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B] L’INTERROGATION IMPORTANTE ET MAJEURE DE CETTE RECHERCHE

Avant de chercher la réelle problématique qui se pose ici, il est encore cohérent de se poser certaines questions essentielles à cette étude. La réflexion est de savoir comment les traditions de ces deux branches en sont arrivées petit à petit à la perspective de travailler ensemble, et à l’invention précoce du théâtre dans les établissements de santé ? Comment parviennent-elles à soulever un degré d’implication dans le système de santé et sa politique préventive, tout en sachant que cela n’est pas facile à réaliser ?

Dans la réalité de la vie sociale et socio-médicale, le théâtre relève peu à peu le défi et un climat d’attente est installé au milieu de ces sciences. Entre-temps, le comédien se voit dans l’obligation de profiter de cette innovation et de faire preuve de volontarisme dans la lutte des fléaux, des maladies chroniques et des maladies incurables. La médecine accueille à son tour à bras ouverts les apports de la science théâtrale.

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41 1) La problématique

Avant d’examiner la problématique de cette étude, ce paragraphe relate brièvement le contexte dans lequel va s’opérer la partie empirique de cette recherche. La médecine, d’une manière générale, est envahie par la culture, les établissements de santé sont transformés en des lieux de théâtre et des arts. Les professionnels de santé se trouvent dans l’obligation de travailler avec des artistes, des ergothérapeutes, des psychothérapeutes, des médiateurs et des éducateurs spécialisés pour l’amélioration de la politique de santé, pour l’évolution de l’état de santé du patient, mais aussi pour sa réinsertion sociale. L’influence partagée entre ces deux branches, théâtre et santé, est interrogeable bien sûr, mais cette recherche permettra par la suite de comprendre comment ces deux disciplines s’associent peu à peu dans un processus thérapeutique commun. La médecine se cherche toujours, elle est au centre de toutes les formations pour améliorer la qualité du service, pour se donner de la valeur dans cette valeur ajoutée et d’assurer aux patients la meilleure santé.

En quoi le théâtre pratiqué par le professionnel de santé ou en collaboration avec les artistes, les art-thérapeutes ou les éducateurs spécialisés est-il un moyen thérapeutique ? L’artiste peut aussi se poser la question de savoir si la pratique du théâtre thérapeutique est vraiment dans la philosophie de son métier ou dans les compétences de sa profession ? L’artiste n’a-t-il pas plus d’importance dans cette pratique que le professionnel de santé ? Quel est le lien entre le thérapeute ou le comédien thérapeute et le médecin dans le processus de soins du patient hospitalisé ou non participant aux ateliers de théâtre thérapeutiques ?

Il semblerait paradoxal d’aborder la notion de théâtre dans les établissements de santé sans parler des acteurs, des institutions concernées ou des politiques d’intégration. Il est important de savoir que, dans le cadre de cette étude, la question de la relation entre le théâtre et la santé reste importante à examiner de près puisqu’elle présente plusieurs problèmes tant professionnels qu’économiques dans chaque secteur.

L’Europe et l’Amérique sont les modèles de plusieurs pays qui appliquent la médecine expérimentale (moderne) qui évolue avec la technologie et qui nécessite beaucoup plus l’intervention et le soutien de la culture, tel que le théâtre. En revanche, l’Asie ou particulièrement la Chine pratique la médecine traditionnelle qui évolue en dehors de la technologie, un système très fréquent dans les pays africains comme le Sénégal et Madagascar, etc.

Ainsi, des questions méritent d’être posées dans le droit français pour appréhender pleinement la dimension et les enjeux majeurs du système de santé accompagné par l’art, plus particulièrement le théâtre : les établissements de soins publics qui étaient lieux de charité et d’assistance aux pauvres, puis lieux d’enfermement, sont devenus hôpitaux dès la fin du XVIIIe siècle et aujourd’hui des lieux publics de soins où, par l’intervention de l’art, ils ont évolué vers des établissements de soins médicaux et médico-sociaux. Ses nouveaux intervenants ne méritent-ils pas un statut spécial ? En quoi la pratique d’un comédien, d’un art-thérapeute et/ou d’un professionnel de santé diffère-t-elle dans l’utilisation de ce moyen de travail qu’est le théâtre ? Aux yeux de la loi et des usages, n’y aurait-il pas vraiment d’ambiguïté entre l’activité des professionnels paramédicaux – psychiatre, ergothérapeute, ou kinésithérapeute –, et celle d’un artiste thérapeute ? Quels sont la qualité et le statut de l’artiste dans le domaine thérapeutique ? Lorsque la pièce théâtrale est publiée dans une revue

