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II.4. Contexte géologique de l’arc liguro-provençal

II.4.2. Géomatières disponibles

II.4.2.4. Bauxites du Crétacé

Certaines altérites telles que les ocres, nous l’avons vu, se sont formées au Crétacé en contexte marin. Avec l’émergence du bombement durancien au milieu du Crétacé, des conditions similaires (climat chaud et humide) en contexte continental conduisent à la formation de bauxite. Si les altérites bauxitiques sont répandues sur toute la surface du globe (Amérique du nord, Méditerranée septentrionale et sur l’ensemble de la zone intertropicale : Valeton, 1996, p. 3-14), historiquement, c’est en Provence qu’elles ont été décrites et exploitées pour la première fois52.

II.4.2.4.1. Pétrologie des bauxites : définition et conditions de genèse

Au sens strict du terme, la bauxite est une roche sédimentaire contenant des oxy(hydroxy)des d’aluminium, souvent associés à des oxy(hydroxy)des de fer (goethite et surtout hématite) et, en plus faible proportion, à des minéraux argileux (kaolinite), des silicates (quartz), des carbonates (calcite) et des minéraux titanés (anatase, rutile). Roche tendre, elle présente généralement une structure de pisolithes pris dans un ciment cryptocristallin* (composé de petits cristaux, de l’ordre de quelques micromètres maximum). Sa couleur est tributaire de la teneur en oxy(hydroxy)des de fer : elle peut être blanche (pas ou très peu d’oxy(hydroxy)des de fer), jaune (goethite) ou rosée à lie-de-vin (hématite).

52. L’intérêt économique important de la bauxite (c’est le principal minerai d’aluminium) est relativement récent. Jusqu’au XIXe

siècle, elle est considérée comme une roche trop pauvre en fer pour être exploitée en sidérurgie. Mais en 1821, Pierre Berthier identifie l’alumine dans un échantillon provenant de la commune des Baux-de-Provence, qui donne son nom à la roche. Le premier site de production d’aluminium est installé dans le Var en 1860 et la France en reste le premier exportateur mondial jusqu’à la première guerre mondiale (Fischer, 1962 ; Castel, 1990 ; Bardossy, 1997).

La littérature anglo-saxonne emploie deux termes : (i) bauxite, qui recouvre l’ensemble des géomatières contenant des minéraux alumineux formés selon les conditions explicitées ci-dessous, (ii) et bauxite

ore, pour désigner les matériaux contenant au moins 45 % d’alumine Al2O3, moins de 20 % de Fe2O3 et 3-5 % de silicates, ce qui rend leur exploitation économiquement rentable53 (Valeton, 1996, p. 1).

La littérature francophone est plus floue. Le terme bauxite renvoie généralement au minerai exploité pour en extraire l’aluminium54 ; les autres matériaux sont souvent appelés latérites, altérites ou encore

« produits/matériaux de formations bauxitiques » (Lajoinie et Laville, 1979, p. 7). Les deux premières appellations sont trop imprécises55. La dernière présente l’avantage d’englober certains faciès parfois

presque exclusivement composés de kaolinite (à l’abord du toit par exemple) ; mais elle est d’un emploi indigeste. Dès lors, nous privilégierons l’emploi des expressions matériau bauxitique et

bauxite, dans leur acception anglo-saxonne.

Les formations bauxitiques peuvent être latéritiques ou karstiques. Quant aux formations métamorphisées, elles sont rassemblées sous le terme de métabauxites.

