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LES PHASES DESCRIPTIVE ET INTERPRÉTATIVE DES PHOTOGRAPHIES

4. Culture chinoise un / personnage dans un film arts martiaux chinois diffusé à la

4.2 Les icônes du bouddhisme dans des contextes inattendus

4.2.4 L’ « illumination » face à l’ « obscurité »

Les pratiques superstitieuses selon l’enseignement bouddhiste sont en effet considérées comme une preuve d’ignorance. Le Bouddha n’encourageait jamais ses disciples à les pratiquer. Il cherchait à tout expliquer par le savoir au détriment des miracles. Les rites animistes locaux n’étaient pas considérés comme des moyens d’atteindre le Nirvana et furent exclus du dharma. Celui-ci refuse toutes les pratiques surnaturelles et non-scientifiques d’où le nom du Bouddha qui signifie « éveillé » et offre l’image de l’ « illumination ». En réalité, beaucoup de moines pratiquent encore ces rites considérés comme de la magie noire fondant leur réputation là-dessus. Il demeure que le bouddhisme, en arrivant sur le territoire qui constitue la Thaïlande actuelle, s’est mêlé aux croyances animistes qui y régnaient déjà et se maintiennent aujourd’hui encore, pour donner naissance à une autre forme de bouddhisme « thaïsé ». Une des pratiques équivoques des moines liées aux pouvoirs surnaturels est le tatouage sacré.

Les photographes occidentaux prennent souvent des photos de moines experts dans les pratiques animistes. Détournant l’enseignement du Bouddha, beaucoup de moines bouddhistes font fortune dans les tatouages dit « sacrés ». Une pratique plutôt animiste que bouddhique, aussi matérielle que spirituelle compte tenu de leur but de protection et de stimulation de certains pouvoirs surnaturels, particulièrement recherchés par ceux qui prennent des risques dans leur vie quotidienne. Cela révèle la peur ou l’insécurité qui les préoccupent et que la loi ou le système de l’État ne parvient pas à apaiser. Ils trouvent donc refuge dans la superstition. La figure 54 et sa légende montrent un moine actif dans le tatouage sacré.

« Moine tatoueur

Souvent symboliques d’une appartenance, les tatouages marquent le corps d’un mélange d’histoire passée et de superstitions. Dans le temple de Bangphra (district de Nakornchaisri), les moines utilisent de l’huile ou de l’encre sacrée. »224

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Fig. 54 : Le moine tatoueur

Dans la photo, on remarque la présence du bouddhisme par le biais de statuettes de Bouddha et de la robe de moine qui créent une ambiance bouddhiste. Au sujet de l’éclairage, la seule lumière vient d’une lampe située au second plan. L’obscurité souligne les aspects mystiques de cet acte. Nous trouvons par ailleurs le même rite dans une autre situation. À cause de l’insécurité, certains Thaïlandais vivant dans l’extrême-sud du pays ont recours à un refuge spirituel comme ce jeune homme dans la figure 55, identifié comme soldat grâce à son pantalon. Dans le but de se protéger des risques encourus lors d’opérations, ce militaire se fait faire des tatouages sacrés par un moine. La légende de cette photo indique le risque auquel il doit faire face dans les provinces de l’extrême-sud du pays, zones extrêmement dangereuses où s’affairent des indépendantistes islamistes. « Dans le Pattani, à Wat Sathitchonlathan, le moine Phra Dang au travail. Les soldats se font souvent faire des tatouages sacrés, censés les protéger des blessures. »225 Ici, la sagesse du Bouddha n’est pas citée. Malgré un large budget annuel alloué à la défense du pays par l’armée thaïlandaise, la vie des soldats est risquée. Les armes étant jugées insuffisantes, ils utilisent les tatouages sacrés en dernier recours, pour bénéficier au moins d’un réconfort spirituel et psychologique.

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Fig. 55 : Un moine faisant un tatouage sacré pour un soldat

Dans cette photo, nous pouvons relever des signes iconiques et les sens de ce rite qu’ils connotent :

a) Les signes iconiques

Le /pantalon de soldat/ à la « vie en danger du porteur » Le /tatouage sacré/ à un « moyen de se protéger »

La /robe safran/ à le « pouvoir magique »

la « source du réconfort » Les /mains jointes/ à l’ « acte de recevoir ce pouvoir »

la « foi »

Le /portrait d’un moine/ à le « témoin de cet acte »

le « respect envers le maître moine » la « bénédiction pour ceux qui font ce tatouage »

b) Les signes linguistiques

/Pattani/ à une « zone en danger »

Les /soldats/ à la « vie en danger »

Le /moine Phra Dang au travail/ à le « pouvoir protecteur » Les /tatouages sacrés/ à un « moyen de se protéger » /protéger des blessures/ à le « pouvoir surnaturel »

Dans cette photo, nous trouvons aussi la présence symbolique de deux signes relatifs aux moines : la présence d’un vrai moine et celle du portrait d’un autre moine. Celui-ci ne semble pas être seulement un élément décoratif mais il renforce aussi le pouvoir protecteur.

4.2.5 La « paix » face à la « violence » : le cas des trois provinces de l’extrême-sud

L’enseignement bouddhiste privilégie la paix et l’apaisement de l’âme, y compris le pardon. Par conséquent, les moines bouddhistes incarnent généralement la tranquillité. À cause des mouvements islamistes dans les provinces de l’extrême-sud du pays depuis quelques années, les moines bouddhistes sont devenus une cible pour les terroristes puisqu’ils sont sans défense et que les règles exigent qu’ils sortent de temple pour recevoir des offrandes tous les matins.226 Pour qu’ils puissent vivre et pratiquer normalement leurs activités quotidiennes, l’armée thaïlandaise fournit un grand nombre de soldats et de miliciens armés qui accompagnent les moines lors de leur sortie quotidienne. La légende de la photo nous renseigne sur la gravité de la situation :

« A l’aube, dans le village de Songh Kai, dans le Pattani, des villageois font des offrandes au moine Phra Rung Rudang. Il est protégé par un milicien armé, car même les moines sont victimes de la violence. »227

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En principe, les moines ne peuvent pas être rémunérés ni posséder de biens. Ils ne sont pas non plus autorisés à cuisiner. Les offrandes de nourritures ou les donations de la part des bouddhistes leur permettent de vivre et de préserver la religion. Quant aux fidèles, les offrandes leurs permettent d’acquérir des mérites.

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Fig. 56 : Un moine protégé par un milicien armé lors de son passage matinal

Dans la photo ci-dessus, la tension est perceptible, lors de la sortie quotidienne par la présence de l’arme. On remarque aussi l’inquiétude dans le visage du milicien armé. Nous pouvons classer les deux isotopies contradictoires révélées dans le tableau ci- dessous :

Tableau 19 : Les sens dégagés de la figure 56

Figures Sens dénotés Sens connotés Effets de sens

1. Le / moine