42 scientifique sous forme d’un article, que deviennent les droits d’auteur ? Quelle est la loi applicable en cas de situation similaire ? Quelle responsabilité engage l’artiste dans ses ateliers auxquels participent les patients ? L’artiste a-t-il le droit de consulter le dossier médical du patient ?

Il serait opportun de s’interroger sur la notion de la propriété intellectuelle des œuvres artistiques issues d’un travail de collaboration entre différents professionnels et les patients. Chaque partie demande ou réclame la propriété de ces œuvres. Ce projet de recherche va montrer que les obstacles sont nombreux dans cette collaboration du fait notamment de l’implication des différents professionnels et des statuts juridiques de chacun. Il est indispensable de s’interroger sur ce que représente l’art produit par le « fou » (malade mental) lors d’une manifestation artistique. Quelle est sa valeur non seulement dans la constitution d’œuvre d’art, mais aussi sur le plan juridique ? En quoi son apport, en terme juridique, et sa valeur se distinguent-ils de ceux des manifestations artistiques de personnes raisonnables ? Il est certain que la pratique ou l’activité artistique présente chez les personnes valides un intérêt majeur et il va de même pour les patients ou toutes personnes en situation de handicap. Ainsi, que représente l’activité artistique pour les personnes invalides et que leur apporte-t-elle ? Quelle est la finalité des œuvres artistiques souvent radieuses, splendides et exceptionnelles qui sont réalisées par les patients dont l’esprit est envahi par le doute et dans leur espace hideux affecté par la maladie ? Est-ce que dans leurs œuvres apparaît une quelconque forme montrant la présence de leur maladie ? Malgré leurs problèmes cognitifs, les pièces qu’ils réalisent ne méritent-elles pas d’être considérées comme des œuvres véritables ? Est-ce qu’ils perçoivent des droits en tant que créateurs d’œuvres ? Sont-ils capables juridiquement de renoncer leur droit ? Tout au long de cette recherche, ces questions et d’autres exigeront des réponses et formeront un répertoire d’informations à faire partager.

La médecine française utilise beaucoup le théâtre et met en place des phases d’échange entre ces deux disciplines. Les œuvres et les objets qui résultent de cet échange constituent ensuite l’objet principal ou la source d’un conflit opposant ces différentes parties. Grâce aux réponses apportées à ces problématiques, il sera possible d’élaborer un modèle de développement d’une structure thérapeutique appropriée et encadrée par la loi, et d’imposer à l’autorité publique de la mettre en place.

2) Quels intérêts apportés par le théâtre aux patients, aux professionnels et aux usagers de l’hôpital et aux établissements de soins ?

« La culture s’adresse à l’intime ; elle interroge chacun d’entre nous quand les artistes, l’œuvre d’art nous y invitent. »119 Le théâtre à l’hôpital tisse un lien avec la science médicale et s’avère très intéressant pour l’environnement sanitaire et plus particulièrement pour la médecine, mais aussi pour l’évolution de l’état de santé du patient. Ce lien contribue aussi à l’évolution de la culture comme pour le théâtre. « Le Programme Culture à

l’Hôpital »120

permet une véritable rencontre entre deux univers qui ont tendance à exister séparément, affaiblissant ainsi des dimensions communes essentielles. « Cette volonté

interministérielle a favorisé la rencontre des milieux artistiques et médicaux, telle que le