Les bauxites latéritiques se forment au détriment de roches aluminosilicatées56 qui ont été altérées

par un climat tropical avec alternance de saisons sèches et humides57. Cette altération pédogénétique

implique que les bauxites latéritiques se sont formées à l’endroit où on les trouve actuellement ; elles n’ont pas été démantelées ni transportées par érosion. Le principal facteur d’altération est l’hydrolyse, engendrée par de fortes précipitations d’eau. Les premiers éléments lessivés sont les alcalins et les alcalino-terreux (potassium, magnésium, ou encore calcium). Les éléments silicium et aluminium se recombinent, pour former la kaolinite Al2Si2O5(OH)4. Si le lessivage persiste, le silicium est évacué à son tour58 par allitisation* (George, 1964). Un bon drainage est essentiel pour une hydrolyse intense,

c’est pourquoi les formations se trouvent souvent sur des reliefs. Le lessivage de la silice SiO2, favorisé par une température supérieure à 20  °C, entraîne la formation de gibbsite γ-Al(OH)3 (cf. infra titre 4.2.4.2. de ce chapitre pour un exposé minéralogique des oxy(hydroxy)des d’aluminium) et de goethite puis d’hématite (Beauvais et Tardy, 1991 ; Tardy, 1993 ; Achtuythan, 1996). Les bauxites latéritiques les plus récentes (Cénozoïque et Quaternaire) se trouvent principalement dans la zone intertropicale. D’autres datent du Carbonifère et sont dotées d’une couverture, (Russie).

La genèse des bauxites karstiques59 est moins bien cernée que celle des formations latéritiques60. Au

début du XXe siècle, Gustave Dolfuss fait une analogie entre les deux types et suggère que les bauxites

de karst proviennent de l’altération des terrains carbonatés (calcaires et dolomies) plus ou moins érodés sur lesquels elles reposent (Bardossy, 1997). Cette théorie de « l’autochtonie absolue » est reprise par Jacques de Lapparent : d’après lui, les formations bauxitiques de karst seraient formées sur

53. En France, dans les départements du Var, des Bouches-du-Rhône et de l’Hérault, le minerai rentable ne représente que 39 % de la formation bauxitique totale. Par ailleurs, seul 13 % de ce minerai s’avère exploitable, soit, au final, 5 % de la formation totale (Debrand-Passard et al., 1985, p. 382).

54. Encore que certains auteurs francophones l’emploient dans le sens anglo-saxon, comme : de Lapparent, 1930 ; Lajoinie et Laville, 1979 ; Bardossy, 1997.

55. Les ocres, et certaines formations de kaolinite comme les terra rossa, sont des altérites.

56. Principalement constituées de quartz, de feldspaths et de micas, comme les granites ou les basaltes. 57. Un climat uniquement humide mène à la formation de kaolinite.

58. Malgré la perte de la plupart des atomes constitutifs, la roche garde peu ou prou son volume initial et s’ameublit, du fait de l’affaiblissement du réseau cristallin. On parle « d’altération isovolume » (Georges et Bonifas, 1955).

59. Comme leur nom l’indique, ces formations reposent sur un substrat carbonaté karstifié, qui n’est pas nécessairement latérisé. 60. L’évolution des débats visant à cerner l’origine des bauxites provençales est décrite en détail dans Philip, 2012, p. 144-148.

place à partir de la « terra rossa », une argile libérée par la décalcification des calcaires qui composent le mur* (de Lapparent, 1930, p. 142-146). Cependant, les volumes de marnes et de calcaires nécessaires paraissent démesurés. À l’inverse, certains auteurs ont proposé une origine allochtone en se fondant sur l’observation de nodules ferrugineux interprétés comme des graviers roulés d’origine alluviale et en observant des minéraux allochtones (quartz rhyolitiques par exemple) dans les bauxites (Valeton, 1966, 1996). Il s’avère que les nodules ferrugineux ont pu se former in situ et ne sont en rien un indice de transport. Nonobstant ce fait, il a été démontré que certaines bauxites s’étaient formées de l’altération de matériaux préalablement corrodés, érodés et transportés. Plusieurs hypothèses sont proposées pour expliquer le mode de déplacement : éluvial (figure 35 : Valeton, 1966) ou détritique et sédimentaire (figure 36 : Nicolas, 1968). Une étude plus récente menée dans les Alpilles a conduit au retour nuancé à l’hypothèse de genèse autochtone, à partir de l’altération des marnes aptiennes riches en glauconie ; le karst semble jouer un rôle non négligeable dans les modalités d’accumulation et d’altération post-déposition (Guendon et Parron, 1985)61. Ces auteurs ont démontré que « chaque

