3. La télédétection, applications en biogéographie
3.3. L’approche phénologique et les séries temporelles d’indices de végétation
3.3.3. La classification pour la production cartographique synthétique
Une fois la série temporelle amplement examinée à l’aide de l’ACP, il est généralement nécessaire de
produire une vision synthétique de cette série temporelle de sorte à distinguer les différentes régions
phénologiques. Nous pouvons ici prendre l’exemple de l’application à la même série temporelle NOAA
mais cette fois sur un grand rectangle englobant la Côte d’Ivoire et le Bénin, soit les deux pays étudiés
dans le cadre du programme D2PCPCI.
En Côte d’Ivoire nous avons pu distinguer, par une classification non supervisée sur les premières
composantes principales, interprétées selon la méthode ci-dessus, 10 classes dont 9 sont des régions
continues ou du moins des groupes de pixels très compacts. Seule une est une bande discontinue de
pixels peu compacts (Classe 9, Figure 28)
A ces latitudes, entre le milieu guinéen et le milieu soudanien, le gradient principal se fait entre des
régions au rythme bimodal bien marqué, correspondant au rythme bimodal des pluies avec deux
passages du front intertropical (classes 1, 2, 4 et 7 à 10) et des régions au rythme unimodal,
correspondant au rythme unimodal des pluies avec un seul passage du front intertropical (classes 3, 5
et 6).
FIGURE 28 : CARTE DE SYNTHESE DES REGIONS PHENOLOGIQUES AVEC PROFILS PHENOLOGIQUES ASSOCIES.
L’approche en séries temporelles de NDVI présente, pour le biogéographe, un intérêt majeur
puisque les rythmes saisonniers permettent de bien relier formations végétales et climat, dans
l’espace et dans le temps. L’ACP permet une analyse de détail des structures spatiales et des
temporalités et les classifications permettent une synthèse en une seule carte de ces
caractéristiques phénologiques.
En conclusion de ce chapitre de télédétection, j’ai essayé de démontrer mon
positionnement de télédétecteur capable de cartographier différents types de
végétation sous différents climats principalement par le couplage de classifications
non supervisées et d’interprétations radiométriques et de mettre en place de
perfectionner des chaînes de traitement pour y arriver. J’ai essayé également
démontrer l’intérêt complémentaire de l’approche multispectrale à haute résolution
et de l’approche en séries temporelles d’indices à basse résolution même si dans ces
deux approches le plus grand intérêt est dans l’analyse des changements. Ces points
seront abordés en deuxième partie.
Conclusion de la première partie
Dans cette première partie j’espère avoir réussi à démontrer une bonne connaissance
de la complexité de la spatialité de la végétation terrestre dont les différentes
composantes, les différentes dimensions et les différentes échelles, présentent des
spatialités propres nécessitant chacune un examen attentif de la réalité biologique
avant la recherche en analyse spatiale. Pour cette raison il m’a semblé nécessaire de
me situer au regard d’un petit nombre de débat ou de concepts, puis de réaliser un
rapide portrait des principales méthodes d’analyse spatiale de la végétation avant de
me concentrer sur l’une d’entre elles, la télédétection. En synthèse, je souhaite
insister une dernière fois sur l’intérêt d’une prise en compte des trois dimensions de
la végétation, flores, physionomie, fonctionnement pour l’étude de la biosphère.
Premièrement, il s’agit de produire une synthèse non exhaustive de méthodes de
récolte et d’analyse de données naturalistes et spatialisées de la végétation à
commencer par l’observation floristique localisée et quantitative offrant au
biogéographe une possibilité d’exercer des calculs sur les liaisons entre les milieux et
les espèces présentes. Un cadre global permettant de guider la biogéographie vers
des méthodes reproductibles et efficaces de cartographie de ses « objets »
principaux a ensuite été donné. Il s’agit notamment de méthodes de cartographie
d’aires de distributions, d’écosystèmes ou de paysages. Ces méthodes géomatiques
étant basées essentiellement sur des méthodes issues du traitement d’image
géographique mais elles sont probablement toutes transposables à un
environnement géomatique vectoriel.
