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L'insertion sociale des hommes qui ont vieilli incarcérés : expérience des intervenants Option-Vie

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

L’insertion sociale des hommes qui ont vieilli

incarcérés : expérience des intervenants Option-Vie

Mémoire

Ariane Laberge Sévigny

Maîtrise en service social

Maître en service social (M. Serv. Soc.)

Québec, Canada

(2)

L’insertion sociale des hommes qui ont vieilli

incarcérés : expérience des intervenants Option- Vie

Mémoire

Ariane Laberge Sévigny

Sous la direction de :

(3)

III

Résumé du mémoire

Les hommes âgés de 50 ans et plus compteraient maintenant pour plus de 21,5% de la population pénitentiaire (Sécurité publique Canada, 2013). À notre connaissance, leur processus de réinsertion sociale demeure, jusqu’à ce jour, peu étudié. Ce mémoire cherche donc à 1) documenter les facilitateurs et les obstacles propres au processus d’insertion sociale des hommes vieillissants incarcérés et 2) documenter leur situation de participation sociale à la fois pendant l’incarcération et après l’incarcération.

Les analyses ont été conduites sous la focale du système de classification et de la nomenclature du modèle théorique du processus de production du handicap (Fougeyrollas et ses collègues, 2007). Ce modèle postule que le degré de participation sociale, soit la réalisation des activités courantes et des rôles sociaux, dépend des choix d’une personne et des possibilités offertes et valorisées dans son environnement de vie (Fougeyrollas et ses collègues, 2007).

En ce sens, nos analyses suggèrent que cette clientèle souffrirait d’un manque de reconnaissance de leurs conditions particulières engendrant des situations d’exclusion dans certains champs de participation sociale, à la fois pendant l’incarcération et après l’incarcération. Bref, le milieu pénitentiaire contribuerait à la production de handicaps.

(4)

IV

Table de matières

Résumé du mémoire ... III

Table de matières ... IV

Liste des tableaux ... IX

Liste des figures ... X

Remerciements ... XI

Introduction ... 1

CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE ... 3

1.1. L’objet d’étude ... 3

1.2. Les définitions des concepts ... 4

1.3. La démarche documentaire ... 6

1.4. La recension des écrits ... 7

1.4.1. Le vieillissement des populations carcérales : un phénomène qui dépasse les frontières canadiennes. ... 7

1.4.2. Le contexte sociopolitique canadien ... 12

1.4.3. Le profil carcéral et bio-psychosocial des hommes vieillissants en pénitencier. ... 14

1.4.4. La réinsertion sociale des prisonniers vieillissants. ... 19

(5)

V

1.4.6. La pertinence scientifique ... 22

1.4.6. La pertinence sociale ... 22

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL... 25

2.1. Le modèle théorique du processus de production du handicap (PPH) ... 25

2.2. Les définitions des principaux concepts du processus de production du handicap ... 28

CHAPITRE 3 : MÉTHODOLOGIE ... 33

3.1. Le type de recherche ... 34

3.2. La population et l’échantillonnage ... 34

3.3. Le mode de collecte de données ... 36

3.4. La périodisation de la recherche... 37

3.5. La méthode d’analyse des données ... 39

3.6 Les considérations éthiques ... 41

CHAPITRE 4 : PROFIL D’APTITUDES DES HOMMES ADMIS EN DÉTENTION ... 43

4.1. Les facteurs de risque propres à l’expérience précarcérale des prisonniers vieillissants ... 47

4.1.1. Les facteurs de risque liés à l’organisation sociale ... 48

4.1.2. Les facteurs de risque liés aux comportements individuels et sociaux ... 51

4.2. L’influence des facteurs de risque liés aux comportements individuels et sociaux sur le développement des facteurs personnels des hommes. ... 53

(6)

VI

CHAPITRE 5 : OBSTACLES ET FACILITATEURS AU PROCESSUS

D’INSERTION SOCIALE DES PRISONNIERS VIEILLISSANTS ... 61

5.1. Le choc culturel de la mise en contact avec l’environnement carcéral ... 63

5.2. Les obstacles environnementaux de type physique propres à la prison : aspects microsociaux ... 64

5.2.1. L’organisation du temps et le contrôle des occupations ... 65

5.3. Les obstacles environnementaux de type socioculturel propres à la prison : aspects microsociaux. ... 69

5.3.1. Les représentations sociales qui influencent les relations entre les prisonniers vieillissants et leurs codétenus. ... 70

5.3.2. Les représentations sociales qui influencent les relations entre les prisonniers vieillissants et les agents du service correctionnel. ... 71

5.4. Les obstacles environnementaux de type socioculturel propres à la prison : aspects macrosociaux ... 73

5.4.1. Les exigences d’insertion sociale entretenues envers les prisonniers vieillissants ... 74

5.4.2. Les programmes correctionnels ... 81

5.5. Un obstacle environnemental de type physique propre à la prison : aspect macrosocial... 82

5.5.1. L’architecture des pénitenciers ... 82

5.6. La prison comme système d’exclusion sociale ... 83

5.6.1. L’exclusion des liens sociaux significatifs ... 84

5.6.2. L’exclusion symbolique, identitaire et institutionnelle ... 85

(7)

VII

5.7.1. Les programmes correctionnels en tant que facilitateurs d’insertion sociale.

... 90

5.7.2. L’organisation communautaire en tant que facilitatrice d’insertion sociale. ... 92

5.7.3. Le programme de préparation à la remise en liberté ... 96

5.8. Les impacts des processus d’exclusion sociale vécus en prison sur les aptitudes personnelles des prisonniers vieillissants ... 97

5.8.1. Le rôle crucial de la volition ... 98

5.8.2. Le rôle crucial de l’affectivité ... 99

CHAPITRE 6 : LA PARTICIPATION SOCIALE DES HOMMES QUI ONT VIEILLI INCARCÉRÉS ... 103

6.1. La participation sociale pendant l’incarcération ... 104

6.1.1. Première stratégie d’adaptation à la survie en prison : l’isolement auto-infligé ... 104

6.1.2. Deuxième stratégie d’adaptation à la survie en prison : l’évitement de la vie communautaire ... 105

6.1.3. Troisième stratégie d’adaptation à la vie en prison : le maniement des rouages de la prison ... 108

6.2. La participation sociale après l’incarcération ... 110

6.2.1. L’acquisition d’un capital d’aptitudes situé... 110

6.2.2. L’inadaptation des acquis au milieu communautaire ... 112

6.3. Le choc culturel de la libération ... 114

6.3.1. La perte de contact de longue durée avec l’environnement social communautaire ... 116

(8)

VIII

6.4. Les habitudes de vie après l’incarcération ... 121 CONCLUSION AU MÉMOIRE : « RÉINVENTER LA RECETTE » ... 127

Approcher autrement le groupe des prisonniers vieillissants ... 128 Revoir l’architecture des programmes correctionnels pour les adapter aux caractéristiques des personnes vieillissantes. ... 130

ANNEXE A : GUIDE D’ENTREVUE ... 133

(9)

IX

Liste des tableaux

Tableau 1 : Nombre et pourcentage d’admission en détention selon le genre et le groupe d’âge pour les années 2001-2002 et 2010-2011...p.8 Tableau 2 : Les facteurs de risque abordés dans les analyses...p.48 Tableau 3 : L’influence possible des risques liés aux comportements individuels et sociaux sur le développement d’aptitudes personnelles...p.54 Tableau 4 : Les facteurs environnementaux de la nomenclature de Fougeyrollas et ses

collègues (2007) retenus pour les analyses...p.65 Tableau 5 : Les facteurs environnementaux agissant à titre de facilitateurs à l’insertion sociale...p.90

(10)

X

Liste des figures

Figure 1 : La schématisation conceptuelle de l’approche théorique du PPH...p.28 Figure 2 : La périodisation du processus d’insertion sociale retenue...p.39

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XI

Remerciements

La réalisation de ce mémoire est l’aboutissement d’un long parcours dans lequel mes parents, Denis Laberge et Maud Sévigny, m’ont soutenue depuis le tout début. Je voudrais d’abord vous exprimer toute ma gratitude pour les divers sacrifices que vous avez faits et les encouragements que vous m’avez donnés. Merci, chers parents, d’avoir facilité mon cheminement année après année. Je vous en suis très reconnaissante.