dépression karstique avec sa couverture bauxitique constitue une unité géochimique évolutive élémentaire  » (Guendon et Parron, 1985, p.  92). La réalité emprunte au final aux différentes théories et les chercheurs ont, dans l’ensemble, adopté l’hypothèse de « l’autochtonie relative » ou « parautochtonie » (Nicolas, 1968 ; Bardossy, 1982 ; Debrand-Passard et al., 1985, p. 381), c’est-à- dire que certaines bauxites proviennent de l’altération in situ d’un matériau allochtone préalablement altéré. Trois cas de figure peuvent être envisagés, voire combinés, pour chaque formation bauxitique karstique (Lajoinie et Laville, 1979) :

• premier cas : certains faciès proviennent de l’altération in situ d’un paléosubstrat riche en glauconite (autochtonie) ;

• l’altération in situ d’un matériel plus ou moins allochtone, qui avait été préalablement altéré avant démantèlement et remaniement, constitue le deuxième cas (parallochtonie) ;

• un troisième cas, enfin, est le dépôt d’une altérite allochtone.

La présence de fossiles a permis de démontrer que le dépôt détritique et la sédimentation ont parfois eu lieu en milieu aqueux : marigots, lacs, ou lagunes (Nicolas, 1968).

Les métabauxites sont des formations bauxitiques qui ont subi un métamorphisme plus ou moins prononcé. Reposant sur des terrains métamorphisés (marbre par exemple), elles sont caractérisées par leur richesse en diaspore et en corindon, qui se forment à haute température par déshydratation de gibbsite et de boéhmite ; lorsque la goethite est présente initialement, elle est alors transformée en hématite. On rencontre principalement les métabauxites dans les Balkans, en Grèce septentrionale, dans de nombreuses îles de la Mer Égée, en Anatolie et en Asie centrale (Feenstra, 1985, p. 15-19 ; Urai et Feenstra, 2001 ; Feenstra et Wunder, 2002 ; Hatipoglu et al., 2010).

Enfin, quand elle est démantelée par dissolution de son mur, la bauxite peut former un faciès d’altérite litée appelé aramonite62 (Lajoinie et Laville, 1979, p. 7).

61. Les méthodes développées par Guendon et Parron dans les Alpilles n’ont à ce jour pas été testées sur les gisements du Var pour confronter leurs conclusions à celles de Valeton et Nicolas (Philip, 2012, p. 147-148). Une telle étude pourrait potentiellement démontrer que les différents faciès de gîtes observés dans le Var (cf. titre 4.2.4.3. de ce chapitre) dépendent non seulement des conditions d’évolution, mais aussi des karsts-réceptacles.

62. D’après la commune d’Aramon (Gard et non Bouches-du-Rhône, comme cela est mentionné dans Toutin-Morin et al., 1994, p. 71), où ce faciès a été décrit en 1924-26 par Marcellin et Brun.

II.4.2.4.2. Minéralogie des bauxites

La nature et les proportions des différents minéraux constitutifs des matériaux bauxitiques sont infuencées par leur position lithostratigraphique et par leurs conditions de formation et d’évolution (tableau 12).

La gibbsite, ou hydrargillite γ-Al(OH)3 cristallise dans le système monoclinique. On peut la trouver en petits cristaux (2 à 4 µm) hexagonaux, souvent maclés. La gibbsite est abondante dans les bauxites latéritiques et parfois présente dans les bauxites de karst (Renaudin, 1998, p. 33-35).

Figure 36. Recomposition paléogéographique du contexte de genèse des bauxites parautochtones ou parallochtones (Nicolas, 1968).

