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Chapitre 1. Au coeur des réformes de l’État-providence: une

1.2 Le renouvellement de la gouvernance en santé publique: les acteurs privés

1.2.2. Les activités de l’Agence de la santé publique du Canada

Au départ, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC)125 fut mise en place en 2004 et son statut dans l’ordre gouvernemental fut reconnu en 2006 avec la Loi sur l’Agence de la santé publique du Canada126. L’Agence relève du ministre de la Santé fédéral et sa mission est de « promouvoir et protéger la santé des Canadiens au moyen du leadership, de partenariats, de l’innovation et de la prise de mesures dans le domaine de la santé publique. »127 Le contexte de sa mise sur

pied est révélateur de l’interaction qu’elle entretient avec les acteurs non gouvernementaux dans le cours de son mandat.

Dans les mois qui suivirent la crise du SRAS en 2003, le Comité consultatif national sur le SRAS et la santé publique, ainsi que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, ont mentionné la nécessité d’établir un point central de santé publique au Canada. Ce point central devait, selon eux, harmoniser la prestation des services de santé publique et faciliter la collaboration entre les ordres du gouvernement et les professionnels

125 Agence de la santé publique du Canada, Contexte, supra note 3. 126 Loi sur l’Agence de la santé publique du Canada, LC 2006, c. 5. 127 Agence de la santé publique du Canada, À propos, supra note 113.

de la protection et de la promotion de la santé.128 C’est dans cet esprit favorable au travail d’équipe que l’ASPC a vu le jour. Elle œuvre désormais à ce qui suit:

Étant donné que la santé publique est une responsabilité partagée, l’ASPC travaille en étroite collaboration avec toutes les administrations (provinces, territoires et municipalités) afin de tirer parti des compétences et des points forts des autres. Elle collabore aussi étroitement avec des organisations non gouvernementales, y compris la société civile et le milieu des affaires, ainsi qu’avec d’autres pays et organismes internationaux, comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en vue d’échanger des connaissances, de l’expertise et des expériences.129

L’idée d’un travail d’équipe, notamment avec des acteurs privés, est réitérée à plusieurs reprises dans le plan stratégique 2007-2012 de l’Agence130, ainsi que dans ses divers rapports ministériels sur le rendement131. Bien qu’elle sollicite la participation des acteurs non gouvernementaux à la réalisation de son mandat, l’ASPC explicite rarement la nature de la relation de pouvoir qu’elle entretient avec ceux-ci. Dans son plan stratégique 2007-2012, l’Agence fait toutefois état d’une nouvelle philosophie qu’elle préconise à l’égard des « intervenants » avec qui elle agit:

128 Parlement du Canada, Tiedemann Marlisa, Service d’information et de recherche

parlementaire, Division du droit et du gouvernement, Projet de loi C-5: Loi sur l'agence de la

santé publique du Canada (LS-523F), Résumé législatif, (26 avril 2006) à la page 5, en

ligne (hiver 2013): Parlement du Canada

<www.parl.gc.ca/Content/LOP/LegislativeSummaries/39/1/c5-f.pdf> [Projet de loi C-5].

129 Agence de la santé publique du Canada, Contexte, supra note 3.

130 Agence de la santé publique du Canada, Plan stratégique de l’Agence de la santé publique du Canada 2007-2012, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2007 aux pages 5, 11, 15 et 25 [Plan

stratégique 2007-2012 ASPC].

131 Agence de la santé publique du Canada, Rapport ministériel sur le rendement 2009-2010,

Ottawa, Gouvernement du Canada, 2010, aux pages 3, 10 et 19 [Rapport ministériel 2009-2010 ASPC]; Agence de la santé publique du Canada, Rapport ministériel sur le rendement 2008-2009, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2009 aux pages 5, 8, 14 et 15 [Rapport ministériel 2008-2009 ASPC]; Rapport ministériel 2007-2008 ASPC, supra note 33 aux pages III, IV, 5, 17 et 19; Agence de la santé publique du Canada, Rapport ministériel sur le rendement 2006-2007, Ottawa, Gouvernement du Canada, 2007 aux pages 5, 9, 13, 19, 47 et 48 [Rapport ministériel 2006-2007 ASPC].

[d]’une position de consultation et de contrôle ultime, elle [l’Agence de la santé publique] passera à une approche plus inclusive et plus globale visant la participation des intervenants à titre de partenaires à part entière pour la production de résultats. Nous examinerons également de nouvelles approches en matière de partenariats, comme celle qu’utilise la société Partenariat canadien contre le cancer.132

