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Le calendrier de vie LIVES

4. Le contexte suisse

5.4. L’enquête Transition de l’école à l’emploi (TREE)

5.5.3. Le calendrier de vie LIVES

Les calendriers sont des outils flexibles de collecte de données rétrospectives traditionnellement utilisés au sein d’études quantitatives. Ils sont utilisés et adaptés de plus en plus souvent au sein d’études sur le parcours de vie (Belli & Callegaro, 2009). Les calendriers partagent trois caractéristiques communes (Glasner & Van der Vaart, 2009, p. 335). Premièrement, tout calendrier de

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vie comporte une représentation graphique du temps.145 Deuxièmement, plusieurs dimensions (ou thématiques) de la vie des interviewés sont abordées au sein des calendriers. Finalement, l’interviewé doit reporter par écrit ou grâce à l’aide de l’intervieweur, sur un support papier ou informatisé, plusieurs éléments en les situant à chaque fois par rapport à l’échelle temporelle et à la dimension de la vie correspondante. Ces éléments peuvent être des évènements ponctuels, comme par exemple le fait d’obtenir un diplôme, la naissance d’un enfant, la perte d’un emploi, etc., ou des états ayant une durée dans le temps comme par exemple le fait d’être en formation, en mariage ou d’être de nationalité étrangère. Ainsi, les calendriers de vie permettent d’obtenir, de situer dans le temps et situer dans la dimension de vie divers évènements, transitions et étapes.

Cet outil semble améliorer la qualité des données rétrospectives obtenues comparativement à l’utilisation de questionnaires classiques. En effet, en premier lieu, l’utilisation d’un calendrier de vie simplifie et améliore la remémoration des événements du parcours de vie (Belli & Callegaro, 2009;

Freedman, Thornton, Camburn, Alwin, & Young DeMarco, 1988; Mayer, 2006; Reimer & Mathhes, 2007). Lors du remplissage du calendrier, l’interviewé utilise un ou plusieurs évènements de référence qui lui permettent de se souvenir et de situer dans l’échelle du temps d’autres évènements.

L’interviewé use, par exemple, d’une stratégie séquentielle de remémoration lorsqu’il se souvient de l’année de commencement de sa formation post-obligatoire en s’appuyant sur l’année de la fin de sa scolarité obligatoire et d’une stratégie parallèle de remémoration lorsqu’il s’appuie sur un évènement, par exemple la 9ème année scolaire, pour se souvenir d’un élément dans une autre dimension de la vie, par exemple un déménagement (Belli & Callegaro, 2009, p. 36). Chez certaines personnes, un évènement ou un état clé sert de base temporelle à la remémoration d’autres évènements, transitions et états.

En générale, les calendriers de vie sont remplis avec une certaine flexibilité, l’interviewé peut commencer par la première colonne ou par une autre, il peut passer d’une colonne à une autre, puis revenir en arrière pour apporter des compléments. De plus, lorsque le calendrier est rempli en présence de l’intervieweur, celui-ci peut non seulement aider l’interviewé dans sa tâche, mais aussi lui poser des questions s’il observe quelques incohérences ou si une partie du calendrier comporte peu de données. L’intervieweur doit donc faire preuve d’attention afin de poser les bonnes questions (qui ne sont pas pré-établies comme c’est le cas dans un questionnaire). Il doit aussi faire preuve de flexibilité, s’adapter et adapter la procédure afin d’obtenir le plus grand nombre de données possibles et les plus fiables possibles. De cette flexibilité d’utilisation, nous pouvons retirer un autre avantage qui est que le calendrier peut être utilisé et adapté aux personnes d’âges différents ou de différents milieux sociaux (Axinn, Pearce, & Ghimire, 1999). D’autres avantages peuvent surgir aussi lorsque l’on combine un calendrier de vie avec un entretien semi-directif (voir par exemple Bell, 2005; Nico, 2012;

Parry, Thomson, & Fowkes, 1999; Tullen, 2012; Wilson, Cunningham-Burley, Bancroft, Backett-Milburn, & Masters, 2007) mais ce type de combinaison d’outils n’a été que rarement utilisé malgré les apports mis en avant par Parry et al. (1999) il y a déjà deux décennies.

