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III.3. Premières étapes incontournables pour une vision globale

III.3.1. Inventaire et classification

III.3.1.1. Inventaire de l’ensemble du matériel

Un inventaire exhaustif du matériel archéologique (blocs de matière première, macro-outillage, céramique, etc.) a été mené à l’œil nu et sous loupe binoculaire, dans le but de recenser l’ensemble des matières colorantes (restes cohérents et incohérents). Seuls les refus de tamis les plus petits n’ont pas été pris en compte, en raison de la confusion possible entre géomatières colorantes et terre cuite pour de si petites surfaces d’observation.

Chaque objet archéologique inventorié a reçu un numéro d’inventaire unique noté « JVP- [acronyme du site4]-[type de matériel]-[numéro

unique] » (tableau 13), par exemple, « JVP-AP- Bloc-1200 » ou bien « JVP-VG-Céram-24 ». Certains fragments de matière première, retrouvés « en connexion » lors de la fouille, ont pu être prélevés et côtés ensemble, en un unique lot. Ils ont reçu un unique numéro d’inventaire, pour faciliter les interactions et les compilations avec la base de données déjà existante pour chaque site ; le nombre de fragments par lot est cependant précisé et pris en considération pour chaque étape ultérieure.

Au cours de l’observation des blocs, plusieurs propriétés physiques et informations pétrologiques ont été renseignées de manière systématique, par la mise en place d’une grille de lecture adaptée à chaque corpus (tableau 14). Les caractéristiques relevées sont :

• La couleur ou les couleurs du bloc : rouge, rouge lie-de-vin, orangé, brun, bicolore rouge et brun, bicolore rouge et jaune, jaune, jaune-brun, noir, bleu5 ;

4. AP pour « Abri Pendimoun » ou bien VG pour « Villa Giribaldi ».

5. La charte Munsell est l’outil le plus répandu pour évaluer et qualifier la teinte des sols (Collectif, 1975). Elle n’a pas été employée dans ce travail car la teinte des blocs de matière colorante est rarement assez uniforme pour entrer dans une case précise de la codification très stricte de la charte. Son usage aurait entrainé la l’emploi de dizaines de références de teintes différentes (de fait, toutes celles présentant une pureté, ou chroma, 3 à 8 sur les pages 10R, 2.5YR, 5YR, 7.5YR, 10YR et 2.5 YR). Dans un souci de clarté, nous avons privilégié les descriptifs simples.

Abréviation Signification

AP Site : Castellar – Pendimoun

VG Site : Nice – Giribaldi

Bloc Matériel : blocs et fragments de matière première

Céram Matériel : résidus sur tesson céramique

Meul Matériel : résidus sur outil (actif ou passif)

Galet Matériel : résidus sur galet (moins de 10 cm)

Autre Matériel : autre gamme de matériel archéologique (bloc peint par exemple)

Tableau 13. Signification des acronymes et des abréviations employés dans la numérotation d’inventaire.

Caractéristique Appréciation Valeurs Critères

Couleur Observations macro et mésoscopique

Rouge Rouge lie-de-vin Orangé Brun Rouge et brun Rouge et jaune Jaune Jaune-brun Noir Bleu Concentration en

chromogène Test empirique

Faible Ne colore pas par contact

Moyenne Colore la peau ou tout autre support par contact Forte La peau colorée colore à son tour par simple

contact

Dimensions Observation macroscopique

T1 Inférieures à 5 mm

T2 Entre 5 et 10 mm

T3 Entre 10 et 30 mm

T4 Supérieures à 30 mm

Dureté (Mohs) Test empirique

1 Friable

2 Rayable à l’ongle

3 et + Non rayable à l’ongle

Masse Balance de précision Mesure à 0,1 mg près

Granulométrie Observation mésoscopique

Lutite Inférieure à 1/16 mm Arénite fine Entre 1/16 et 0,5 mm Arénite-Rudite Supérieur à 0,5 mm Matrice – homogénéité Observation mésoscopique Homogène Hétérogène

Structure Observation mésoscopique

Massive Litée Caverneuse Radiale Hétérogène

Inclusions Observation mésoscopique

Calcite Muscovite/biotite Quartz Feldspath Glauconite Etc. Minéralisations métalliques remarquables Observation mésoscopique Oolithes Pisolithes Octaèdres

Filons bien cristallisés Inclusions noires (ox. de Mn) Etc.

