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L’immigration albanaise d’ex-Yougoslavie en Suisse

4. Le contexte suisse

4.2. Vagues migratoires et descendants d’immigrés en Suisse

4.2.2. L’immigration albanaise d’ex-Yougoslavie en Suisse

L’immigration albanophone d’ex-Yougoslavie111 et plus spécifiquement du Kosovo, de Macédoine et du sud de la Serbie en Suisse est souvent considérée comme un phénomène relativement récent dans l’histoire migratoire suisse et comme le résultat des guerres qui ont secoué les Balkans dès 1991. Or, comme le montrent Leuenberger et Maillard (1999), la Suisse découvre ses hôtes albanais comme s’il s’agissait de nouveaux venus, de requérants d’asile et de réfugiés, alors qu’une part importante d’entre eux est arrivée dès 1965. L’histoire migratoire des Albanais

111 Nous utilisons les termes d’immigrés « albanophone d’ex-Yougoslavie » ou « albanais d’ex-Yougoslavie » afin de les différencier des Albanais ou albanophones d’Albanie. Nous les distinguons également des immigrés non-albanophones d’ex-Yougoslavie.

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Yougoslavie en Suisse se compose donc de plusieurs temps distincts qui mènent vers des expériences de vie diverses en Suisse. Les parents des interviewés dans ce travail ne dérogent pas à la règle. Une partie d’entre eux a immigré en Suisse dans le but de travailler (comme saisonnier ou sans papier dans un premier temps) ou dans le but de rejoindre un conjoint déjà installé en Suisse. Alors que l’autre partie d’entre eux a fui la persécution, la guerre et les conditions de vie qui en découlent (quelques fois plusieurs de ces configurations se recoupent). Il nous semble donc important de décrire les différentes expériences migratoires des parents, et quelques fois des enfants, expériences qui sont transmisses et qui influencent la vie en Suisse et les relations familiales.

Les Albanais d’ex-Yougoslavie, principalement des hommes seuls, ont dans un premier temps immigré vers la Suisse dès 1965 afin d’y travailler comme saisonnier dans les secteurs de la construction, de l’hôtellerie restauration et de l’agriculture. Le statut de saisonnier (permis A) consiste en une politique de rotation de la main d’œuvre. Le saisonnier, l’ « immigré temporaire », travaille neuf mois, soit une saison, en Suisse au sein d’une entreprise et y occupe souvent un poste « ingrat » (Leuenberger & Maillard, 1999), et cela sans pouvoir y amener le conjoint et les enfants. De plus, les prestations sociales sont réduites et les travailleurs saisonniers ne pouvaient ni changer d’employeur, ni de lieu de domicile. Après avoir travaillé pendant neuf mois, il doit retourner pendant trois mois au pays d’origine sans avoir de garantie de pouvoir revenir l’année suivante. Le statut de saisonnier peut être renouvelé tant que l’immigré trouve un contrat de travail de saisonnier (d’où l’importance fondamentale de bien se comporter, d’être discret et docile afin que le patron renouvelle le contrat) et après quatre saisons consécutives, le permis de saisonnier peut être transformé en permis B112. À partir du milieu des années 1960, les sources traditionnelles de main d’œuvre peu qualifiée se diversifient progressivement (soit de l’Italie et l’Espagne vers la Yougoslavie). Certaines entreprises suisses vont recruter sur place au Kosovo et en Macédoine, ce qui fait qu’il peut y avoir une concentration d’immigrés albanophones du même village ou de la même région au sein d’une agglomération suisse. De plus, à cette époque, les Yougoslaves n’ont pas besoin de visa afin d’entrer en Suisse. Ils peuvent y vivre jusqu’à trois mois en tant que touristes ce qui leur permet souvent, avec l’aide de membres de la famille ou de connaissances, de trouver du travail sur place, et donc d’obtenir un permis de saisonnier, ou de travailler illégalement. « Ils travaillent dur et se font peu remarquer.

Les liens familiaux ou claniques qui les relient souvent jouent un rôle important dans le contrôle social : tout nouvel arrivé est soumis à une forte pression afin qu’il se comporte et travaille correctement.

