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II.4. Contexte géologique de l’arc liguro-provençal

II.4.2. Géomatières disponibles

II.4.2.2. Concrétions ferrugineuses issues de l’altération de glauconie

La géographie du Mésozoïque a favorisé la sédimentation en milieu marin de dépôts détritiques, argileux ou carbonatés, mais aussi de minéraux riches en fer. Les grès, marnes et calcaires concernés présentent alors, suivant leurs conditions de diagenèse, une composante plus ou moins importante de glauconie ou d’oolites ferrugineuses. Les roches à oolithes ferrugineuses sont très répandues à l’est et au nord-est de la France45, mais relativement rares en Provence. Elles seront traitées brièvement

après les formations glauconieuses.

Le terme glauconie désigne une association de minéraux phylliteux, à forte teneur en Fe2+,

principalement composée de glauconite, d’illite et de smectite.

La glauconite (du grec glaukos : vert) est un phyllosilicate dans lequel des atomes de fer remplacent fréquemment l’aluminium au cœur des octaèdres. Elle se forme en contexte marin à faible bathymétrie (50 à 500 m de profondeur, mais surtout entre 200 et 300 m), à l’interface sédiment/eau de mer (donc lors des périodes où la sédimentation marine est faible ou nulle), par transformation en milieu réducteur de coprolithes ou d’éléments calcaires biodétritiques (foraminifères, fragments de tests). D’après l’étude des lieux de formation actuelle de la glauconite, la présence de micas (pour l’apport en K et Mg) et de kaolinite (Al et Si)46 est aussi nécessaire à la glauconitisation :

La glauconite forme de petits grains ou fragments émoussés de couleur verte, de dimensions inframillimétriques à millimétriques (Deer et al., 1966, p. 207 ; Odin et Matter, 1981 ; Triat, 1982 ; Kimberley, 1989, p. 92-94 ; Korbel et Novák, 1999 ; Cornell et Schwertmann, 2006 ; Triat, 2010, p. 82). Lorsqu’elle est soumise à un milieu oxydant (air libre et surtout climat chaud), la glauconite se transforme en oxy(hydroxy)des de fer  : hématite et goethite. La glauconie est ubiquiste dans les formations du Mésozoïque et peut être trouvée dans toutes sortes de terrains sédimentaires : grès, marnes ou encore calcaires  ; autant de formations susceptibles de contenir des concrétions ferrugineuses, produits de l’altération des grains de glauconite.

Ainsi, les fameuses ocres du Pays d’Apt (Vaucluse) sont constituées d’apports détritiques sédimentés en milieu marin au cours de l’Albien et du Cénomanien. Ces formations ont été soumises à deux types d’altération. Le premier, dit de surface, résulte de leur mise au jour au cours du Cénomanien supérieur, en climat tropical (chaud et humide, à fortes précipitations). Un second type d’altération, dite latérale sous couverture, procède par pénétration de la roche mère non pas verticalement, mais par les formations perméables adjacentes (Debrand-Passard et al., 1985, p. 382-383). L’un et l’autre ont entraîné l’hydrolyse de la glauconite, de l’illite et de la smectite, en kaolinite. Le fer libéré a formé la goethite, laquelle s’est déshydratée par endroits en hématite (figure 34).

45. Les formations à oolithes ferrugineuses constituent un minerai de fer qui a été intensivement exploité dans ces régions sidérurgiques sous le nom de « minette de Lorraine » pour la goethite, « oligiste oolithique » dans le cas de l’hématite.

46. La glauconite se forme aujourd’hui dans des milieux marins riches en kaolinite (côte du Venezuela par exemple) ; les micas altérés sont systématiquement observés.

0,215 Al2 Si2 O5(OH)4 + 1,42 Fe2+ + 0,25 O2 + 3,33 H4 SiO4 + 0,39 Mg2+ + 0,85 K+

3+ 2+

= 4,47 H+ + 3.755 H

Les ocres du Vaucluse sont réputées pour leur richesse en oxy(hydroxy)des de fer faiblement cristallisés – associés au quartz et à des argiles – exploités comme pigments depuis la fin du XVIIIe siècle47.

Cependant, le terroir géologique provençal comprend de nombreuses autres formations riches en niveaux glauconieux ; elles sont souvent évoquées dans les notices des cartes géologiques. Ces niveaux glauconieux sont susceptibles de s’être oxydés lors de leur émersion et donc de contenir une part non négligeable de goethite et d’hématite. Pour autant, ces potentielles sources de géomatière colorante sont rarement mentionnées dans la littérature, en regard des autres types de faciès (oolites ferrugineuses, ocres ou encore bauxites).