Les termes « intervenants » et « partenaires » ne sont pas définis dans le plan stratégique, mais le diagramme présentant la philosophie de l’ASPC montre que les organismes non gouvernementaux figurent dans la liste des acteurs concernés. Le plan stratégique distingue entre autres les intervenants des acteurs gouvernementaux, ce qui suppose qu’ils font référence à des acteurs non gouvernementaux. Si les intervenants sont quelques fois différenciés des partenaires et des organisations non gouvernementales, il est souvent fait référence aux partenariats établis avec des intervenants. Par conséquent, il y a lieu de croire que l’approche plus inclusive de l’Agence peut viser les acteurs non gouvernementaux, d’autant plus que, dans la version anglaise du plan stratégique, le terme « stakeholders » est employé pour traduire celui d’« intervenants ».133 Enfin, il appert que la philosophie préconisée par l’Agence s’élève au-delà de la consultation d’acteurs privés. Elle suggère que les partenaires contribuent pleinement à la production de résultats134, ce qui s’apparente à l’idée d’un travail ou d’une action collective et, tel que nous le verrons dans le prochain chapitre135, tend vers une relation de collaboration.

Notons que le partage constitutionnel des compétences en santé au Canada limite les pouvoirs de l’Agence. En effet, ce sont les provinces qui se chargent d’offrir les services de santé à la population, incluant ceux de santé publique.136 L’Agence

132 Plan stratégique 2007-2012 ASPC, supra note 130 à la page 17.

133 Public Health Agency of Canada, Strategic Plan 2007-2012, Ottawa, Government of Canada,

2007 à la page 15, en ligne (hiver 2013): Public Health Agency of Canada

<http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/2007/sp-ps/pdfs/PHAC_StratPlan_E_WEB.pdf>.

134 Plan stratégique 2007-2012 ASPC, supra note 130. 135 Voir la section 2.1.2 de la présente étude.

exploite donc surtout son pouvoir de dépenser, ce qui expliquerait qu’elle a recours majoritairement à des stratégies de financement pour réaliser son mandat. Ces stratégies peuvent inclure celles de s’associer au secteur privé pour financer des actions de santé publique, ou encore de soutenir financièrement les acteurs privés oeuvrant en santé publique.137 L’Agence a d’ailleurs mis sur pied de nombreux programmes de financement et cela pourrait constituer une façon, pour elle, de collaborer avec les acteurs privés:

Dans le cadre de ses activités de programme, l’ASPC utilise des subventions et des contributions pour financer des organismes communautaires et bénévoles à but non lucratif en vue de soutenir les politiques et les priorités du gouvernement. L’ASPC compte actuellement 25 programmes de subventions et de contributions qui permettent de financer environ 1 200 projets au pays et qui représentent près de 33 % de son budget annuel.138

Toutefois, les acteurs non gouvernementaux ont parfois l’impression que l’Agence ne les perçoit pas réellement comme des « partenaires », contrairement à ce que laissent croire les ententes de financement qu’ils ont conclues avec elle.139

Par ailleurs, l’ASPC encourage l’action intersectorielle comme stratégie pour remplir son mandat et suggère notamment que les frontières entre les secteurs public et privé doivent être transcendées.140 L’action intersectorielle repose sur l’idée qu’« un lien noué » entre des secteurs permet de résoudre plus efficacement un problème de santé publique.141 L’Agence mentionne, à ce propos, que: « [l]es

intervenants et les organismes non gouvernementaux (ONG) jouent un rôle fondamental dans le cadre de l’action intersectorielle ».142 Parmi les intervenants,

il est fait référence notamment aux organismes privés comme les fondations

137 Renouvellement de la santé publique, supra note 1 aux pages 51 et 171.

138 Agence de la santé publique du Canada, Mandat, en ligne (hiver 2013): ASPC

<http://www.phac-aspc.gc.ca/about_apropos/what-fra.php>.

139 Voir par exemple: Peter Tsasis, supra note 10. 140 Au croisement des secteurs, supra note 4 à la page 3. 141 Ibid.

philanthropiques et les compagnies pharmaceutiques.143 Bien que les intervenants soient ici distincts des « organismes non gouvernementaux », ces deux catégories permettent l’inclusion d’acteurs non gouvernementaux en leur sens.

Il y a lieu de mentionner que la Loi sur l’Agence de la santé publique du Canada144 ne contient pas de disposition ayant trait à la collaboration de l’Agence avec des acteurs non gouvernementaux. Par contre, le préambule de la loi évoque cette idée, en stipulant que le gouvernement fédéral entend « encourager la coopération dans ce domaine [santé publique] avec les gouvernements étrangers et les organisations internationales et les autres organismes et personnes intéressés »145. L’exemple de la collaboration entre l’Agence et la Fondation

Gates, une organisation privée américaine, sera d’ailleurs présenté ultérieurement.146

Enfin, on constate l’emploi fréquent des termes et des expressions « collaboration », « partenariat » et « avec le concours de », lorsqu’il est fait référence aux acteurs privés dans les documents de l’Agence. Ainsi, les nombreux indices exposés précédemment permettent de conclure que l’ASPC préconise la participation accrue des acteurs privés aux processus de gouvernance en santé publique, témoignant d’une volonté d’opérer une gouvernance partagée. Au niveau provincial, une telle volonté est également présente.