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Déroulement de la participation à l’enquête

4. Le contexte suisse

5.4. L’enquête Transition de l’école à l’emploi (TREE)

5.5.7. Déroulement de la participation à l’enquête

Dans cette partie, nous décrivons le déroulement de la participation à l’étude une fois que l’accord de participation a été donné par le participant. Nous commençons tout d’abord par la description de la prise de rendez-vous et des lieux de rendez-vous. Puis nous abordons spécifiquement les diverses procédures de combinaison des deux outils méthodologiques que sont l’entretien semi-directif et le calendrier de vie LIVES.

La mise en place de l’entretien

Une fois que la personne a accepté de participer à l’étude, que ce soit par écrit ou de vive voix, nous avons proposé directement de fixer la date et le lieu de rendez-vous afin de réaliser l’étude. Notre volonté première était de fixer la date de la participation le plus tôt possible. En effet, plus la date fixée est éloignée, plus le participant avait le temps de se démotiver, de désister ou d’oublier notre rendez-vous. Nous confirmions d’ailleurs toujours notre rendez-vous le jour précédant ou le matin même par

150 L’information est manquante pour un participant.

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SMS afin de minimiser les chances d’oublis. Dans quelques rares cas seulement, la personne ne s’est pas présentée à l’heure et au lieu fixé. Nous avons donc recontacté la personne un jour plus tard pour lui proposer un autre rendez-vous.

Concernant le lieu de déroulement de la participation, nous avons laissé le choix aux participants. Si ça lui est égal, nous avons proposé de nous rencontrer dans un café, au bureau ou chez la personne. Dans la plupart des cas (26/50), la participation s’est déroulée dans un café, bar ou restaurant. Ce type de lieu a permis d’être dans un environnement plaisant, adapté aux jeunes, là où ils se sentaient à l’aise. Par contre, il a fallu éviter les lieux bondés et donc les oreilles qui trainaient (une trop grande proximité entre les tables) qui pouvaient gêner ou freiner le discours des participants.

Il a fallu également éviter les lieux trop bruyants qui pouvaient nuire à la discussion et à la qualité de l’enregistrement. Dans beaucoup de cas (18/50), la participation s’est déroulée dans un lieu d’étude ou de travail. Ce type de lieu a l’avantage d’être calme et peu fréquenté par rapport aux bars en fin de journée. Finalement, dans quelques cas (6/50), les participants nous ont accueillis chez eux (dans tous ces cas, les jeunes habitaient encore chez leurs parents). Dans de rares cas, la réalisation de l’entretien a été perturbée par la présence (dans une pièce à coté ou dans la même pièce) d’autres membres de la famille (les parents) qui écoutaient et donc qui influençaient les dires des interviewés. Quelques parents sont même intervenus et ont donc participé activement à l’entretien. Alors, nous n’avons pas osé aborder par exemple les relations du jeune avec les parents alors que ces derniers étaient dans la même pièce.

Combiner entretien biographique et calendrier de vie

Lors de la participation, notre objectif était de réaliser un entretien semi-directif biographique, ainsi que de compléter un calendrier de vie. Les caractéristiques des participants, tel que le niveau de formation et le niveau de maîtrise du français, ont eu un impact non négligeable sur comment nous combinons ces deux outils de récolte de données.

Après avoir testé plusieurs procédures de participation, d’utilisation de ces deux outils de récolte de données,151 nous avons choisi de rencontrer une seule fois les participants, de remplir ensemble (l’intervieweur et l’interviewé) le calendrier de vie dans un premier temps de la rencontre, puis de continuer par l’entretien biographique tout en gardant le calendrier de vie bien visible sur la table. Cette approche est adaptée aux jeunes peu motivés et/ou ayant un bas niveau de formation. En effet, l’intervieweur pouvait remplir le calendrier si cela était demandé par le participant. La durée de la rencontre (entre 90 et 120 minutes environ) était assez courte pour pouvoir tout faire d’une traite, ce qui évite de se rencontrer à deux reprises. Cependant, le fait d’utiliser deux outils méthodologiques distincts (dans leurs approches et dans le type de données obtenues) fait apparaitre un enjeu méthodologique majeur. Comment faire pour commencer par une dynamique de questions fermées puis ensuite changer vers une dynamique de questions ouvertes et de discussion sans pour autant restreindre le développement du récit de vie ? Dans les lignes suivantes, nous évoquons les stratégies misent en place afin d’éviter de restreindre le récit et même afin de l’inciter par la présence et l’utilisation du calendrier de vie.

