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SECTION I LA SENSIBILISATION ET LA MOBILISATION DE LA POPULATION PAR L’ART THÉÂTRAL

L’INFORMATION ET L’ÉDUCATION DE SANTÉ

Les notions d’information et d’éducation à la santé remontent à la Déclaration d’Alma-Ata de 1879333

relative aux soins de santé primaires et à la Charte d’Ottawa de 1986334 relative à la promotion de la santé qui posent les bases de l’éducation à la santé et de l’amélioration de la santé pour tous. Depuis, le monde a connu une forte régression des maladies infectieuses et surtout de la mortalité infantile. L’information de santé et l’éducation encouragent un grand nombre de personnes à mieux se nourrir et se vêtir. Par ailleurs, l’accès à l’eau potable s’est amélioré. Par conséquent, l’espérance de vie s’est allongée de jour en jour.

Les ateliers théâtre santé dans leur projet d’information et d’éducation à la santé offrent des méthodes et des moyens sur des thématiques de santé générale, sur la nutrition, sur les modes de vie beaucoup plus sains, mais aussi sur quelques maladies spécifiques tout en proposant des traitements appropriés. Ce projet s’adresse en permanence aux alcooliques, aux malades mentaux, aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, aux personnes âgées et surtout aux femmes sur la régulation des naissances. Les artistes peuvent à certains moments passer les informations sanitaires d’une manière informelle, par exemple passer des publicités, à la télévision ou dans leur représentation. Ce projet reste donc un facteur essentiel de santé. Cette démarche envisage de toucher le grand public puisqu’il est bien connu que le public le moins touché par la maladie est celui qui est plus informé et éduqué sur les bases de santé. La loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique335 a réparti sur le territoire les rôles et les compétences de chaque autorité publique et des acteurs de santé.

Le théâtre participe activement aux différentes marches de la grande politique de santé tant par sa qualité et son pouvoir de toucher en masse le grand public que par ses méthodes de détour lui permettant d’informer et d’éduquer la population aux éventuels risques sanitaires que ce soit dans le présent ou dans le futur. L’intervention de l’instrument dramatique dans la médecine pour veiller à la santé de la population constitue un facteur indispensable à l’hygiène publique, mais aussi un droit culturel pour les malades. Ces derniers ont le droit d’être éduqués comme ils ont le droit d’être informés de l’évolution de leur état de santé et de toutes interventions médicales prévues pour leurs soins. Le Code de la santé publique n’a pas évoqué la notion d’information ou d’éducation à la santé véhiculée par le professionnel du théâtre. Il a toutefois précisé dans son article L.1111.2 alinéas 1 que : « Toute personne a le

droit d’être informée sur son état de santé. […] »336. Cet alinéa n’a donné aucune précision

sur le moyen à utiliser pour informer le patient ou la population d’une manière générale. Le spécialiste du théâtre participant à l’évolution de l’état de santé du patient est tenu aussi d’informer ses participants aux ateliers théâtre et santé de toutes informations les concernant. Il doit aussi divulguer par ses représentations au grand public, par tous moyens d’information et d’éducation, des mesures et des précautions à prendre lors de la présence d’un fléau qui touche la société ou toutes dispositions médicales prévues par les centres hospitaliers ou les

333

Déclaration d’Alma-Ata de 1879, op. cit.

334 Charte d’Ottawa de 1986, op. cit.

335 Loi du 15 février 1992 relative à la protection de la santé publique, publiée le 19 février 1992, Journal Officiel de la République Française, p. 1173.

336

138 ministères concernés. Ce même article détermine la qualité de l’information à véhiculer auprès du public ou du patient faisant l’objet d’études, lors des entretiens ou des ateliers médicaux : « Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions

de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu’elle relève de soins palliatifs au sens de l’article L.1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l’une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver. »337

L’article précité dans son alinéa 2 affirme que « cette information incombe à tout

professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser. »338 Dans l’ensemble des acteurs de santé, le professionnel de théâtre est le seul qui détienne le charisme d’informer facilement le grand public et le corps médical le sollicite pour être en contact avec le public dans les lieux publics ou restreints et surtout en atelier théâtre à l’hôpital. La détermination du comédien traduite par son savoir-faire au métier d’informateur connaît des limites selon ledit article qui ordonne que « la volonté d’une

personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. »339

En absence des règles spécifiques dans le Code de la santé publique organisant l’information du comédien thérapeute, ce dernier, étant en charge du patient, est dans l’obligation de respecter ces normes et d’en faire usage à chaque fois que le besoin se présente, comme tous les professionnels médicaux.

