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4. Le contexte suisse

5.4. L’enquête Transition de l’école à l’emploi (TREE)

5.5.2. Le guide d’entretien

Lors de la réalisation d’entretiens, nous utilisons un guide d’entretien comme « support technique » disponible à l’usage de l’intervieweur. Le guide d’entretien que nous avons développé traite des principales thématiques de l’étude de la transition vers la vie adulte ainsi que des thématiques spécifiques à l’étude des descendants d’immigrés. Ce guide est composé d’une introduction à l’étude, d’une table des thématiques, de plusieurs parties thématiques, elles-mêmes subdivisées en sous-thématiques et questions (qui intègrent la dimension temporelle d’une approche en parcours de vie).

La construction du rapport d’enquête pendant l’entretien

L’introduction à la participation est lue à chaque participant en début d’entretien. Elle permet de mettre en place (ou de confirmer) le cadre contractuel de la participation à cette étude. Elle permet aussi d’indiquer ce que l’on attend de l’interviewé, qu’il raconte sa vie, et, si possible, de le mettre en confiance. Lors de cette introduction, en premier lieu, nous présentons les institutions (PRN LIVES,

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Université de Lausanne et Haute école de travail social de Genève140) qui organisent cette étude. Puis nous évoquons, en une phrase, le sujet général de l’étude. Nous restons volontairement vagues à ce propos. Le fait de ne pas détailler le sujet de l’étude permet d’éviter, en tout cas en partie, d’orienter le récit sur certains points que l’on aurait mentionnés. Cependant, nous évoquons à nouveau (étant donné que c’est un critère de sélection des participants) le fait que cette étude s’intéresse à

« comment vivent les jeunes d’origine kosovare141 en Suisse ». Nous mentionnons donc leur origine étrangère, ce qui peut orienter, nous en sommes conscient, quelques peu leurs récits vers une explicitation plus fournie des liens qu’ils entretiennent avec leur origine migratoire. L’objectif de cette première partie est aussi de placer l’interviewé dans une dynamique narrative (ce que nous tentons de faire dans toutes les interactions avec les participants, dès le premier contact jusqu’à la finalisation de la participation). Nous l’informons à nouveau que nous allons lui demander qu’il « raconte » son

« expérience de vie », son « histoire ». Puis, toujours afin d’inciter le récit, nous essayons de faire tomber quelque peu la pression que certains ressentent lors de situations d’interactions sociales qui semblent, à première vue, similaire à l’entretien, par exemple lors de tests d’évaluations, d’examens oraux, de convocations chez le professeur, conseillers d’orientations ou conseils de classe, ou encore lors d’entretiens d’embauche. Il faut implacablement tenter de « rompre la hiérarchie » (Kaufmann, 2011, p. 46) de ces situations d’interactions entre un professeur et un étudiant, un médecin et un patient, un employeur et un employé, en somme entre un dominant qui pose les questions et un dominé qui y répond. Ainsi, nous rappelons qu’ « aucune connaissance particulière, ni préparation ne sont nécessaires », qu’il n’y a pas de réponses fausses, que nous voulons qu’il nous raconte son histoire, que nous souhaitons comprendre son point de vue et ses opinions et non les juger. Ensuite, nous lui rappelons que la participation à cette étude est anonyme et nous précisons qu’il est libre de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées s’il ne le désire pas, qu’il est libre de poser des questions et même de mettre fin à l’entretien s’il ne veut plus participer ou s’il a un empêchement.

Puis, nous lui demandons s’il est d’accord d’être enregistré.142 Finalement nous demandons s’il est d’accord avec les conditions de participation, s’il a des questions et si on peut commencer. En résumé, l’introduction permet non seulement de mettre en place le cadre contractuel de l’entretien mais aussi, premièrement d’inciter à la narration, deuxièmement de mettre en confiance et troisièmement de contribuer à rompre la hiérarchie entre l’intervieweur et l’interviewé.

Thématiques principales et utilisation du guide d’entretien

Le guide d’entretien continue par une table des thématiques. Cette table permet de retrouver rapidement, lors de l’entretien, la page correspondante à une thématique afin d’y trouver une question pertinente ou afin d’identifier les sous-thématiques encore à discuter. Cette table sert également de liste de contrôle afin que l’intervieweur n’oublie pas une thématique importante lors de l’entretien. Puis, suivent plusieurs pages subdivisées en thématiques, sous-thématiques et questions.