Figure 35. Recomposition paléogéographique du contexte de genèse des bauxites allochtones selon Ida Valeton ; les produits de démantèlement de la croûte latéritique élaborée sur les Maures et sur l’Estérel sont drainés par des courants sur l’avant pays mésozoïque émergé ; Dr : Draguignan ; Br : Brignoles ; Cr : socle cristallin ; PT : Permien-Trias ; J : Jurassique ; Ci : Crétacé inférieur ; I à V : « cuvettes bauxitiques » (Valeton, 1966).

La bayérite α-Al(OH)3 est un autre oxyhydroxyde d’aluminium monoclinique, polymorphe de la gibbsite. Les cristaux ont la forme de pyramides à trois pans. Moins répandue, elle est surtout décrite dans les formations karstiques et associée à la boéhmite (Renaudin, 1998, p. 33-35).

Cristallisant dans le système orthorhombique, la boéhmite γ-AlOOH forme des cristaux trop petits pour être visibles au microscope, mais elle peut être identifiée par des méthodes d’analyses structurales (diffraction des rayons X). La boéhmite est le principal constituant des formations de bauxites karstiques et est connue dans les formations latéritiques, où elle est peut-être un produit secondaire de l’évolution de la gibbsite.

Le diaspore α-AlO(OH) cristallise dans le système orthorhombique, en petites écailles de dimensions micrométriques. Il est reconnu dans les formations de karst avec la boéhmite et dans les métabauxites aux côtés du corindon. Sa présence en contexte latéritique est exceptionnelle.

Minéral reconnu pour sa dureté, le corindon α-Al2O3 cristallise dans le système trigonal. Il se présente en petits cristaux grenus ou prismatiques. C’est avant tout un composant des métabauxites, mais il a été identifié dans des bauxites de karst comme minéral détritique ou authigène.

La kaolinite Al2Si2O5(OH)4 est un phyllosilicate du système triclinique, résultant de l’altération des roches aluminosilicatées. La kaolinite est souvent concentrée aux extrémités de la formation bauxitique, aux abords du mur et du toit.

Les oxy(hydroxy)des de fer que l’on rencontre le plus souvent dans les matériaux bauxitiques sont la goethite et l’hématite. Les deux espèces peuvent être diffusées dans la matrice alumineuse et/ ou constituer des pisolithes de dimensions variables (inframillimétriques à centimétriques). Les oxy(hydroxy)des de fer sont observés sur l’ensemble du profil de la formation bauxitique, sauf parfois au sommet.

Enfin, il est possible de reconnaître dans les formations bauxitiques de nombreux minéraux attribuables à des pollutions provenant du toit ou transportés avec les altérites allochtones : silicates (quartz), carbonates (calcite), minéraux titanés et autres ubiquistes très résistants à l’altération (zircon* par exemple).

Minéral Réseau cristallin Formule Dureté

Gibbsite Monoclinique γ-Al(OH)3 2,5 - 3

Bayerite Monoclinique α-Al(OH)3 2,5 - 3,5

Boehmite Orthorhombique γ-AlOOH 3

Diaspore Orthorhombique α-AlO(OH) 6,5 - 7

Corindon Trigonal α-Al2O3 9

Tableau 12. Propriétés chimiques et physiques des oxy(hydroxy)des d’aluminium courants.

II.4.2.4.3. Gîtologie des bauxites provençales : différents faciès et extension

Dans le Sud-Est de la France, les formations bauxitiques se sont constituées au cours de l’Aptien- Albien-Cénomanien inférieur et sont exclusivement karstiques. Au niveau du Rhône, elles peuvent être scindées en deux groupes géographiques : le Languedoc et la Provence.