En général, la participation est composée de cinq temps. Le premier temps, de la rencontre au début de la participation est composée de small talk (le fait de parler, de discuter de tout et de rien, de choses pas nécessairement importantes comme par exemple le temps, le trafic, les vacances, les connaissances en commun, etc.) afin de relaxer le participant. Nous proposons toujours dès les

151 Voir Gomensoro & Burgos, 2017) pour de plus amples descriptions des procédures testées.

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premières phrases échangées de se tutoyer (tous les participants ont accepté) afin de tenter de réduire la distance entre l’intervieweur et l’interviewé. Lorsque nous nous installons, un deuxième temps permet la mise en place des conditions adéquates de participation à l’étude (introduction, conditions de participation, enregistrement, etc.). La troisième partie de la participation est la réalisation du calendrier de vie LIVES. Dans le quatrième temps de la procédure de participation, nous réalisons l’entretien biographique. Au début de cette partie, nous énonçons clairement le changement d’objectif, nous voulons qu’il ou elle raconte sa vie, que l’on discute de son parcours. Puis, finalement, lors de la finalisation de la participation, nous laissons toujours la porte ouverte à la discussion, nous demandons si le participant peut nous donner les contacts d’éventuels participants, s’il serait intéressé d’être recontacté par la suite pour une éventuelle suite à l’étude et nous le remercions.

Inciter le récit par l’adaptation à la dynamique de l’interviewé

Tout au long de cette procédure, nous avons placé le participant dans une dynamique narrative afin de minimiser l’effet de la réalisation du calendrier sur le développement du récit. Pour cela, nous l’invitons à « raconter » son parcours, son histoire, à parler autant qu’il le veut. Nous l’invitons aussi, par l’utilisation de questions de relance, à nous fournir des détails, à nous expliquer précisément les choses. L’incitation à raconter est mise en place et entretenue tout au long de la participation. Au premier contact, écrit ou oral, nous utilisons les verbes « raconter », « discuter » ainsi que les mots

« parcours », « histoire », etc. Quand nous introduisons l’étude, nous expliquons que nous nous intéressons à son histoire de vie, à son parcours. Avant et pendant le remplissage du calendrier, nous l’encourageons à parler, à commenter, à expliquer ce qui est inscrit (par exemple : « n’hésites pas à dire des choses à propos des évènements que tu mentionnes sur le calendrier »). Nous lui posons des questions qui invitent à raconter pendant la réalisation du calendrier (par exemple : l’intervieweur regarde le calendrier et dit « Je vois que tu as voyagé pendant un an entre le gymnase et l’université ? » et l’interviewé raconte alors pourquoi). Finalement, lors de l’entretien biographique, nous utilisons le plus possible des questions ouvertes ou des relances pertinentes afin d’obtenir plus de détails sur un évènement ou une période spécifique. De plus, la présence du calendrier sur la table permet aussi quelques fois de relancer le récit, par exemple lorsque l’interviewé regarde le calendrier et se souvient d’un élément intéressant ou lorsque l’intervieweur pose une question en se basant sur le calendrier.

Au final, grâce à cette incitation constante à se raconter, nous obtenons un enregistrement composé dans une première partie de morceaux de récits développés lors du remplissage du calendrier puis un récit de vie construit par l’interviewé, stimulé par les questions et relances de l’intervieweur mais aussi par le calendrier de vie.

Cependant, la procédure ne peut être appliquée de manière exactement identique pour tous les participants. Certains participants se lancent sans tarder, et quelques fois de façon frénétique, dans le récit, d’autres participants parlent et racontent moins facilement, quelques-uns ne désirent pas remplir eux-mêmes le calendrier, etc. Ainsi, la procédure décrite précédemment est utilisée dans la plupart des cas (6/10), autrement nous avons dû nous adapter.

Dans certains cas (3/10), malgré nos incitations répétées, l’interviewé ne parle pas beaucoup pendant le remplissage du calendrier. Il ou elle répond par des phrases courtes et ne va pas dans les détails. Dans ce cas, nous changeons de stratégie. Nous finalisons le remplissage du calendrier sans inciter davantage à se raconter, puis nous marquons une pause et nous expliquons que nous passons maintenant à une autre partie de l’étude. Nous aidons le participant à distinguer les deux dynamiques différentes. Ainsi, notre volonté est de différencier les deux parties et les deux logiques différentes.

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Cependant, le développement d’un récit n’est pas garanti. Certains individus ne parlent pas facilement, ils ne s’ouvrent pas facilement, ils sont timides et n’aiment pas partager leur expérience.