Deuxièmement, certaines approches de télédétection appliquées à l’analyse spatiale
de la végétation terrestre ont été présentées. Ici non plus, le chapitre n’avait pas
vocation à l’état de l’art des méthodes, encore moins à l’exhaustivité de celles-ci. Il
s’agit de présenter mon positionnement face à l’outil qu’est télédétection en
cohérence avec les considérations du début de la partie. Deux volets de la
télédétection y sont présentés. Pour débuter, la cartographie de la végétation est
associée aux méthodes d’analyse multispectrale. Les classifications non supervisées
y occupent donc une place importante, associées aux méthodes emboîtées qui
constituent une façon simple de les rendre plus performantes. Pour conclure, les
analyses de séries temporelles de NDVI complètent une approche de la télédétection
de la végétation terrestre par une dimension physiologique, très réactive aux
changements climatiques.
Grâce au cadre méthodologique général qu’a constitué cette première partie, et sans
perdre cet objectif de présentation d’un cadre méthodologique, la deuxième partie
sera centrée sur l’étude des changements et permettra aussi quelques illustrations
thématiques sur les changements spatiaux de la biosphère.
Deuxième partie : outils de compréhension d’une biosphère en
changement
Les concepts et méthodes d’analyse spatiale de la végétation terrestre développées en
première partie définissent une approche. Cependant, si la particularité de l’approche de
chaque chercheur est, selon moi, capitale pour en comprendre les travaux, le chercheur se
définit aussi, voire surtout par les questions qu’il pose. En ce qui me concerne c’est le
changement de la biosphère qui est au centre de mes questionnements, au centre des
principaux programmes de recherche auxquels j’ai contribué et au centre de mes principales
publications. Ce thème de recherche est évidemment très vaste, bien trop vaste pour une
carrière et je ne prétends évidemment pas avoir apporté à la science une vue d’ensemble du
thème. En revanche, sur un petit nombre de cas d’études portant sur ce thème, j’ai pu
développer des méthodes reproductibles et apporter une expertise sur comment l’étudier.
Racine et al., (1980) cités par Pumain (1998) posent la question : « Les géographes
auraient-ils peur de parler du changement ? En fait, leur discipline est encore peu formalisée, il est
difficile d’y repérer des positions clairement identifiées quant à cette notion ». Je m’inscris, en
ce qui est de l’analyse spatiale de la végétation terrestre, assez volontiers dans ce constat. En
effet, ni les concepts liés aux changements, ni les outils qui permettent d’en optimiser les
études ne sont objets de publications majeurs ou d’efforts de diffusion.
Or, la végétation terrestre change en permanence, quelle que soit l’échelle spatiale ou
temporelle. De ce fait, les structures spatiales de la végétation changent également. Je ne
prétends absolument aucune primauté sur aucun outil ni aucun concept de l’analyse du
changement de la végétation terrestre ; en revanche, je pense que la synthèse de mes activités
de recherche depuis la thèse permet de constituer un volume méthodologique original et un
positionnement méthodologique qui permettra d’aider la biogéographie française à réfléchir
à sa capacité de s’approprier de façon plus homogène et cohérente de questions telles que la
déforestation ou l’impact du changement climatique sur la végétation. En effet, les questions
de changement spatial, telles que posées dans la biogéographie comme je la pratique, ont
fortement contribué à une nouvelle action de recherche du prochain contrat de l’UMR
ESPACE, en l’occurrence celle qui sert, aussi, à fédérer l’équipe de Nice de l’UMR, dans un axe
unique, indépendamment de l’ensemble des affiliations des chercheurs et enseignants
chercheurs dans les axes et actions. Or, c’est pour cette action de recherche, comme pour
cette deuxième partie du volume « positionnement et projet », un angle méthodologique qui
est mis en avant.
Pour ces raisons, pour valoriser cette tentative d’aider à donner des normes aux études du
changement de la structure spatiale de la végétation, cette deuxième partie se veut d’un
intérêt méthodologique et elle est donc construite dans l’ordre dans lequel la recherche doit
selon être ici effectuée : une première étape de description des changements (4), une
deuxième étape d’explication des changements (5) et une troisième étape de modélisation
des changements (6).