Je voudrais aussi exprimer ma reconnaissance envers la professeure Joane Martel, une femme dévouée qui a été bien plus qu’une directrice patiente et disponible. Vous m’avez supportée autant moralement qu’intellectuellement dans les moments difficiles et c’est en partie grâce à vous que j’ai poursuivi le projet. Merci, Joane, pour la confiance et la bienveillance dont vous avez fait preuve à mon endroit.

Je tiens aussi à exprimer mes sincères remerciements à Laurie Thériault qui m’a offert son précieux temps à plusieurs reprises pendant la rédaction. Merci, Laurie, de ta générosité. Jean-Philippe Boivin, tu as aussi joué un rôle central dans mon cheminement. Merci, pour l’appui dont tu as fait preuve pendant ces nombreuses années.

Par ailleurs, d’autres collaborateurs ont été importants. Je pense notamment à la contribution des donateurs du Fonds Lucie-et-Phil-Latulippe et du Fonds Nicolas-et-Suzanne-Zay. Merci pour vos implications financières auprès des étudiants. Vous avez été d’un apport financier apprécié et surtout, d’un soutien inestimable à la confiance en soi. Je pense aussi à tous les professeurs pour qui j’ai pu travailler et qui ont contribué à mon cheminement. Vous côtoyer m’a permis d’acquérir des connaissances qui ont été fort utiles au cours de la rédaction et qui le seront dans ma carrière. Un merci tout spécial à la professeure Claudine Parent : travailler avec une professionnelle comme vous a été d’une richesse personnelle et professionnelle considérable.

Je tiens finalement à souligner l’implication des personnes sans qui ce mémoire aurait été tout simplement impossible : les participants. Je suis très reconnaissante que vous ayez accepté de me rencontrer alors que vous traversiez une période tumultueuse des plus bouleversantes. Vous avez tous été d'une générosité inespérée et j’espère que ce mémoire traduira la subtilité de vos propos.

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1

Introduction

Depuis 1990, les statistiques démographiques pénitentiaires suggèrent que la taille de certains groupes d’âge se modifie. L’une des constatations concernant ces mutations démographiques est que le groupe des personnes âgées de 50 ans et plus serait celui dont la croissance est la plus rapide (SCC, 2009). Étant donné que la forte majorité des personnes incarcérées sera un jour remise en liberté (Landreville, 2001), la libération de personnes âgées de 50 ans et plus sera un phénomène de moins en moins marginal. D’ailleurs, depuis 2001, ce phénomène aurait augmenté de 50% (Enquêteur correctionnel, 2011b). Les données présentement disponibles laissent présager des implications particulières pour cette clientèle, notamment en matière de réinsertion sociale (Aday, 1994; Davis, 2011et Grant et Lefebvre, 1994) et particulièrement lorsque les personnes ont vieilli incarcérées (Crawley et Sparks, 2006 et Sheppard et ses collègues, 2002).

Ce projet de mémoire s’inscrit dans le cadre d’une recherche menée par madame Joane Martel, professeure et chercheure à l’École de service social de l’Université Laval. De façon générale, nous cherchons à comprendre les expériences des hommes qui ont fait l’expérience de vieillir en prison au Canada. Dans le cadre de cette recherche pancanadienne, mon projet se circonscrit au thème de la réinsertion sociale des prisonniers québécois. Le but est d’explorer le processus de réinsertion sociale que vivent les hommes qui ont vieilli incarcérés tel que compris par des intervenants1 qui ont été appelés à travailler auprès de ces

derniers. Le mémoire sera conduit par la question de recherche suivante : quels sont les obstacles et les facilitateurs à la réinsertion sociale des hommes âgés qui ont purgé une peine d’incarcération de longue durée? De manière plus précise, ce mémoire tente de répondre aux deux objectifs de recherche suivants : 1) quels sont les facilitateurs et les obstacles propres au processus d’insertion sociale des hommes vieillissants incarcérés et 2) quelle est la situation de participation sociale des hommes qui ont vieilli incarcéré à la fois pendant l’incarcération et après l’incarcération.

1 Dans le cadre de cette recherche, des prisonniers ont déjà été interviewés à travers le Canada par Madame Martel. Mon

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2

Le mémoire est divisé en six chapitres. Dans le premier, sont présentés l’objet d’étude et la définition des concepts ainsi que la recherche documentaire réalisée. Y figurent également, la recension des écrits pertinents, les limites des études actuelles ainsi que les pertinences scientifique et sociale de cette étude. Le second expose le paradigme dans lequel s’inscrit notre étude ainsi que le cadre théorique retenu, en l’occurrence le Processus de production du handicap (PPH). Le troisième chapitre, quant à lui, élabore la méthodologie de recherche. Il comprend notamment une description de l’approche et du type de recherche privilégiés, de la population à l’étude et de la méthode de collecte de données. La présentation de nos analyses débute avec le chapitre quatre dans lequel est explicité le profil des aptitudes des hommes admis en détention. Cette description est nécessaire pour mettre en exergue les facteurs de risque présents dans l’expérience précarcérale des prisonniers. Ce chapitre est essentiel pour dégager la nature facilitante ou obstruante des facteurs capable d’influencer le processus de réinsertion sociale des hommes présentés dans le chapitre cinq. Le dernier chapitre est consacré à l’analyse de la participation sociale des hommes vieillissants, à la fois pendant l’incarcération et après l’incarcération, puisqu’elle est garante de l’insertion sociale postcarcérale. Finalement, en guise de conclusion, une brève synthèse des besoins de la clientèle vieillissante en prison sera présentée comme amorce de connaissances de base à ce sujet.

(14)

3

CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE

1.1. L’objet d’étude

L’objet de cette étude concerne le processus de réinsertion sociale des hommes âgés de 50 ans et plus qui ont purgé une peine de longue durée dans des établissements de détention fédéraux au Québec. Il s’agit d’un groupe de personnes qui constitue 21,5% de la population détenu dans les pénitenciers du Canada (Sécurité publique Canada, 2013). J’ai choisi de m’intéresser au processus de réinsertion sociale parce que plusieurs écrits recensés soulignent le manque de connaissances canadiennes à ce sujet. Par ailleurs, j’ai choisi de m’intéresser à la situation des hommes uniquement, pour deux raisons principales. D’abord, les écrits criminologiques féministes confirment depuis longtemps que les hommes et les femmes ont une expérience de criminalisation généralement différente et qu’ils connaissent pour la plupart également une expérience de réinsertion sociale fortement différente (par ex. Bertrand, 2003). Or, la prise en considération des particularités propres aux hommes ainsi qu’aux femmes dépasserait largement les exigences académiques du mémoire de maîtrise. Aussi, les hommes constituent 95,1% de la population pénitentiaire et sont aussi plus nombreux à être condamnés à purger une peine de longue durée (Enquêteur correctionnel Canada, 2014). Ils sont donc plus nombreux que les femmes à vieillir incarcérés. Par exemple au Canada, de 2010 à 2011, 159 hommes ont été incarcérés pour une peine à perpétuité ou de durée indéterminée contre neuf femmes seulement (Sécurité publique du Canada, 2011). Pour cette même raison, ils risquent d’être également plus nombreux que les femmes à être remis en liberté. À la lumière de ces statistiques, mon choix s’arrête sur la situation des hommes, car il permettra de comprendre une situation qui affecte un plus grand nombre de personnes incarcérées. Aussi, j’ai choisi de m’intéresser à la situation des hommes de 50 ans et plus parce qu’ils se font de plus en plus nombreux au sein des pénitenciers et les écrits recensés suggèrent qu’ils auraient un parcours de réinsertion sociale différent de celui des plus jeunes adultes pour lesquels les services ont été développés (Enquêteur correctionnel Canada, 2015, 2011a; 2011b et SCC, 2008). Enfin, j’ai choisi de m’intéresser aux peines de longue durée parce que, contrairement aux courtes peines, elles permettent de mieux jauger l’impact de l’emprisonnement sur le processus de vieillissement.

