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PARTIE I. LA GOUVERNANCE COLLABORATIVE EN SANTÉ

Chapitre 4. La responsabilité publique comme rempart à la gouvernance

4.2 Les composantes de la responsabilité publique

4.2.4. L’imposition d’une sanction

Nombre d’auteurs qui s’attardent au concept de responsabilité publique considèrent que la sanction en constitue une composante essentielle. 467 Plusieurs d’entre eux se contentent simplement d’affirmer cette idée, mais quelques-uns sont plus explicites. Ils expliquent que si un acteur ne s’expose pas à la possibilité d’être sanctionné par un forum, sa responsabilité publique demeure abstraite, voire inexistante.468 Bovens, dont les travaux sont réputés en matière de

responsabilité publique, s’exprime ainsi: « [t]he possibility of sanctions – not the actual imposition of sanctions – makes the difference between non-commital provision of information and being held to account. »469 Coicaud, quant à lui, affirme ceci: « [t]o the extent that the idea of responsibility, as applied to those who govern, has for corollary the existence of limits for which political action must make allowance, these limits no longer have any meaning when their transgression entails no sanction. »470 Ainsi, la composante de la sanction est perçue comme essentielle à la responsabilité publique.

Fréquemment, la notion de sanction est abordée de manière conjointe avec celle de récompense, puisqu’un forum public peut aussi émettre un jugement positif à l’endroit d’un acteur.471 La composante de la sanction est donc souvent associée à l’idée que le jugement d’un forum public entraîne des « conséquences » positives

467 Voir, par exemple: Mark Bevir, supra note 25 à la page 1; Mathew Potoski et Assem Prakash,

« Accountability and Voluntary programs » dans Melvin J. Dubnick et H. George Frederickson, dir, Accountable Governance: Problems and Pomises, New York, M.E. Sharp, 2011 à la page 226; Philippe C. Schmitter, supra note 444 à la page 18; David Wright, « Exposing the chameleon: Response to « accountability and public administration » » (1996) 39:2 Administration publique du Canada à la page 227; R.L. Gagné, supra note 47 à la page 216; Peter Aucoin, « Independant foundations, public money and public accountability: Whither ministerial responsibility as democratic governance? » (2003) 46:1 Canadian Public Administration aux pages 2 et 13; Martha Minow, supra note 430 à la page 214; Guy Peters, supra note 25 aux pages 303 et 304; Baker, « Accountability, responsiveness and public sector productivity » (1980) 23: 4 Canadian Public Administration aux pages 551 et 552.

468 Lara Karam Boustany, supra note 413 à la page 31; Jean-Marc Coicaud, supra note 26 à la

page 35; A.C.L. Davies, Accountability: A Public Law Analysis of Government by Contract, Oxford, Oxford University Press, 2001 aux pages 81 à 84.

469 Mark Bovens, supra note 24 à la page 451. 470 Marc Coicaud, supra note 26 à la page 37.

471 Peter Aucoin, supra note 467 à la page 13; R.L. Gagné, supra note 47 à la page 213 et 215;

ou négatives pour un acteur; les termes « sanction » et « conséquences » sont ainsi employés de façon interchangeable par plusieurs auteurs. 472 Concrètement, les sanctions ou les récompenses auxquelles s’expose un acteur sont de nature variable. Elles peuvent notamment être politiques, économiques, administratives ou sociales, prenant la forme d’élections, de promotions ou de révocations de mandat, d’amendes ou de boni, de mesures disciplinaires, d’arrêt d’activités ou de retrait d’un financement. Leur degré de formalisme est également variable, les sanctions ou les récompenses pouvant, par exemple, découler de lois, de règles non écrites, ou encore être implicites comme dans le cas d’une image publique ternie par les médias.473

Dans le cadre de collaborations public-privé, les acteurs privés se voient-ils imposer des sanctions ou des conséquences? Sont-elles de la même nature que celles imposées aux acteurs publics? Les pressions sociales exercées à l’endroit de la Fondation Chagnon au Québec, notamment les titres de journaux accusateurs et la création d’un site Web dédié à sa surveillance474, pourraient bien être considérées comme des sanctions sociales, par exemple. En effet, on pourrait argumenter qu’il s’agit là de conséquences négatives découlant de ses agissements dans le cadre de ses partenariats avec le gouvernement du Québec. Comme pour les autres composantes de la responsabilité publique, la mise en œuvre de la composante de la sanction sera étudiée au sixième chapitre dans le contexte particulier des collaborations public-privé recensées en santé publique.

Enfin, la notion de sanction étant étroitement liée à celles de faute et de blâme, quelques auteurs insistent sur l’importance de ne pas limiter l’essence de la responsabilité publique à la punition d’un acteur pour une faute commise. Dans cette optique, un acteur qui engage sa responsabilité publique peut être appelé,

472 Mark Bovens, supra note 24 à la page 451; Baker, supra note 467 aux pages 551 et 552; Peter

Aucoin, supra note 467 à la page 20; A.C.L. Davies, supra note 468 à la page 81 et 85.

473 Thomas Schillemans et Mark Bovens, « The Challenge of Multiple Accountability: Does

Redundancy Lead to Overload? » dans Melvin J. Dubnick et H. George Frederickson, dir, supra note 467 à la page 5; Baker, supra note 467 à la page 552; Mark Bovens, supra note 24 à la page 452.

suite au jugement négatif d’un forum public, à modifier ou à ajuster ses pratiques, à tirer des leçons des erreurs qu’il a commises et ce, sans être blâmé.475 Cette réflexion est intéressante eu égard aux collaborations public-privé innovatrices. En effet, l’innovation comprenant une part d’inconnu, les acteurs oeuvrent alors dans un contexte d’essais et d’erreurs qui mène peut-être à favoriser une approche centrée sur l’apprentissage continu plutôt que sur le blâme.

La composante de la sanction, cumulée à celles de l’information, de la justification et du jugement, consacre ainsi l’existence de la responsabilité publique d’un acteur envers un forum public.