119 Xavier COLLAL, op.cit., p. 19. 120

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partenariat réalisé entre le Théâtre des Amandiers à partir d’un jumelage avec le Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers de Nanterre. Cette structure qui comporte un hôpital général, un centre d’hébergement et d’accueil pour personnes sans abri et un pôle accueil et insertion, se distingue par son ouverture dans son action sociale en faveur de ses résidents. »121 C’est sur cet intérêt général que se focalise cette recherche qui intéresse les professionnels de ces deux disciplines ainsi que les chercheurs souhaitant avoir certaines notions sur ce lien. Les séances ou les ateliers ont l’apparence d’un cours de théâtre, mais l’ensemble des activités qui sont adaptées et structurées dans ce processus ont pour but le changement de comportements, l’amélioration de la réinsertion et/ou l’évolution thérapeutique du patient. Le théâtre s’ajoute aux soins des patients et son intérêt est de ne pas stigmatiser les malades et les enfants, en considérant bien sûr leur difficulté, mais en mettant surtout en avant leur potentiel humain.

Le théâtre est l’ultime aventure qui concerne tout le monde, ses représentations sont intéressantes du point de vue humain, médical et social puisqu’elles permettent la resocialisation du patient ou de toute autre personne souffrante. Comme il est toujours dit au théâtre, le rideau est levé entre ces deux disciplines avec l’idée bien définie de s’investir tous ensemble. Ces professionnels se lancent dans l’intérêt commun dans lequel tous peuvent être acteurs de la santé du patient et ils peuvent répondre aux besoins des usagers de l’hôpital.

Selon Antonin Artaud, la création permet à chaque personne, y compris les malades, de sortir de quelque chose qui fait mal ou qui fait souffrir comme la douleur, le stress, la colère, la haine, etc. Il illustre cette thèse par un argument très convaincant : « Nul n’a jamais

écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé que pour sortir en fait de l’enfer. »122 Au- delà du bien-être que la créativité apporte aux souffrants, cet acte créatif apporte encore davantage une satisfaction et une valorisation dans la vie du patient. Ce raisonnement peut à titre d’exemple s’appuyer sur la vie d’Antonin Artaud, puisque lui-même souffrait de schizophrénie. Il y a aussi un concept à retenir pour définir les avantages apportés par la création à travers une idée soutenue par le Foyer Hubert-Pascal : « La créativité est fille de la

souffrance. Ce qui ne veut pas dire que la souffrance est mère de toutes les créativités. »123 En partant de cette théorie, il est bien clair que ce n’est pas le fait de souffrir ni la souffrance elle- même qui rend l’individu artiste. Donald Woods Winnicott ajoute à cette idée que : « Quand

on vit créativement, on voit que tout ce que l’on fait renforce le sentiment que l’on est vivant, que l’on est soi-même. »124

Il est impensable de terminer cette partie sans souligner l’importance de l’art-thérapie chez les personnes handicapées souvent désocialisées du fait de leur état physique. Pour Joël Kerouanton, « "c’est un chemin de traverse pour aller voir du côté de sa sensibilité". Pour les

publics fragilisés, du fait d’un handicap ou d’une situation venant faire souffrance, la pratique artistique revêt un intérêt premier puisqu’elle permet de sortir de l’enfermement et de l’exclusion dont elles peuvent parfois souffrir. Pour les aider à sortir de ce carcan, il existe de multiples formes artistiques utilisables en atelier. Dans celles qui sont proposées, on peut

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Amandine BERTRAND, « Faire vivre la Culture à l’hôpital », une volonté interministérielle à l’épreuve de la réalité, conduite de projets culturels, Master 2e année, année Universitaire 2007-2008, p. 4.

122 Kenneth WHITE, « Le monde d’Antonin Artaud ou pour une culture cosmopoétique », le regard littéraire, Éditions Complexe, 1989, p. 34. 123 Foyer Hubert-Pascal, « L’art, ça nous regarde », sous la direction du foyer d’accueil et de promotion, Champ social Éditions, 22 août

2001, p. 26.

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trouver, entre autres, le dessin, la peinture, l’écriture, la photo, la vidéo, la sculpture, le plâtre, le modelage, la danse, la musique, le slam, le chant, le théâtre... Toutes ces pratiques artistiques sont autant de supports utilisables par les professionnels qui ont pour fonction de prendre en compte la souffrance des autres. »125

Il y a un intérêt capital dans ce « Programme Culture à l’Hôpital »126 qui permet de donner un sens à l’existence de certains patients ou personnes handicapées et surtout de leur donner une place prépondérante dans la société. Une place que certains d’entre eux n’auraient jamais eue, car ils sont souvent marginalisés. Ils voient en effet les portes se fermer devant eux dans de nombreux domaines, dans le monde professionnel particulièrement, et ces ateliers peuvent leur donner cette chance.