(15)

4

Or, au Canada, les peines de longue durée ne sont purgées que dans des pénitenciers, ce qui justifie que mon regard analytique ne se posera que sur ces derniers.

1.2. Les définitions des concepts

Pour favoriser la compréhension de l’objet d’étude, quelques concepts doivent être définis d’emblée. Ces derniers sont les suivants : pénitenciers, population pénitentiaire, vieillissement de la population pénitentiaire, peine de longue durée, personne détenue vieillissante et réinsertion sociale.

Pénitenciers : Les pénitenciers sont des établissements de détention fédéraux dans

lesquels sont emprisonnées, au Canada, les personnes condamnées à purger une sentence de deux ans et plus. Plusieurs pénitenciers sont recensés à travers le Canada et tous sont sous la juridiction fédérale du Service correctionnel du Canada (SCC). Ce dernier a la responsabilité d'administrer les sentences de deux ans et plus et de surveiller les personnes qui, sous sa juridiction, bénéficient d’un programme de libération progressive dans la collectivité. Quant aux sentences de deux ans moins un jour, elles sont du ressort des administrations provinciales et sont, alors, purgées dans les établissements nommés prisons. C'est pourquoi, les personnes qui ont vieilli incarcérées en raison d’une peine de longue durée, l’ont fait dans un pénitencier.

Population pénitentiaire : Dans les écrits existants, il ne semble pas toujours y avoir

de définitions distinctes pour discriminer une population carcérale d’une population pénitentiaire ou, encore, d’une population pénale. Bien que le terme population pénale renvoie plus généralement à l’ensemble des personnes qui sont en conflit avec les lois pénales et qui cheminent au sein d’un système de justice pénale, la population carcérale, quant à elle, circonscrit un groupe de personnes plus restreint qui comprend, notamment en France, « l'ensemble des individus, prévenus et condamnés, détenus dans les établissements pénitentiaires ou sous contrôle de l'administration pénitentiaire par l'intermédiaire du bracelet électronique »2. Cependant, au Canada, une clause constitutionnelle permet de distinguer

2 Institut national de la statistique et des études économiques, consulté en ligne le 1 octobre 2012 :

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5

nettement la population pénitentiaire de la population carcérale. Donc, il existe, au Canada, une distinction entre population carcérale (la totalité des personnes emprisonnées au pays dans des établissements de détention – centres de détention de l’immigration, centres de détention pour jeunes, prisons, pénitenciers) et population pénitentiaire (la totalité des personnes purgeant une peine de deux ans et plus dans un pénitencier uniquement). Puisque ce mémoire traite des personnes vieillissantes qui ont purgé des peines de longue durée, nous privilégierons donc le terme population pénitentiaire tel qu’il est entendu dans le contexte canadien.

Vieillissement de la population pénitentiaire : Ce concept fait référence au

phénomène de croissance rapide du groupe démographique des 50 ans et plus observé dans les pénitenciers et prisons du Canada (Enquêteur correctionnel Canada, 2011b; Landreville, 2001 et Tesseron, 2008) ainsi que dans la plupart des pays occidentaux.

Peine de longue durée : Nous ne pourrions pas aborder le vieillissement en détention

sans au moins nous intéresser à la durée de la peine qui, lorsqu’elle est de longue durée, engendre indubitablement un vieillissement en établissement. Il n’y a cependant pas de durée déterminée légalement pour désigner ce qu’est une peine de longue durée. Les nombreuses études portant sur ce type de peine s’entendent sur le fait qu’une peine de dix ans et plus est une peine de longue durée (Kozlov, 2008). À l’instar de ces études, dans ce mémoire, une peine de longue durée désigne une sentence d’incarcération d’au moins dix ans.

Personne détenue vieillissante3 : Plusieurs auteurs se sont penchés sur l’étude des critères permettant de déterminer à quel âge une personne prisonnière peut être considérée comme « âgée ». La conjonction de certains facteurs inhérents au mode de vie d’un bon nombre de personnes contrevenantes (habitudes alimentaires, abus de substances, pauvreté, milieu de vie stressant, etc.) et des effets de l’incarcération contribuerait à accélérer d’au moins une dizaine d’années le vieillissement des personnes détenues (Aday, 1994; Enquêteur correctionnel Canada, 2011b; Gal, 2002; King et Mauer, 2001 et Lemieux, Dyeson et Castiglione, 2002). En l’occurrence, le vieillissement dit « normal » est exacerbé par le fait

3 Dans ce mémoire, pour des raisons d’économie générale, les termes « vieillissant » et « âgé » seront considérés équivalents

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d’être incarcéré (Aday, 1994 et Crawley et Sparks, 2005). Ainsi, bien qu’une absence de consensus unanime se dégage des écrits, il est généralement admis qu’une personne prisonnière est considérée « âgée » à partir de 50 ans (Landreville, 2001; SCC, 2011 et Tesseron, 2008).

Réinsertion sociale : Selon le Code criminel du Canada, la réinsertion sociale est un

objectif de la peine d’incarcération. D’ailleurs, la Loi sur les services correctionnels québécois stipule que la réinsertion sociale se traduit par l’absence de récidive (Association des services de réhabilitation sociale du Québec, 2014). Or, le concept de réinsertion sociale se définit parfois plus largement dans les écrits, en référant à l’ensemble des mesures entreprises depuis l’arrestation d’un individu jusqu’à sa libération pour éviter la récidive, le bris de condition et pour qu’il vive en conformité avec les normes et les valeurs sociales, tout en subvenant à ses besoins et en ayant un sentiment d’appartenance à sa communauté. Pour les personnes condamnées à purger une peine d’incarcération, ces mesures peuvent référer à l’ensemble des programmes correctionnels4 offerts au sein des pénitenciers ainsi qu'aux

différentes interventions offertes après la période d'incarcération (Nations Unies, 2008). Puisque cette dernière définition est l’une de celles qui sont utilisées par l’Association des services de réhabilitation du Québec (2014), elle sera celle retenue dans le cadre de ce mémoire.

1.3. La démarche documentaire

Afin d’identifier les écrits incontournables, une recherche documentaire a été effectuée. Plusieurs mots-clés ont permis d’interroger différentes banques de données, notamment : Socindex with full text, Ageline, Medline, Social Work Abstract, Sudoc, Ariane, Academic Search Premier, Criminal Justice Abstract et Taylor et Francis. Ainsi, les mots « détenus », « délinquants » et « ex-détenus » ont été utilisés pour évoquer le thème général de l’étude. Afin d’obtenir les concepts spécifiques à chacun des thèmes, ils avaient préalablement fait l’objet d’une traduction bilingue dans le thésaurus des banques de données. D’autres mots comme : « vieillissant », « âgé », « réinsertion », « libération » et

4 Parmi les programmes correctionnels existant au moment de collecter les données, on comptait notamment : le Programme

national pour les délinquants sexuels, le Programme pour les délinquants toxicomanes, le Programme de gestion de la colère et des émotions, le Programme communautaire de maintien des acquis et le Programme de préparation à la vie autonome.

