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3. Les approches « chaînes globales » : un nouveau paradigme pour appréhender les questions contemporaines du développement ?

3.1. Cadres d'analyse des chaînes globales

Si les firmes multinationales occupent sans contexte une place déterminante dans la structure du commerce international telle qu’elle apparaît au milieu des années 1990, on peut faire remarquer au niveau factuel, qu’au début des années 1980, le courant structuraliste n’était pas le seul confronté à la question du rôle de ces multinationales. L’approche standard du commerce international conduisait aussi à n’envisager l’échange qu’entre nations (logique ricardienne et ses prolongements par H.O.S) ; alors même que, les échanges entre des filiales de FMN implantées dans différents pays représentaient déjà une part considérable du commerce mondial de marchandises. Les nouvelles théories du commerce international dont l’initiateur le plus connu est Paul Krugman vont ainsi s’atteler à fournir des explications cohérentes aux caractéristiques du commerce international contemporain (rendements d’échelle croissants, différenciation des produits, division internationale du processus productif…) ; sans pour autant remettre en question le lien positif entre libre échange et développement. Alors que dans le même temps l’ajustement structurel conduisait à mettre temporairement sous éteignoir le débat sur la DTE et l’échange inégal, le renouveau de ce débat va aussi s’opérer dans les travaux sur le commerce international et la globalisation via l’analyse des systèmes productifs fragmentés. Ces derniers ont été tout d’abord décrits comme des « chaînes de commodité », puis des « chaînes globales de commodité » et plus récemment, des « chaînes globales de valeur» ; mais toujours avec la même préoccupation analytique d’expliquer comment la globalisation de la production et des échanges génère des gagnants et des perdants. Des différents travaux portant sur ces notions, il semble émerger surtout un paradigme relativement cohérent permettant d’analyser, dans une sorte de

prolongement des thèses structuraliste et dépendantiste, le rôle des firmes multinationales

dans le développement et dans la perpétuation de l’échange inégal. Dans ce qui suit, nous

proposons tout d’abord un bref aperçu de la généalogie des notions précitées37, avant de

présenter les fondements analytiques du nouveau paradigme qui s’en dégage.

La notion de « chaîne de commodité » (CC)

Le terme « chaîne de commodité » date d’un article publié en 1977 par Hopkins & Wallerstein dans lequel ces auteurs cherchaient à différencier leur compréhension de la

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Mais on pourra se référer à celles plus détaillées proposées par Sturgeon (2002, 2009), Bair (2005, 2010) ou Temple et al (2011) par exemple.

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dimension territoriale du capitalisme de l’approche orthodoxe de la globalisation. Au lieu de concevoir le développement de l’économie globalisée comme un processus séquentiel dans lequel les marchés nationaux (firmes) prennent progressivement une envergure mondiale, du fait de l’expansion du commerce international, ces auteurs proposent un postulat radicalement

différent s’inscrivant dans la théorie des « systèmes monde38 ». « Prenez un bien de

consommation final et retracez l’ensemble des entrants qui ont abouti à ce bien, les

transformations antérieures, les matières premières, les moyens de transport, la part de travail incorporée dans ces processus matériels, la nourriture consommée par cette force de

travail » écrivent –ils. «Nous appelons chaîne de commodité cet ensemble de processus

reliés. Si le bien final était, par exemple, un vêtement, la chaîne inclurait la fabrication du tissu, le fil, etc., la culture du coton, ainsi que la reproduction de la force de travail impliquée

dans ces activités productives » (Hopkins & Wallerstein, 1977. p. 128). La chaîne de

commodité à travers cette définition est assez proche du concept de « filière » popularisé au

début des années 1970 par l'École française d'économie industrielle. L’objet de recherche diffère toutefois car l’approche « chaîne de commodité » concernait avant tout la « commodification » des processus, c’est-à-dire la marchandisation des différentes étapes de

la production et la consommation par laquelle le système capitaliste assure son expansion39.