Pourquoi une telle lacune ? Premièrement, à l’échelle terrestre, les roches ferrugineuses d’origine glauconitique représentent moins de 1 % de tous les faciès riches en fer (Kimberley, 1989, p. 92). Deuxièmement, il faut reconnaître que l’intérêt historique pour la glauconite est limité, puisqu’elle ne constitue pas un minerai de fer rentable.

Pourtant, une prospection systématique des terrains formés au Crétacé révèle la présence régulière de concrétions ferrugineuses issues de l’altération de la glauconite, aptes à être utilisées pour leur richesse en goethite ou hématite (cf. annexe II). Si les niveaux suffisamment riches pour être exploités de manière industrielle (comme les ocres du Pays d’Apt) sont rares, tous ont pu faire l’objet de ramassages ou grattages pour fournir aisément quelques kilogrammes à dizaines de kilogrammes de matière colorante.

Si les formations ferrugineuses glauconitiques sont rares à l’échelle terrestre et présentent peu d’intérêt de nos jours, il n’en va pas de même pour les roches à oolithes ferrugineuses. Celles-ci sont bien

47. En France, on rencontre également des formations ocreuses renommées dans le Berry et la Bourgogne. Les premières ont été exploitées exclusivement de la Protohistoire à l’époque moderne ; les secondes, plus riches mais recouvertes d’un toit, ont été exploitées en galeries puis en carrières à partir du XIXe siècle (Guillaume, 1991 ; Triat, 2010).

Cuirasse ferrugineuse Cuirasse siliceuse Sables blancs

Sables tachetés ocreux Sables rouges ocreux

Sables verts glauconieux Grès glauconieux calcitiques Marnes grises Albien Cénomanien inférieur Aptien supérieur

LITHOLOGIE

MINÉRALOGIE

Roche totale Calcite Argiles Quartz Oxydes de fer 0 100 % Argiles Kaolinite Glauconite et micas Smectites 0 100 %

Figure 34. Évolution lithologique et minéralogique de la coupe stratigraphique des ocres du Vaucluse (d’après Triat, 2010, p. 117).

plus répandues (Kimberley, 1989, p.  20) et constituent une source essentielle de minerai de fer (Denayer et al., 2011, p. 30-35).

Une oolithe (du grec ôon : œuf, et lithos : pierre) est une sphère de dimensions inframillimétriques à centimétriques. Le nucléus est un débris48, le cortex une enveloppe de minces couches concentriques.

La structure finale de l’oolithe est concentrique et parfois radiaire.

La formation des oolithes est complexe. Elle a lieu en contexte marin, le plus souvent dans des environnements dits « de haute énergie », dans une eau chaude et saturée en sel. Les conditions idéales sont donc un contexte marin de plate-forme superficielle (0 à 12 m de profondeur), agité et un climat chaud ; la faune associée est benthique*. Il peut y avoir formation d’oolithes ferrugineuses en milieu calme, sur des plates formes plus profondes. Les formations sont alors moins épaisses et contiennent une faune nectonique* et benthique. Il est possible que l’activité biologique favorise la fixation des couches corticales, bien que ce point fasse débat. L’agitation permet la mise en suspension des grains, sur lesquels s’opère la précipitation des couches constituant le cortex ; lorsque l’oolithe atteint une certaine masse, elle se dépose et sédimente. Dans le cas des oolithes ferrugineuses, le minéral cortical initial est la berthiérine (Fe2+.Fe3+.Al.Mg)

23(Si.Al)2O5(OH)4, qui va se transformer

par diagenèse en chamosite (Fe2+.Mg.Fe3+)

5Al(Si3Al)O10(OH.O)8 puis en sidérite FeCO3 et enfin en

goethite ou en hématite (Kimberley, 1989 ; Denayer et al., 2011).

En Europe occidentale, les roches à oolithes ferrugineuses se sont surtout formées au cours du Dévonien (Belgique) et du Jurassique (France). En Provence, les formations à oolithes ferrugineuses sont bien plus rares, mais pas inexistantes. Des niveaux de très faible extension sont mentionnés dans les formations du Toarcien moyen et supérieur près de Brignoles et de Cuers (Debrand-Passard

et al., 1984, p. 152-154 et 218-220) et dans la première moitié du Crétacé inférieur de l’arrière-

pays niçois (Debrand-Passard et al., 1984, p. 318-319 ; Gèze et Nesteroff, 1996). D’après la faune associée (benthique et pélagique*), ces oolithes ferrugineuses se sont formées en milieu calme relativement profond.

II.4.2.3. Concrétions ferrugineuses issues de l’oxydation de sulfures de fer