Dans d’autres cas (1/10), certains participants commencent leur historie de vie pendant le remplissage du calendrier (généralement à propos de la dimension de la colonne qu’il ou elle est en train de remplir). Dans ce dernier cas, nous profitons de l’occasion et nous encourageons la narration par des questions de relances. Ainsi, nous inversons la procédure. Nous bénéficions du fait que la personne se lance dans le récit pour réaliser l’entretien (ou une partie), puis nous revenons vers le calendrier ultérieurement. Ce cas de figure est rare mais réellement avantageux pour l’interviewé qui doit uniquement orienter la narration vers les sujets d’intérêt. Ainsi, par l’adaptation de la procédure aux différents participants (selon leur volonté de participer, leur envie de raconter et leurs compétences en lectures et écritures, etc.), nous minimisons les effets du calendrier sur le développement du récit, nous utilisons le calendrier comme un facilitateur de parole et nous maximisons nos chances d’obtenir à la fois un calendrier complété et à la fois un récit de vie riche tout en limitant au mieux le temps de participation.

Plusieurs avantages à la combinaison des deux outils sont observés.

Premièrement, la quantité et la qualité des données récoltées par l’utilisation de calendriers de vie LIVES est confirmée (Belli, 2007; Belli & Callegaro, 2009; Glasner & Van der Vaart, 2009; Martyn

& Martin, 2003). Le calendrier permet en effet l’utilisation de stratégies de remémoration séquentielles et parallèles qui permettent d’obtenir des données de qualité (Belli & Callegaro, 2009, p.

35). Nous reconstruisons le parcours des participants en relativement peu de temps.

Deuxièmement, la présence du calendrier lors de l’entretien permet de comparer les deux types de données, celles inscrites sur le calendrier et les paroles. L’interviewé peut comparer ce qu’il dit avec ce qu’il a écrit. Il arrive quelques fois qu’il ou elle corrige ses paroles ou les données sur le calendrier. Si l’intervieweur observe certaines différences, il peut aussi poser des questions afin de contrôler la cohérence entre ce qui est dit et ce qui est écrit.

Troisièmement, le calendrier est aussi une représentation graphique de la vie du participant qui peut être utile lors de l’entretien. L’intervieweur peut par exemple s’appuyer sur le calendrier afin d’inciter et de soutenir le récit. Pour poser une question sur un évènement spécifique, l’intervieweur peut le montrer du doigt dans le parcours de l’interviewé. L’interviewé comprend alors plus aisément la question car il peut facilement situer l’évènement au sein d’une dimension et dans le temps.

L’interviewé peut également raconter quelque chose ou répondre à une question et en même temps pointer quelque chose sur le calendrier. Le calendrier est aussi utile à l’intervieweur afin de poser des questions sur des évènements difficiles à aborder qui ont été inscrits sur le calendrier comme par exemple le décès d’un proche, des problèmes de santé ou des évènements critiques importants reportés dans la dernière colonne du calendrier. Il peut alors tout simplement poser la question

« peux-tu me raconter comment tu as vécu cet évènement ? ». Le calendrier peut également servir d’aide-mémoire lors de la discussion, de la même manière que la table thématique du guide d’entretien.

Quatrièmement, le calendrier permet et offre une vision transversale de la vie des participants.

Lors de l’entretien, l’intervieweur peut observer sur le calendrier certaines périodes temporelles critiques (par exemple, ce que l’on appelle une bifurcation) pendant lesquelles il y a un cumul d’évènements ou de changements de situations. Il peut donc poser directement une question à ce propos afin de tester une hypothèse causale d’une situation critique sur par exemple un redoublement à l’école. Le calendrier permet également d’avoir une vision globale qui permet, entre autres, d’identifier un nombre important de changements (déménagement, changements d’école, cumul

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d’évènements négatifs, etc.). L’intervieweur identifie quelques fois ces cumuls d’évènements et les mets en avant dans son discours.

Cinquièmement, on remarque que le calendrier et l’entretien biographique permettent d’obtenir deux types de données complémentaires, des données objectives sur le parcours de vie et les données subjectives, le récit de vie.

Lors de l’utilisation d’un calendrier de vie, le récit n’est plus le résultat d’une co-construction de l’interviewé et de l’intervieweur mais le résultat d’une relation triangulaire entre l’interviewé, l’intervieweur et le calendrier de vie. Le calendrier influence les interventions de l’intervieweur et influence également le récit de l’interviewé. Ce dernier s’appuie souvent sur le calendrier pour guider son récit en prenant en compte l’ordre chronologique des évènements et périodes.152 Ainsi, le calendrier ne limite pas le récit mais l’incite au contraire lorsqu’il est bien exploité. Il est une source de motivation et un support dans la construction du récit.

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