Pour Bair (2010), la question de recherche posée par les travaux de Hopkins & Wallerstein était plus précisément celle de savoir ce que nous pouvons apprendre d’une analyse en termes de chaînes de commodité sur le processus d’accumulation du capital, situé à un moment donné dans l’évolution du système-monde et ce que cela révèle concernant la répartition de la

plus-value globale générée par une chaîne particulière entre ses différents maillons. « Certains

maillons de la chaîne vont avoir tendance à être situés dans les pays du centre (c’est-à-dire, développés) du système-monde, d’autres dans les zones moins développées de la semi-périphérie et la semi-périphérie, mais leur répartition spatiale peut évoluer au cours du temps, tout

38 L’analyse centre-périphérie comme celle dite « chaîne de commodité » s’inscrivent pleinement dans cette tradition. Tirée du concept d'économie-monde inventé par Fernand Braudel, la tradition des systèmes-monde possède trois traits distinctifs selon Bair (2010). L’analyse est centrée en premier lieu sur la manière dont la division et l’intégration internationale du travail ont évolué au cours du temps. Elle cherche en second lieuà comprendre la répartition inégale des rémunérations entre différentes activités qui forment la division globale du travail caractéristique de l’économie mondiale. En troisième lieu, elle tente enfin de montrer que les configurations spatiales et sociales des chaînes sont liées à des changements cycliques dans l’économie mondiale : étendue géographique de la chaîne réduite et forte intégration verticale durant les phases de contraction économique (en raison d’une concentration croissante et d’une baisse du nombre de participants), tandis que le phénomène contraire caractérise les périodes d’expansion.

39 Alors que même s’il permet d’appréhender la globalisation des processus de production et de consommation de produits primaires industriels, le concept de filière concerne avant tout les formes d’intégration et de recomposition des agents dans l’économie nationale. Ainsi, pour Toledano (1978), la notion de filière vise fondamentalement à caractériser le fonctionnement des systèmes productifs selon une lecture singulière : verticale. Elle renvoie à un mode de découpage séquentiel vertical de l’activité productive, des matières premières jusqu’au produit final ; ce qui en fait selon Griffon (2002), un outil privilégié d’aide à la décision publique.

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comme la configuration de la chaîne elle-même, notamment lorsque les contours d’un maillon

sont redessinés» (Bair 2010, p.4).

L’analyse d’Hopkins & Wallerstein adopte ainsi une grille de lecture historique de la division internationale du travail et qui permet de montrer, à l’encontre d’une vision

présentiste de la globalisation, que « les chaînes de commodité transnationales et

géographiquement étendues ne sont pas un phénomène récent, mais datent disons des années 1970 ou même 1945, (…) elles ont été une partie intégrante du (…) fonctionnement de

l’économie capitaliste mondiale depuis son émergence au cours du XIVe siècle »

(Wallerstein, 2000, p. 2). De l’avis de Bair (2010) le cadre de « chaîne globale de commodité » proposé par Gereffi bien que s’inscrivant dans la même perspective ne reprend pas totalement à son compte cette lecture historique. Ce faisant, elle négligera un peu la dimension cyclique des configurations spatiales et sociales des chaînes, chère aux théoriciens des systèmes-monde.

La notion de « chaîne globale de commodité » (CGC)

La plupart des auteurs s’accordent pour considérer la publication de l’ouvrage

« Commodity chains and global capitalism40 » coédité par Gary Gereffi & Miguel

Korzeniewicz, comme marquant le début de l’approche CGC (ou GCC- Global Commodity

Chain) en tant que paradigme relativement cohérent. Mais Bair (2010) a bien raison de

rappeler que cet ouvrage est surtout un recueil des contributions initialement présentées à la seizième conférence annuelle du groupe de recherche sur l’économie politique des systèmes-monde (Political Economy of the World-Systems, PEWS). Alors qu’elle tendra à s’en

éloigner41, cet ancrage dans l’orientation des systèmes monde permet en effet de comprendre

pourquoi l’approche GCC apparaît comme un prolongement à la fois des thèses structuraliste

(Cramer, 1999) et dépendantiste (Henderson & al., 2002, Heintz, 2003) du développement.