L’utilisation de calendriers comporte tout de même quelques désavantages comme par exemple le fait que le temps dédié au remplissage varie davantage par rapport au temps de réalisation d’un questionnaire. De plus, étant donné que les possibilités de réponses ne sont pas définies à l’avance, le codage des données prend davantage de temps. Finalement, comme son utilisation ne peut être faite par l’application d’une procédure aussi formalisée que pour un questionnaire, une

145 Soit une échelle de temps découpée en années, en mois, en semaines ou de façon plus fine encore. Dans notre cas, c’est un découpage annuel.

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formation et une expérience pratique sont nécessaires afin de maîtriser l’outil (Glasner & Van der Vaart, 2009).

Le calendrier de vie LIVES que nous utilisons (voir la Figure 12 à la page 157) a été développé au sein de Pôle de recherche national LIVES. Le calendrier LIVES peut être auto administré, rempli par l’interviewé avec l’aide de l’intervieweur ou rempli par l’intervieweur.146 Il permet de récolter les évènements et périodes du parcours de vie d’individus aux caractéristiques diverses (immigrés, descendants d’immigrés ou nationaux, et personnes de tout âge). L’échelle temporelle (voir colonne 1), subdivisées en périodes annuelles, couvre l’entièreté de la vie des participants et permet même d’obtenir un certain nombre d’évènements précédent la naissance de l’interviewé, comme par exemple certains évènements familiaux tels que les naissances de frères et sœurs ou la migration des parents. Les dimensions de la vie traitées par le calendrier de vie LIVES sont le lieu de résidence (voir colonne 2), le type de permis et nationalité (voir colonne 2), la cohabitation (voir colonne 3), les relations de couple et changements d’état civil (voir colonne 4), les évènements familiaux comme par exemple les naissances, décès, mariages, divorces (voir colonne 5), le type de formation effectué, les emplois occupés, le taux d’activité et le statut d’activité (voir colonne 6), les problèmes de santé (voir colonne 7) et une dernière colonne nommée « Évènements marquants » (voir colonne 8) où le participant est invité à noter les évènements positifs ou négatifs, qui lui sont arrivés directement ou à un proche, qui ont eu un impact important sur sa vie. Dans cette dernière colonne, le participant est invité à indiquer pour chaque évènement mentionné son évaluation subjective par un « + », s’il lui semble que l’évènement a été positif dans son parcours de vie, ou un « - », s’il lui semble que l’évènement a été négatif.

Nous abordons la procédure d’utilisation du calendrier de vie LIVES et de l’entretien semi-directif, ainsi que les avantages et inconvénients de cette combinaison au sein de notre étude, dans la partie 5.5.7 à la page 165.

146 L’utilisation que nous faisons de ce calendrier en combinaison avec l’entretien est détaillée au sein de Gomensoro & Burgos (2017).

157 Figure 12: Exemple de calendrier de vie LIVES

Les informations (lieux de vie, prénoms, etc.) ont été anonymisées.

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5.5.4. La population étudiée : critères de sélection, échantillonnage et corpus La population étudiée par entretien est délimitée par plusieurs critères de sélection. Les potentiels participants doivent être âgés de 18 à 28 ans, avoir réalisé la majorité de leur scolarité obligatoire en Suisse et vivre dans le canton de Genève ou Vaud lors de leur participation. De plus, leurs deux parents doivent être des immigrés albanophones d’ex-Yougoslavie. Cette délimitation permet, premièrement, de sélectionner les descendants de deux parents albanophones immigrés d’ex-Yougoslavie. Ainsi, nous incluons, par exemple, les descendants de deux parents albanophones originaires de deux pays différents de l’ex-Yougoslavie, indépendamment de la nationalité actuelle ou passée, aussi bien celle des jeunes que celle des parents. Deuxièmement, cette délimitation permet d’optimiser nos chances de trouver rapidement les participants au sein d’un nombre de potentiels participants limités par la prise en compte d’une tranche d’âge assez étendue. Finalement, les participants sont tous âgés de plus de 18 ans au moins ce qui permet généralement (sauf en cas de retards) d’étudier au minimum trois ans de parcours après la fin de la scolarité obligatoire. En moyenne les interviewés ont quitté la formation obligatoire depuis 6,72 ans.