Tableau 14. Grille synthétique de lecture des blocs de matière première : caractéristiques renseignées, mode d’appréciation de celles-ci, liste fermée ou non de valeurs pour chacune d’elles.

• Les propriétés colorantes de la géomatière : cette caractéristique est évaluée lors de la manipulation du bloc. Elle est liée à plusieurs facteurs (richesse en chromogène, état de cristallinité de celui-ci, etc.) et peut être faible (ne colore pas par contact), moyenne (colore abondamment la peau ou tout autre support par contact) ou forte (la peau colorée colore abondamment à son tour par simple contact) ;

• Les dimensions (ou calibre) : l’expérience montre qu’en dessous de 5 mm, la manipulation des blocs n’est plus possible. Quatre catégories de dimensions ont été retenues : T1 < 5 mm < T2 < 10 mm < T3 < 30 mm < T4 ;

• Le degré de dureté6 : exprimé sur l’échelle de Mohs, il est évalué à l’ongle sur la surface

de blocs-tests sélectionnés (petits fragments au sein de lots, blocs portant des stigmates de fouilles) pour limiter l’impact invasif sur le corpus archéologique. Un degré de dureté 1 implique que le bloc est aisément pulvérisable entre deux doigts. Un bloc de dureté 2 peut fournir une poudre colorante par contact, mais devra préférentiellement être frotté sur un support plus dur pour fournir de la matière. La catégorie de dureté « 3 et + » nécessite un traitement à l’aide d’outils adaptés ;

• La masse des fragments ou des lots : elle est mesurée à 0,1 mg près à l’aide d’une balance de précision Denver Instrument APX-200 ;

• La granulométrie : elle a été évaluée en s’appuyant sur la classification internationale (tableau 15) : lutite7, arénite fine8, arénite-rudite9. La classe des arénites comprend normalement

les grains de 62,5 µm à 2 mm. Un intervalle intermédiaire a été fixé à 0,5 mm pour mieux tenir compte de la variabilité du matériel géologique pris en considération dans cette étude ; • La matrice : homogène ou hétérogène, en termes de composition, de couleur, de cohésion, etc. ; • La structure à l’échelle pétrographique10, ou habitus : cette caractéristique décrit l’arrangement

des minéraux, la géométrie des joints de grains. Elle est massive, litée, caverneuse, radiale ou hétérogène ;

• Enfin, les différentes espèces minérales observées sont relevées. Elles comprennent les inclusions de carbonates (calcite) et de silicates (quartz, muscovite, feldspath, glauconite), qu’elles soient détritiques ou authigènes, et les minéralisations métalliques remarquables (oolithe, pisolithe, marcassite, petits filons bien cristallisés).

6. On mesure ici le degré de dureté non pas d’un minéral mais d’une roche. Le degré de dureté d’une roche représente sa résistance à l’usure, qui se fait surtout par arrachement de grain (Foucault et Raoult, 2010). C’est pour cette raison qu’un grès composé de grains de quartz (degré de dureté 7) peut se révéler tendre (degré de dureté 1 ou 2).

7. Du latin lutum  : boue. Certains auteurs emploient «  lutite  » pour désigner les roches meubles et «  pélite  » pour les roches consolidées (Foucault et Raoult, 2010). Le terme « lutite » est employé ici au sens granulométrique stricto sensu. Une roche entrant dans cette catégorie granulométrique est une argilite (inférieure à 1/256 mm ou 3,9 µm) ou une siltite (entre 1/256 et 1/16 mm). 8. Du latin arena : sable. Selon la même remarque que la note précédente, le terme « arénite » est ici dépourvu de la connotation

pétrologique de certains auteurs (proportion de ciment inférieure à 15 %). La classe des arénites comprend normalement les grains de 62,5 µm à 2 mm. Sa borne supérieure est fixée ici à 0,5 mm pour mieux tenir compte de la variabilité des collections étudiées.

9. La classe granulométrique qui vient normalement au-delà des arénites est celle des rudites (du latin rudus : gravats). Sa borne inférieure est fixée à 2 mm.

