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III. Apprendre davantage

4. L’importance de Mościcki

Ces activités furent liées à l’arrivée un an après leur début de l’un des plus éminents représentants de la communauté polonaise en Suisse en la personne d'Ignacy Mościcki. Ce dernier arriva à Fribourg en 1897 pour occuper le poste d’assistant à l’Institut de Physique. Mościcki avait déjà accompli ses études en chimie à l’Université de Riga, mais il avait interrompu son travail scientifique au profit de son engagement dans l’activité politique et la conspiration visant à regagner l'indépendance du pays. Conséquence de ces actions, Mościcki avait été obligé de chercher un abri à Londres.

36 Giovannini, Edgardo, op. cit., p. 787. 37

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Après quelques années passées en Angleterre et sans grands espoirs quant à son avenir scientifique, il commença à travailler à l’Université fribourgeoise.38

Il fit montre durant sa carrière de ce caractère synthétique propre aux sciences et d'un grand savoir humain en général. Parti de la chimie pour devenir assistant dans un institut de physique, il finit par construire des condensateurs à haute tension en travaillant sur la fabrication de l’acide nitrique.

La situation économique dans le monde obligeait justement différents chercheurs et scientifiques à orienter leurs recherches pour trouver des solutions aux problèmes que rencontraient alors l'industrie et l'agroalimentaire. À la fin du XIXème siècle, il devint évident que les gisements de salpêtre au Chili étaient presque épuisés. Ce produit, appelé aussi nitrate de potassium, était utilisé dans la production de l’engrain artificiel. L’intensification de la production agricole dans le monde et le manque d’engrains naturels faisaient du salpêtre un produit recherché et nécessaire. Sa valeur était d'autant plus grande que le salpêtre faisait également partie des éléments utilisés dans la production d'explosifs, notamment de la nitroglycérine.39

La question de la production de l’azote naquit de ce manque de salpêtre. Plusieurs scientifiques étudièrent sa possible utilisation dans différents domaines de l'industrie. Extraire l’azote de l’air était une méthode de production envisagée. La tâche semblait facile : l’azote constituant la plus grande composante de l’air, sa quantité était ainsi inépuisable et son prix insignifiant. L'extraction posa toutefois une multitude de problèmes d'ordre technique, le principal étant de parvenir à synthétiser l’azote avec l’oxygène afin d'obtenir le monoxyde d’azote nécessaire à la production de l’acide nitrique. Ces problèmes théoriques de chimie ne purent être résolus que grâce à la collaboration entre les sciences physiques et électrotechniques.

Mościcki consacra ses premières années à Fribourg à l’élargissement de ses bases mathématiques et physiques, ainsi qu’à la préparation des laboratoires. Ce n’est que pendant son temps libre qu’il étudiait la question de la synthèse de l’azote.40

Sur la base des recherches de William Crookes qui créa le dioxyde d’azote grâce à l’arc

38 Conseil de l’État du Canton de Fribourg, La nomination au poste de second assistant du laboratoire

physique à la Faculté de l’Université pour la période de 4 ans, avec un traitement annuel de 1200 frs, Fribourg, 13.11.1900, AEF, dossier personnel: Mościcki Ignace.

39 Schmidt Hans, Rudolf, « Hans Blumer-Ris », in : Schweizer Pioniere der Wirtschaft und Technik, Vol.

28, Zürich 1975, pp. 61-110.

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électrique et qui obtint de l’acide nitrique par la synthèse avec l’eau, Mościcki élabora sa propre méthode. La réaction de l’azote et de l’oxygène obtenue dans un four électrique spécialement conçu à cet effet lui permit d'arriver à la synthèse de l’acide nitrique. Néanmoins, une méthode semblable, mais moins coûteuse et plus efficace, était déjà employée par d’autres scientifiques comme le Norvégien Kristian Birkeland, inventeur de la méthode Birkeland-Eyde. Mościcki perdit donc cette première étape de la bataille pour l’extraction de l’azote de l’air. Ce n’est que quelques années plus tard, après d'autres recherches, que sa méthode améliorée permit d'obtenir une concentration des oxydes d’azote sortant du four 2,5 fois plus importante que celle du professeur norvégien.41

Ces recherches dans le domaine de la chimie débouchèrent sur d’autres inventions d’un autre genre, pas moins importantes, dans le domaine de l’électrotechnique. En travaillant sur l’oxydation de l’azote, Mościcki eut besoin de condensateurs capables de supporter des tensions élevées allant jusqu’à 50 mille volts. Le seul fournisseur de condensateurs à haute tension, une usine tessinoise, ne disposait pas d’outils aussi puissants. Son besoin obligea Mościcki à relever lui-même le défi. Après avoir testé plusieurs modèles durant souvent plusieurs jours et plusieurs nuits, il parvint à réaliser les condensateurs dont il avait besoin. Le nombre des thèses de doctorats soutenues à cette époque basées sur les travaux de Mościcki démontre d'ailleurs l’importance qu'eurent ses recherches. Konrad Kasperowicz développa le sujet des diélectriques, Roman Wybranowski analysa la charge des condensateurs, Bruno Zdanowski décrivit la méthode de mesures de résistances liquides.42 Et le doctorat de Jan Modzelewski puisa lui aussi dans cette problématique.43

L’avancement des travaux sur la production de l’acide nitrique à l'aide de la nouvelle méthode constitua une bonne base financière, assurée par les premières rentes issues des brevets. Cela permit à Mościcki d’abandonner son poste d’assistant à l’Université. Alors qu'il n'était plus officiellement rattaché à l’Université, Mościcki put

41 Ibidem, p. 88.

42 Il s’agit des thèses : Kasperowicz, Konrad, Studien über die Festigkeit von Dielektrika, Freiburg, St.-

Paulus Druckerei, 1904, 49 p. Wybranowski, Roman, Étude sur la charge des condensateurs, Fribourg, Imprimerie de Saint-Paul, 1904, 69 p. Zdanowski, Bruno, Nouvelle méthode pour la mesure des

résistances liquides, Fribourg, Imprimerie Saint-Paul, 1904, 70 p.

43 Modzelewski, Jan, « Wspomnienia z pobytu Pana Prezydenta Ignacego Mościckiego we Fryburgu

Szwajcarskim w latach 1900 do 1913 », in : Przegląd elektrotechniczny. Zeszyt poświęcony 30-leciu

pracy naukowej Prezydenta Rzeczypospolitej Polskiej prof. dr. Ignacego Mościckiego, Rok XVI, zeszyt

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toutefois continuer à utiliser trois salles et tous les instruments de laboratoires, grâce à une décision de Georges Python.44