Dans sa contribution à l’ouvrage cité, Gereffi (1994) marquera toutefois sa différence avec l’approche CC en présentant la « chaîne globale de commodité » comme une forme organisationnelle émergente associée à un processus relativement récent et qualitativement nouveau d’intégration économique. L’approche, centrée surtout sur les produits manufacturés vise ainsi à comprendre les connexions inter-organisationnelles reliant ménages, firmes, États

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Voir: Gereffi, G., & Korzeniewicz, M. (Eds.) (1994), Commodity chains and global capitalism (No. 149), ABC-CLIO.

41 Les théoriciens des systèmes monde, voient dans le glissement vers les notions « global value chain » ou

« global supply chain » une dilution croissante de l’emploi du concept de « commodity chain » dont le sens plus

large renvoie au processus de « commodification » par lequel les activités de production humaines sont absorbées et standardisées pour un redéploiement à grande échelle dans les systèmes capitalistes.

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et qui façonnent au niveau mondial, les modes de production industrielle, la distribution et la

consommation (Henderson & al., 2002). Elle mobilise pour cela quatre dimensions

complémentaires selon lesquelles les chaînes devraient être analysées : (i) la structure des inputs-outputs qui décrit le processus de transformation des matières premières et l’incorporation des composants dans les produits finaux ; (ii) la territorialité qui décrit la dispersion/concentration spatiale des activités de production; (iii) le contexte socio-institutionnel qui décrit les « règles du jeu » s’appliquant à l’organisation et au

fonctionnement des chaînes42 ; (iv) la structure de gouvernance qui décrit le processus par

lequel certains acteurs de la chaîne exercent un contrôle sur d’autres participants et la manière dont des « firmes pilotes » (principalement implantées au Nord) s’approprient ou distribuent la valeur créée le long de la chaîne (Bair, 2010). Parmi les quatre dimensions, la structure de gouvernance est celle qui a reçu le plus d’attention, alimentant au passage, la riche littérature

sur les théories des organisations et des coûts de transaction qui existait déjà par ailleurs43.

Suivant ce prisme, l’approche CGC conduit notamment à révéler l’existence de deux schémas distincts de coordination et de contrôle dans les industries globalisées : les chaînes pilotées

par les acheteurs (CPA) et les chaînes pilotées par les producteurs (CPP). Les CPA (buyer

driven chain) se formeraient principalement dans les industries intensives en main-d’œuvre

(jouets, habillement, horticulture) où de grands acteurs, incluant les distributeurs et les détenteurs de marques, y capteraient l’essentiel des profits tout en pilotant l’organisation de la production au sein de réseaux transnationaux de sous-traitance caractérisés par une forte

dispersion et mobilité géographiques (Temple & al. 2011). Quant aux CPP (producer driven

chain), elles se déploieraient dans les industries intensives en capital ou en technologie

(automobile, électronique etc.) avec de grands constructeurs coordonnant la production et la commercialisation dans un réseau de filiales, franchises et sous-traitants plutôt moins dispersés et moins mobiles (figure 3.1).

Le cadre d’analyse suggéré par l’approche CGC permettait ainsi de saisir l’émergence d’une nouvelle forme d’organisation économique, autour des FMN, ces entreprises sans usines, qui déploient des réseaux transnationaux de production par la sous-traitance et la filialisation. De fait, il semblait bien rendre compte de l’expérience de nombreux pays en développement, intégrés aux marchés globaux en tant qu’exportateurs de produits primaires / intermédiaires (PED d’Afrique et d’Amérique latine), de produits finis de faible valeur ajoutée tels que jouets, chaussures, vêtements et produits électroniques grand public (PED

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Cette dimension a été rajoutée dans une contribution ultérieure par Gereffi (1995).

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d’Asie) ; mais toujours dans une logique de dépendance par rapport aux marchés du Nord. Ce qui va faire de cette approche un cadre alternatif pertinent pour examiner les conséquences

des politiques d’ISE44 mises en œuvre au cours des années 1980 et 1990. Comme nous le

verrons plus loin, l’intérêt de l’approche résidait tant dans l’analyse que dans les prescriptions en vue de promouvoir l’industrialisation et le développement des pays du Sud. Mais selon

Temple & al. (2001), l’approche CGC, par son glissement de nom vers CGV au début des

années 2000, a cependant pris une tournure trop « managérialiste » tendant à réduire la

question du développement à celle de l’accroissement de la performance des entreprises. Figure 3.1 : Chaînes globales de commodité : les modèles de gouvernance CPA et CPP.