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7

« réintégration » ont permis de préciser la cible d’étude ainsi que les mots « pénitencier », « population carcérale », « Canada », « Québec », « États-Unis » et « Angleterre ». Pour peaufiner la recherche, l’utilisation des marqueurs booléens s'est avérée utile, tout comme l’utilisation des recherches croisées, rendues possibles par l’historique de certaines bases. Ces techniques de recherche ont permis de générer de plus amples résultats. À la suite de la lecture de plusieurs ouvrages, certaines revues savantes qui semblent plus pertinentes que d’autres pour ce projet ont été identifiées. C’est le cas du Canadian Journal of Law and Society, de l’International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology et du Correction Management Quarterly. Ces dernières ont été consultées occasionnellement au cours de notre recherche, afin de demeurer au fait des nouvelles études. D’autres types d’ouvrage comme des livres, des rapports gouvernementaux ainsi que des mémoires et thèses de doctorat ont été consultés.

1.4. La recension des écrits

1.4.1. Le vieillissement des populations carcérales : un phénomène qui dépasse les frontières canadiennes.

Le vieillissement des populations pénales des pays anglo-saxons est, somme toute, un phénomène démographique bien documenté et auquel le Canada n’échappe pas (Enquêteur correctionnel du Canada, 2015). De traditions juridiques similaires, ces pays présentent une pénologie semblable, de même que des mutations démographiques comparables. Par exemple, nombreux sont les ouvrages scientifiques qui brossent le portrait de la situation démographique pénitentiaire étatsunienne d’aujourd’hui. Dans ce pays, non seulement le taux d’incarcération des personnes âgées de plus de 40 ans est en augmentation, mais le nombre de personnes détenues âgées de plus de 50 ans augmente aussi (Arndt, Turvey et Flaum, 2002; Lemieux, Dyeson et Castiglione, 2002 et Reimer, 2008). En fait, au cours de la période de 2000 à 2005, le groupe des personnes âgées de 50 ans au sein des services correctionnels étatsuniens aurait augmenté de 33%, faisant de lui le groupe démographique à la croissance la plus rapide (Kozlov, 2008 et Lemieux et ses collègues, 2002). Les tendances démographiques observées en Australie ainsi qu’en Angleterre sont également similaires (Grant, 1999 et Howse, 2002).

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8

Pour documenter le vieillissement des populations carcérales, les écrits étrangers et canadiens s’appuient sur deux types de données. Au Canada, ces dernières sont colligées autant pour les prisons provinciales que pour les pénitenciers fédéraux. Cependant, en raison de notre objet d’étude, une attention unique sera portée aux données pénitentiaires canadiennes. Le premier type de données se nomme données de flux et réfère au nombre de nouvelles admissions dans un pénitencier au cours d’une année. Ces dernières révèlent que l’âge à l’admission en détention est en hausse depuis plus de deux décennies, et ce, autant pour les femmes que pour les hommes (Sécurité publique du Canada, 2010). Le tableau 1 présente quelques statistiques utiles pour illustrer la situation démographique pénitentiaire canadienne au moment de l’admission.

Tableau 1 : Nombre et pourcentage d’admission en détention selon le genre et le groupe d’âge pour les années 2001-2002 et 2010-2011

Âges

2001-2002 2010-2011

Femmes Hommes Femmes Hommes

N % N % N % N % > 18 0 0 6 0,15 0 0 4 0,07 18-19 6 2,97 197 5,03 12 3,63 184 3,60 20-24 36 17,82 771 19,69 50 15,15 943 18,47 25-29 32 15,84 664 16,96 66 20 977 19,14 30-34 42 20,79 644 16,45 57 17,27 756 14,81 35-39 34 16,83 637 16,27 42 12,72 615 12,04 40-44 26 12,82 435 11,11 42 12,72 556 10,89 45-49 14 6,93 245 6,25 30 9,09 445 8,71 50-59 8 3,96 241 6,15 26 7,87 461 9,03 60-69 3 1,48 59 1,50 3 0,90 126 2,47 70 et plus 1 0,49 15 0,38 2 0,60 37 0,72 Total 202 4,90 3914 95,02 330 6,07 5104 93,92

Source : Ministère de la sécurité publique du Canada, 2011

En ce qui concerne la clientèle masculine, les données présentées dans le tableau 1 permettent de constater qu’en 2001-2002, les hommes âgés de 25 ans et moins représentaient 23,66% des admissions masculines contre 20,81% en 2012-2013. Ces données permettent aussi de constater que le nombre d’hommes qui sont admis en détention sur le « tard », soit

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9

après l’âge de 35 ans, a augmenté (Landreville, 2001; Landreville, 2007 et Tesseron, 2008). En 2001-2002, le nombre d’hommes âgés de 35 ans et plus admis en détention fédérale représentait environ 39,65% de la population masculine alors qu’ils représentaient 41,22% de cette même population en 2010-2011. Le tableau illustre, plus spécifiquement, que le nombre de prisonniers âgés de 50 ans et plus a doublé pendant cette décennie, passant de 315, pour les années 2001-2002, à 624 en 2010-2011.

Quant au deuxième type de données, il ne porte pas sur les admissions, mais sur l’ensemble des personnes qui sont déjà sous responsabilité fédérale, soit en détention ou en surveillance communautaire au moment du décompte statistique annuel. Elles se nomment données de stock (Comité de la statistique correctionnelle du portefeuille ministériel de Sécurité publique Canada, 2010). Selon Tesseron (2008), les données de stock permettent de mettre en lumière la deuxième tendance démographique, soit l’importante croissance du groupe âgé de 50 ans et plus. Ce constat, elle ne fut pas la première à le faire car plusieurs chercheurs avaient antérieurement mené des travaux pour tenter de comprendre et d’expliquer ce phénomène (Aday, 2003; Allen, 2003; Birmingham, 2008; Carlisle, 2006; Crawley, 2004; Crawley et Sparks 2005; Dobson, 2004; Evans, 2005; Grant, 1999; Kempker, 2003; Linder et Meyers, 2007; Prison Reform Trust 2003a, 2003b, 2003c, 2004, 2006, 2008; Rikard et Rosenberg, 2007; Rosefield, 1993; Ruddell et Kuhlmann, 2005; Stojkovic, 2007 et Wahidin, 2005). En 2001, Landreville a publié une étude dans laquelle il analyse les mutations démographiques des pénitenciers, plus particulièrement en sol québécois, province dans laquelle le vieillissement des populations sous responsabilité fédérale est particulièrement remarqué. À la suite d’une analyse statistique effectuée sur la période de 1975 à 1998, l’auteur a tenté d’expliquer la double origine du vieillissement de la population pénitentiaire en mettant à l’épreuve les trois hypothèses suivantes.

Les changements démographiques : composante explicative du vieillissement des populations carcérales au Québec?

Cette hypothèse postule que les mutations démographiques pénitentiaires suivraient partiellement celles de la société. L’hypothèse se fonde sur le fait avéré que la proportion des personnes qui posent des gestes criminalisés n’est pas égale à travers les différents groupes

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d’âge. Cependant, des analyses statistiques démographiques effectuées par l’auteur démontrent que l’augmentation du nombre d’admissions en détention des personnes de 35 ans et plus s’effectue à un rythme plus rapide et non proportionnel à leur présence en collectivité. Bien qu’elles puissent l’être, il est peu probable que les fluctuations des taux d’admission et de détention par groupe d’âge soient influencées uniquement par les mutations démographiques de la population québécoise en général (Tesseron, 2008). Landreville (2001) poursuit donc sa recherche d’explication en testant une hypothèse de type comportemental.

Les comportements criminalisés : composante explicative du vieillissement des populations carcérales au Québec?

Celle-ci postule que le taux d’incarcération au Québec augmenterait ou diminuerait en fonction de l’augmentation ou de la diminution du taux de gestes criminalisés posés dans la province. Cette hypothèse comportementale aurait cependant peu de valeur. Comme le mentionne Landreville (2001), des changements statistiques ne signifient pas nécessairement des changements comportementaux. Surtout que, pour demeurer cohérent avec les prémisses de l’hypothèse, nous devrions pouvoir observer que l’ensemble des contrevenants sous responsabilité fédérale diminue étant donné que la criminalité, elle, est en diminution dans la province. L’hypothèse comportementale présente donc une limite importante : elle ne permet pas de comprendre les motifs de ces changements statistiques. A contrario, l’hypothèse de la réaction sociale, quant à elle, le permet.

