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L’organisation communautaire en tant que facilitatrice d’insertion sociale.

CHAPITRE 4 : PROFIL D’APTITUDES DES HOMMES ADMIS EN DÉTENTION

5.7. La face cachée des facilitateurs de la prison

5.7.2. L’organisation communautaire en tant que facilitatrice d’insertion sociale.

Dans la nomenclature de Fougeyrollas et ses collègues (2007, 147), on présente l’organisation communautaire comme une dimension des facteurs environnementaux de type social. L’organisation communautaire réfère aux structures, aux modes de fonctionnement et aux services qui découlent de regroupements citoyens reliés à des intérêts communs. Pour notre part, il réfère à toutes les opportunités d’activités « communautaires » que le SCC met en place dans l’environnement du pénitencier en dehors des heures de travail. Pour les analyses, nous retenons les sous-dimensions suivantes : les opportunités sociorécréatives, religieuses et d’entraide.

5.7.2.1. Les opportunités sociorécréatives

Les hommes trouvent à leur disposition des poids et haltères, des gymnases avec ballons, paniers de basketball, filets de tennis, de badminton, etc., « il y a beaucoup de sports en prison. C'est comme la panacée universelle », dit Denis. Les pénitenciers canadiens sont généralement dotés d’installations sportives de qualité. On crée donc des conditions matérielles favorables à l’exercice physique, mais en raison de certaines déficiences organiques inhérentes au vieillissement, les prisonniers vieillissants ne sont pas tous capables de courir, de lever des poids et haltères et de participer aux sports de groupe dans la cour intérieure. Donc, « [un prisonnier vieillissant] ne viendra plus jouer au volley-ball le soir, il ne viendra plus participer aux activités dehors » maintien Denis, car les activités offertes ne sont pas adaptées à leurs caractéristiques. Malgré que l’horaire quotidien réserve du temps pour des activités libres de type sportif notamment, à partir de 18 h, les opportunités d’entretenir une vie associative dans le pénitencier seraient absentes pour les hommes âgés. La variété des activités sociorécréatives en prison est limitée et n’est pas adaptée aux capacités des hommes vieillissants, comme en témoigne Maude « […] pas d’activités beaucoup anyway, mais même le peu qui a, n’est pas adapté du tout ». Il n’y aurait pas d’opportunités de loisir implantées dans l’environnement qui permettrait aux hommes vieillissants de prendre part à la vie communautaire du pénitencier.

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Pourtant, de telles activités pourraient contrer l’isolement des prisonniers vieillissants et favoriser le maintien des aptitudes reliées aux relations interpersonnelles. Les hommes qui vieillissent incarcérés n’auraient donc pas les mêmes opportunités d’entretenir des aptitudes sociales, physiques et interpersonnelles que les personnes qui vieillissent en communauté. En communauté, les citoyens vieillissants ont accès à des centres pour faire des activités sportives « douces » et culturelles avec d’autres personnes du même âge. Ces activités sont adaptées car elles sont développées selon leurs caractéristiques organiques. Il existe, par exemple, des cours de yoga pour les personnes âgées de 50 ans et plus, des cours d’aquaforme, des cours d’étirement, des cours de danse, etc. Elles peuvent aussi participer à des activités de bénévolat, de bingo, aller au café avec des amis, participer à des activités du club de l’Âge d’Or, etc., alors que : « tu n’as pas ça en dedans » déplore Maude.

Par conséquent, pour les détenus vieillissants ayant terminé les programmes correctionnels exigés, il ne leur reste presque rien pour occuper leur temps. Les heures sont « longues », car les activités prévues par la prison pour aménager le temps ne sont pas (ou plus) adéquates pour eux. En ce sens, la prison aurait le pouvoir de produire de l’exclusion territoriale des prisonniers âgés à l’intérieur même des murs. À cet effet, Vincent estime qu’il n’y a que « 20% de la population [vieillissante] qui sort dans la grande cour. Le reste demeure dans les cellules. » Les loisirs des prisonniers âgés sont donc essentiellement solitaires et se limiteraient presque exclusivement à écouter la télévision et la radio. Par ailleurs, l’accès au matériel culturel est très limité en prison, déclarent les participants. Par exemple, les pénitenciers sont dotés de bibliothèques qui, au cours des quinze dernières années, auraient vu leur budget diminuer à un point tel qu’elles sont devenues désuètes et qu’il n’y aurait « même plus de revues ». Pour Vincent, la télévision est le meilleur moyen, en prison, de demeurer informé : « Moi, toute mon instruction je l’ai pris à la télévision presque ». Les pénitenciers ont d’ailleurs des salles communes de télévision qui permettent aux hommes d’acquérir des connaissances générales. Mais, comme discuté précédemment, ces salles peuvent être inaccessibles aux hommes qui doivent utiliser des accessoires pour faciliter leur déplacement. Bien qu’ils éprouvent du mal à les nommer, les participants relatent qu’il y a quand même, dans plusieurs pénitenciers, des programmes sociaux qui se présentent sous forme d’activités de loisir, d’activités culturelles, de séances d’information,

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etc. Même si, dans les pénitenciers, il ne semble pas y avoir de programmes sociaux spécifiquement adaptés aux prisonniers vieillissants, ils pourraient quand même trouver satisfaction à certains besoins relationnels à travers ce qui est en place.