Le guide d’entretien regroupe trois principales dimensions de l’étude de la transition vers la vie adulte :

140 Nous avons volontairement mentionné l’Université de Lausanne et la HETS car ce sont des institutions davantage connues du grand public par rapport au PRN LIVES.

141 Lorsque l’interviewé est originaire d’un autre pays d’ex-Yougoslavie, nous mentionnons ce dernier.

142 Lorsque nous introduisons l’enregistrement, il est arrivé que les participants posent quelques questions sur la finalité et la diffusion de l’enregistrement. Dans ce cas nous avons répondu aux questions afin de les informer et de les rassurer. Dans tous les cas, l’enregistrement a été accepté. Cependant, dans quelques rares cas, nous avons observé quelques coups d’œil vers l’appareil, principalement lorsque l’interviewé mentionnait des éléments très personnels de sa vie.

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les transitions de la formation à l’emploi, les transitions familiales (lieux de vie, relations familiales, mise en couple, mariage, parentalité, etc.) et les transitions citoyennes (statuts légaux et nationalités, changements lors du passage à la majorité, participation citoyenne et politique, etc.). En plus de cela, nous avons ajouté les thématiques davantage liées à l’étude des descendants d’immigrés comme par exemple le parcours migratoire de la famille, la discrimination, le sentiment d’appartenance, le transnationalisme. Puis, nous avons ajouté quelques sujets que nous avons traités lorsque cela nous a semblé pertinent, tels que l’état de santé, la criminalité, l’estime de soi, les événements marquants et la vulnérabilité. Nous avons aussi laissé pour la fin certaines questions fermées sur l’origine sociale de la famille et sur le parcours de la fratrie. Ces questions ont été posées lorsque ces informations n’apparaissaient pas pendant le récit.

La première partie et la première question143 du guide d’entretien permettent d’entrer directement dans le sujet principal de l’entretien, c’est-à-dire la transition vers la vie adulte. Cette première question, « Est-ce que vous considérez aujourd’hui que vous êtes plutôt jeune ou plutôt adulte, ou un peu les deux à la fois ? », suivie de plusieurs relances, a l’avantage d’être simple (tout le monde peut y répondre et tout le monde a sa propre définition de ce qu’est être jeune ou adulte) et permet de centrer directement la discussion sur l’interviewé, sur son sentiment subjectif, sur sa personne. Cette première question évite aussi de mentionner l’origine des jeunes ou le parcours migratoire des parents. Elle prend donc un autre chemin de celui attendu par la majorité des interviewés venue participer à une étude sur les descendant d’immigrés albanophones d’ex-Yougoslavie. Elle vient en quelque sorte mettre en avant le fait que l’on va aussi parler d’autres sujets que de la relation avec les origines. Puis, pour chaque thématique nous avons développé une question ouverte, 144 qui incite à raconter son parcours (par exemple pour la thématique formation la question est « Pouvez-vous me raconter votre parcours scolaire du premier jour d’école jusqu’à maintenant ou jusqu’à votre dernier jour d’étude ? »). Chaque thématique est composée de plusieurs sous-thématiques et questions qui peuvent être posées afin d’aborder certains sujets, tout en incitant à la narration, ou afin d’obtenir davantage de précisions (par exemple : « Pouvez-vous me raconter ce qui a fait que vous avez continué dans ce type de formation post-obligatoire ? » ou « Quelle choix de formation vous ayez considéré à ce moment-là ? »). Ainsi, notre stratégie d’entretien (bien qu’une stratégie peut ne pas fonctionner) était de partir du général pour aller de plus en plus dans les détails.

Par exemple, nous posons quelques questions sur le parcours de formation en général afin d’obtenir une représentation globale, puis nous posons des questions sur chaque étape du parcours de formation idéalement dans un ordre chronologique.

Lors de la finalisation de l’entretien, nous laissons la « porte ouverte » à l’interviewé en posant la question : « nous arrivons à la fin de l’entretien, désirez-vous rajouter quelque chose ? » puis

« Voulez-vous parler de quelque chose que nous n’avons pas abordé qui vous semble important ? ».