La réaction sociale : composante explicative du vieillissement des populations carcérales au Québec?

Cette dernière hypothèse postule que les mutations démographiques pénitentiaires s’expliqueraient principalement par les réactions sociales et pénales à la criminalité (Landreville, 2001). La réprobation sociale par rapport à certains comportements ferait en sorte qu’aujourd’hui plus de gens risquent d’être accusés de certains gestes et condamnés pour plus longtemps qu’auparavant (Aday, 2006; Kempker, 2003; Kerbs et Jolley, 2009 et Landreville, 2001).

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Par exemple, dans le cas des États-Unis, plusieurs auteurs croient que des modifications législatives effectuées depuis 1970, dans le but de lutter plus sévèrement contre la criminalité – particulièrement contre le trafic de stupéfiants, les crimes violents et la récidive – sont en majeure partie responsables du vieillissement carcéral (King et Mauer, 2001; Marquart, Maerianos et Doucet, 2000; Nellis et King, 2009 et Yates et Gillespie, 2000). De celles-ci, citons les lois Tolerance Zero, Truth in Sentencing et Three Strikes largement documentées comme étant responsables de la surpopulation et du vieillissement carcéral (Aday, 1994; Arndt et ses collègues, 2002; Kerbs et Jolley, 2009; Marquart et ses collègues, 2000; Nellis et King, 2009; Rikard et Rosenberg, 2007; Ruddell et Kuhlmann, 2005 et Schmertmann, Amankawaa et Long, 1998). En effet, ces modifications législatives se sont traduites, entre autres, par l’utilisation massive des peines d’emprisonnement pour des crimes sans violence, engendrant ainsi une augmentation du nombre de personnes incarcérées. De plus, certaines des modifications se sont traduites par un durcissement judiciaire, c’est-à-dire par l’octroi de peines plus sévères (notamment des sentences à perpétuité, avec ou sans possibilité de libération conditionnelle et une restriction notable de l’accès à la libération conditionnelle). Ceci a, par le fait même, contribué à garder incarcéré un nombre de personnes plus important, et ce, pour plus longtemps (Nellis et King, 2009; Tesseron, 2008; The Sentencing Project, 2004 et Yates et Gillespie, 2000). Conséquemment, en 2009, les États-Unis recensaient une population carcérale de 2,3 millions de personnes, ce qui représente une augmentation de 600% de 1972 à 2009. De ce nombre, un prisonnier sur neuf était condamné à une peine à perpétuité et un sur 36 à une peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle (Nellis et King, 2009). Pour illustrer la chronicité du phénomène, Williams (2007) prévoit qu’en 2030, environ un tiers de la population carcérale étatsunienne sera âgée de plus de 55 ans. En ce qui concerne certains des ouvrages australiens et britanniques recensés, ils proposent également d’expliquer en partie le vieillissement carcéral par certaines des modifications législatives répressives que ces pays ont également connues au cours des dernières décennies (Australian Institute of Criminology, 2007; Dawes 2009; Howse, 2003; Lacey, 2010 et Wahidin et Powell, 2001).

Des transformations législatives similaires à celles énumérées précédemment sont aussi survenues au Canada durant les années 1980 et auraient engendré le même genre de

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mutations démographiques pénitentiaires. À l’époque, le parti conservateur de Brian Mulroney prend les rênes du pays et modifie les orientations en matière de politique pénale (Landreville, 2007). De nouvelles infractions criminelles sont créées et des durcissements judiciaires, comme l’augmentation de la sévérité des sentences, sont effectués. À titre d’exemple, en 1984, des peines minimales plus sévères sont prescrites pour certains crimes, dont les crimes à caractère sexuel. Ceci fit en sorte que des personnes, ayant été condamnées pour ce type de gestes criminalisés, se sont retrouvées davantage incarcérées, et ce, pour plus longtemps.

1.4.2. Le contexte sociopolitique canadien

Hormis Landreville (2007), certains autres chercheurs se sont également penchés sur l’étude du contexte sociopolitique comme facteur explicatif de la tendance répressive en matière de pénologie remarquée dans l’ensemble des pays anglo-saxons, depuis plus de 20 ans. Cette tendance s’expliquerait par la concomitance de différents facteurs sociaux (Desrosiers et Bernier, 2009; Landreville, 2007; Robert, 2002 et Roberts et Hough, 2002). D’abord, dans ces pays, les dernières décennies ont été marquées par une modification des repères sociaux jusqu’alors connus. Desrosiers et Bernier (2009) citent parmi ces changements : la redéfinition du marché du travail, l'éclatement des familles, la précarité de l’emploi, le déclin religieux et l'individualisation. Ces bouleversements auraient contribué à la naissance d’un sentiment d’insécurité associé à une perception croissante de vulnérabilité à la victimisation (Desrosiers et Bernier, 2009). Cette perception de vulnérabilité constitue alors un terrain propice à la construction de mythes relatifs à la criminalité. Par leurs couvertures à caractère sensationnaliste qui se concentrent principalement sur les crimes extraordinaires, les médias contribueraient au maintien de tels mythes relatifs à la victimisation criminelle (Kozlov, 2008; Pratt, 2000a; 2000b et Roberts, 2002). Selon Roberts (2002), il expliquerait en partie, pourquoi une majorité de Canadiens croit que la criminalité est en augmentation au Canada. Conséquemment, si l’électorat se croit vulnérable à la victimisation par le crime soi-disant grandissant, il désirera que des mesures de protection accrues, comme le recours à l’incarcération (qu’il croit efficace), soient instaurées pour diminuer cette possibilité.

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Dans un optique victimaire et populiste5, le gouvernement conservateur de Stephen

Harper, au pouvoir depuis 2006, promet alors de « s’attaquer au crime et d’accroître la sécurité des Canadiens », entre autres, en limitant les possibilités de libération conditionnelle et en imposant des sentences plus répressives pour des délits majeurs et mineurs (Parti conservateur, 2011). Par exemple, avec le projet de loi C-10 adopté en mars 2012, le gouvernement a effectué des modifications législatives qui se traduisent par des peines d’incarcération plus sévères notamment envers les « récidivistes » et les contrevenants ayant commis un crime à caractère sexuel (Association du barreau canadien, 2012). Aussi, la loi C-10 supprime les peines avec sursis pour certains crimes au profit de peines minimales obligatoires. Ces modifications législatives contribueront, elles aussi, à garder incarcéré plus longtemps un plus grand nombre de gens. Déjà en 2010, sur la totalité des nouvelles incarcérations, 25% des hommes admis l’étaient pour une peine à perpétuité et donc vieilliront incarcérés (Enquêteur correctionnel Canada, 2011b). Le présent contexte sociopénal canadien laisse présager que le vieillissement de la population pénitentiaire ira en s’accentuant.

Maintenant que le phénomène du vieillissement des populations pénitentiaires a été expliqué, il m’apparait pertinent de présenter le profil des hommes vieillissants6. Un tel

détour est essentiel dans la mesure où plusieurs études ont suggéré que le profil en question pouvait avoir des contrecoups importants sur le parcours de réinsertion sociale, particulièrement avant la libération et après la libération (Davis, 2011 et Sécurité publique du Canada, 2010). Lorsque nécessaire, et dans le but d’illustrer l’unicité des détenus vieillissants, certaines caractéristiques de leur profil seront comparées à celles des plus jeunes ou à celles des personnes qui vieillissent librement.