Les bauxites provençales occupent des lentilles orientées ouest-est dans les Bouches-du-Rhône et le Var et des petites poches dispersées, de dimensions réduites, dans le Haut-Var (Nicolas, 1968). Les gisements peuvent occuper des dépressions très étendues mais peu profondes (cas de la formation de Mazaugues qui atteint 30 km de large pour environ 10 m d’épaisseur) ou bien remplir des poches plus ou moins isolées, très karstifiées et d’extension limitée mais dont la profondeur atteint 50 m. Si les bauxites provençales sont toutes contemporaines, leur mur a parfois pu être émergé et érodé préalablement à leur genèse. Toutes ne reposent donc pas sur les mêmes terrains. On observe d’est en ouest un vieillissement des terrains, entre le Barrémien (Crétacé inférieur) et le Bathonien (Jurassique moyen)63.

La paragenèse* dominante est boéhmite-hématite-kaolinite, avec parfois de la gibbsite et de la goethite ; les minéraux détritiques, dont le quartz, sont surtout présents dans les gîtes du nord- ouest (plus proches du Massif central) (Debrand-Passard et al., 1985, p. 382). Les oxy(hydroxy)des d’aluminium se concentrent dans la partie médiane des profils, la base et le sommet étant enrichis en kaolinite et parfois en calcite à l’abord du toit.

Les trois cas de genèse évoqués supra au titre 4.2.4.1 de ce chapitre sont représentés en Provence (figure 37) :

• dans les Alpilles et ponctuellement dans le Var, les bauxites autochtones ont été formées sur place au détriment de marnes aptiennes glauconieuses (premier cas de genèse : autochtone) ; • dans le Centre-Var, les grands gisements proviennent de l’altération in situ d’altérites allochtones (deuxième cas de genèse : parallochtone) ; préalablement altérées en zones hautes, ces roches ont été démantelées et déposées dans les dépressions synclinales où elles subissent une nouvelle altération. Certaines de ces formations (Val-Vins-Vieux-Canet, Tourves-Mazaugues-Camps et le Revest) sont très riches en alumine, et ont fait l’objet d’une exploitation minière intense ; • les petites poches des marges occidentale du Var et septentrionale de Provence sont constituées

de matériel remanié, altéré avant dépôt (troisième cas de genèse : allochtone).

Des poches d’aramonite sont mentionnées à l’est de Draguignan (Var), au vallon des Tuilières et au bois de Saint-Val. Ce faciès est « fréquemment lité, plus ou moins riche en fragments de bauxite et de calcaires mésozoïques emballés dans une matrice kaolinique, hématitique, parfois quartzeuse et carbonatée » (Toutin-Morin et al., 1994, p. 71). Nous avons pu apprécier les caractéristiques de cette géomatière suite à nos prospections : elle paraît trop riche en silice pour permettre une exploitation des oxy(hydroxy)des de fer.

Il n’y a pas de métabauxites en Provence, mais du diaspore a été mentionné dans les gisements de Brauch-Combecave, situés près du lac de Carcès, sur les communes de Carcès et de Cabasse.

63. En Languedoc, certains gisements reposent même sur un mur de l’Hettangien, premier étage du Jurassique inférieur (Alabouvette

Les ressources bauxitiques italiennes se sont formées au cours du Crétacé inférieur ou supérieur. Elles affleurent en Campanie (Mondillo et al., 2011), en Sardaigne (Oggiano et Mameli, 2001), dans les Abruzzes et dans les Pouilles (Petrascheck, 1989 ; Mongelli et Acquafredda, 1999). Les faciès de Campanie (Caserta, Montese) sont de type parallochtone (Mondillo et al., 2011) ; les autres sont principalement de type allochtone : oolithiques et riches en kaolinite. Ils ont été exploités à Olmedo (Sardaigne), à Spinazzola et à Otranto (Pouilles). Le nord de l’Italie n’offre pas de ressources équivalentes (Compagnoni et al., 2011).

Ces gisements ont été considérés comme trop lointains par rapport à ceux du Var (350 km à vol d’oiseau pour la Sardaigne, 700 km au minimum pour ceux de la péninsule italienne) et n’ont pas été échantillonnés.

0 km 100 km

Bauxites parallochtones Bauxites allochtones

Figure 37. Affleurements des différents faciès de bauxites en Provence (carte J.-V. Pradeau).

