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6. Modéliser les changements de la végétation terrestre

6.1. Modéliser de façon prospective la couverture végétale ?

6.1.1. Emettre une hypothèse sur la dynamique et supposer comment la végétation va

Dans Andrieu et al., (2013) j’ai tenté un exercice de prospective paysagère basée sur mes analyses rétrospectives. Sur la base de la convergence de la cinématique de la végétation observée par imagerie satellitaire de la fin des années 1970 au début des années 2000, de l’interprétation des processus de changement par observation de la végétation et par enquêtes sur les paysages passés auprès des villageois, j’ai émis une hypothèse sur l’avenir de la végétation. Pour débuter, une analyse paysagère et analyse des peuplements a été faite sur la mangrove en recul depuis la fin des années 1970 (figure 65). Rien à cette date ne laissait penser que cette dynamique pourrait s’interrompre.

Figure 66 s’observe un processus d’enfrichement des rizières du centre de l’île. Ici encore, rien ni dans le processus de série progressive de végétation ni à travers l’enquête n’indique de changement de trajectoire à court terme.

Ainsi, si au début des années 2000 (1999 pour l’image satellite, 2004 pour le terrain) après plusieurs années de retour aux conditions plus pluvieuses ni la mangrove ni la riziculture ne semblait en bénéficier, la projection vers 2010 a été la suivante : poursuite des deux dynamiques en cours (figure 67).

11 Il est délicat de construire une sous partie d’HDR sur une compétence où je me sens plus faible que toute mes autres compétences et pour laquelle je dois tant à une personne qui réalise son doctorat au moment où j’écris ces lignes. Il va sans dire que je respecterai ici ce qui vient de Matthieu Vignal et ce qui vient de moi. Ces prochaines pages sont mon positionnement de biogéographe vers la modélisation et mes projets, pas les résultats de la thèse de Matthieu Vignal.

FIGURE 66 : MODELISATION RETROSPECTIVE D’UN PROCESSUS D’ENFRICHEMENT

FIGURE 67 : PROSPECTION PAYSAGERE SELON LE SCENARIO DE FIN DE THESE AU MILIEU DES ANNEES 2000 (ANDRIEU ET AL, 2010).

Ainsi, pour se repérer sur la carte de changement centrée sur le village de Diamniadio (figure 69) le paysage aurait dû, selon ce scénario, voir les vasières (anciennes en blanc ou récente en jaunes) s’étendre sur les mangroves (gris foncé) et les boisements de terre ferme (vert) auraient dû s’étendre sur les espaces non boisés en gris clair.

FIGURE 68 : CARTE DES CHANGEMENTS A DIAMNIADIO ENTRE 1999 ET 2015

FIGURE 69 : CARTE DES CHANGEMENTS A DIAMNIADIO ENTRE 1979 ET 1999

Or, la carte des changements entre 1999 et 2016 (figure 68) montre que les deux scénarios étaient faux. Ma prévision était totalement erronée. Les boisements de terre ferme ont été éliminés et les mangroves ont débuté leur reconstitution (Dieye et al., 2013 ; Andrieu, 2016 B). Il est évident que cet exercice de prospective ponctuel et peu satisfaisant sur de nombreux points n’est pas ce que nous appellerons ici un modèle, gardant ce terme pour les modèles informatiques spatialement explicites et reproductibles. Ce constat d’erreur me permet simplement d’avouer mon incapacité à prévoir le futur et justifiera ma prédilection pour les modèles rétroprospectifs par rapport aux modèles prospectifs. De plus, j’en tire tout de même la conclusion suivante, le meilleur modèle possible sur le

plan de l’outil et de la méthode ne vaut pas grand-chose si le scénario élémentaire n’est pas juste. Enfin et surtout, cela me permet de dire qu’il me semble capital que les modèles soient vérifiés le plus possible et soient calqués sur des processus réels et réalistes le plus possible.

6.1.2. Modèles spatialement explicites et reproductibles

En ce qui concerne la modélisation (au sens strict), les modèles dits « spatialement explicites » sont une nécessité pour le géographe pour deux raisons. Tout d’abord parce que le géographe doit toujours spatialiser « au mieux » ses résultats et que produire une modélisation de l’avenir d’un lieu isolément est d’un intérêt bien inférieur à la modélisation de l’avenir de chaque lieu d’un espace étudié. Les modèles doivent donc intégrer dans la mesure du possible un espace géographique « réel » en entrée et cartographier cet espace géographique en « sortie de modèle » (Guermond, 2005 ; Murayama, 2012 ; Edmonds et Meyer, 2013). Ensuite le principe de l’analyse spatiale étant d’étudier les processus spatiaux et la contribution de la spatialité dans les systèmes géographiques, il me semble que d’intégrer la spatialité dans les modèles est primordial (Chowdhury, 2006, Hubert-Moy, 2004). Ma participation à l’ANR Floodscale visait précisément à participer à l’effort de spatialisation des modèles hydrologiques et hydroliques de prévision des crues, d’une part en offrant aux modélisateurs une cartographie de l’occupation du sol qui leur permettent de paramétrer de façon spatiale, des variables telles que les taux d’infiltration (Braud et al., 2014. Nord et al., 2016). D’autre part, la segmentation et typologie des versants (Andrieu, 2016 C) dans les très petits bassins versants expérimentaux est la deuxième participation à la spatialisation des modèles. Je n’ai pas participé, en revanche, à proprement parler à la modélisation des crues.

Deuxièmement, les modèles doivent présenter un caractère reproductible, ce qui n’est évidemment pas le cas des dessins présentés ci-dessus. L’objectif n’est pas que chaque géographe qui souhaite mettre en place un modèle doive breveter un modèle qui fonctionne sur le monde entier en quelques « clics ». Cependant, il faut avoir en tête qu’un modèle doit pouvoir être lancé plusieurs fois sur un même espace et que l’on doit pouvoir y effectuer des modifications dans le modèle qui en modifient les sorties.

Les travaux communs aux géographes physiciens de mon équipe de Nice de à l’UMR ESPACE visent, entre autres, à la modélisation prospective des risques de feux de forêts dans les interfaces habitats forêts en prenant en compte tant le changement climatique que l’évolution du bâti. Ces études sont associées au risque d’érosion des sols faisant suite à de tels feux. Dans Fox et al., 2013, nous avons tenté de tirer les conséquences, sur les risques de feux de forêts de la poursuite des tendances climatiques actuelles. Dans Fox et al., 2016 nous avons produit un module reproductible et automatisable de calcul de la différence de ruissellement avant et après un incendie. Différentes réponses à des appels à projets financés visent à nous permettre de poursuivre cet effort de modélisation spatialisée et reproductible dans laquelle je compte ajouter une modélisation de la végétation (Cf chap. 9)