5 Le populisme pénal réfère à une idéologie qui se traduit par l’adoption de mesures législatives et pénales répressives en matière

de criminalité. Prenant pour pierre d’assise le sens commun, il se conçoit comme une réponse politique aux inquiétudes populaires de victimisation criminelle. Roberts et Hough (2002) et Roberts (2002), qualifient le populisme pénal comme étant une forme d’opportunisme politique dans le cadre duquel les décideurs tentent de gagner du crédit politique en répondant aux attentes des citoyens sans égard au bienfondé de leurs décisions.

6 Dans toutes constructions de « profils » existent des variabilités interindividuelles que ce mémoire ne pourra pas aborder

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1.4.3. Le profil carcéral et bio-psychosocial des hommes vieillissants en pénitencier.

Le vieillissement est un processus qui débute dès la naissance, dont personne n’est épargné et qui est marqué, sur le plan physique, par une dégénérescence de toutes les fonctions physiologiques et cognitives. Ce processus est cependant très variable : les manifestations cliniques perceptibles du vieillissement ne sont pas les mêmes pour tous et ne surviennent pas au même âge (Berr, Balard, Blain et Robine, 2012). C’est pourquoi il incombe de déterminer un seuil au-delà duquel la recherche considère qu’une personne est « âgée » ou « vieillissante », et ce, en tenant compte du groupe et de la culture d’appartenance de celle-ci. À l’instar des repères utilisés par l’Institut de la statistique du Québec, l’âge de 65 ans est le seuil qui est retenu, dans ce mémoire, pour désigner les individus vieillissants de manière libre dans la communauté (Institut de la statistique du Québec 2012a et b). Quant au segment de la population qui est incarcérée, déjà en 1977, Ronald Aday écrivait que ce groupe de personnes présentait des caractéristiques uniques relatives à la nature des sentences purgées, à leur état de santé physique et mental, aux relations sociales entretenues ou n’ayant pu être entretenues et, conséquemment, à la vitesse à laquelle s’opère le vieillissement en prison. C’est pourquoi, dans le cas des personnes ayant vieillies incarcérées, tel que mentionné dans la définition des concepts, l’âge seuil est fixé à 50 ans par la majorité des auteurs à ce sujet.

1.4.3.1. Profil carcéral

Les détenus fédéraux âgés de 50 ans et plus se divisent habituellement en trois groupes distincts (Aday, 1994; Dawes, 2009; Grant, 1999; Landreville, 2001 et Uzoaba, 1998). La forte majorité des prisonniers vieillissants correspondent aux deux premiers profils carcéraux présentés ci-dessous. Le premier groupe est celui des hommes qui ont vieilli en pénitencier, à la suite d’une condamnation à perpétuité ou d’une durée indéterminée, lorsqu’ils étaient plus jeunes7. En date du 10 avril 2011, 5 136 personnes sous responsabilité

fédérale (22,4%) purgeaient ce type de sentence. Les hommes comptaient pour 96.9% de ces personnes et la forte majorité purgeait leur peine incarcérée à l’intérieur d’un pénitencier

7 À la lumière des choix conceptuels que nous avons présentés précédemment, nous ajoutons, à la définition de ce premier profil,

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(Sécurité publique du Canada, 2011). Dans un rapport de 2011, le Bureau de l’enquêteur correctionnel mentionne que la plupart de ces hommes seront considérés vieillissants avant même d’être admissibles à une liberté conditionnelle. Les Nations Unies (2009) estiment que ces prisonniers sont les plus susceptibles de souffrir d’institutionnalisation, d’avoir perdu les liens qu’ils avaient avec les membres de la communauté et de posséder peu d’expérience de travail. De surcroit, ces individus étant les mieux « ajustés » au mode de vie institutionnel, la réinsertion sociale au moment de la libération serait généralement la plus difficile pour ces derniers.

Ensuite, il y a le groupe des hommes qui sont incarcérés pour une première sentence à un âge « avancé » ou « sur le tard », soit après 35 ans (Landreville, 2001). En 2011, un total de 2 240 hommes de 35 ans et plus ont été admis pour une première fois dans les pénitenciers du Canada (Sécurité publique du Canada, 2011). Ces prisonniers seraient ceux dont l’ajustement institutionnel serait le plus difficile, notamment puisqu’ils risquent d’être victimisés par les autres personnes détenues. La plupart d’entre eux sont incarcérés à la suite d’un verdict de culpabilité pour des gestes à caractère sexuel commis antérieurement dans leur vie. Finalement, le troisième profil comprend les « récidivistes » qui ont vieilli incarcérés à la suite d’itérations multiples de périodes d’incarcération. Ces derniers « s’ajusteraient » assez bien à la vie en prison et ont souvent des problèmes de santé chroniques, comme de la toxicomanie. Leurs liens communautaires sont limités et leur historique d'emploi sporadique. Ils éprouvent des difficultés dans leur processus de réinsertion sociale, particulièrement après la libération, puisqu’ils arrivent péniblement à demeurer en communauté (Nations Unies, 2009). Tous ces groupes ont besoin de programmes et d’interventions qui soient adaptés aux particularités des individus qui les composent et à leurs conditions particulières (Enquêteur correctionnel Canada, 2001; 2002; 2003; 2004; 2005; 2006; 2011 et Nations Unies, 2009). Cependant, à la lumière de nos objectifs de recherche, les particularités de ces trois groupes ne seront pas détaillées davantage. Aussi, afin de respecter les contraintes académiques du mémoire seul un profil bio-psychosocial général, sans distinction de groupe, sera présenté.

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16 1.4.3.2. Profil bio-psychosocial

Par définition, le vieillissement physiologique dit « normal » correspond à l’ensemble des processus physiologiques et psychologiques intrinsèques à la vie humaine, qui modifient l’organisme sans toutefois que des incapacités fonctionnelles graves n’apparaissent (Cardinal et ses collègues, 2008 et Vézina et ses collègues, 2007). Le vieillissement dit « pathologique » correspond, en revanche, à un processus de vieillissement accéléré marqué par des incapacités fonctionnelles graves en raison de l'expression de facteurs génétiques et de l’influence de facteurs environnementaux délétères auxquels s'expose une personne tout au long de sa vie (Institut de la statistique du Québec, 2012a et Vézina et ses collègues, 2007). Bien que la prévalence de maladies chroniques comme l’arthrite, l’asthme, le diabète, l’emphysème, l’hypertension, les maladies cardiaques et certains troubles de l’humeur tendent à augmenter avec l’âge, le fait de vieillir malade et dépendant ne correspond pas inévitablement au processus de vieillissement (Institut de la statistique du Québec, 2010 et Vézina et ses collègues, 2007). Au contraire, bien que le vieillissement normal s’accompagne la plupart du temps d’un léger déclin de l’état de santé fonctionnelle physique, les plus récentes études sur le vieillissement présentent un bilan relativement positif du vieillissement des Québécois âgés de 65 ans et plus (Institut de la statistique du Québec, 2012a et 2012b). D’ailleurs, la forte majorité de ces personnes est suffisamment en santé pour demeurer à domicile (Institut national de santé publique du Québec, 2012b). Bien que cette perception tant à décroitre avec l’âge, près de 80% des personnes âgées de 65 ans et plus ont une perception positive de leur état de santé physique et 96% ont une perception positive de leur santé mentale. En 2009-2010, parmi les personnes vivant à domicile, quatre personnes de 65 ans et plus sur cinq se disaient autonomes dans la réalisation des activités de la vie quotidienne suivantes : effectuer l’entretien ménager, se rendre à des rendez-vous, faire les courses, préparer les repas, s’occuper des finances personnelles, se laver, se vêtir, se déplacer dans la maison (Institut de la statistique du Québec, 2012b).

