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III. 8.2.2 et comment ?

III.8.2.3. L’expérimentation pour déterminer les interactions bauxite-céramique

Dans la sphère préhistorique, les blocs de matières colorantes ont jusqu’à présent été principalement abordés dans un contexte technique paléolithique, soit comme supports de gravure, soit comme matière première à transformer par pulvérisation avant usage. Ils n’ont que rarement été envisagés comme « outil » actif exploité pour autre chose que ses propriétés colorantes (Baffier et al., 1991). Ces lacunes ont motivé la réalisation d’expérimentations adaptées aux problématiques et au cadre chrono-culturel et géologique pris en considération.

Les implications technologiques, esthétiques et culturelles de différents traitements de surfaces sur céramiques ont été documentées par Cédric Lepère par des expérimentations mettant en œuvre des galets, du cuir et de la laine de mouton (Lepère, 2014). La cohésion associée à la dureté moyenne des bauxites est frappante par rapport aux autres gammes de matériaux. Ces propriétés facilitent le maniement des blocs et suggèrent des possibilités techniques élargies. Cette particularité peut être rapprochée des observations faites en Provence (blocs facettés fréquemment rencontrés en contexte Chasséen : cf. titre 2.1.1. du chapitre premier).

L’hypothèse du frottement d’un bloc de bauxite sur un matériau céramique a été évoquée suite à l’observation sur plusieurs vases de surfaces rouges brillantes ou de décors gravés rehaussés de matière blanche ou rouge (Binder et al., 1993, 1996). L’interaction bauxite-céramique peut relever de plusieurs motivations techniques, en fonction de l’état hydrique de la pâte :

• sur pâte verte : brunissage et coloration ; • sur pâte sèche ou cuite : abrasion et coloration ;

• sur décor gravé sur pâte cuite : incrustation de poudre rouge.

Au total, six variables ont été testées au cours de l’expérimentation visant à documenter ces différents aspects (cf. annexe III pour le protocole détaillé) :

• la composition des matières premières bauxitiques (plus ou moins riches en quartz, en argile, en pisolithes ferrugineux) ;

• l’état hydrique de la pâte céramique (verte molle, verte ferme, sèche, cuite) ;

• l’état de surface des blocs de bauxite (préalablement facettés ou utilisés bruts sur le support céramique) ;

• les différentes actions techniques sur céramique (brunissage/abrasion28, incrustation de

poudre dans les décors gravés) ;

• le geste de frottement (aller-retour ou aller simple) ;

• dans le cadre des actions sur terre cuite (abrasion et incrustation de poudre), l’ajout ou non d’un adjuvant tel que l’eau.

28. Le brunissage est un traitement de surface qui s’applique sur des pâtes vertes à l’aide d’un outil dur ; dans le cas d’un traitement sur pâte sèche ou cuite, on parlera d’abrasion.

III.9. En résumé

Les matières colorantes sont difficiles à « faire parler », car elles n’enregistrent pas les indices de provenance, technologiques ou fonctionnels aussi bien que les industries céramiques, osseuses ou lithiques taillées. La perte de la macrostructure induite par la réduction en poudre et l’altération de la composition minéralogique et chimique dues au mélange avec d’autres matières colorantes ou minéraux, contrarient l’identification de la matière première et l’attribution de provenance.

Au sein des assemblages de matières colorantes, les blocs de matière première sont à la fois la composante majoritaire et la mieux préservée des modifications successives. Certaines de leurs caractéristiques (éléments traces, minéraux spécifiques) peuvent rester intactes tout au long de leur cycle d’utilisation et servir d’éléments discriminants.

En plus de ces données précieuses pour renseigner le système économique des matières colorantes, les blocs de matière première permettent de bien documenter les phases de transformation et de préparation, qu’elles soient mécaniques (réduction en poudre) ou chimiques (mélange et traitement thermique). Déterminer les propriétés physiques des blocs de matière première (degré de dureté, cohérence, richesse en oxy(hydroxy)des de fer, en argile ou en quartz) permet de brosser un premier inventaire des potentialités d’utilisation (propriétés exploitables, nécessité d’employer des outils, etc.). Cette gamme de vestiges sera investie à travers un ensemble de méthodes propres aux archéosciences (expérimentation et tracéologie), aux géosciences (pétrographie) et aux sciences des matériaux (observations à fort grossissement, analyses élémentaires et structurales), pour extraire le maximum d’informations. Ces données pourront être corrélées et confrontées à celles produites par l’étude (observations et analyses chimiques) des restes colorants incohérents sur tous types de supports (outils, céramiques, etc.) ainsi qu’aux autres gammes de matériel archéologique, pour cerner les systèmes techniques et symboliques dans lesquels s’insèrent les matières colorantes.

Chapitre IV. Résultats de l’étude

des matières colorantes

de Castellar – Pendimoun

et de Nice – Giribaldi

CONTENU DE CE CHAPITRE

Les résultats analytiques obtenus pour les assemblages des deux sites, ainsi que les déductions d’ordre économique, technologique et fonctionnel qui en découlent directement, sont exposés dans ce chapitre. Pour faciliter la lecture, les figures et les tableaux les plus volumineux n’ont pas été insérés au fil du texte, mais rassemblés en annexe (annexe IV pour les inventaires et les descriptions de matériel archéologique, annexe V pour les résulats d’analyses élémentaires et structurales).

1. Inventaire et vue d’ensemble des assemblages de matières colorantes

Cette première partie comprend l’inventaire de l’ensemble des vestiges colorants – blocs de matière première et résidus sur divers supports – pour chacun des deux sites. L’état des lieux ainsi produit montre que les restes cohérents sont largement dominants au sein des assemblages, par rapport aux restes incohérents sur outils, céramiques ou autres supports.

2. Castellar – Pendimoun : économie des matières colorantes de l’Impressa aux premières phases des Vasi a Bocca Quadrata/3. Nice – Giribaldi : économie des matières colorantes au sein des étapes formatives de la culture de Chassey

Ces deux titres, présentent, respectivement pour les deux sites étudiés : (i) les différentes gammes de matières premières identifiées, (ii) la caractérisation pétrologique et physico-chimique de chacune de ces gammes, (iii) leur provenance et, enfin, (iv) une reconstitution des systèmes d’acquisition de géomatières colorantes ainsi que (v) leur évolution au cours du temps.

4. Transformations et utilisations des matières colorantes, du VIe au Ve millénaire BCE

Les résultats obtenus pour les segments médians et terminaux de la chaîne opératoire sont présentés dans cette section : (i) transformation par traitement thermique, (ii) transformations physiques par réduction en poudre, (iii) usages et fonctions les vestiges colorants associés au matériel céramique, (iv)  sages et fonctions des matières colorantes associées à divers supports minéraux – blocs en calcaire sculpté ou non, galets.