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3. La télédétection, applications en biogéographie

3.1. La détection de la végétation, principes généraux

La télédétection est « l’ensemble des connaissances et techniques utilisées pour déterminer des caractéristiques physiques et biologiques d’objets par des mesures effectuées à distance, sans contact matériel avec ceux-ci » (COMITAAS, 1988). Ma compétence principale en télédétection est la distinction de différents types de couverture végétales pour laquelle il est nécessaire de formuler quelques rappels et de préciser quelques positionnements qui me caractérisent sur la question de l’échelle et de la résolution (3.1.1) sur mon approche principale : l’analyse multispectrale (3.1.2) et comment celle-ci peut être complétée par une approche texturale (3.1.3).

3.1.1. Résolutions et échelles en télédétection de la végétation

La télédétection, de la végétation comme des autres catégories d’états de surface, se fait à partir d’images représentant un signal radiométrique récolté par un ensemble de capteurs électromagnétiques aéroportés. Le nombre de capteurs et l’altitude de vol définissent la dimension géographique de la zone couverte et la taille des pixels soit la résolution spatiale du pixel. L’échelle ou la gamme d’échelles rendues possibles par la taille de la zone couverte et la résolution spatiale en pixels, en résultent naturellement. Le nombre de bandes spectrales captées, pour chaque pixel, constitue la résolution spectrale.

Concernant la résolution spatiale, si l’on prend, pour débuter, l’exemple d’une image à très haute résolution, c’est-à-dire une résolution décimétrique, un grand arbre sera défini par plusieurs milliers de pixels. Cela permet une observation visuelle fine d’un grand nombre de caractéristiques de l’arbre : la taille, la forme la teinte de couleur, etc. Si l’on passe à une image à haute résolution (métrique) les grands arbres correspondent à quelques dizaines de pixels, il est possible de les différencier les uns des autres et d’en observer visuellement quelques caractéristiques. Au-delà, les pixels ne reflètent plus que les plages de végétation régulières de résolution pluri-métriques, décamétriques, hectométriques, kilométriques en fonction des satellites dès lors c’est le tapis végétal qui est décrit avec pout chaque pixel des caractéristiques de l’ensemble du tapis végétal.

Les approches des résolutions métriques et supérieures se distinguent fondamentalement de celles pluri-métriques et inférieures. En effet, si un arbre est composé, sur l’image, de plusieurs pixels, on y retrouvera par exemple la moitié du houppier au soleil et la moitié du houppier à l’ombre, les irrégularités du port tel qu’un ensemble de branches mortes d’un côté de l’arbre, etc. Dès lors, ce sont les techniques de classification orientées-objets qui sont performantes. Il s’agit d’une échelle à laquelle je n’ai jamais eu de nécessité de réaliser des cartes de télédétection en traitement d’images. Ces méthodes, qui constituent en quelque sorte une tentative d’automatisation de photo-interprétation, s’intègrent peu et mal à l’ensemble de mon positionnement en analyse spatiale de la biosphère.

En deçà de la résolution où l’on distingue les différentes plantes, dès lors que l’imagerie de télédétection devient une grille de plages homogènes de végétation puisque chaque pixel transcrit les caractéristiques générales de l’état de surface, l’approche consiste en une interprétation fine des relations entre les caractéristiques biologiques du couvert végétal et la radiométrie du pixel, exercice dans lequel je suis bien plus à l’aise que les approches orientées-objet.

Je ne suis pas à l’origine d’une méthode de classification des pixels ni même en mesure d’une analyse approfondie des différents algorithmes de classification. Cependant, la chaîne de traitement sous forme de classifications non dirigées emboîtées incluant une étape d’ACP (Andrieu et Mering, 2009) (figures 17 et 18) et perfectionnée dans le cadre de l’ANR FloodScale en intégrant une dimension multi-saisonnière (Braud

et al.,

2014, Nord et al., 2016) a été appliquée par moi-même en Post-doctorat sur le Bénin et Niger, dans le cadre de l’ANR Floodscale sur différents bassins versants cévenoles et ardéchois, sur la Foret Classée du Haut Sassandra (Côte d’Ivoire), réappliquée sur les zones étudiées en thèse sur des images 15 ans plus récentes (Andrieu, 2016 A). Elle a été reprise et citée par plusieurs thèse achevées (Fall, 2014 ; Marega ; 2016) ou en cours de l’UMR ESPACE et des articles scientifiques (Turmine 2011 ; Fourati, 2015). Des collègues de deux universités différentes m’ont, dit utiliser cet article pour réaliser des cours ou pour lancer des mémoires de master en télédétection.

FIGURE 18 : CARTE D’OCCUPATION DU SOL DE LA CASAMANCE (ANDRIEU ET MERING, 2009)

3.1.2. La télédétection multispectrale de la végétation

Quelles sont les clés de lecture de la signature spectrale de la végétation qui permettent une bonne distinction des états de surfaces végétaux entre eux ?

Les trois courbes spectrales élémentaires de la surface du globe sont celles de l’eau, des surfaces minérales et des surfaces végétales (figure 19). Il est donc dans un premier temps important de distinguer ces trois grandes catégories d’états de surface (Caloz et Collet, 1992).

FIGURE 19 : COURBES SPECTRALES DES ETATS DE SURFACES ELEMENTAIRES (CALOZ ET COLLET, 1992)

Ensuite, un certain nombre d’états de surface sont le résultat d’un mélange de ces trois composantes. Une eau très peu profonde ou très chargée en sédiment apparaît comme un intermédiaire entre le signal de l’eau et celui du minéral. Une végétation très ouverte apparait comme un intermédiaire entre le signal de la végétation et celui du minéral. Une zone humide partiellement végétalisée apparaîtra comme un intermédiaire de ces trois courbes. Ici, il s’agit donc de savoir déceler des seuils délicats dans les niveaux de réflectances correspondant à la complexité d’un espace hétérogène et continu où les taux de couverture végétales varient souvent de façon graduelle et irrégulière.