II.5. En résumé

La revue de l’environnement géologique montre qu’en regard d’autres entités géographiques64, l’arc

liguroprovençal offre une grande variété de gammes de géomatières riches en oxy(hydroxy)des de fer : ocres et oolithes ferrugineuses bien sûr, mais aussi bauxites, grès permiens, marcassites oxydées et concrétions issues de l’altération de roches glauconieuses.

Ces différentes géomatières présentent des propriétés pétrologiques (matrice, inclusions, cohérence, habitus, etc.) propres, qui permettent de bien les discriminer entre elles et dans l’espace. Par ailleurs, cette diversité suggère aussi une variabilité des qualités physico-chimiques intrinsèques (couleur, composition, dureté, granulométrie, richesse en chromogène) et, donc, des choix de préparation et des propriétés exploitables.

Par ailleurs, le contexte spatio-culturel considéré témoigne d’une complexification et d’une diversification des chaînes opératoires, des modes d’implantation au sol et des rapports sociaux, à mesure que le mode de vie néolithique s’implante en Méditerranée nord-occidentale. Il s’agira d’appréhender l’impact de cette dynamique sur les systèmes économique et technique des matières colorantes dans toute leur diversité : matières premières sélectionnées, modalités de préparation et d’utilisation, supports décorés.

64. L’Australie, la Normandie ou l’aire ardenno-mosane, par exemple, présentent une relative monotonie de géomatières colorantes : des ocres (Jercher et al., 1998) et des oolithes ferrugineuses (Billard et al., 2014 ; Billard et al., sous presse).

Chapitre III. Pour une méthodologie adaptée

aux matières colorantes

du Néolithique

Ces enfants s’étaient procuré quelques petites clefs, et quand la nuit était bien noire, ils essayaient d’ouvrir les cadenas de ces chaînes qui attachent les bateaux à quelque grosse pierre ou à quelque arbre voisin du rivage.

Stendhal, la Chartreuse de Parme

CONTENU DE CE CHAPITRE

Ce troisième chapitre décrit les méthodes et les clefs interprétatives retenues dans le cadre de ce travail pour aborder les documents archéologiques et géologiques.

1. Réflexions préliminaires

La première section rassemble une réflexion terminologique et interprétative sur les vestiges de matières colorantes cohérents (blocs de matière première) et non cohérents (résidus sur support et poudres libres), ainsi que sur les relations qu’ils entretiennent.

2. Méthodologie transdisciplinaire, intérêt de croiser les regards

Dans cette partie, nous présentons le cheminement méthodologique employé dans le cadre de notre travail, en fonction des documents en présence et des problématiques à traiter.

3. Premières étapes incontournables pour une vision globale

Le troisième titre décrit le modus operandi des premières étapes obligatoires pour aborder les séries archéologiques : l’inventaire des vestiges, la distinction et la classification des différentes gammes de matière première en présence, indispensables pour établir un échantillonnage représentatif en vue de passer aux étapes suivantes.

4. Caractérisation des matériaux/5. Détermination des modes de mise en œuvre des blocs

Nous présentons dans ces quatrième et cinquième parties les protocoles de préparation ainsi que les principes et les paramètres d’analyse employés pour les différentes méthodes de caractérisation : pétrographie, observation à fort grossissement (MEB), analyses élémentaires et structurales dans le titre 4 ; expérimentation et analyse tracéologique dans le titre 5.

6. Caractérisation des réseaux d’acquisition/7. Description des modes de préparation/ 8. Définition des fonctions et usages dévolus aux matières colorantes

Dans les titres 6, 7 et 8, nous décrivons les différents processus méthodologiques et interprétatifs mis à contribution pour traiter les problématiques liées respectivement (i) à l’acquisition de matières premières colorantes, (ii) à la préparation et à la transformation de ces matières et (iii) à leur utilisation et aux fonctions qui leur sont dévolues.