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SECTION I LA SENSIBILISATION ET LA MOBILISATION DE LA POPULATION PAR L’ART THÉÂTRAL

B] L’ARTISTE FACE AUX EXIGENCES DE CLARTÉ

Le Théâtre des Amandiers œuvre en partenariat avec l’hôpital de Nanterre depuis quelques années, ils perfectionnent ensemble une ligne de travail qui n’impose aucun modèle que ce soit social ou culturel. Les artistes doivent proposer des ateliers neutres sans vouloir lisser les aspérités ou les difficultés rencontrées, les pratiques artistiques doivent respecter les normes et les formes bien envisagées dans le partenariat. Cependant, ils s’adressent principalement aux patients résidents, quel que soit le temps de résidence à l’hôpital, dont la vie est fragilisée par des accidents au sens large ou touchée par des traumatismes sociaux ou psychiques. Il faut donc que les propositions artistiques aient une portée générale en s’adressant à tous les malades qui le souhaitent ou qui le veulent. L’artiste doit donc distinguer les différents types de formes d’ateliers à mettre en œuvre. Il est tenu à une forme d’exigence de clarté en :

- faisant une communication scientifique qui va dans le sens du savoir médical ou de l’explication de son caractère controversé, provisoire et évolutif ;

- donnant le message institutionnel qui vise à annoncer une problématique et à l’expliquer ainsi qu’à éduquer des pratiques en cohérence avec le choix de la politique envisagée ;

213 Légifrance, article L. 1417-1, Code de la santé publique, version en vigueur au 12 septembre 2017, dernière modification le 1er septembre

84 - divulguant des messages qui ont pour but de faire connaître au public des principes d’informations factuelles. Dans une action artistique comme telle, comment le corps et l’esprit peuvent-ils s’attacher à écouter et à analyser les informations véhiculées ?

Le comédien est appelé à garder un aspect de souplesse puisque son message ne sera facilement audible que si son positionnement et sa légitimité sont clairs. En principe, l’information véhiculée par l’artiste doit être transparente et largement accessible au patient.

1) Une exigence de pédagogie imposée à l’artiste/éducateur

La santé reste toujours une thématique très compliquée et qui touche impérativement tout le monde. Il est important de ne pas lier cette complexité aux performances de l’artiste touchant la communication du grand public, mais plutôt de l’expliquer. Le comédien doit en principe faire appel à une pédagogie de la complexité et à une pédagogie du risque pour transmettre son message à son public ou dans ses ateliers à l’hôpital.

a) Une pédagogie de complexité

S’adresser au grand public en apportant des informations sensibles sur la santé publique, par exemple, demande une exigence des pédagogies dont son savoir médical, ses zones d’ombre, sa complexité et enfin son caractère évolutif en médico-social. Cette pédagogie cherche à montrer le rôle et la limite de la science sur deux bases importantes : la décision politique mise en place et la décision médicale envisagée. Les soins de santé restent actuellement au premier niveau de consommation des ressources. Se pose alors le problème du coût des traitements par rapport aux ressources des patients. Il est donc important que les soins ne les grèvent pas d’une manière exacerbée. Il est indispensable de tenir compte cet aspect dans une discussion sur l’économie de santé, car il ne concerne pas seulement la santé, mais aussi l’économie sociale. Par exemple, dans les ateliers, une thématique qui touche directement la vie privée des patients peut être abordée d’une manière claire et non dissimulée sans complexe dans la communication du grand public. Ce sujet peut aborder par exemple la greffe, la recherche d’organe, les prothèses ou/et les médicaments coûteux. Ces questions ne concernent pas seulement la médecine, mais plutôt toutes les classes sociales et cela reste donc un débat public et démocratique. En revanche, l’artiste peut demander plus d’informations à la Haute Autorité de Santé pour pouvoir faire face aux échanges et aux questionnements des participants aux ateliers de théâtre à l’hôpital. Ceci est l’un des processus envisagés par la loi du 9 août 2004 précisant en son article 2 que l’État a la charge de : « 5° L’information et l’éducation à la santé de la population et l’organisation de débats

publics sur les questions de santé et de risques sanitaires. »214 Il est de même pour toutes les questions liées à des maladies très complexes à aborder en public. Le comédien doit rechercher un juste milieu – un moyen ou une stratégie de communication qui ne blessera pas le malade ou ses proches.

214

85 b) Une pédagogie de risque

Tout d’abord, comment expliquer une pédagogie du risque que chaque individu identifie selon ses besoins ou ses angoisses ?

Est-il possible avec les soins d’envisager un moyen de mettre la liberté individuelle dans ce principe pédagogique – risque collectif ?

Il est évident que le risque n’apparaît pas toujours à l’état pur, mais dans le processus de soins, il est toujours présent ainsi que les signes de sa réalité et de sa perception. Mais c’est pendant la démarche artistique que les participants vont comprendre le décalage ou la différence entre le risque et l’inquiétude que suscite le patient. Il y a encore un élément important à ne pas oublier qui est le risque de contamination qui fait peur aux usagers de l’hôpital comme la maladie nosocomiale. Il est à la charge du professionnel de l’art de mettre en place une stratégie lui permettant de diminuer en toute confiance les accusations du malade envers la thérapie envisagée. C’est dans cette perspective que l’engagement à l’éducation de la guérison ou de la santé publique doit être envisageable.

Dans cette partie de pédagogie liée au risque, le malade doit, à travers les explications fournies par l’artiste, comprendre que le médecin n’est pas lié à un devoir de réussite, mais plutôt tenu juridiquement à un devoir de compétence appréciée par la science médicale selon une obligation de moyens posée par l’arrêt Mercier215. Le souffrant inquiet de sa maladie cherche à son tour l’accès à des soins de qualité approuvés par la médecine.