Les informations ne se limitent pas aux données prévues par l’article L.1111-2, celles de l’article L.1142- 4 du même Code énoncent que « toute personne victime ou s’estimant

victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou, le cas échéant, son représentant légal, doit être informée par le professionnel, l’établissement de santé, les services de santé ou l’organisme concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage. »340

Ces informations ont connu des modifications à travers les lois341 relatives au traitement des données médicales. Il est donc évident que l’artiste fasse appel aux normes de la loi Kouchner342 qui met en place un droit général pour tout usager de l’hôpital d’être informé et éclairé de son état de santé, ainsi que de l’aider à prendre toutes décisions concernant ses soins. 337 Ibid. 338 Ibid. 339 Ibid. 340 Ibid. 341

Plusieurs textes ont apporté des modifications ou des évolutions à la notion des données médicales à informer. Il y a par exe mple la loi n° 94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement de données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé qui modifie la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au corps humain. Il y a aussi la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique.

342 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, Journal Officiel de la République Française, p. 4118.

139 Cette recommandation ou plutôt obligation de mettre l’artiste dramatique au même niveau sur les règles du Code de la santé a pour objectif d’aider le comédien à respecter son obligation d’information et de lui permettre de dispenser une information non seulement pertinente, mais aussi de qualité et très personnalisée.

Pour la question de l’éducation de la santé ou de l’éducation à la santé, l’artiste thérapeute exerce ses ateliers théâtre à l’hôpital avec timidité puisque le Code de la santé reste encore muet sur cette question. Mais il continue de travailler quand même dans la démarche de la politique culturelle à l’hôpital au profit des patients, des usagers et des professionnels médicaux sous une couverture conventionnelle et les jumelages.

Le Code de la santé publique, dans article L.1161-1, édicte que : « L’éducation

thérapeutique s’inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. Elle n’est pas opposable au malade et ne peut conditionner le taux de remboursement de ses actes et des médicaments afférents à sa maladie.

Les compétences nécessaires pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient sont déterminées par décret. […] »343

L’artiste adapte son implication aux principes ou aux règles prévues pour les éducateurs thérapeutiques en charge du patient par le Décret du 2 août 2010344. Les artistes dramatiques ou les Maisons de Théâtre et les différentes compagnies artistiques œuvrant à la promotion, à la prévention et/ou à l’éducation pour la santé peuvent participer à cette éducation en qualité d’association régulièrement déclarée selon les dispositions de l’article 1 dudit Décret qui dispose explicitement que : « Compétences nécessaires pour dispenser

l’éducation thérapeutique du patient. Article D. 1161-1. L’éducation thérapeutique du patient peut être dispensée par les professionnels de santé mentionnés aux livres Ier et II et aux titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du présent code. Elle peut être assurée avec le concours d'autres professionnels. Les membres des associations agréées conformément à l'article L.1114-1 et des organismes œuvrant dans le champ de la promotion de la santé, la prévention ou l’éducation pour la santé peuvent participer à l’éducation thérapeutique du patient dans le champ déterminé par les cahiers des charges mentionnés à l’article L.1161-2 et à l’article L.1161-3.

Article D.1161-2.- Pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient, les professionnels mentionnés à l’article D.1161-1 disposent des compétences suivantes :

1° compétences relationnelles ;

2° compétences pédagogiques et d’animation ;

3° compétences méthodologiques et organisationnelles ; 4° Compétences biomédicales et de soins.

Le référentiel déclinant ces compétences et les conditions nécessaires à leur acquisition sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé »345. Cet article est complété par l’article L.1114-1 et d’autres du Code de la santé publique.

343 Code de la santé publique, 30e édition, éd. Dalloz, 2016.

344 Décret n° 2010-906 du 2 août 2010 relatif aux compétences requises pour dispenser l'éducation thérapeutique du patient, Journal Officiel de la République Française, p. 14392.

345

140 L’exercice de théâtre, que ce soit à l’hôpital ou dans les lieux publics, doit être de type à inculquer au public, aux participants – ou à la population d’une manière générale – des principes sanitaires et des habitudes d’hygiène selon une ou des thématiques de santé ciblées.

La pratique du théâtre dans les services de maternité par exemple fournit une éducation hygiénique de l’enfance considérée comme le seul moyen de prophylaxie purement efficace dans l’éradication des grands fléaux. La notion de l’éducation dans la médecine se trouve sur un arbre à plusieurs branches que chacun nomme en fonction de ses besoins, mais le principe reste le même : éducation à la santé, éducations de la santé, éducation sanitaire, éducation pour la santé et enfin, éducation hygiénique. Elle est historiquement connue au XVIIIe siècle sous la notion de l’hygiène publique346.