Source : Henderson & al. (2001).

La notion de « chaîne globale de valeur » (CGV)

Selon Bair (2005), la notion de « chaîne globale de valeur » (ou chaîne de valeur mondiale) est apparue au début des années 2000 dans un contexte de littérature florissante sur diverses approches des réseaux globaux de production, laquelle littérature questionnait de plus en plus la pertinence du terme « commodité » pour désigner non seulement les produits primaires, mais aussi des produits basiques à faible valeur ajoutée (tels que les tee-shirts). Cette littérature ayant révélé dans le même temps d’importantes caractéristiques de la gouvernance des chaînes que la distinction initialement établie par Gereffi (CPA et CPP) ne permettait pas d’appréhender, il est vite apparu nécessaire selon Sturgeon (2009), d’opérer un nouveau tournant théorique et sémantique. Le tournant sémantique déboucha sur l’appellation

CGV perçue comme la plus englobante (par rapport à des concepts alternatifs tels que global

supply chain) pour l’ensemble des activités et produits finaux envisageables au sein des

44 Il s’agit des stratégies d’Industrialisation par la Substitution aux Exportions impulsées par les institutions financières internationales, par opposition aux stratégies d’Industrialisation par la Substitution aux Importations (ISI) recommandées par les théories structuralistes.

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chaînes. Mais sur le plan théorique ce tournant divise encore aujourd’hui les auteurs s’intéressant aux chaînes globales. Ainsi, tandis que certains considèrent le changement de chaîne globale de « commodité » à chaîne globale de « valeur » comme purement sémantique et dénué d’implications théoriques (Gibbon & Ponte, 2005 ; Daviron & Ponte, 2007) ; d’autres comme Sturgeon (2002, 2009) adoptent des perspectives différentes en s’ouvrant davantage vers les théories des organisations et des coûts de transaction pour expliquer la gouvernance au sein des chaînes. L’approche CGV se veut alors un outil d’analyse des

« chaînes de valeur » à la Porter (1985)45, mais désormais transnationales, organisées dans des

enchevêtrements complexes de réseaux intra et interentreprises et dans lesquelles la hiérarchisation des activités, les systèmes de décision, les rapports de pouvoir et les relations au territoire ont profondément évolué (Palpacuer & Balas, 2010).

Figure 3.2 : Les cinq modèles de gouvernance des chaînes globales de valeur.

Source : Gereffi & al. (2005), BASIC (2014).

Suivant ces nouvelles perspectives (distinctes donc du cadre CGC initial) et dont la synthèse a été effectuée par Gereffi, Humphrey & Sturgeon (2005), le type de gouvernance adopté dans le lien entre fournisseurs et firmes pilotes au sein des chaînes globales est déterminé par la valeur (mesurée comme « faible » ou « forte ») de trois variables

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Le concept « chaîne de valeur » introduit pour la première fois par Michael Porter s’applique en effet au secteur industriel et décrit l’ensemble des activités devant concourir harmonieusement à produire et à vendre un produit en permettant aux intervenants à tous les niveaux d’engranger les meilleurs bénéfices possibles. Porter se referait toutefois à une chaîne de valeur internalisée où les flux physiques de logistique, fabrication et commercialisation se situaient au cœur de l’activité de l’entreprise tandis que la R&D, par exemple, n’intervenait qu’en soutien. L’approche CGV se réfère plus à des chaînes de valeurs externalisée et transnationales.

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indépendantes : la complexité des transactions, le caractère codifiable de l’information et les capacités des fournisseurs. Partant de là, les auteurs identifient une typologie de cinq structures de gouvernance conceptualisée sous forme d’un continuum s’étendant, selon les relations de pouvoir asymétriques au sein de la chaîne, de la coordination par le marché à la gouvernance hiérarchique ; en passant par les gouvernances de type relationnel, modulaire et

captif, respectivement46 (voir figure 3.2).