Enfin, la végétation en soi, de par ses caractéristiques biologiques et physiques, présente différents états de surface que la télédétection sait distinguer et cartographier.

Qu’il s’agisse de la densité du couvert végétal en Afrique soudanienne ou de types de formations végétales en France méditerranéenne, la méthode est la même, une interprétation attentive de courbes spectrales.

FIGURE 20 : COURBES SPECTRALES PERMETTANT DE RECHERCHER DES ERREURS DE CLASSIFICATION AU SEIN D’UNE CLASSE DE BOISEMENTS DE TERRE FERME (ANDRIEU ET MERING, 2009)

La Figure 20 illustre le niveau de subtilité dans les courbes permettant de distinguer deux formations végétales. On voit que la classe 1 présente un pic modeste dans le proche infrarouge (ETM4) et des

valeurs de luminance dans l’infrarouge à ondes courtes (ETM5) et l’infrarouge moyen (ETM7) sensiblement plus faibles que pour les autres classes. Ces caractéristiques sont celles de la mangrove et non des boisements de terre ferme.

Par exemple, Andrieu (2010) cartographie, entre autres, quatre niveaux de densité du couvert végétal de terre ferme dans les formations végétales continentales des régions septentrionales des Rivières du Sud (figure 21).

FIGURE 21 : CARTE DE LA DENSITE DU COUVERT VEGETAL (TERRE FERME) DANS LES REGIONS SEPTENTRIONALES DES RIVIERES DU SUD.

La plus grande diffusion des image satellites LANDSAT et SPOT, ces dernières années permet avec une plus grande facilité de combiner plusieurs saisons ce qui permet de distinguer des formations végétales qui, à une saison, sont similaires d’un point de vue radiométriques mais qui, à une autre saison, se distinguent l’une de l’autre (Braud

et al.,

2014, Nord et al., 2016).

3.1.3. Les textures pour la télédétection de la végétation

Si, au paragraphe 3.1.1 ci-dessus, a été exprimée une préférence pour les résolutions pluri-métriques, cela signifie pas que n’aient pas pu être développées des méthodes d’intégration de l’information inclue dans la très haute résolution. En effet, tout en gardant la position défendue plus haut que l’occupation du sol débute aux échelles/résolutions où les pixels effacent les objets de petite taille et offrent une moyenne de l’état de surface, la très haute résolution apporte une information d’intérêt

pour la cartographie de la végétation : la texture (Coggin, 1982 ; Mering, 1998 ; Abadi et Grandchamp, 2009).

L’idée est la suivante, en cas de disponibilité d’une image à très haute résolution dans laquelle se distinguent par exemple, chaque arbre d’une forêt voire chaque buisson d’une garrigue et chaque rangée de vigne d’une parcelle, il est possible de réduire l’image à la résolution souhaitée pour une approche par pixel d’occupation du sol (5 à 10 mètres) mais, en parallèle, de calculer à haute résolution un certain nombre d’indice de texture de l’image lesquels seront eux aussi ensuite ré échantillonnés à moyenne résolution et intégré à la classification qui classera les pixels en fonction de la radiométrie et de la texture. Cela permet d’améliorer très sérieusement la distinction entre une garrigue et une vigne, lesquelles, en radiométrie à l’échelle d’un pixel de taille moyenne correspondent toutes deux à une végétation xérophile ouverte et basse mais où l’indice de texture peut distinguer des alignements réguliers d’échelle métrique d’une part et un semis aléatoire d’autre part.

FIGURE 22 : EXEMPLES D’INDICES DE TEXTURES. GAUCHE : COMPOSITION COLOREE STANDARD A 2,5M DE RESOLUTION. CENTRE : TEXTURE D’ECHELLE FINE PAR L’ECART TYPE DE LA REFLECTANCE DE LA FIN DU VISIBLE EN ETE SUR UNE FENETRE COULISSANTE DE 3X3. DROITE : TEXTURE D’ECHELLE MOYENNE PAR L’ECART TYPE DU NDVI EN HIVER SUR UNE FENETRE COULISSANTE DE 7X7.

La figure 22 montre qu’à partir d’une image de haute résolution (2,5 m) il est possible de faire ressortir un grand nombre de textures différentes correspondant aux différentes structures micro-locales de la couverture du sol. La carte au centre (texture d’échelle fine par l’écart type de la réflectance de la fin du visible en hiver sur une fenêtre coulissante de 3x3) met en évidence dans les teintes de jaune la texture forte micro-locale des zones bâties et des vignes qui toutes se caractérisent, en été par des pixels voisins de luminance variables dans la fin du visible. La carte de droite (texture d’échelle moyenne par l’écart type du NDVI en été sur une fenêtre coulissante de 7x7) met en évidence les zones bâties et les axes de communication qui, en hiver, se caractérisent par un écart type assez élevé sur une fenêtre large (texture des immeubles, des grands axes de communication).

Il est possible, soit d’en choisir un petit nombre, contrastés en fonction des échelles et des saisons et des calculs de texture, soit d’en calculer un grand nombre et de les synthétiser par une analyse en composantes principales en traitant les premières composantes principales qui retracent, en un petit nombre de néo-canaux, alors les principaux contrastes de texture.

Ces indices peuvent être ensuite ré-échantillonnés à la résolution voulue pour la carte et adaptée à l’analyse radiométrique telle que développée ci-dessus. Images radiométriques et images texturales peuvent être intégrées dans un même calcul de classification qui constituera des classes contrastées tant pour leur radiométrie que pour leur texture.