Ainsi, chaque fois qu’un saisonnier finit par obtenir un permis B annuel, le permis A libéré sert à faire engager et régulariser un clandestin de la même famille ou du même district. » (Leuenberger &

Maillard, 1999, p. 22). Ainsi, dans un premier temps, l’immigration albanaise en Suisse est majoritairement composée d’hommes, travailleurs et discrets, et donc souvent appréciés des patrons, qui s’entassent dans des appartements dans le but d’économiser et d’améliorer les conditions de vie de la famille restée dans le pays d’origine. « Les conditions de travail et de séjour sont dures. Certains saisonniers travaillent sept jours sur sept pour moins de mille francs par mois. Les nouveaux arrivés sont parqués par leurs employeurs dans des baraquements rudimentaires de saisonniers. Ou bien ils s’entassent à dix ou quinze dans un appartement. De cette manière, ils ne payent guère plus de cent ou cent cinquante francs pour leur logement et économisent sur la nourriture en cuisinant pour plusieurs. » (Leuenberger & Maillard, 1999, p. 40). En 1970, près de 25'000 ressortissants de

112 Le permis B est une autorisation de séjour annuelle (pour les extra-européens) liée à un contrat de travail, ce qui veut dire qu’il peut ne pas être renouvelé en cas d’inactivité. Ce permis peut également être attribué à un membre de la famille dans le cas d’un regroupement familial. (« Secrétariat d’Etat aux migrations », 2019)

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nationalité yougoslave disposant d’un permis d’établissement sont recensés et ils sont près de 45'000 en 1980 (voir Figure 5)113.

Le deuxième temps de l’immigration albanaise en Suisse est marqué par de profondes transformations dès 1991. Alors qu’auparavant il y avait la possibilité d’obtenir des permis de saisonniers directement au pays d’origine ou de venir en tant que touriste (sans visa) afin de décrocher un contrat de travail et un permis A (ou de travailler sans permis), les ressortissants de l’ex-Yougoslavie se retrouvent soudainement interdits d’accès au territoire suisse. Cette année, la Suisse adopte la politique migratoire dite « des trois cercles » (Piguet, 2004, p. 59). Le premier cercle est composé des pays de l’Union européenne et de l’AELE dont les ressortissants bénéficient de la libre circulation. Le deuxième cercle serait composé des pays où il serait possible de recruter de la main d’œuvre (Canada, États-Unis et divers pays de l’Europe de l’Est). Finalement, le troisième cercle engloberait les autres pays du monde, et donc les pays de l’ex-Yougoslavie, dont les ressortissants ne sont en principe pas admis sauf dans de rares exceptions. Les ressortissants du troisième cercle ne peuvent d’ailleurs plus faire une demande de permis B après avoir travaillé quatre saisons de suite avec un permis A (Piguet, 2004). L’argument avancé pour expliquer la relégation des pays des Balkans est néanmoins contestable. Selon la Confédération, c’est en effet la mauvaise situation au niveau des droits de l’homme qui ne permet plus une migration économique. C’est probablement une volonté d’empêcher les demandes d’asile des membres de la famille de saisonniers qui n’ont le droit de demander un regroupement familial (Piguet, 2004). À partir du début des années 1990, les ressortissants des pays de l’ex-Yougoslavie ne peuvent donc plus bénéficier des permis de saisonnier et doivent demander un visa d’entrée sur le territoire suisse ce qui aurait dû limiter grandement l’augmentation des ressortissants de ces pays.114 Les possibilités d’immigrer en Suisse légalement se limitent donc au regroupement familial ou à l’asile. Cependant, le nombre de ressortissants de l’ex-Yougoslavie résidant permanent double entre 1990 et 1995, et augmente encore jusqu’au début des années 2000 (voir Figure 5). Cette augmentation s’explique premièrement par l’apparition relativement soudaine des regroupements familiaux en Suisse. Les saisonniers qui ont pu bénéficier d’un permis B font venir leur femme et enfants. L’augmentation des demandes de regroupements familiaux s’explique par une dégradation des conditions de vie dans les Balkans en proie à la guerre, au chômage, à l’instabilité économique et politique et où les albanophones sont de plus en plus persécutés. En 1989, Belgrade supprime l’autonomie provinciale du Kosovo (Piguet, 2004) et en 1998 la guerre éclate au Kosovo. Les évènements dans les Balkans ont sans nul doute transformé les projets migratoires et ont créé ou dans quelques cas renforcé la volonté d’installation à moyen et long terme des anciens saisonniers et de leur famille. À partir de là, les configurations familiales changent. Les travailleurs qui vivaient à plusieurs dans des appartements modestes s’organisent à présent en foyers familiaux, quelques fois élargis aux grands parents et à d’autres membres de la famille. Les enfants nés au pays ou en Suisse fréquentent les écoles publiques et « les Suisses découvrent brusquement que parmi les dizaines de milliers d’immigrés d’ex-Yougoslavie se trouvent des Serbes, des Croates, des Bosniaques, mais surtout une bonne moitié d’Albanais de langue et de culture » (Leuenberger & Maillard, 1999, p. 12). La parité entre hommes et femmes est quasiment atteinte.

