CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE CADRE THÉORIQUE
2.2 Les fonctions des signes
Dans Précis de sémiotique générale88, Jean-Marie Klinkenberg fait appel à lexplication des fonctions et fonctionnement du signe proposé par Umberto Eco. Nous aimerions ici présenter la classification de Klinkenberg, ce qui nous permettra de mieux comprendre la façon dont les signes produisent les significations.
2.2.1 Signe comme substitut
Le signe représente avant tout une autre chose. Il joue donc le rôle du substitut de cette chose-là comme dans lexemple dun billet ou dun chèque dont labstraction est une valeur. Nous pouvons manipuler certaines réalités à travers les signes, sans avoir besoin de posséder une expérience directe sur la chose en question, même sans quelle existe dans la réalité (par exemple, le signifiant /licorne/ renvoyant à lobjet qui nexiste que dans le monde imaginaire). Il faut tenir compte du fait que le signe nest pas la chose : la carte
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géographique nest pas le territoire ou la photographie nest pas la personne.89 Ils ont un statut sémiotique.
Nous trouvons le plus souvent lemploi du symbole fonctionnant comme substitut puisquil remplace un autre concept. Prenons lexemple du drapeau thaïlandais qui flotte au-dessus du stade. Cest un signe que léquipe de Thaïlande participe à la rencontre sportive.
2.2.2 Signe comme trace dun code
Cette définition correspond à la déduction et non à linformation intentionnellement communiquée. Dans Le signe,90 Umberto Eco suppose une situation où Monsieur Zigma, ayant mal au ventre, cherche un téléphone dans un café parisien pour prendre rendez-vous avec son docteur. Dans cette anecdote, lapparition de /lescalier descendant vers le sous- sol/ et /café français/ signifie « proximité dun téléphone». Mais les deux signes ne sont pas là pour communiquer ce signifié. La signification provient de la déduction qui procède dun code permettant de produire ou de déchiffrer des signes. Les conventions établies entre des humains, auxquelles le code renvoie, peuvent être explicites ou implicites. Les conventions explicites sont les règles de correspondance, clairement et préalablement établies, entre les signes et ce à quoi ils renvoient, tandis que les conventions implicites ne possèdent pas ce caractère (comme le cas de /café/ + /escalier/ = « proximité dun téléphone »). La signification de cette deuxième convention provient donc de linterprétation de ces deux signes au sein dun contexte déterminé. Cest le fruit de la rencontre entre une société particulière et de sa culture. En clarifiant ce fait, Klinkenberg introduit la notion de décision sémiotique par laquelle une signification est attribuée. Cela veut dire que pour communiquer, le signe doit se présenter dans un cadre précis et remplir certaines conditions. Par exemple, le feu rouge doit être à un lieu précis, à une hauteur donnée, pour signifier « stop ». Il faut mentionner également le code dont les signes ne sont pas fabriqués par un partenaire humain comme la mousse sur les arbres indiquant lhumidité. Devant ces faits naturels, nous ne prenons pas cette décision sémiotique.91 Dailleurs, il sagit de la relation entre le signe et la culture : « utiliser un signe, ou se servir
89
Ibid., p. 33-35.
90
ECO Umberto, Le signe, op.cit., p. 11-15.
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dune chose comme signe, cest donc ipso facto se reporter à une culture donnée, à une société donnée. »92 Ainsi, /la salutation avec les mains jointes/ + /le sourire/ forment dans le contexte thaïlandais « laccueil » et « lhospitalité » dont on se sert le plus souvent dans la communication touristique et la représentation du pays.
Dans la consommation quotidienne, cette déduction se fait dune manière automatique. Lachat dun objet est lié ou « guidé autant par les signes qui lui sont attachés que le souhait daccéder à son usage. »93 Dans la société, les objets dusage servent le plus souvent à des fins de signification : le vêtement sert à se protéger, la nourriture sert à se nourrir, quand bien même ils servent aussi à signifier.94 Ces objets, en ayant une fonction utilitaire, ont souvent une fonction connotative du statut de leur utilisateur. Il sagit de lordre de la connotation. En dautres termes, cest le message au deuxième niveau ou le message second selon Barthes que nous développerons ultérieurement.
2.2.3 Signe comme instrument de structuration de lunivers
En tant que substitut des réalités, le signe sert à instituer lexistence des réalités. En parlant dun « mal », on établit par contrecoup un « non-mal », ainsi que le « haut » présuppose le « bas » et le « chaud », le « froid ». En utilisant les signes, on structure un univers dans lequel les signes sont relatifs au système de connaissance, aux valeurs dune culture, aux fonctions utilitaires définies par celle-ci, cest ce que lon nommera une encyclopédie.95 Et à travers cette structuration de lunivers, dont témoignent les signes dans notre corpus, nous nous mettons à restituer les images de la Thaïlande.
Les signes se composent dun côté matériel et dun côté conceptuel. Le premier inclut les couleurs, les formes, la gestion de lespace, tandis que le second, évoqué par lunivers matériel, comprend les idées, les représentations mentales, les affects, les valeurs, etc. Dans notre travail, lunivers matériel recèle les éléments matériels relevés dans les images. Ils seront dégagés pour constituer cet univers matériel. Après, avec les cadres de reconnaissance, nous établirons lunivers conceptuel que donne la lecture des images à lappui de la signification et de linterprétation.
92
Ibid., p. 38.
93
TISSERON Serge, Petites mythologies daujourdhui, Paris : Aubier, 2000, p. 11.
94
BARTHES Roland, Laventure sémiologique, op.cit., p. 40.
95
Selon la sémiologie des indices, la signification équivaut au terme d« effet de sens ». Celui-ci se produit lors de la phase interprétative. Lexpression montre limplication du chercheur qui construit les effets de sens dans le parcours interprétatif.96 Cette explication semble correspondre à la définition proposée par la sémiotique de lÉcole de Paris. Leffet de sens « a pour fonction de souligner une propriété essentiel du sens : le sens nest pas une réalité substantielle que lon pourrait simplement constater, mais un effet inséparable des deux actes sémiotiques que sont sa production lors dune énonciation et son interprétation postérieure (ou concomitante). »97