Le droit à la santé est devenu une maladie obsessionnelle de la santé. Plusieurs pièces de théâtre montrent la peur qui frappe certains patients d’entreprendre un traitement envisagé par leur médecin traitant et ils se voient frustrés par cette pratique médicale en faisant allusion à la santé qu’ils souhaitent.

Cette maladie obsessionnelle ou du risque est très fréquent dans les pays en développement et elle présente trois cas possibles : risque de mépris, risque d’entreprendre une automédication ou le risque de faire appel à la médecine traditionnelle. La plupart de ces patients n’ont pas confiance dans la médecine de leur pays et ont recours à d’autres pays qui ont une médecine expérimentale très avancée. Il faut donc un discours qui redonnera confiance au patient de faire face à cette maladie liée au risque.

2) La réglementation : un principe du droit de patient lié aux soins médicaux de qualité

La question est de savoir comment l’exercice artistique à l’hôpital peut venir en complément au processus du soin de patient. Par quel moyen cet art dramatique renforce-t-il la relation entre soignants et soignés ? Est-il possible de prendre en charge un patient sans prendre en compte sa culture ? La prise en compte de sa culture joue-t-elle un rôle dans le processus de soins artistiques ?

Cette étude fait savoir que les pratiques artistiques à l’hôpital ne peuvent jamais être en mesure de répondre aux exigences de la médecine et aux attentes du malade si ce dernier n’est pas reconnu et n’a pas les mêmes droits que dans la pratique médicale. Le praticien

215 « L’obligation de soins découlant du contrat médical et mise à la charge du médecin est une obligation de moyens ; le médecin n e pouvant s’engager à guérir, il s’engage seulement à donner des soins non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs e t conformes aux données acquises de la science », Cour de cassation, chambre civile, 20 mai 1936, arrêt Mercier.

86 artistique doit obligatoirement tenir compte de la culture de son patient pour mieux organier son approche thérapeutique. Il ne doit ni négliger ni lui imposer une culture contre la sienne. Ces normes sont bien claires dans l’article 4 de la Déclaration de Fribourg qui édicte que :

« a. toute personne a la liberté de choisir de se référer ou non à une ou plusieurs communautés culturelles, sans considération de frontières, et de modifier ce choix ;

b. nul ne peut se voir imposer la mention d’une référence ou être assimilé à une communauté culturelle contre son gré. »216

a) Existe-t-il un droit à la liberté de choix de l’artiste éducateur ?

Dans le déroulement des ateliers de théâtre, à l’hôpital ou en dehors de l’hôpital, le libre choix des patients n’est jamais demandé.

Le principe de base indispensable au patient initié dans l’article R.4127-6 du Code de la santé publique précisant que « le médecin doit respecter le droit que possède toute personne

de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit »217, montre que

tout professionnel doit respecter le choix de son patient.

Cependant, il est important de savoir s’il existe un droit, pour le patient, de choisir lui- même son artiste ou son éducateur traitant des ateliers de théâtre à l’hôpital.

Dans la profession médicale ou dans le système hospitalier, le libre choix est un droit fondamental du patient et la loi impose d’en faire usage puisqu’il contribue à la confiance du patient envers son médecin.

Par conséquent, en l’absence des textes juridiques réglementant cette nouvelle pratique, il est indispensable d’avoir recours à l’article précité pour imposer aux artistes exerçant à l’hôpital de se soumettre aux mêmes règles que les médecins. L’artiste doit se préoccuper par tout moyen de la conséquence de ses actes et des conseils qu’il donne à son patient. Ce dernier doit donc avoir un droit de libre choix de l’artiste thérapeute comme il a ce droit chez le médecin traitant. À travers cette ouverture, le choix et la confiance du patient engagent la responsabilité du professionnel artistique. Associer le libre choix et la confiance du patient constitue ensemble les piliers de la pratique artistique fidèle à la profession médicale. L’artiste étant un praticien exerçant à l’hôpital, le libre choix du patient devient chez lui une genèse réaffirmée à l’article L.1110-8 du Code de la santé publique et qui impose que : « Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et

de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile […] est un principe fondamental de la législation sanitaire. »218 Le rappel de ce principe dans le Code de la sécurité sociale et dans le Code de déontologie médicale montre que ce droit est là pour mettre en garde les consciences des médecins et leur imposer de respecter ce droit et d’assurer son application.

216 « Les droits culturels, Déclaration de Fribourg », op. cit., p. 6. 217 Code de la santé publique, 30e édition, éd. Dalloz, 2016. 218

87 b) Le patient a-t-il un droit de décision dans le processus du soin artistique le concernant ?

Dans les textes en vigueur, rien n’est précis, mais il serait mieux d’attribuer au patient un droit de décision sur l’ensemble des démarches artistiques envisagées par l’hôpital dans un texte explicite tout comme il est bien dit dans les différents textes de soins médicaux. Accorder au patient un droit de dire oui ou de dire non, de participer ou de ne pas participer, partiellement ou totalement ou/et de se désister à tout moment de l’évolution thérapeutique artistique serait un complément des principaux droits attribués au malade dans l’exercice de soins médicaux.

Cette partie liée à la décision du malade sera bien élargie dans le Chapitre II/Scène II, précisant le consentement du patient au processus de soin le concernant. Cette partie trouve un accompagnement juridique dans l’article 6 du Code de déontologie médicale ou de l’article R.4127-36 du Code de la santé publique dont la précision sera exploitée dans le chapitre précité.

PARAGRAPHE 2 - LES COMPAGNIES DE THÉÂTRE EN COLLABORATION