Dans beaucoup de cas, l’interviewé reprend un élément déjà abordé plus tôt et mentionne par-là l’importance de celui-ci. Dans d’autres cas, ces derniers moments permettent de mettre en lumière des éléments nouveaux ou que nous avions oublié de traiter pendant l’entretien. Cependant dans la grande majorité des cas, l’interviewé ne désire rien ajouter.

143 Étant donné que nous utilisons dans la plupart des cas en premier lieu un calendrier de vie et que nous nous adaptons le plus possible à la dynamique de l’interviewé, la première question du guide d’entretien n’est pas nécessairement posée en début d’entretien ou avant le début du récit.

144 Nous n’utilisons pas systématiquement les questions introductives de chaque thématique étant donné que certaines thématiques sont abordées quelques fois par les interviewés eux-mêmes.

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Bien qu’il soit souvent considéré et utilisé comme une marche à suivre, comme une liste de questions à poser (dans notre cas lors des premiers entretiens réalisés par l’intervieweur alors que le guide n’était pas encore incorporé), le guide d’entretien doit être idéalement utilisé comme un pense-bête lorsqu’une question pertinente ne vient pas à l’esprit de l’intervieweur, ou comme une liste de contrôle des thématiques abordées et à aborder. Lors de l’entretien, nous suivons bien entendu la parole de l’interviewé et nous usons le plus de relances pertinentes possibles, développées par rapport à ce qui vient d’être dit, afin d’obtenir davantage de détails, afin d’entretenir la narration et afin d’aller en profondeur dans la compréhension de la vie de l’interviewé. Ainsi, nous rejoignons Kaufmann (2011, p. 48) sur le fait que « la meilleure question n’est pas donnée par la grille : elle est à trouver à partir de ce qui vient d’être dit par l’informateur ». Avec l’expérience, le guide est d’ailleurs souvent mis de côté dans un coin de la table. L’intervieweur doit faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et de flexibilité, ne pas formaliser l’utilisation du guide, cela afin de ne pas assommer l’interviewé de questions inadaptées mais au contraire afin de le placer l’interviewé dans une position discursive, d’orienter son discours vers le sujet de la recherche, ce qui lui permet au final d’obtenir des données riches et précises. Dans certains cas, l’interviewé développe de lui-même un récit de vie autour du sujet de l’étude. Dans ce cas, le guide d’entretien est davantage utilisé comme une liste de contrôle ou comme un recueil de thématiques encore à aborder. Dans d’autres cas, l’interviewé peut être moins disposé à développer sa parole. À ce moment-là, toujours dans l’optique d’inciter la narration, nous pouvons utiliser davantage les questions, pour la plupart ouvertes, formulées dans le guide ou produire des relances pertinentes et cohérentes relatives à ce que l’interviewé nous dit. Notons tout de même que dans ce dernier cas, l’utilisation du guide « structure l’interrogation mais ne dirige pas le discours » (Blanchet & Gotman, 2010, p. 62). Le guide d’entretien n’est donc définitivement pas utilisé comme un questionnaire.

En somme, il a été important pour nous de développer un guide adapté à la problématique de la recherche mais aussi de faire preuve de flexibilité dans son utilisation, cela afin d’obtenir des données riches et en même temps ne pas fermer la porte à l’exploration. Il a également été fondamental d’intégrer les préceptes de la perspective de parcours de vie comme par exemple la prise en compte du contexte socio-historique, le fait que les vies sont interconnectées, le fait que les événements dans la vie de proches peuvent avoir un impact sur le parcours de formation, le fait que des événements dans d’autres dimensions de la vie peuvent eux aussi influencer les parcours empruntés. Finalement, au sein du guide et lors des entretiens, nous portons une attention toute particulière aux moments de bifurcations et de choix, aux changements d’institutions, de formations ou d’activités. Cela nous permet de comprendre le vécu et l’expérience relatif aux parcours de formations de ces jeunes adultes, d’identifier les obstacles qu’ils rencontrent tout au long de leurs années de formation et d’observer les stratégies mises en places, la mobilisation des ressources pour faire face aux obstacles rencontrés.

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