Le dirigeant de l’atelier doit calquer son programme d’éducation thérapeutique des malades selon le cahier des charges national dont les mesures d’élaboration sont définies par un arrêté du ministre en charge de la Santé. L’article L.1161-2 du Code de la santé publique affirme que : « Les programmes d’éducation thérapeutique du patient sont conformes à un

cahier des charges national dont les modalités d’élaboration et le contenu sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Ces programmes sont mis en œuvre au niveau local, après autorisation des agences régionales de santé. Ils sont proposés au malade par le médecin prescripteur et donnent lieu à l’élaboration d’un programme personnalisé.

Ces programmes sont évalués par la Haute Autorité de santé. »347

La Charte d’Ottawa348

affirme que l’information et l’éducation à la santé développent non seulement la santé individuelle, mais aussi celle de la société. Elle demande l’implication de toutes les classes sociales et les actions de certaines institutions éducatives et bénévoles. Elle précise dans le point 4 de l’axe 2 que : « Il est crucial de permettre aux gens d’apprendre

à faire face à tous les stades de leur vie et à se préparer à affronter les traumatismes et les maladies chroniques. Ce travail doit être facilité dans le cadre scolaire, familial, professionnel et communautaire et une action doit être menée par l’intermédiaire des organismes éducatifs, professionnels, commerciaux et bénévoles et dans les institutions elles- mêmes.

La promotion de la santé appuie le développement individuel et social grâce à l’information, à l’éducation pour la santé et au perfectionnement des aptitudes indispensables à la vie. Ce faisant, elle donne aux gens davantage de possibilités de contrôle de leur propre santé et de leur environnement et les rend mieux aptes à faire des choix judicieux. »349

L’activité dramatique contribue à la coexistence de deux modes d’information : d’un côté, des informations purement médicales fournies par des spécialistes répondant aux normes de l’information publique et, de l’autre, une grande partie d’informations, à destination du grand public, véhiculées par les spécialistes de l’art théâtral destinées aux patients ou à toute personne concernée. Cette cohabitation évite la création d’une tension entre ces deux catégories de professionnels attachés à l’information et à l’éducation pour la santé. Ceci crédibilise l’information et l’éducation de l’artiste et le grand public ne s’interroge plus sur la fiabilité et/ou la validité de ces informations.

346

Jacques ARVEILLER, « De l'hygiène publique à l’éducation sanitaire, un texte de Charles Marc (1829) », Cairn-info, Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle , vol. 39, n° 1, 2006.

347 Code de la santé publique, 30e édition, éd. Dalloz, 2016. 348 Charte d’Ottawa de 1986, op. cit.

349

141 Le « Programme Culture à l’Hôpital »350 ou l’art théâtral, par l’ouverture et la liberté qu’il procure aux milieux hospitaliers ou par les nouvelles missions sociales attachées à ces établissements, a absolument changé la vision et la représentation de ces institutions. Il est donc important de savoir quelles sont les nouvelles missions de l’hôpital par le théâtre ou celles du théâtre dans la santé ? Pourquoi informer ou éduquer toute une population sur des bases de santé ou sur une thématique de santé spécifique ?

Il faut tout d’abord comprendre que le théâtre s’inscrit dans une mission de citoyenneté dans le projet artistique au sein de l’hôpital dans le but de construire une démocratie sanitaire pour tous. Il est toutefois nécessaire de préciser que l’espace de soins devient un lieu citoyen et il ne faut pas faire la différence entre ce qui relève de l’acte clinique et ce qui relève de la dimension citoyenne. Il faut cependant chercher à connaître le rapport du théâtre avec les milieux de soins ou à s’intéresser un peu plus à l’absence de rapport entre les deux, puisque le produit de ce dernier rend l’alliance de ces deux disciplines plus intéressante. Quoi qu’il en soit, la carence des règles n’empêche pas le théâtre d’avoir sa place dans la médecine par ses méthodes informatives et éducatives, d’un côté, pour aider les malades et, de l’autre, pour ouvrir un espace de liberté et de confiance entre soignant et soigné. Cette importante transformation est due à une mutation très profonde de la société et qui pousse l’hôpital à penser autrement et à jouer une autre mission que celles qui lui ont été attribuées auparavant. Nonobstant, il est nécessaire de savoir quelles sont les premières missions de l’hôpital dans ce projet culturel : les soins ou l’espace social du comédien ? Alors pourquoi le théâtre intéresse-t-il la puissance publique et privée pour s’investir dans le développement de l’information et de l’éducation au profit de l’évolution de l’état de soins des patients ?

Répondre à ces interrogations constituera le plan de ce chapitre. La politique de l’information de santé en Section I et la politique de l’éducation à la santé en Section II.