Cette délimitation des potentiels participants à la partie qualitative de l’enquête se rapproche grandement de la définition de la population au sein des données TREE. Cependant, quelques différences existent et viennent limiter la portée de la complémentarité des données quantitatives et qualitatives. Par exemple, dans les données TREE, nous avons à faire à une classe d’âge, tous sont en dernière année de formation obligatoire lors de la première vague de l’enquête, alors que dans la partie qualitative, nous avons à faire à une cohorte non représentative, les individus âgés de 18 à 28 ans. En 2013, les participants à TREE ont tous environ 28 ans alors que les interviewés ont entre 18 et 28 ans lors de leur participation à l’entretien. Cette différence peut poser quelques problèmes étant donné que les participants à TREE et les participants à la partie qualitative de cette étude n’ont pas finalisé la scolarité obligatoire au même moment. Ainsi, il se peut que les systèmes aient changé au sein d’un même canton. De plus, les pays d’origines de la population qui nous intéressent diffèrent quelque peu. En effet, les données TREE ne permettent pas de différencier les jeunes originaires d’Albanie et ceux du Kosovo alors que nous n’avons pas inclus les jeunes originaires d’Albanie au sein de l’échantillon qualitatif. Également, au sein des données TREE, la définition de la population inclue les descendants d’immigrés non albanophones d’ex-Yougoslavie (principalement pour des raisons d’effectifs réduits) alors qu’au sein de la population qualitative nous incluons uniquement les descendants d’immigrés albanophones d’ex-Yougoslavie. Finalement, et non des moindres, les données TREE sont récoltées auprès d’individus répartis dans tous les cantons suisses alors que les interviews sont réalisées uniquement dans les cantons de Genève et Vaud. Ainsi, la complémentarité et l’imbrication des données quantitatives et qualitatives sont en partie limitées.

L’échantillonnage de la partie qualitative a été défini avant tout dans le but de différencier les participants selon les parcours scolaires empruntés, le genre et le canton. Dans un premier groupe, nous retrouvons les individus qui entreprennent une formation professionnelle initiale (AFP, CFC), une maturité professionnelle, ainsi que ceux qui entreprennent d’autres types de formations non certifiantes, par exemple une solution transitoire, et ceux qui n’obtiennent aucun type de formation certifiante. Notons qu’au sein de ce premier type, nous incluons les individus ayant réalisé une formation professionnelle du secondaire II et par la suite une formation professionnelle supérieure (ES, FP supérieure). Le deuxième groupe inclus les individus ayant atteint une formation de niveau tertiaire générale (hautes écoles ou universités) ainsi que les individus qui réalisent une formation générale (gymnasiale ou école de culture générale) lors de leur participation et qui désirent continuer

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par la suite par une formation de niveau tertiaire (Hautes écoles ou universités). Nous avons volontairement inclus les individus qui réalisent une formation générale au sein du type « formation tertiaire » étant donné que le gymnase (et, en partie, l’école de culture générale) ne mène pas directement, ou en tout cas pas de façon explicite, vers un métier, vers une insertion sur le marché de l’emploi. Les individus qui réalisent une maturité professionnelle sont eux classés au sein du type

« formation secondaire » alors qu’ils peuvent eux aussi atteindre le niveau tertiaire de formation.

Cependant, le certificat obtenu est davantage professionnalisant. Les débouchées directes sur le marché de l’emploi existent et sont davantage empruntées.

Cette différenciation s’appuie donc principalement sur la base d’un découpage institutionnel, par la prise en compte de niveau de formation atteint ou finalisé. Nous procédons donc à un échantillonnage par contraste (Pires, 1997) qui permet de comparer les parcours de formations (selon s’ils atteignent ou non le niveau tertiaire) ainsi que ce qui fait que ces individus se retrouvent dans un type donné et pas l’autre. L’objectif de participants minimum est de 20 par canton, répartis selon la formation et le genre. Afin, d’atteindre l’objectif d’échantillonnage, nous avons dû démultiplier les stratégies d’accès auprès d’une population jeune et volatile, quelque fois méfiante, qui se retrouve aussi souvent dans des situations vulnérables (comme par exemple en décrochage scolaire, dans une certaine précarité juridique et/ou économique, avec des problèmes familiaux, etc.). Ces stratégies sont décrites dans la partie suivante.

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