Une grille de description similaire a été mise en place pour les résidus sur objets (outils, céramiques, blocs peints, autres). Plusieurs informations ont été compilées (tableau 16) :

• la couleur des résidus : rouge, rouge lie-de-vin, orangé, brun, bicolore rouge et jaune, jaune ; • la quantité relative de matière colorante conservée, selon trois degrés : degré 1, le repérage des

résidus n’est possible que sous loupe binoculaire ; degré 2, une ou deux occurrences peuvent être repérées à l’œil nu ; degré 3, de nombreuses occurrences sont visibles à l’œil nu. Dans ce dernier cas, les prélèvements et les analyses in situ sont facilités ;

• la répartition des résidus. Pour les céramiques, les différents lieux de répartition sont le bord, la tranche, dans le décor plastique, sur la face interne ou externe (figure 42) ; pour les outils de préparation, les résidus peuvent être présents sur une surface11 de travail ou autre ;

• pour les résidus sur céramique, l’état de la matière colorante : poudre, grain, peinture, pâte ; • pour les résidus sur céramique, le type de décor, s’il y en a un : imprimé, gravé, excisé, etc. • pour les résidus sur outil, le fonctionnement* de l’outil : actif ou passif ;

• pour les résidus sur outil, la fonction de l’outil support est renseignée, suivant l’évaluation de Caroline Hamon (Hamon, 2006, p. 31-33) : broyeur, table de broyage, concasseur à cupule, polissoir, etc.

• pour les résidus sur petits galets à extrémités usées (Bonilauri, 2001 ; cf. titres 1.2.4. du quatrième chapitre), nous avons repris la terminologie développée par Stéphanie Bonilauri en la complétant (Bonilauri, 2001, p. 4). Les qualificatifs « distal » et « proximal » sont ainsi employés pour désigner les extrémités et leur abord immédiat, en considérant que le pôle distal est celui qui est usé, ou le plus usé dans le cas de galets à double usure. Si les résidus ne se trouvent pas aux extrémités, on adopte une localisation verticale (par zone) et horizontale (par aire). Dans le sens de la longueur, chaque galet est divisé en trois zones équidistantes : « zone proximale », « zone médiane » et « zone distale ». On ajoute à chacune de ces zones un qualificatif suivant si le résidu se trouve sur une face ou un bord (respectivement les

11. Selon la terminologie de Caroline Hamon, on distinguera les termes face et surface, « soit les face d’un outil et la surface de travail. Les dimensions de la surface de travail peuvent parfois correspondre à celles de la face de l’outil » (Hamon, 2006, p. 27).

Classe Borne (mm) SI Roche

Arénite- rudite

20

Rudite Gravier, conglomérat

Arénite Sable, arénite, grès 0,5

Arénite fine

1/16

Lutite Lutite Siltite

1/256 Argilite

Tableau 15. Granulométrie employée (à gauche), bornes en millimètres, équivalent dans le système international (SI) et nom des roches.

aires les plus grandes ou les plus étroites) : la face marquée est dite « inférieure », l’autre est « supérieure » ; les bords « gauche » et « droite » sont désignés ainsi selon la terminologie en vigueur en technologie lithique – le bord est qualifié en tenant le galet face supérieure face à soi et extrémité proximale vers le bas (figure 43).

Caractéristiques Valeurs Critères

Couleur Rouge Lie-de-vin Orangé Jaune Brun Noir Blanc Quantité

1 Repérage à la loupe binoculaire uniquement 2 Une ou deux occurrences repérées à l’œil nu 3 Nombreuses occurrences aisément repérées à l’œil nu

Résidu sur céramique – état

Poudre Grain Peinture Pâte Céramique – interface Dans la pâte Inclusion superficielle Sur la pâte Céramique – répartition Face interne Face externe Bord

Dans décor plastique Tranche

Céramique – décor plastique

Imprimé Gravé Excisé

Outil – fonction Broyeur, table de broyage, etc. Évaluation Caroline Hamon

Outil – fonctionnement Actif

Passif

Outil – répartition Surface active Autre

Galet – répartition - Pour détail, cf. titre 4.4.3. du quatrième chapitre

Tableau 16. Grille synthétique de lecture des résidus sur céramique ou outil : caractéristiques renseignées, liste fermée ou non de valeurs pour chacune d’elles.