113 Ces chiffres ne comprennent pas le nombre de permis saisonniers et les requérants d’asile considérés comme une population non permanente. Pour les personnes dans le processus d’asile, voir la Figure 6 à la page 95.

114 Les étrangers titulaires d’un permis d’établissement (B ou C) pouvaient rester en Suisse. Les saisonniers déjà engagés avant 1991 pouvaient renouveler leurs permis A (tant qu’ils obtenaient un contrat de travail) puis demander le permis B après quatre saisons (Sharani et al., 2010).

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Figure 5 : Population résidante permanente étrangère d’ex-Yougoslavie (en milliers) et part de la population étrangère (en %), à la fin de l’année.

Sources : OFS : Recensement fédéral de la population (1960-1970), PETRA (1980-2009) Stocks au 31.12, STATPOP (dès 2010) Stocks au 31.12. Sans le domaine de l’asile entre 1960 et 1990.

Parallèlement à l’augmentation des regroupements familiaux, on observe également une augmentation importante des demandes d’asile étant donné la situation politique critique dans les pays d’ex-Yougoslavie et l’impossibilité d’immigrer en Suisse dans le but d’y travailler. Les demandes d’asile augmentent peu à peu dès les années 1980 pour atteindre un pic en 1998-1999 soit pendant la guerre au Kosovo. À ce moment-là, près de 60’000 personnes venues d’ex-Yougoslavie sont dans le processus d’asile (voir Figure 6). À la fin des années 1990, deux tiers des demandes d’asile en Suisse proviennent de ressortissants des pays de l’ex-Yougoslavie, principalement des Kosovars ou des Albanais vivant au Kosovo, au Monténégro ou dans le sud de la Serbie actuelle. Un nombre important de ressortissants d’ex-Yougoslavie demande l’asile en Suisse car ils y ont déjà de la famille. Cependant, beaucoup ne peuvent s’installer avec eux, en tout cas dans un premier temps, et doivent subsister dans des logements collectifs avec l’interdiction de travailler. « Soumise à un afflux sans précédent, la Suisse est contrainte d’avoir recours à des mesures d’urgence. De nombreux demandeurs d’asile sont ainsi logés dans des conditions particulièrement précaires, par exemple dans des abris souterrains de protection civile. Des mesures sont aussi prises pour éviter d’avoir à traiter un nombre extraordinairement élevé de requêtes individuelles. Un statut intermédiaire de « personne admise provisoirement » est ainsi octroyé à de nombreux Kosovars sans procédures d’asile. Cette mesure garantit aux fugitifs qu’ils ne seront pas refoulés vers leur région d’origine mais leur interdit en même temps l’accès au statut de réfugié proprement dit tel qu’il est prévu par la Convention de l’ONU de 1951. L’admission provisoire sera levée après l’intervention internationale au Kosovo et débouchera sur le retour, plus ou moins forcé, de dizaines de milliers de réfugiés. » (Piguet, 2004, p. 83).

0%

5%

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30%

0 50 100 150 200 250 300 350 400

1960 1970 1980 1990 1995 2000 2005 2010 2014

Ex-Yougoslavie Part de la population étrangère

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Figure 6 : Personnes d’ex-Yougoslavie dans le processus d’asile de 1995 à 2010.

Source : PETRA. Stocks au 31.12.

Paradoxalement, en l’an 2000, alors que la société suisse focalise son attention sur les réfugiés et les requérants d’asile venus d’ex-Yougoslavie, la grande majorité des Albanais vivant en Suisse bénéficie d’une autorisation d’établissement (permis C) ou d’une autorisation de séjour annuelle renouvelable (permis B) et est installée en Suisse depuis des années. Cette majorité de la communauté, invisible jusqu’à lors, souffre de la mauvaise image apposée à l’arrivée massive de réfugiés et subit les conséquences des actes d’une minorité de petits délinquants dont les actions sont largement mises en avant dans les médias et les journaux populaires. « (…) Ce ne sont pas seulement les réfugiés kosovars qui sont mal vus par une grande partie de la population - ce sont tous les Albanais qui sont considérés avec méfiance, soupçonnés d’être en bonne partie des criminels, violents, bruyants, ou pour le moins des « faux réfugiés » qui abusent de l’hospitalité suisse » (Leuenberger & Maillard, 1999, p. 11). Une connotation négative et péjorative est rapidement apposée à l’ensemble de la communauté albanaise et kosovare à travers certaines dénominations tels que « Kos », « Kossi », « Youyou » ou par des parallèles incessants avec des mots tels que « trafiquants », « délinquants », « asociaux », « problèmes d’intégration », etc. Leuenberger et Maillard (1999, p. 72) parlent à ce propos du « désastre de l’image » apposée aux Albanais en Suisse, « désastre de l’image » qui se transforme en discriminations sur le marché de l’apprentissage (Imdorf, 2007b, 2017) et sur le marché de l’emploi (Fibbi et al., 2003;

Zschirnt & Fibbi, 2019). L’équation « Albanais/Kosovar = réfugié = problème » est si forte qu’elle impacte très probablement l’orientation des enfants et des jeunes au sein de l’éducation spécialisée.