Or, la recension des écrits réalisée pour ce projet suggère que les hommes vieillissants détenus, particulièrement ceux qui ont vieilli incarcérés, seraient plus nombreux que les membres de la communauté du même âge à connaitre un vieillissement « pathologique » (Kozlov, 2008 et Victoria Department of Justice, 2010). Par exemple, ces derniers vivraient

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en moyenne avec trois problèmes de santé physique chroniques parmi les suivants: l’arthrite, les maux de dos, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires et les déficiences sensorielles (Enquêteur correctionnel Canada, 2011b et Gal, 2002). Aussi, en raison de leur état de santé précaire, la plupart des personnes âgées détenues auraient de la difficulté à s’acquitter de tâches de la vie quotidienne comme se nourrir, se vêtir et se laver (Victoria Department of Justice, 2010). C’est d’ailleurs à la lumière de ces constations que la plupart des études, à la fois étrangères et canadiennes, utilisent le seuil de 50 ans comme point de référence pour considérer qu’une personne détenue est vieillissante (Enquêteur correctionnel Canada, 2011et Loeb et AbuDagga, 2006).

Selon Davis (2011), l’état de santé physique et mentale des personnes vieillissantes détenues est l’objet d’étude ayant intéressé le plus de chercheurs à travers le monde et leur vieillissement prématuré fait consensus unanime à travers les écrits. Les personnes détenues âgées peuvent également présenter un moins bon état de santé mentale que celles qui n’ont pas connu l’incarcération, possiblement en raison du mode de vie propre à la détention pénitentiaire (Kozlov, 2008). En effet, la prévalence des troubles de santé mentale est plus importante auprès des populations pénitentiaires vieillissantes que chez les citoyens qui ont vieilli en liberté. Notamment, la dépression, l'anxiété et les troubles de personnalité seraient des troubles particulièrement prévalents chez les personnes vieillissantes détenues (Aday, 2003; Enquêteur correctionnel Canada, 2011 et Fazel, Hope, O’Donnel, Piper et Jacoby, 2001).

La détention implique également que de nombreuses responsabilités quotidiennes que doivent normalement assumer les personnes libres sont dorénavant acquittées par la prison (comme payer son loyer, faire sa lessive, se nourrir, se vêtir, etc.). Conséquemment, plusieurs auteurs ont démontré que certains prisonniers souffrent « d’institutionnalisation », concept défini comme une dépendance aux institutions et une déresponsabilisation générale. (Aday, 1994; Aday, 2003; Crawley, 2004; Crawley et Sparks 2005; Dobson, 2004; Fazel et ses collègues, 2001; Gallagher 2001; Grant 1999; Kerbs et Jolley 2009; Lemieux et ses collègues, 2002; Prison Reform Trust, 2008 et Sapsford, 1978). Le profil psychologique des individus souffrant d’institutionnalisation est marqué par une

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dépendance à la routine, une perte d’intérêt pour le monde extérieur, une perte de contact avec la famille et les amis, une perte de motivation générale, un émoussement affectif, de l’apathie et une incapacité à prendre des décisions seul.

Dans le même ordre d’idées, les écrits relatent des distinctions au plan des relations sociales entre les détenus vieillissants et les citoyens qui vieillissent en liberté, particulièrement en ce qui a trait au phénomène de l’isolement social8. Certains facteurs

comme l’intégration sociale, ne pas souffrir de solitude et le fait de percevoir positivement son réseau social sont des facteurs de protection à l’isolement social. Cependant, le fait de vieillir en soi, d’évaluer négativement son état de santé, de ne pas avoir de conjoint, d’avoir peu de contacts avec la famille et les amis (moins de deux par semaine) et, enfin, de vivre en établissement constituent des facteurs de risque (Vézina et ses collègues, 2007). Or, ces facteurs de risque à l’isolement social sont fréquemment présents dans le bilan bio-psychosocial des hommes âgés détenus. Ces derniers sont, pour la plupart, condamnés à de longues peines qui, elles, seraient associées à l’effritement du réseau social. C'est pourquoi ces hommes sont susceptibles de vivre des difficultés sociales se traduisant particulièrement par la perte de contacts avec les amis ou des membres de la famille (Porporino, 1991 et Sapsford, 1978). Aussi, possiblement en raison de leur force physique qui diminue, les prisonniers vieillissants seraient susceptibles, selon plusieurs auteurs, d’être intimidés, harcelés, manipulés, agressés et marginalisés par les détenus plus jeunes (Davis, 2011et Enquêteur correctionnel Canada, 2011b).

Non seulement plusieurs caractéristiques du profil bio-psychosocial des détenus âgés se distinguent de celui de la population âgée libre, mais certaines se distinguent aussi du profil des prisonniers plus jeunes. Selon certains auteurs, dont Davis (2011), Fazel et ses collègues (2001), Lemieux et ses collègues (2002), Rickard et Rosenberg (2007) et le Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada (2011b), les personnes détenues âgées sont en moins bonne santé physique et mentale que les détenus plus jeunes. En 2001, au moment de l’admission, 54% des personnes âgées détenues souffraient d’un problème de santé physique,

8L’isolement social se définit comme étant l’absence de contact social et d’intégration d’une personne dans son milieu social. Avoir de fréquents contacts avec la famille, des amis, des collègues est une forme d’intégration sociale qui prémunit contre l’isolement social (Vézina et ses collègues, 2007).

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alors que moins de 25% des plus jeunes détenus rapportaient la même chose (Gal, 2002). Les détenus âgés présentent non seulement trois fois plus de maladies chroniques que les personnes de 35 ans et moins, mais elles sont aussi susceptibles de présenter plus de difficultés liées à la gestion du stress et d’avoir du mal à s’adapter aux stresseurs de la vie quotidienne pendant la détention (Davis, 2011; Gal 2002; Motiuk, 2002 et Motiuk et Porporino, 1989). Quant à l’état de santé mentale, l’étude de Crawley et Sparks (2005) suggère que la plupart des prisonniers vieillissants sont préoccupés par la peur de mourir en détention, la perte de contact avec leur famille, la perte des codétenus et le décès d’êtres chers résidant en collectivité. Aussi, ils seraient plus nombreux que les plus jeunes à être angoissés à l’idée d’être libérés, et ce, particulièrement pour les hommes qui purgent des peines de longue durée (Sheppard et ses collègues, 2002).

En raison de leurs caractéristiques bio-psychosociales distinctives, en matière de réinsertion sociale, les hommes âgés auraient des besoins spécifiques, notamment en ce qui a trait aux soins médicaux, à l’accessibilité des services dans le pénitencier, à la mobilité dans l’institution, à l’adaptation à la vie carcérale, aux relations avec les pairs, aux relations familiales et à la liberté sous condition. Les écrits sont donc sans équivoque, le groupe des personnes âgées nécessite une attention appropriée, sans quoi leur réinsertion sociale risque d’être compromise.

1.4.4. La réinsertion sociale des prisonniers vieillissants.

Les Nations Unies (2008) maintiennent que l’objectif de la privation de liberté doit être non seulement de prévenir la criminalité, mais aussi de mettre en place toutes les mesures possibles pour qu’une fois libérée, la personne puisse subvenir à ses besoins dans le respect des lois. Pour y arriver, il faut répondre aux besoins spécifiques des prisonniers et prévoir des programmes relatifs aux facteurs bio-psychosociaux susceptibles d’avoir influencé le geste criminalisé. Dans cette optique, la réinsertion sociale d’un détenu est perçue comme un processus qui s’enclenche dès le début de l’incarcération et dont la réussite repose notamment sur la qualité de l’accompagnement moral, professionnel et éducatif qui lui est offert (Nations Unies 2008 et Sécurité publique du Canada, 2007). Selon cette conception de la réinsertion sociale, il est donc crucial de sonder les écrits sur l’adaptation de

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la prison au vieillissement de ses résidents (avant la libération) aussi bien que sur l’adaptation de l’accompagnement communautaire (après la libération).

