie rencontre donc un certain nombre de limites sur lesquelles nous revenons très brièvement :

Insuffisance du nombre de données : les séries temporelles disponibles en économie

comportent en général un nombre d’observations très faible, ce qui constitue une première limite à l’application des outils de détection du chaos. Brock, Hsieh & LeBaron (1992) montrent ainsi que plus grand est l’échantillon, plus large est la plage

de valeurs de 𝜀 pour laquelle les statistiques BDS calculées sont bien approchées par

la distribution asymptotique. Ramsey & Yuan (1989) montrent également que la dimension de corrélation est biaisée à la baisse pour les petits échantillons, ce qui peut amener à conclure de manière erronée en termes de présence de comportement chaotique.

Bruit dans les données : C’est l’autre critique fréquemment adressée aux données

économiques. Ramsey, Sayers & Rothman(1990) notent ainsi que le bruit peut conduire à conclure de manière erronée en termes de comportement chaotique d’un système alors que ce dernier serait en réalité stochastique. Toutefois, en dehors des séries macroéconomiques où l’introduction d’un biais d’agrégation peut générer du bruit dans les données, il n’y a selon Barnett & Choi (1989), aucune raison de penser

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que les autres séries économiques sont plus bruitées que les séries en sciences physiques.

Absence de théorie statistique : Les exposants de Lyapunov et la dimension de

corrélation ne constituent pas des tests au sens statistique du terme car leur distribution asymptotique est inconnue. Ainsi, comment savoir par exemple si le plus grand exposant de Lyapunov est significativement positif ou si la dimension de corrélation estimée est significativement inférieure à celle d’un processus aléatoire ?

Pour répondre à cette dernière critique, Brock (1986) puis Scheinkman & LeBaron (1989) ont proposé deux types de tests de validation :

Le test résiduel de Brock (1986) : L’idée sous-jacente de ce test réside dans le fait

que les propriétés d’un système déterministe restent inchangées sous une transformation linéaire. Brock montre ainsi que si une série temporelle a une explication déterministe et que l’on estime un modèle autorégressif sur cette série, alors les résidus de ce modèle doivent avoir le même plus grand exposant de Lyapunov et la même dimension de corrélation. Si les résultats concernant les deux séries sont différents, alors le processus générant la série est plutôt de nature stochastique que déterministe.

Le test du « mélange aléatoire » de Scheinkman & LeBaron (1989) : Ce test

consiste à mélanger de façon aléatoire les valeurs de la série étudiée. Si la structure sous-jacente à la série est déterministe chaotique, le mélange aura pour conséquence une destruction de la structure interne du système. Par conséquence la dimension estimée sur la série mélangée doit être plus élevée et l’exposant de Lyapunov doit être plus faible, voire négatif. A l’inverse, si le processus sous-jacent est stochastique, le mélange n’aura qu’un très faible impact et la dimension de corrélation ainsi que les exposants de Lyapunov estimés sur la série mélangée seront identiques à ceux estimés sur la série d’origine.