Preuve en est, en 1999, le CDIP émet une recommandation qui précise et distingue deux cas de figure.

Dans le cas d’enfants réfugiés kosovars dont l’ « accueil » est considéré comme temporaire115 et la situation comme « extraordinaire », probablement de par le nombre élevé d’enfants, le CDIP avance qu’ « il n’apparait pas judicieux d’intégrer rapidement les enfants et adolescents réfugiés du Kosovo

115 Le CDIP considère l’accueil comme temporaire alors, qu’au sein du même document, il affirme qu’ « à l'heure actuelle, il n'est pas possible d'évaluer de manière précise (…) la durée de leur séjour en Suisse et le moment de leur retour dans leur pays d'origine » (CDIP, 1999, p. 2) ce qui démontre bien la volonté de l’État de ne pas mettre en place les instruments d’intégration de ressortissants du « troisième cercle » (Leuenberger & Maillard, 1999).

0 10,000 20,000 30,000 40,000 50,000 60,000

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2005 2010

Ex-Yougoslavie Dont Serbie/Kosovo/Monténégro

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dans notre système éducatif » (CDIP, 1999, p. 1) 116 ce qui va à l’encontre de la ratification par la Suisse en 1997 de la convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant. Dans les autres cas, c'est-à-dire les enfants d’immigrés de longue date et au bénéfice d’un statut de résident permanent, le CDIP rappelle le fait que ces derniers ne doivent pas être intégrés dans des structures d’accueil, ce qui laisse penser que cela peut-être le cas. « Il convient de signaler que, en plus des enfants et adolescents susmentionnés, de nombreux enfants et adolescents de l'ex-Yougoslavie sont arrivés il y a déjà longtemps dans notre pays. Ceux-ci sont titulaires d'un permis de séjour B et ne doivent donc pas être intégrés dans les structures d'accueil mises en place pour les réfugiés. » (CDIP, 1999, p. 2).

Pendant la crise humanitaire au Kosovo, un nombre limité seulement des requérants d’asile a obtenu le statut de réfugié ou une admission provisoire (voir Figure 7 sous la catégorie « Autres statuts »117). Entre 1999 et 2007, la part des réfugiés (permis N ou F) parmi les ressortissants du Kosovo, de Serbie et du Monténégro est passée de plus de 20% à seulement environ 5% (la part des permis C a grandement augmenté entre ces deux année) (Sharani et al., 2010). Nous ne disposons malheureusement pas de données plus détaillées au niveau national, qui couvrent une plus longue période et qui permettent d’identifier les Albanais/albanophones d’ex-Yougoslavie. Nous ne pouvons donc pas aller plus en détail, par exemple dans l’étude du taux de reconnaissance de l’asile selon l’origine nationale ou dans l’étude de l’évolution des types de statut au sein de cette population.

Figure 7 : Étrangers selon la nationalité, le type d'autorisation de séjour et le sexe en 2000.

H=Hommes, F=Femmes. Source : Recensement fédéral de la population 2000.

116 « L'objectif primordial de la politique de la Confédération et des cantons consiste à préparer les réfugiés à rentrer rapidement dans leur pays d'origine en s'assurant que leur sécurité est garantie, et de prendre les mesures correspondantes. En ce qui concerne le domaine de l'éducation, cela signifie que les recommandations de la CDIP des 24 et 25 octobre 1991 relatives à la scolarisation des enfants de langue étrangère qui s'appliquent à des situations "ordinaires", ne peuvent être prises que partiellement en compte pour maîtriser une situation

"extraordinaire". En règle générale, il n'apparaît donc pas judicieux d'intégrer rapidement les enfants et adolescents réfugiés du Kosovo dans notre système éducatif. » (CDIP, 1999, p. 1)

117 Notons que cette catégorie « Autres statuts » est également composée par une part négligeable de travailleurs internationaux (et leurs membres de la famille) et de travailleurs saisonniers.