1.4.4.1. La réinsertion sociale : avant la libération

Sachant que la gestion des problématiques d’une personne détenue âgée coûte trois fois plus cher que la gestion d’une personne détenue plus jeune, les coûts financiers et sociaux engendrés par le vieillissement de la population pénitentiaire risquent d’être importants (Reimer, 2008 et Williams et Abraldes, 2007). Conscientes des difficultés potentielles une fois en liberté, et par crainte d’être insuffisamment préparées, certaines personnes âgées préfèrent ne pas sortir du pénitencier alors qu’elles le pourraient. D’ailleurs, en 2002, plus de la moitié des prisonniers âgés canadiens admissibles à une sortie ont préféré demeurer au pénitencier, se sentant mal préparés et inaptes à affronter la réalité extérieure (Sheppard et ses collègues, 2002). Or, ces personnes coûteraient environ 240 000$ par année au SCC, soit 220 000$ de plus que si elles étaient libérées en collectivité (Maison Cross Roads, 2009).

1.4.4.2. La réinsertion sociale : après la libération

En 2004, Crawley a démontré que les personnes âgées sont libérées avec peu de connaissance sur la vie en collectivité. Comme l'explique Stojkovic (2007), après la libération, non seulement de nombreuses habiletés de base doivent être réapprises (cuisiner, hygiène de soi, administrer sa propre médication, administrer un petit budget, etc.), mais l’individu doit également s’adapter aux changements survenus dans la collectivité pendant son incarcération. Par exemple, certaines personnes ne connaissent plus la valeur d’un dollar, ne savent pas comment utiliser les guichets automatiques, les transports en commun ou Internet, comment se prévaloir de programmes universels, où requérir des services alors que ces connaissances de base sont nécessaires pour fonctionner de façon adaptée en société. Par ailleurs, plusieurs hommes âgés risquent de se retrouver isolés socialement après la libération; l’incarcération ayant conduit à la perte des liens d’amitié et familiaux (Crawley et Sparks, 2006; Davis, 2011 et Porporino, 1991). Les personnes âgées récemment libérées risquent donc de souffrir d’une grande pauvreté sociale, non seulement parce qu’elles

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manquent de ressources informelles, mais aussi parce que les ressources formelles publiques et communautaires sont peu nombreuses et peuvent parfois être difficilement accessibles.

1.4.5. Les limites des études

La première limite des écrits portant sur la réinsertion sociale des prisonniers vieillissants concerne l’origine des connaissances produites. La recension des écrits effectuée pour ce projet démontre que la plupart des études réalisées à ce sujet ont été conduites à l’étranger, principalement aux États-Unis et en Angleterre (Davis, 2011et Kozlov, 2008). Les conclusions présentées dans ces écrits ne devraient donc pas être inférées à la situation québécoise qui peut être différente. Pourtant, l’absence de connaissances sur la situation au Québec explique probablement que certains écrits canadiens et québécois aient tendance à faire de telles inférences (Tesseron, 2008). En l’occurrence, il est possible que certaines inférences à l’égard de cette clientèle soient inexactes et viennent biaiser les recherches canadiennes et québécoises.

La seconde limite des écrits est de nature théorique et concerne plutôt l’état des connaissances sur cette clientèle. Toutes origines confondues, la quantité des recherches menées auprès des (ex) prisonniers âgés est beaucoup moins importante comparativement à l’intérêt scientifique qu’a généré l’étude des détenus plus jeunes (Kozlov, 2008). Par ailleurs, les données canadiennes et québécoises présentement disponibles touchent surtout l’étude des mutations démographiques pénitentiaires ainsi que le profil de santé physique et mentale des détenus vieillissants pendant leur incarcération. Ceci laisse donc à découvert l’étude du processus entier de réinsertion sociale de ces prisonniers. Pourtant, nombreux sont les écrits qui mentionnent que cette clientèle a des besoins spéciaux, notamment en matière de réinsertion sociale. Du même coup, à ma connaissance, aucune étude ne définit ni ne décrit précisément la nature de ces besoins (Aday, 2003; Allen, 2003; Australian Institute of Criminology, 2007; Birmingham, 2008; Carlisle, 2006; Crawley, 2004; Crawley et Sparks, 2005; Dobson, 2004; Enquêteur correctionnel Canada, 2011a; 2011b; Evans, 2005; Grant, 1999; Kempker, 2003; Linder et Meyers, 2007; Prison Reform Trust, 2003a; 2003b; 2003c; 2004; 2006; 2008; Rikard et Rosenberg, 2007; Ruddell et Kuhlmann, 2005; Wahidin, 2005; Williams, 2007 et Yorston et Taylor, 2006). Il semble toujours demeurer une forme

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d’imprécision à l’égard de ces derniers. Il s’agit là, à mon avis, d’une lacune notable des écrits.

Par ailleurs, la même situation se produit au sujet des obstacles et des facilitateurs du processus de réinsertion sociale. À ma connaissance, aucune étude canadienne ni québécoise récente n’a étudié de façon spécifique ces obstacles et facilitateurs à la réinsertion sociale des personnes vieillissantes. Qui plus est, la question des facilitateurs semble généralement oubliée dans les écrits existants – je n’ai pu recenser aucune étude d’une quelconque origine que ce soit à ce sujet.

1.4.6. La pertinence scientifique

À la lumière de notre recension des écrits et de la mise en exergue de leurs limites, il apparait clairement que la situation de réinsertion sociale des prisonniers âgés ne semble pas avoir été étudiée ni au Canada, ni au Québec. Aucun ouvrage scientifique concernant cet objet d’étude n’a été recensé. La pertinence scientifique de notre projet repose donc sur l’écart entre les connaissances souhaitées et les connaissances développées sur ce thème. La contribution scientifique de ce mémoire pourrait donc s’avérer notable car il viendrait combler une partie du vide existant dans les écrits. Ainsi, d’une part, le mémoire pourrait contribuer à ouvrir un nouveau champ de connaissances et d’autre part, les données qu’il produira pourraient contribuer à orienter des interventions plus efficaces pour faciliter la réinsertion sociale de cette clientèle dont le nombre, selon Tesseron (2008), devrait continuer de croître.

1.4.6. La pertinence sociale

Tel qu’abordé précédemment, il est vraisemblable que le contexte sociopolitique canadien, s’il perdure assez longtemps, accentuera le vieillissement des populations pénitentiaires. Pourtant, le gouvernement au pouvoir promet de sabrer davantage dans les services publics et communautaires en matière de réinsertion sociale (SCC, 2009). Cette clientèle risque donc de requérir davantage de services dans les hôpitaux, les CSSS et CHSLD faisant en sorte que plus de travailleurs sociaux seront probablement appelés à

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intervenir auprès d’elle. En ce moment, le manque de connaissance sur les facilitateurs à la réinsertion sociale des hommes âgés nuit à la qualité des interventions des travailleurs sociaux qui doivent jauger de façon intuitive les déterminants de la réussite sur lesquels travailler. De plus, plusieurs rapports, publiés par le Bureau de l’enquêteur correctionnel à l’intention du SCC depuis 2001, mentionnent qu’en matière de réinsertion sociale des personnes vieillissantes, trop peu d’initiatives sont engagées. Le problème du vieillissement des populations carcérales est donc endémique et nécessite des interventions. Mieux connaitre les obstacles qui se posent à ces populations en matière de réinsertion sociale permettra d’engager des changements adéquats pour répondre à leurs besoins, prévenir les manquements aux conditions de libération et ainsi, favoriser le maintien en liberté. C’est donc dans l’optique de pallier, en partie, cette lacune sur le plan de l’intervention que nous estimons qu’il est socialement pertinent d’explorer la question des obstacles et facilitateurs du processus de réinsertion sociale.

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Figure

Tableau 1 : Nombre et pourcentage d’admission en détention selon le genre et le groupe  d’âge  pour les années 2001-2002 et 2010-2011
Figure 1 : Schématisation conceptuelle de l’approche théorique du PPH
Figure 2 : Périodisation du processus d’insertion sociale retenue.
Tableau 4 : Facteurs environnementaux de la nomenclature de Fougeyrollas et ses collègues  (2007) retenus pour les analyses
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