Ce programme améliore la qualité de vie des usagers, des médecins de santé publique et privée, mais aussi des centres hospitaliers autour de l’idée de travailler ensemble, en équipe et de s’intéresser aux déterminants de santé publique. La volonté politique et sociale introduisant la culture dans les structures hospitalières est généralement confrontée aux problématiques de santé publique et à ses exigences, aux choix éthiques pour faire usage des techniques modernes et à la transformation de l’établissement tout comme de l’individu.

Le théâtre en général participe à la politique de santé publique puisque certains comédiens représentent par exemple des scènes de vaccinations, qui ont certes pour but de distraire, mais aussi pour vocation d’émanciper, d’informer, d’éduquer et de communiquer à la population les bienfaits du traitement, la maîtrise de soi et aussi le suivi des soins.

Cette démarche transforme l’hôpital qui est aujourd’hui un lieu d’accueil, en un lieu de théâtre et d’enseignements médico-sociaux. Les liens qui associaient les artistes et les médecins permettent, aujourd’hui, de constater ou de faire apparaître l’absence d’une politique culturelle dans le domaine de la santé. C’est la raison pour laquelle les ministères de la Santé et de la Culture ont élaboré une convention : « Programme Culture à l’Hôpital »127. Il

y a un intérêt général dans la politique culturelle à l’hôpital, c’est la création d’une formation universitaire qui permette par la suite une ouverture d’emploi en qualité d’éducateur en matière de santé, d’art-thérapeute ou en qualité d’éducateur thérapeutique. L’approfondissement de la relation entre l’art et la médecine pousse l’Académie de Médecine et celle des Beaux-arts à s’interroger et à contribuer ainsi aux soins et à la prévention.

Le théâtre n’est pas une activité nouvelle en soi, mais c’est plutôt le nouveau procédé utilisé et ses nouveaux apports à l’hôpital qui doivent inciter le législateur, les juristes à s’interroger sur la juridiriciarisation et sur l’instrumentalisation du théâtre au sein des établissements de santé. Le système de santé est un ensemble d’institutions qui a pour objectif principal l’amélioration de la santé publique et il est caractérisé par sa spécificité, sa diversité et par la complexité de ses structures. Plusieurs secteurs coexistent au sein du système de santé, tels que le secteur libéral et le secteur public, mais leurs décisions sont sous l’influence et le contrôle de l’État et des collectivités territoriales. L’art se surajoute à cette structure et alourdit davantage le système de santé, l’hôpital cherchant à répondre aux demandes des usagers tout en gardant son efficacité et l’égalité dans l’accès aux soins. En ajoutant un volet

125 Marc VÉTILLARD, « Dossier thématique DC3, L’intérêt de la place de l’art & la culture auprès des publics fragilisés », Note présentée

en vue de l’obtention du Diplôme d’État de Moniteur Éducateur – Session juin 2010, p. 3.

126 Convention signée le 4 mai 1999, op. cit 127

45 juridique à cette alliance, cela permet d’améliorer et de corriger le statut de ces artistes, leurs responsabilités et le nouveau cadre juridique de l’hôpital.

Plan général - Pour mieux cerner cette recherche consacrée aux activités de théâtre au

sein des établissements de santé, il a été envisagé une méthode à double approche :

« Le théâtre acteur de la Politique de Santé Publique et Privée » en (Partie I), développée en deux sous-parties : « Les ateliers de santé dans le théâtre : un langage

artistique accessible à tous » en (Titre I) et « Le corps dans le théâtre médical » en (Titre II).

« Jouer au sein des établissements de santé comme au grand-théâtre » en (Partie II), structurée en deux sous-parties : « Du théâtre à l’hôpital psychiatrique et ergothérapeutique » en (Titre I) et, en (Titre II), « Le théâtre comme projet de socialisation du patient ».

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