0 10000 20000 30000 40000 50000 60000 70000 80000

H F H F H F

Autorisation d'établissement (permis C)

Autorisation de séjour annuel (permis B)

Autres statuts (permis N, F, A, autres)

Yougoslavie (Serbie/Kosovo/Monténégro) Macédoine Bosnie et Herzégovine Croatie Slovénie

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Le troisième temps de l’immigration albanaise en Suisse, que nous développerons peu, commence à partir des années 2000. Cette période est caractérisée par une forte réduction des demandes d’asile (voir Figure 6), un retour important d’individus admis provisoirement en Suisse et la stabilisation des arrivées dans le cadre du regroupement familial. En 2007, la population des ressortissants du Kosovo, de Serbie et du Monténégro se caractérisait par une forte proportion de jeunes de moins de 18 ans (près de 35%), proportion majoritairement due aux regroupements familiaux et au fort taux de fécondité par femme (2,6 en 2000). Entre 1999 et 2007, plus de 20% des ressortissants de ces pays étaient d’ailleurs nés en Suisse ce qui confirme la présence importante d’une deuxième génération (Sharani et al., 2010). De plus, la parité entre hommes et femmes est quasiment atteinte (48% contre 52% en 2007). Et finalement, les ménages monoparentaux, les ménages individuels et les couples sans enfants sont sous-représentés et les couples avec enfant(s) sont largement surreprésentés par rapport aux Suisses (Sharani et al., 2010). Au final, le nombre de ressortissants des pays de l’ex-Yougoslavie se stabilise donc peu à peu autour des 310’000 (voir Figure 5) avec une immigration qui persiste tout de même,118 un nombre plus réduit de retours au pays d’origine119 et un nombre élevé de naturalisations (voir Tableau 1). En 2014, il y a plus de ressortissants des pays de l’ex-Yougoslavie résidants permanents que de n’importe quel autre pays du monde en Suisse, devant les ressortissants italiens, allemands et portugais.

Comme nous avons pu le voir dans les paragraphes précédents, évaluer le nombre d’Albanais d’ex-Yougoslavie et leurs descendants reste une tâche approximative et compliquée. En 1999, on estime les Albanais d’ex-Yougoslavie vivant en Suisse entre 100’000 et 200’000, dont 50’000 à Zurich, 10’000 à Genève, 15’000 dans le canton de Vaud (Leuenberger & Maillard, 1999). En 2007, le nombre d’individus d’origine kosovare en Suisse est estimé entre 150’000 et 170’000 (dont 60'000 naturalisés) (Sharani et al., 2010). En 2014, près de 100’000 ressortissants kosovars vivent en Suisse alors que les Macédoniens sont plus de 63'000. Il faudrait ajouter à cela un certain nombre d’Albanais qui vivaient dans le sud de la Serbie et qui n’ont donc pas eu de passeport kosovar ou macédonien. Finalement, les naturalisés et/ou binationaux sont comptabilisés au sein des Suisses. Or l’indicateur de l’acquisition de la nationalité suisse et le nombre de naturalisés sont élevés par rapport à la moyenne (voir Tableau 1).

En 2014, 2’622 Kosovars ont obtenu la nationalité suisse, soit plus de trois naturalisation pour 100 ressortissants, ce qui les classe au quatrième rang du nombre de naturalisation, après les Italiens, Allemands et Français. Entre 1999 et 2007, ce sont près de 61'000 Kosovars, Serbes et Monténégrins qui se sont naturalisés (Sharani et al., 2010), mais ces chiffres ne permettent pas d’identifier ceux qui sont albanophones/Albanais. Le fait que l’immigration de ces pays en Suisse soit relativement ancienne, ce qui permet de déposer des demandes de naturalisation, que ces pays ne fassent pas partie de l’accord Schengen et que les Albanais (immigrés ou descendants) subissent une certaine discrimination et/ou les effets d’une mauvaise image n’y sont probablement pas pour rien dans l’explication du taux élevé de naturalisation.

118 On observe par exemple en 2005 plus de 7'000 immigrés venus de Serbie et Monténégro, de Bosnie Herzégovine et de Macédoine, et, en 2014, plus de 6'000 immigrés de Serbie, du Monténégro, du Kosovo, de Bosnie Herzégovine et de Macédoine (OFS, 2016a).

119 Près de 2'000 ressortissants des pays de l’ex-Yougoslavie émigrent en 2005. Ils sont plus de 2'400 en 2014 (OFS, 2016a).

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Tableau 1 : Indicateurs de l’acquisition de la nationalité suisse selon la nationalité antérieure, de 1992 à 2014.

1992 1995 2000 2005 2010 2014

Moyenne, tous les pays du

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