Alors que l’approche CGC s’inscrivait encore dans une analyse de relations internationales (suivant une optique d’économie politique ou de socio-économie), les développements autour du nouveau courant CGV vont marquer l’intérêt accru pour les structures de gouvernance observables aux frontières interentreprises au sein des chaînes globales (suivant une optique de gestion). Cette orientation tendra, selon Palpacuer & Balas (2010), à décontextualiser

l’analyse en considérant les « caractéristiques abstraites des transactions » comme

déterminants majeurs des modes de gouvernance au sein des chaînes. Pour les défenseurs d’une vision fidèle à la tradition des systèmes-monde, la focalisation sur une approche trop techniciste de la gouvernance a également pour conséquence d’éloigner l’analyse de la

question initiale des rapports de force et des inégalités générées par l’expansion des FMN47.

Pour autant, ces derniers ne renient pas complètement l’apport que peut constituer des études plus fines des relations inter-firmes ; ce qui débouche généralement sur une présentation du cadre CGV comme un développement plus approfondit de la théorie de la gouvernance des

46 L’existence d’une forte asymétrie d’information entre deux firmes partenaires, sur les besoins des clients finaux est évidemment synonyme d’une possibilité de contrôle et de captation de l’essentiel de la valeur ajoutée créée le long de la chaîne par l’une des firmes. Dans la gouvernance coordonnée par le marché (et les prix), les coûts liés à un éventuel changement de partenaires est faible pour chacune des firmes ; aucun acteur de la chaîne d'approvisionnement n’a ainsi de contrôle sur l’autre. À l'autre extrémité se trouve la gouvernance de type

hiérarchique caractéristique des filières intégrées où le pouvoir de contrôle s’exerce d’autant plus fortement qu’il

s’agit d’une firme unique. Entre les deux extrêmes on trouve les structures de gouvernance modulaire, relationnelle et captives. Dans la CGV modulaire, la firme pilote se contente d’imposer des normes concernant les caractéristiques des produits. Les fournisseurs ont l’entière responsabilité de la technologie de production et prennent en charge les dépenses nécessaires pour répondre aux spécifications du client. L’asymétrie dans les rapports de force reste à un niveau relativement faible et les fournisseurs comme les clients travaillent avec plusieurs partenaires. La CGV relationnelle propose un système où les relations entre fournisseurs et firme pilote sont peu standardisées et se caractérisent le plus souvent par une dépendance mutuelle compte tenu de la spécificité élevée des actifs des partenaires. La proximité physique peut aussi être un élément fort de la relation. Enfin, dans la CGV captive, le pouvoir est directement exercé par l’acteur-clé sur les fournisseurs avec un degré élevé de coordination explicite et une asymétrie importante entre l’acteur-clé et ses fournisseurs. Voir Gereffi et

al. 2005) ou Tozanli et El Hadad (2007) pour plus de détails.

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L’utilité de la typologie de gouvernance en cinq formes fut particulièrement mise en cause par des chercheurs interrogeant la capacité des modes de coordination inter-firmes à rendre compte de la dynamique globale des chaînes (Gibbon et Ponte, 2005 ; Bair, 2005 ; Palpacuer, 2008). Ainsi que Sturgeon (2009) lui-même le reconnaît, la théorie de la gouvernance des CGV est particulièrement adaptée pour l’analyse de liens particuliers au sein de la chaîne – c’est-à-dire, ceux de la firme pilote avec ses fournisseurs de premier rang – mais des approfondissements sont nécessaires pour mieux comprendre dans quelle mesure et de quelle manière le mode de coordination qui prévaut pour ce lien affecte les dynamiques plus loin dans la chaîne. Et Bair (2010, p. 9), de conclure : « la question de savoir si une différenciation claire peut et doit être établie entre les versions systèmes-monde, CGC et CGV des recherches sur les chaînes de commodité reste ouverte, tout comme celle de

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chaînes d’envergure mondiale, mais qu’il faut nécessairement remettre en perspective par rapport aux autres dimensions (input-output, spatiale, socio-institutionnelle) définies par

Gereffi & al. (1994). Notre travail vise à s’inscrire dans cette logique. Seule une telle posture

permet en effet d’interroger facilement la cohérence des approches que nous pouvons regrouper sous le qualificatif de « chaînes globales », en tant que nouveau paradigme permettant d’appréhender les questions contemporaines du développement.