Nos analyses portent à constater que c’est essentiellement en raison de l’approche singulière qui sous-tend les programmes socioculturels qu’ils peuvent y parvenir le plus facilement. L’implication des bénévoles qui œuvrent dans un contexte d’aide mutuelle est une opportunité pour les prisonniers de socialiser avec des gens venus de l’extérieur et qui du même coup, symbolisent leur relation avec la communauté. C’est pourquoi, aux dires des participants, en prison, la fonction des bénévoles s’étend au-delà de la réalisation de leurs tâches comme animer des activités récréatives. L’implication des bénévoles serait, aux dires des participants, présentement la meilleure façon de préparer les prisonniers à la libération. D’abord, ils permettent la réalisation de plusieurs activités qui ne pourraient pas avoir lieu en leur absence et entretiennent de bonnes relations interpersonnelles avec les prisonniers, ce qui protège l’espoir des prisonniers de retrouver des relations d’aussi grande qualité une fois en liberté. Pour tous les participants, la présence des bénévoles en prison est un facilitateur majeur à l’insertion sociale si bien que selon Denis, « le meilleur service du service correctionnel c'est ses bénévoles ».

5.7.2.2. Les opportunités religieuses et d’entraide

a) L’implication bénévole et religieuse

L’implication des bénévoles permet la réalisation de programmes d’aumônerie, d’activités sportives et théâtrales qui stimulent les prisonniers. « Au [pénitencier C], tous les soirs – raconte Denis – il y a une vingtaine de bénévoles dans le pen. Là, dans différentes activités ». L’aumônerie compte sur de nombreux bénévoles pour fournir un soutien individuel, assurer des célébrations liturgiques et participer à diverses activités et interventions confessionnelles. Des aumôniers de la collectivité ainsi que des bénévoles participent à cette entreprise. Ce service est reconnu comme un facilitateur à l’insertion sociale, car il permettrait de satisfaire un besoin spirituel. À ce sujet, Paul exprime « [qu’] il y a quand même des ressources à l’intérieur [des pénitenciers], comme la religion. Là il y a

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un iman, un curé, un prêtre anglican… ». Les bénévoles peuvent aussi agir à titre de guides en collectivité. Si un prisonnier bénéficie du privilège d’une sortie avec escorte, ils peuvent être sollicités pour l’accompagner dans la communauté pour quelques heures à la fois. Les bienfaits de l’implication des bénévoles s’étend au- delà de l’incarcération puisqu’après la libération, ils peuvent assurer un contact avec les prisonniers vieillissants. À ce stade du processus d’insertion sociale, ils sont souvent les seuls ancrages du détenu avec la communauté. La présence des bénévoles faciliterait l’insertion sociale aussi puisqu’ils agiraient comme mentors auprès des détenus : « le service de bénévoles en dedans c’est une façon de préparer à la libération parce que [en tant qu’ancien- détenu] tu es confronté à un beau modèle » conclura Réjean. Les bénévoles favorisent donc la participation sociale en facilitant l’inclusion sociale des hommes à la fois dans la prison et aussi lors du retour en communauté. La présence des bénévoles au sein du pénitencier soutient donc la création de relations positives entre les prisonniers et la société « parce qu’en- dedans, les seules personnes à qui tu identifies la société sont les bénévoles. Si tu n’as plus de ça, tu identifies la sociétéà ceux qui te gardent et c’est malsain », relate Réjean. C’est malsain en raison de la situation d’exclusion dont ils sont victimes tout au long de leur sentence, situation pour laquelle plusieurs ressentent de la révolte. Autrement dit, l’implication volontaire leur montrerait qu’ils ne sont pas rejetés par tous les citoyens. Les bénévoles permettent aux détenus de se créer une représentation positive de la communauté et, par ricochet, de tempérer la révolte ressentie face au rejet et au mépris que la « société » entière semble leur octroyer.

b) Les cercles de soutien

Les cercles de soutien, fondés sur l’aide mutuelle, comptent également parmi les facilitateurs à l’insertion sociale de la population détenue en général. « Pour les gens qui ont des problèmes de drogue et de boisson, il y a les A.A. [Alcooliques Anonymes] et les N.A. [Narcotiques Anonymes] », soutien Réjean. Les mouvements anonymes sont construits sur le modèle de groupe d’entraide et ouverts dans lesquels les membres s’impliquent volontairement, bénévolement, et où le critère d’inclusion est le partage de caractéristiques communes (Lieberman et Borman, 1979). Le but des activités réalisées est de s’aider mutuellement à combler un besoin (Brault et Saint-Jean, 1990). En l’occurrence, ils

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permettent de traiter les problèmes de dépendance qui limitent les possibilités de participation sociale. Ils répondent alors au besoin de soutien psychologique des détenus. Le groupe constitue un lieu de rencontre où les membres entrent en contact avec des personnes qui vivent les mêmes problématiques (Turcotte et Lindsay, 2008). Les cercles de soutien pourraient donc favoriser la satisfaction des besoins d’appartenance et d’estime. Cependant, pour ceux qui n’ont pas de problématique de toxicomanie ou d’alcoolisme, il ne semble pas y avoir, en prison, de cercles de soutien alternatifs vers lesquels ils pourraient se tourner pour maintenir la satisfaction du besoin d’appartenance et d’estime. Or, il y un programme de remise en liberté qui a été mis sur pied par le service correctionnel dont l’objectif est de préparer le retour en communauté des hommes détenus auquel il m’apparait pertinent de m’attarder en vertu de l’objet d’étude de ce mémoire.